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27/01/2021 | FRANCE | N°19-10872

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 janvier 2021, 19-10872


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 117 F-D

Pourvoi n° K 19-10.872

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 JANVIER 2021

M. S... Y..., domicilié [...] , a

formé le pourvoi n° K 19-10.872 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (4e A chambre sociale), dans le litig...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 117 F-D

Pourvoi n° K 19-10.872

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 JANVIER 2021

M. S... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-10.872 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (4e A chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Millegrand espérance, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

L'association Millegrand espérance a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal et le demandeur au pourvoi incident invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'association Millegrand espérance, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 décembre 2018), M. Y... a été engagé le 1er mars 2007 par l'association Millegrand espérance en qualité d'éducateur technique.

2. Il a été licencié pour faute grave le 17 juin 2013.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de condamner l'association à lui payer une somme de seulement 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que sous l'emprise des dispositions antérieures à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à compter du 24 septembre 2017, le salarié qui comptait une ancienneté d'au moins deux ans à la date de son licenciement et dont l'employeur occupait habituellement au moins onze salariés avait droit, lorsque son licenciement intervenait pour une cause qui n'était ni réelle, ni sérieuse, à une indemnité qui ne pouvait être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois ; qu'il est constant que le licenciement de M. Y... est intervenu le 17 juin 2013, que la cour d'appel a elle-même constaté qu'il totalisait 6 ans et 3 mois d'ancienneté et que l'association Millegrand Espérance employait habituellement au moins onze salariés ; qu'en fixant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due au salarié à 5 000 euros, soit moins de 3 mois de salaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est irrecevable comme nouveau.

7. Cependant, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, ce moyen, qui est de pur droit, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1235-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

9. Il résulte de la combinaison de ces articles que le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois pour un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté, dans une entreprise employant habituellement plus de dix salariés.

10. Pour limiter à la somme de 5 000 euros le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient notamment l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (6 ans et 3 mois), sa rémunération mensuelle brute (2 027,57 €), et le nombre de salariés habituellement employés dans l'entreprise (au moins 11 salariés).

11. En statuant ainsi, alors que l'indemnité à la charge de l'employeur ne pouvait être inférieure aux salaires des six derniers mois, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 5 000 euros la condamnation de l'association Millegrand espérance au titre de l' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 5 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;

Condamne l'association Millegrand espérance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Millegrand espérance et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné l'association Millegrand Espérance à payer à M. Y... une somme de seulement 5.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Aux motifs que compte tenu de l'âge du salarié (né le [...] ), de son ancienneté dans l'entreprise (6 ans et 3 mois), du nombre de salariés habituellement employés dans l'entreprise (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brute (2.027,57 €)
et de sa situation actuelle (allocations Pôle Emploi), il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

- 5.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Alors que sous l'emprise des dispositions antérieures à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à compter du 24 septembre 2017, le salarié qui comptait une ancienneté d'au moins deux ans à la date de son licenciement et dont l'employeur occupait habituellement au moins onze salariés avait droit, lorsque son licenciement intervenait pour une cause qui n'était ni réelle, ni sérieuse, à une indemnité qui ne pouvait être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois ; qu'il est constant que le licenciement de M. Y... est intervenu le 17 juin 2013, que la cour d'appel a elle-même constaté qu'il totalisait 6 ans et 3 mois d'ancienneté et que l'association Millegrand Espérance employait habituellement au moins 11 salariés ; qu'en fixant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due au salarié à 5.000 €, soit moins de 3 mois de salaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce. Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l'association Millegrand espérance, demanderesse au pourvoi incident

