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27/01/2021 | FRANCE | N°18-20783

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 janvier 2021, 18-20783


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Cassation

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 72 F-P

Pourvoi n° N 18-20.783

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021
>La société Electricité de France, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 18-20.783 contre l'ordonnance rendue le 27 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Cassation

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 72 F-P

Pourvoi n° N 18-20.783

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021

La société Electricité de France, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 18-20.783 contre l'ordonnance rendue le 27 juillet 2018 en la forme des référés par le président du tribunal de grande instance de Paris, dans le litige l'opposant à la société GD déménagement, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Electricité de France, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société GD déménagement, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le président d'un tribunal de grande instance en la forme des référés (Paris, 27 juillet 2018), la société Electricité de France (la société EDF) a lancé, par un avis de marché publié le 3 mai 2018 au Journal officiel de l'Union européenne, une procédure négociée pour le renouvellement d'un accord-cadre multi-attributaire portant sur des prestations de déménagement de bureaux, matériels informatiques et bureautiques, archives et manutentions diverses pour la France métropolitaine. Ce marché était divisé en quatre lots représentant chacun une zone géographique. La date de dépôt des candidatures était fixée au 23 mai 2018.

2. Par quatre courriels du 30 mai 2018, la société EDF a demandé à la société GD déménagement regroupant cinquante quatre entreprises, qui avait déposé une offre pour les quatre lots, un complément d'information. Le 2 juillet 2018, elle lui a notifié le rejet de sa candidature au motif qu'elle ne respectait pas un certain nombre de critères d'aptitude, notamment, qu'elle n'avait pas produit les certificats délivrés par les administrations concernant le respect de ses obligations sociales et fiscales, ni un extrait de l'inscription de chaque opérateur au registre du commerce des sociétés, ni, enfin, la certification ISO de certains des membres du groupement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa septième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société EDF fait grief à l'ordonnance de constater que des atteintes ont été portées aux règles de publicité et de mise en concurrence régissant l'attribution du marché public, de suspendre l'ensemble des décisions par lesquelles elle a écarté la candidature de la société GD déménagement et de lui ordonner de corriger les manquements relevés dans les documents de la consultation et dans la conduite de la procédure, ainsi que de reprendre la procédure de passation en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, alors « que seules sont fondées à saisir le juge du référé précontractuel pour mettre fin aux manquements d'une entité adjudicatrice à ses obligations de publicité et de mise en concurrence les personnes susceptibles d'être lésées par de tels manquements ; que ne remplissent pas cette condition les personnes dont la candidature devait nécessairement être écartée faute pour la déclaration du groupement candidat de comporter la signature de tous les membres de ce groupement ; qu'en se bornant à considérer que des atteintes avaient été portées aux règles de publicité et de mise en concurrence régissant l'attribution du marché litigieux, sans rechercher, comme il y était invité, si la candidature de la société GD déménagement, était régulière au regard notamment de l'absence de signature par l'ensemble des membres du groupement de la déclaration de groupement momentané d'entreprises solidaires, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, ensemble l'article 45 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 5 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique et l'article 45 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, dans sa version antérieure au décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 :

5. Selon le premier de ces textes, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des entités adjudicatrices des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. Il résulte du second que les candidatures et les offres des groupements d'opérateurs économiques, qui participent aux procédures de passation de marchés publics, sont présentées soit par l'ensemble des membres du groupement, soit par un mandataire qui justifie des habilitations nécessaires pour représenter les autres membres du groupement.

