LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 janvier 2021
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 61 FS-P+I
Pourvoi n° B 19-24.296
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2021
L'association union locale CGT, dont le siège est 1 rue Roger place Parmentier, 09000 Foix, a formé le pourvoi n° B 19-24.296 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant à la commune de Foix, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité Hôtel de ville, 45 cours Gabriel Fauré, 09000 Foix, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association union locale CGT, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la commune de Foix, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 septembre 2019), la commune de Foix (la commune) a mis à la disposition de l'union locale CGT (l'UL), sans contrat écrit, des bureaux dans un immeuble appartenant à son domaine privé. Le 4 octobre 2016, la commune a notifié à l'UL un congé à effet du 10 avril 2017 afin de reprendre l'intégralité des locaux occupés par cette dernière.
2. Par acte du 10 juillet 2017, elle l'a assignée en expulsion.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'UL fait grief à l'arrêt d'ordonner son expulsion des locaux, alors « que sont regardés comme des locaux communaux, au sens et pour l'application de l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales les locaux affectés aux services publics communaux ; qu'en se fondant sur les dispositions de ce texte pour juger valable le congé délivré le 4 octobre 2016 par le maire à l'union locale CGT et ordonner l'expulsion de cette dernière des locaux qu'elle occupe et qui relèvent du domaine privé de la commune, la cour d'appel a violé l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales :
5. Selon ce texte, relatif aux services de proximité proposés par les communes, le maire détermine les conditions dans lesquelles des locaux communaux peuvent être utilisés par des associations, des organisations syndicales ou partis politiques qui en font la demande.
6. Si la Cour de cassation a retenu que l'article L. 2143-3, devenu L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales, ne distinguait pas selon la domanialité de ces locaux (1re Civ.,13 mai 2014, pourvoi n° 12-16.784, Bull. 2014, I, n° 80) et si le Conseil d'Etat avait relevé que ces dispositions permettaient à une commune d'autoriser l'utilisation d'un local qui lui appartient (CE Ass., 19 juillet 2011, Commune de Montpellier, n° 313518), sans se prononcer sur la nature domaniale de ce local, il a, ensuite, précisé que sont regardés comme des locaux communaux, au sens et pour l'application des dispositions de ce texte, les locaux affectés aux services publics communaux (CE, 7 mars 2019, Commune de Valbonne, n° 417629).
7. Il y a lieu en conséquence d'harmoniser l'interprétation de ce texte et d'en déduire que le fait qu'un local mis à disposition appartienne au domaine privé de la commune ne permet pas de le regarder comme un local communal au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 2144-3, de sorte que sont applicables à la mise à disposition d'un tel local les dispositions des articles L. 2122-21 et suivants relatives aux attributions du maire exercées au nom de la commune.
8. Pour prononcer l'expulsion de l'UL, après avoir retenu que le maire de la commune était compétent pour mettre fin au contrat de prêt à usage, l'arrêt se fonde notamment sur les dispositions de l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales.
9. En statuant ainsi, alors que les locaux en cause appartenaient au domaine privé de la commune, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le même moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
10. L'UL fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que la délibération du 28 mars 2014 du conseil municipal de Foix a pour objet « délégation Article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales » et autorise le maire à « intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle, et en particulier : (
) – le contentieux en matière de baux, mises à disposition de meubles ou immeubles » ; qu'en se fondant sur cette délibération dont elle a considéré qu'elle était « conforme à l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales » pour retenir que le maire avait le pouvoir de délivrer congé à l'UL pour les locaux relevant du domaine privé de la commune qu'elle occupe dans le cadre d'un commodat depuis quarante ans, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette délibération et violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
11. Pour prononcer l'expulsion de l'UL, après avoir retenu que le maire de la commune était compétent pour mettre fin au contrat de prêt à usage, l'arrêt se fonde notamment sur la délibération du 29 mars 2014 du conseil municipal .