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. Y... prononcé pour faute grave était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné l'association Millegrand Esperance à verser à ce dernier la somme de 6.082,71 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, celle de 6.082,71 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et celle de 5.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse ; que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui entend s'en prévaloir et qui prétend être libéré du paiement de l'indemnité de préavis et de licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 17 juin 2013 est libellée comme suit : « Monsieur, Vous avez été convoqué à un entretien préalable le 12 juin 2013 au cours duquel, nous vous avons demandé de vous expliquer sur les agissements dont vous avez été l'auteur, à savoir : Le 27 mai 2013, alors qu'il était sous votre responsabilité, et sans accord préalable de la direction, vous avez pris la décision à 17 heures, de laisser le jeune V... G... partir seul et sans surveillance de votre atelier pour regagner son groupe d'internat. Sur le chemin du retour, il a croisé un autre jeune qui l'a frappé à plusieurs reprises au visage. Affolé parce que saignant de façon abondante (selon ses dires et ceux de l'agresseur le lendemain), il a alors rebroussé chemin vers votre atelier et en passant devant vous il a exprimé son intention de fuguer. Vous avez alors pris la décision de le laisser partir à travers les vignes sans tenter de le retenir. Vous avez ensuite quitté votre poste de travail, sans donner l'information à la direction et aux éducateurs de son groupe. Vers 17 h 15 et avant de rentrer chez lui, l'auteur des coups a informé l'éducateur des faits, trop tard hélas, car le jeune G... était déjà parti à travers les vignes. Le lendemain lorsque le directeur est venu faire le point sur ce qui s'était passé, vous vous êtes montré irrespectueux à son égard, faisant fi de ce qu'il pouvait vous dire et préférant vous adresser uniquement au chef de service en vous tournant vers lui. Votre décision de ne pas intervenir pour empêcher la fugue de ce jeune, dont vous ignoriez l'état réel du traumatisme, lui a fait courir un grand risque, ce qui constitue pour nous une non assistance à personne en danger. et une violation grave des obligations découlant de votre contrat de travail. Par votre refus d'intervenir, vous avez affecté l'image de l'établissement aux yeux des parents qui voulaient déposer plainte contre l'établissement. Vous n'ignorez pas aussi que depuis deux ans nous sommes sous la menace d'une fermeture de l'établissement par l'Agence Régionale de la Santé pour des questions de sécurité des jeunes accueillis. Votre décision de ne pas intervenir a fait courir un risque à l'établissement. Lors de l'entretien du 12 juin 2013, vous avez déclaré n'avoir aucune explication à donner par rapport aux faits reprochés, estimant que vous avez fait votre travail. Les éléments que nous avons obtenus après insistance, ne sont pas de nature à modifier notre décision. Pour ces motifs, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave » ; qu'il résulte de ce courrier que l'employeur articule deux griefs, concernant les mêmes faits, à l'encontre du salarié : - son abstention à intervenir, le 27 mai 2013, pour empêcher la fugue d'un pensionnaire et prévenir la direction, alors que celui-ci était, selon l'association, encore sous sa responsabilité au moment des faits ; - un comportement agressif et irrespectueux, au lendemain des faits, le 28 mai 2013, à l'encontre du directeur de l'établissement ; que pour établir la faute grave du salarié, l'employeur produit : - un document interne indiquant la procédure à suivre par les éducateurs en cas d'errance ou de fugue d'un pensionnaire. Le document précise qu'en cas de fugue, « le responsable du jeune à ce moment là, s'il a un groupe en charge, fait appel à la personne ressource, ou en cas de difficulté pour joindre l'intéressé, le chef de service » ; - un rapport précisant les événements indésirables signalés par l'Institut au sujet de M. G... ; que ce rapport indique que sa fugue a été déclarée par M. A..., salarié de l'établissement, le 27 mai 2013 ; - un rapport du 27 juin 2013 établi par M. K..., salarié de l'établissement, qui atteste également de la réalité de la fugue, et de la mobilisation générale qu'elle a engendrée pour retrouver l'élève ; - un rapport de M. B... , infirmier de l'Institut, attestant de la fugue du jeune et de la participation du service soins dans la prise en charge de l'événement ; - un certificat médical établi par le Dr. T... le 28 mai 2013 constatant un oedème au niveau du nez et un hématome