6. Pour suspendre l'ensemble des décisions par lesquelles la société EDF a écarté la candidature de la société GD déménagement et lui ordonner de corriger les manquements relevés dans les documents de la consultation et dans la conduite de la procédure de passation du marché, ainsi que de reprendre celle-ci en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, l'ordonnance, après avoir relevé que l'arrêté du 29 mars 2016 fixe la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics et que ces dispositions n'autorisent la société EDF à exiger, dès le stade de la remise des candidatures, que des documents figurant parmi ceux limitativement visés par cet arrêté, retient que la société GD déménagement n'a pas à produire, lors de la phase de candidature, une attestation concernant sa situation fiscale et sociale ni un extrait de moins de trois mois de son inscription au registre du commerce. Après avoir ensuite relevé que si des certifications, telles les certifications ISO 14001 et ISO 9001, peuvent être demandées en application de l'article 44-V du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, l'ordonnance retient que celles-ci doivent être analysées de manière globale et non individuellement pour chaque entreprise constituant ce groupement.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si la candidature de la société GD déménagement était régulière au regard de l'absence de signature de la déclaration de groupement momentané d'entreprises solidaires par l'ensemble des membres du groupement, cependant que la société EDF lui avait demandé de régulariser cette situation et accordé un délai pour y procéder, régularisation à défaut de laquelle la société EDF était fondée à invoquer l'absence d'intérêt à agir de la société GD déménagement, le juge des référés a privé sa décision de base légale.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. La société EDF fait le même grief à l'ordonnance, alors « que le principe selon lequel l'appréciation des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale n'interdit pas au responsable du marché d'exiger que chaque membre du groupement candidat fasse preuve de l'aptitude requise pour l'exécution de l'ensemble des prestations du marché ; qu'en l'occurrence, les documents de la consultation exigeaient que chaque membre du groupement fournisse individuellement les certifications ISO 9001 et ISO 14001 afin de s'assurer que tous les déménagements objets du marché seraient assortis des mêmes garanties de service ; qu'en jugeant néanmoins que ces certifications devaient être analysées de manière globale et non individuellement, après avoir cependant relevé que la société EDF était fondée à exiger ces certifications au stade des candidatures, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a violé les dispositions du V de l'article 44 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 44 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics :

9. Il résulte de ce texte, d'une part, qu'en ce qui concerne les capacités techniques et professionnelles, l'acheteur peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché public en assurant un niveau de qualité approprié et, d'autre part, que l'appréciation des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale et qu'il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des capacités requises pour exécuter le marché public.

10. Pour suspendre l'ensemble des décisions par lesquelles la société EDF a écarté la candidature de la société GD déménagement et lui ordonner de corriger les manquements relevés dans les documents de la consultation et dans la conduite de la procédure de passation du marché, ainsi que de reprendre celle-ci en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, l'ordonnance retient que si des certifications, telles les certifications ISO 14001 et ISO 9001, peuvent être demandées en application de l'article 44-V du décret du 25 mars 2016, celles-ci doivent être analysées de manière globale et non individuellement pour chaque entreprise constituant ce groupement.

11. En statuant ainsi, alors qu'aucune disposition de l'article 44 du décret précité n'interdit à l'acheteur d'exiger, lorsque les spécificités du marché le justifient, que chaque membre du groupement candidat fasse preuve de l'aptitude requise pour l'exécution des prestations de celui-ci, le juge des référés a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 27 juillet 2018 en la forme des référés, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Paris ;

Condamne la société GD déménagement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Electricité de France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société EDF.

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir constaté que des atteintes avaient été portées aux règles de publicité et de mise en concurrence régissant l'attribution du marché public, d'avoir suspendu l'ensemble des décisions par lesquelles la société EDF avait écarté la candidature de la société GD Déménagement, et d'avoir ordonné à la société EDF de corriger les manquements relevés dans les documents de la consultation et dans la conduite de la procédure, et de reprendre la procédure de passation en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

AUX MOTIFS QUE, Sur la production des documents par le candidat à la souscription d'un marché public au moment de l'examen des candidatures, l'article 51-1 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, l'article 50 du décret du 25 mars 2016 et l'article 55 du décret du 25 mars 2016 encadrent les conditions de participation à un marché public et ont vocation à s'appliquer à l'attribution du marché portant sur des prestations de déménagement de bureaux, matériels informatiques et bureautiques, archives et manutentions diverses de la société EDF pour toute la France Métropolitaine, hors Corse ; QUE l'arrêté du 29 mars 2016 fixe la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics ; QUE ces dispositions n'autorisent donc la société EDF à exiger, dès le stade de la remise des candidatures, que des documents figurant parmi ceux limitativement visés par cet arrêté ; QUE, dès lors, la société GD Déménagement n'a pas à produire, lors de la phase de candidature, une attestation concernant sa situation fiscale et sociale ; QU'une simple déclaration sur l'honneur de la société GD Déménagement est donc seule exigible à ce stade de la procédure contractuelle ; QUE, concernant la remise d'un extrait de moins de trois mois de son inscription au registre du commerce de la société candidate, la société EDF n'a pas à demander un extrait Kbis de la société GD Déménagement, au stade de la candidature, en vue de la souscription d'un marché public conformément aux dispositions de l'article 55 du décret du 25 mars 2016 ;