12. En statuant ainsi, alors que la délégation décidée par cette délibération en application de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales relativement à la mise à disposition d'immeubles ne portait que sur le pouvoir d'intenter au nom de la commune des actions en justice ou de défendre celle-ci dans de telles actions, la cour d'appel, qui a dénaturé cette délibération, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la commune de Foix aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'association union locale CGT.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement déféré, prononcé l'expulsion de l'Union locale CGT, de même que celle de tout occupant de son chef, des locaux occupés 1 rue Roger, place Parmentier, située sur la commune de Foix, et au besoin, en ordonnant le concours de la force publique, et d'avoir dit qu'à défaut de libération volontaire de l'immeuble occupé par l'UL CGT Foix dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, celle-ci sera tenue d'une astreinte de 200 € par jour de retard ;
Aux motifs propres que sur la qualification du contrat, il est constant que l'occupation gratuite de deux bureaux de 16,20 m² et 14 m² au 1er étage s'analyse en un commodat ou prêt à usage tel que défini par l'article 1875 du code civil comme le contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi. Et cette surface est l'assiette des locaux objets du commodat. Les articles 1875 et suivants ont donc vocation à régir les relations contractuelles entre les parties.
S'agissant de la compétence du maire pour mettre fin à ce contrat, l'article L 2144-3 du code général des collectivités territoriales (ancien article L 2143-3) en sa version applicable au litige issue de la nouvelle codification de l'article 318-2 du code des communes lui-même codifié par le décret 77-240 du 7 mars 1977 dispose que :
- des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande,
- le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public,
- le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation.
L'article 318-2 susvisé résulte de la loi 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, qui a consacré le principe, reposant jusqu'alors sur la jurisprudence des arrêts du Conseil d'État, de la compétence détenue par le maire en sa qualité d'administrateur des propriétés communales.
Par une délibération du 29 mars 2014, le conseil municipal a habilité le maire à intenter au nom de la commune les actions en matière de baux, mises à disposition de meubles ou immeubles. Cette délibération st conforme à l'article L 2122-21 1° et 6° du code général des collectivités territoriales, en sa rédaction applicable en 2014, selon lequel, sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, le maire est chargé d'une manière générale, d'exécuter les décision du conseil municipal, et en particulier :
1° de conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits
6° de souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements.
Enfin, l'article 2122-22 du code général des collectivités territoriales qui dispose « le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (
) 5° de décider de la conclusion et de la révision du louage de chose pour une durée n'excédant pas douze ans (
) » ne peut trouver à s'appliquer concernant les baux et non le commodat.
Dès lors l'appelante est mal fondée à soutenir que le maire n'avait pas le pouvoir de délivrer les congés.
(
)
Le congé du 4 octobre 2016 sera en conséquence validé et le jugement confirmé en ce qu'il a prononcé l'expulsion de l'union locale CGT (
) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que l'article L 2143-3 n'instaure qu'une simple faculté pour les communes désireuses de favoriser le développement de la vie et la démocratique locale de mettre à disposition des associations, syndicats ou partis politiques des locaux municipaux, qu'ils dépendent du domaine public ou privé de la commune ; que cette disposition légale ne consacre aucunement en faveur des syndicats un droit au prêt des dits locaux ; que la seule restriction qui pèse sur une commune lorsqu'elle use de cette faculté de prêt consiste à veiller à l'égalité de traitement entre les associations, syndicats et partis politiques qui sollicitent l'utilisation de locaux communaux, sauf si une discrimination est justifiée par l'intérêt général ; qu'en l'espèce, la municipalité de Foix sollicite la récupération des locaux dépendant de son domaine privé, utilisés par l'Union locale CGT, laquelle reste la seule organisation syndicale à bénéficier d'une telle mesure ;
ALORS D'UNE PART QUE sont regardés comme des locaux communaux, au sens et pour l'application de l'article L 2144-3 du code général des collectivités territoriales les locaux affectés aux services publics communaux ; qu'en se fondant sur les dispositions de ce texte pour juger valable le congé délivré le 4 octobre 2016 par le maire à l'Union locale CGT et ordonner l'expulsion de cette dernière des locaux qu'elle occupe et qui relèvent du domaine privé de la commune de Foix, la cour d'appel a violé l'article L 2144-3 du code général des collectivités territoriales ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que la délibération du 28 mars 2014 du conseil municipal de Foix a pour objet « délégation Article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales » et autorise le maire à « intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle, et en particulier : (