au niveau de la pommette gauche de l'élève ; - le planning 2012-2013 du groupe « des grands » en classe et en atelier ; que s'agissant du premier grief, il résulte du planning produit par l'employeur que le lundi 27 mai 2013, l'élève G..., intégré au groupe « des grands », était en atelier de 14 h 00 à 17 h 00 sous la responsabilité de M. S... Y... ; qu'il est constant que le jeune pensionnaire était présent à l'atelier dirigé par ce dernier jusqu'à 17 h 00 et qu'il a été expressément autorisé par le salarié à quitter l'atelier à la fin du cours dispensé, soit à 17 h 00 ; que dès lors que le jeune élève n'était ni en errance ni en fugue à ce moment-là, la « Procédure 14 : errances et fugues » versée aux débats par l'employeur n'était pas applicable et M. S... Y... n'avait aucune obligation d'intervenir au moment où l'élève a quitté son atelier à la fin du cours ; qu'il n'avait a fortiori pas l'obligation de déclarer son errance ou sa fugue ; que l'association Millegrand Espérance ne verse aucun autre document interne que celui traitant des situations d'errances et de fugues qui mettrait à la charge des éducateurs une obligation particulière de surveillance après le temps de formation pédagogique ou même une obligation d'information de la direction à la fin de la séance éducative ; qu'il est constant qu'après avoir fini son cours en atelier, M. S... Y... est monté dans son véhicule pour quitter le site et qu'il a croisé, devant l'atelier, ce même élève ; que si la direction affirme qu'à ce moment-là, l'adolescent avait le nez en sang, le salarié conteste avoir constaté une quelconque blessure ; que l'association Millegrand Espérance indique ensuite que, selon les déclarations des élèves, le jeune garçon aurait dit à M. S... Y... qu'il allait fuguer ; que toutefois, elle ne produit aucun élément probant d'autant que le salarié conteste cette version des faits ; qu'ainsi, les rapports circonstanciés de MM. E... K... et R... B... , le signalement d'événement indésirable rédigé par M. P... A..., n'apportent aucun élément relatif au grief reproché à M. S... Y..., le jeune élève ayant pu être victime de violences après le départ de celui-ci : en effet, ces faits ont eu lieu entre la sortie de l'atelier à 17 h 00 et 17 h 15 ; que le salarié admet seulement ne pas avoir pris la précaution de prévenir un éducateur de la présence de ce jeune homme devant le portail de l'atelier, après la fin du cours ; que toutefois, l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce que le salarié aurait manqué à une obligation contractuelle ou n'aurait pas respecté une note ou procédure interne imposant aux salariés de signaler des événements survenus après la fin de leur service ; que ces faits ne constituent pas un manquement aux obligations contractuelles du salarié dès lors qu'ils se sont produits en dehors de son temps de travail, et que le salarié n'était plus responsable du pensionnaire ; que si le fait pour le salarié de ne pas avoir pris la précaution, même après la fin de sa journée de travail, de prévenir un professionnel de l'établissement de ce que l'un des élèves se trouvait devant l'atelier, est regrettable, cette situation ne constitue pas une faute grave et ne justifie pas le licenciement de l'intéressé ; qu'en conséquence, ce grief doit être écarté ; que s'agissant du second grief, l'employeur produit l'attestation régulière en la forme de M. M... J..., chef de service, lequel indique, qu'à la suite de cet incident, un entretien s'est déroulé le 28 mai 2013 avec le directeur, en sa présence, et que M. S... Y... « a tourné le dos au directeur pendant tout l'échange sans le regarder une seule fois et lui a parlé sur un ton irrespectueux (en haussant la voix et parlant de façon véhémente)
lui reprochant de le chercher depuis son arrivée en tant que Directeur » ; qu'en l'absence de citation précise des propos imputés à M. S... Y..., il résulte seulement de l'attestation produite un comportement incorrect à l'égard du directeur, sans qu'il puisse être retenu une attitude agressive ou des propos agressifs ; que dès lors, en l'absence de toute sanction disciplinaire antérieure, ce comportement ne constituait ni une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse justifiant un licenciement qui apparaît constituer une sanction disproportionnée ; qu'il s'ensuit que le licenciement de M. Y... est dénué de toute cause réelle et sérieuse ; ..... que compte tenu de l'âge du salarié (né le [...] ), de son ancienneté dans l'entreprise (6 ans et 3 mois), du nombre de salariés habituellement employés dans l'entreprise (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brute (2.027,57 euros), de la durée de préavis de 3 mois dont il aurait dû bénéficier en application de l'article L. 5213-9 du code du travail et de sa situation actuelle (allocations Pôle Emploi), il convient de fixer les sommes suivantes à son profit : - 6.082,71 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; - 608,27 euros bruts de congés payés afférents ; - 6.082,71 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; - 5.