QUE, Sur la méconnaissance des articles 44 et 55 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, la société GD Déménagement est un groupement de 54 entreprises de déménagements réparties sur le territoire national ; QUE la certification ISO 14001 est une certification environnementale garantissant la mise en oeuvre d'un processus respectueux de l'environnement, tandis que la certification ISO 9001 garantit une organisation efficace et structurée de l'entreprise, permettant une haute qualité de service et de réactivité ; QUE la société EDF est fondée à exiger ces certifications au stade des candidatures en application de l'arrêté du 29 mars 2016 ; QUE la société GD Déménagement indique qu'aux termes de l'article 44 du décret du 25 mars 2016, ces certifications ne sont pas exigibles pour chaque entreprise constituant ce groupement, lorsqu'une candidature émane d'un groupement d'opérateurs économiques ; QU'en effet, la société GD Déménagement estime que les capacités techniques et professionnelles d'un groupement fondées sur ces certifications doivent faire l'objet d'une appréciation globale ; QUE la société EDF considère, quant à elle, que seuls 48 sur 54 membres du groupement GD Déménagement ont signé, après sa demande de régularisation du 30 mai 2018, la déclaration des groupements momentanés d'entreprises concernant ces certifications ; QUE la société EDF estime donc que la candidature de la société GD Déménagement doit être rejetée ; QU'il ressort des dispositions de l'article 44 V du décret du 25 mars 2016, qu'au moment de l'appréciation de la candidature de la société GD Déménagement par la société EDF, les certifications ISO 14001 et ISO 9001, doivent être analysées de manière globales et non individuellement pour chaque entreprise constituant ce groupement ; QUE, de plus, l'article 55-I du décret du 25 mars 2016 indique qu'un délai approprié et identique pour tous peut être attribué par l'acheteur en cas de candidature absentes ou incomplètes ; QUE la société GD Déménagement a bénéficié d'un délai de 5 ou de 7 jours complémentaires, selon que l'on compte le jour du point de départ et le jour du terme du délai ou pas, après la date de clôture de dépôt des candidatures ; QUE ce délai apparaît relativement court pour permettre à l'ensemble des membres de la société GD Déménagement, soit 54 membres de se procurer les documents sollicités en temps utile et ne peut donc être considéré comme approprié ; QUE, dans ces conditions, il y a lieu de considérer que des atteintes ont été portées aux règles de publicité et de mise en concurrence régissant l'attribution du marché public litigieux par la SA EDF ; QU'en conséquence, il convient de suspendre l'ensemble des décisions par lesquelles la SA EDF a écarté la candidature du demandeur ;

1°) ALORS QUE seules sont fondées à saisir le juge du référé précontractuel pour mettre fin aux manquements d'une entité adjudicatrice à ses obligations de publicité et de mise en concurrence les personnes susceptibles d'être lésées par de tels manquements ; que ne remplissent pas cette condition les personnes dont la candidature devait nécessairement être écartée faute pour la déclaration du groupement candidat de comporter la signature de tous les membres de ce groupement ; qu'en se bornant à considérer que des atteintes avaient été portées aux règles de publicité et de mise en concurrence régissant l'attribution du marché litigieux, sans rechercher, comme il y était invité (cf. § 16 et s. des conclusions de la société EDF, p. 10 et s.), si la candidature de la société GD Déménagement, était régulière au regard notamment de l'absence de signature par l'ensemble des membres du groupement de la déclaration de groupement momentané d'entreprises solidaires, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, ensemble l'article 45 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

2°) ALORS QU' en tout état de cause, en s'abstenant de répondre au moyen par lequel EDF faisait valoir que la candidature du groupement GD Déménagement était irrégulière vingt cotraitants n'ayant pas signé la déclaration ni remis un quelconque document, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le principe selon lequel l'appréciation des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale n'interdit pas au responsable du marché d'exiger que chaque membre du groupement candidat fasse preuve de l'aptitude requise pour l'exécution de l'ensemble des prestations du marché ; qu'en l'occurrence, les documents de la consultation exigeaient que chaque membre du groupement fournisse individuellement les certifications ISO 9001 et ISO 14001 afin de s'assurer que tous les déménagements objets du marché seraient assortis des mêmes garanties de service ; qu'en jugeant néanmoins que ces certifications devaient être analysées de manière globale et non individuellement, après avoir cependant relevé que la société EDF était fondée à exiger ces certifications au stade des candidatures, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a violé les dispositions du V de l'article 44 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