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce où l'association Millegrand Espérance, dans la lettre de licenciement, reprochait au salarié d'avoir, le 27 mai 2013, alors que le jeune V... G... était sous sa responsabilité, et sans accord préalable de la direction, pris la décision à 17 heures, de laisser ce dernier partir seul et sans surveillance de son atelier pour regagner son groupe d'internat, la cour d'appel, en s'abstenant d'examiner ce grief précis et matériellement vérifiable et en omettant de rechercher si celui-ci ne constituait pas une faute grave justifiant à lui seul le licenciement de M. Y..., a méconnu les limites du litige telles que fixées par la lettre de licenciement et a ainsi violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-6 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le salarié est tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté qui continue à courir en dehors de son temps de travail et qui lui impose de signaler à ce dernier tout fait, dont il a eu connaissance, fût-ce à la fin de son service, qui, se rattachant à la vie de l'entreprise, est susceptible de porter préjudice à l'entreprise ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. Y..., après avoir fini son cours en atelier, était monté dans son véhicule pour quitter le site et avait croisé, devant l'atelier, son jeune élève qu'il venait de laisser, qu'il admettait ne pas avoir pris la précaution de prévenir un éducateur de la présence du jeune homme devant le portail de l'atelier après la fin du cours, et que l'employeur produisait un document interne indiquant la procédure à suivre par les éducateurs en cas d'errance ou de fugue d'un pensionnaire en précisant que le responsable du jeune devait prévenir « la personne ressource » ou « le chef de service », a néanmoins, pour dire que le salarié n'avait pas l'obligation de déclarer l'errance ou la fugue du jeune pensionnaire et juger, en conséquence, le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, énoncé que l'employeur ne rapportait pas la preuve de ce que le salarié aurait manqué à une obligation contractuelle ou n'aurait pas respecté une note ou procédure interne imposant aux salariés de signaler des événements survenus après la fin de leur service et que ces faits ne constituaient pas un manquement aux obligations contractuelles du salarié dès lors qu'ils s'étaient produits en dehors de son temps de travail lorsqu'il n'était plus responsable du pensionnaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le salarié avait commis une faute grave en s'abstenant, au mépris de son obligation de loyauté lui imposant de signaler à l'employeur, même en dehors de son temps de travail, tout fait qui, se rattachant à la vie de l'entreprise, était susceptible de porter préjudice à l'entreprise, de prévenir un éducateur de la situation de errance du jeune homme devant le portail de l'atelier dont il avait eu connaissance juste après la fin de son cours en quittant le site, violant ainsi les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE constitue une faute grave, ou à tout le moins une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, le fait pour un salarié d'adopter un comportement irrespectueux à l'égard de son supérieur hiérarchique ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que lors de l'entretien du 28 mai 2013, M. Y... avait adopté un comportement incorrect à l'égard du directeur, lui tournant le dos pendant tout l'échange sans le regarder une seule fois, a néanmoins, pour écarter le grief de comportement irrespectueux à l'égard du directeur invoqué dans la lettre de licenciement et juger, en conséquence, le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, relevé l'absence de toute sanction disciplinaire antérieure, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le salarié, en adoptant un comportement irrespectueux à l'égard de son supérieur hiérarchique, avait commis une faute grave ou à tout le moins une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, violant ainsi les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-10872
Date de la décision : 27/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jan. 2021, pourvoi n°19-10872


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.10872
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