4°) ALORS QUE les juges ont l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que le courriel du 30 mai 2018 adressé par la société EDF à la société GD Déménagement lui octroyait sans ambiguïté un délai de sept jours pour régulariser son dossier de candidature incomplet, en précisant expressément que les éléments étaient à communiquer « avant le 6 juin 2018 à 14h » ; qu'ainsi, la régularisation pouvait intervenir le jour de l'expiration du délai supplémentaire accordé ; qu'en énonçant que la société GD Déménagement avait bénéficié d'un délai de cinq ou de sept jours complémentaires, selon que l'on compte le jour du point de départ et le jour du terme du délai ou pas, après la date de clôture de dépôt des candidatures, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a dénaturé les termes clairs et précis du courriel du 30 mai 2018, en violation de l'obligation précitée ;

5°) ALORS QUE le délai approprié et identique pour tous que le responsable de marché a la faculté d'accorder aux candidats pour compléter leur dossier de candidature n'est encadré par aucune durée minimale et doit être apprécié au regard du temps dont disposaient les candidats pour présenter leur candidature initiale ; qu'en déduisant le caractère inapproprié du délai de sept jours octroyé après la date de clôture de dépôt des candidatures, de la seule taille du groupement GD Déménagement, sans prendre en considération la nature des documents sollicités et le délai total dont avait bénéficié le groupement pour les produire, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a violé les dispositions du I de l'article 55 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

6°) ALORS QU' en tout état de cause, dans ses conclusions en défense (cf. § 12 et s., p. 8 et s.), la société EDF a rappelé que la société GD Déménagement avait bénéficié d'un délai total de 27 jours pour présenter une candidature complète et a fait valoir que le délai de sept jours supplémentaires octroyé au groupement ne saurait être regardé comme insuffisant, au regard du délai maximal de dix jours prévu par les anciennes dispositions de l'article 52 du code des marchés publics et de la nature des pièces sollicitées, qui étaient des documents standards, dont le groupement prétendait sans l'établir de ne pas être en mesure de les réunir ; qu'en se bornant à affirmer que le délai octroyé apparaissait relativement court pour permettre à l'ensemble des membres de la société GD Déménagement, soit 54 membres, de se procurer les documents sollicités en temps utile et ne pouvait donc être considéré comme approprié, le juge des référés a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE dans ses conclusions (cf. p. 11), la société EDF a fait valoir que, dans le cadre d'une procédure négociée, exiger au stade de la candidature des pièces dont l'absence ferait obstacle à l'attribution du marché afin de négocier avec les seuls candidats pouvant utilement prétendre à la conclusion du marché, ne viciait pas la procédure de passation ; qu'en se bornant à relever que l'attestation concernant la situation fiscale et sociale, ainsi que l'extrait Kbis, demandés aux candidats par la société EDF ne figurait pas parmi les documents limitativement visés par l'arrêté du 29 mars 2016, sans répondre à ce moyen pertinent, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-20783
Date de la décision : 27/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MARCHE PUBLIC - Passation des marchés - Procédure de passation des marchés - Conditions imposées par l'acheteur - Candidat - Aptitude requise pour l'exécution des prestations de marché - Applications diverses - Groupement candidat - Prestations regroupées en lots géographiques requérant l'intervention d'une seule entreprise

S'il résulte de l'article 44 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, d'une part, qu'en ce qui concerne les capacités techniques et professionnelles, l'acheteur soumis aux règles de la commande publique peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché public en assurant un niveau de qualité approprié et, d'autre part, que l'appréciation des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale et qu'il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des capacités requises pour exécuter le marché public, aucune disposition de ce texte n'interdit cependant à l'acheteur d'exiger, lorsque les spécificités du marché le justifient, que chaque membre du groupement candidat fasse preuve de l'aptitude requise pour l'exécution des prestations de celui-ci. Tel est le cas, notamment, lorsque les prestations du marché, regroupées en lots géographiques, requièrent, pour l'exécution de chacune, l'intervention d'une seule entreprise membre du groupement candidat, laquelle devait disposer des capacités attestées par les certifications demandées


Références :

Sur le numéro 1 : Article 5 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique

article 45 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, dans sa version antér
Sur le numéro 1 : ieure au décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018.
Sur le numéro 2 : Article 44 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 27 juillet 2018

N1 Sur le manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence en matière de passation des marchés de la commande publique, à rapprocher : Com., 23 octobre 2012, n° 11-23.521, Bull. 2012, IV, n° 194 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 jan. 2021, pourvoi n°18-20783, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.20783
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