) – le contentieux en matière de baux, mises à disposition de meubles ou immeubles » ; qu'en se fondant sur cette délibération dont elle a considéré qu'elle était « conforme à l'article L 2122-21 du code général des collectivités territoriales » pour retenir que le maire avait le pouvoir de délivrer congé à l'Union locale CGT pour les locaux relevant du domaine privé de la commune de Foix qu'elle occupe dans le cadre d'un commodat depuis 40 ans, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette délibération et violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
ALORS ENFIN QUE n'est pas valablement délivré le congé qui l'est par une personne n'ayant pas le pouvoir de le faire ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le maire avait le pouvoir de délivrer à l'Union locale CGT congé des locaux relevant du domaine privé de la commune de Foix qu'elle occupe dans le cadre d'un commodat depuis quarante ans, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un tel pouvoir, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1875 et suivants du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement déféré, prononcé l'expulsion de l'Union locale CGT, de même que celle de tout occupant de son chef, des locaux occupés 1 rue Roger, place Parmentier, située sur la commune de Foix, et au besoin, en ordonnant le concours de la force public, et d'avoir dit qu'à défaut de libération volontaire de l'immeuble occupé par l'UL CGT Foix dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, celle-ci sera tenue d'une astreinte de 200 € par jour de retard ;
Aux motifs qu'en ce qui concerne l'engagement unilatéral de relogement contenu dans le courrier du 17 février 2015, l'UL soutient ensuite, sur la base de l'arrêt de cette Cour du 27 juillet 2016, que la commune ayant subordonné son départ à une proposition de relogement, le commodat est toujours en cours.
Par courrier des 17 février et 16 mars 2015, la commune a sollicité la libération des locaux occupés et proposé un relogement au sein de la maison des associations, visitée le 10 mars, et elle a sollicité une réponse de l'UL le 16 mars.
Par une 3ème lettre du 13 mai 2015, elle a fait état d'un incident au cours d'un conseil municipal, investi par des militants CGT au motif que les locaux proposés ne correspondaient pas aux attentes de l'UL. Cette missive maintient l'offre de relogement dans les bureaux 20 et 21 de la maison des associations et un nouveau courrier du 15 juillet 2015 a fixé au 7 septembre 2015 un ultime délai pour accepter l'offre, ce que l'UL refusera par une lettre du 4 septembre 2015, invoquant un droit à un relogement au moins équivalent et digne.
Que la proposition de relogement soit qualifiée d'engagement unilatéral ou d'offre, la commune n'était pas tenue de la maintenir sine die et pouvait la rétracter dans un délai raisonnable. En toute hypothèse, le courrier du 4 septembre y oppose un refus catégorique de sorte que l'UL ne peut plus aujourd'hui se prévaloir d'un engagement quelconque devenu caduc du fait de son refus univoque, étant rappelé que toute offre de la commune d'un relogement dans des conditions comparables à celles existant lors de la conclusion du commodat est formellement refusée par l'UL en l'état du développement de ses diverses activités.
Il n'y a donc pas lieu d'apprécier l'équivalence des locaux proposés au sein de la maison des associations (de 16 et 9,3 m²) bien que l'UL ait disposé dans l'immeuble situé Place Parmentier de deux bureaux de 16,20 m² et 14 m au 1er étage, soit une différence de 4,0 m².
Admettre, comme le soutient l'UL, que la commune s'est définitivement engagée à la reloger et que le commodat perdure tant qu'il n'y a pas accord sur les locaux, reviendrait à conférer à l'UL un droit de jouissance d'une durée indéterminée alors que l'obligation pour le preneur de rendre la chose prêtée après s'en être servi est de l'essence même du commodat. Et lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable.
L'UL fait ensuite état d'une correspondance de la commune du 4 août 2016 (pièce 29) dans les termes suivants « pour la poursuite de vos activités dans les meilleures conditions, je réitère la proposition de la municipalité d'assurer votre relogement au sein de la maison des associations. » Cette lettre n'est pas produite aux débats et la pièce 29 s'avère être le congé pour reprise du 4 octobre 2016 qui ne comporte aucune proposition de relogement. Quant aux termes cités, ils figurent en réalité dans le courrier de la commune en date du 17 février 2015 (pièce 2 de l'appelante). A l'examen des pièces du dossier, il n'y a donc eu aucune réitération de l'offre de relogement en date du 4 août 2016.
Par la suite, la commune de Foix a adressé à l'UL une lettre du 7 septembre 2016 ainsi libellée : « je vous prie de noter que la commune de Foix renonce à se prévaloir du congé qui vous a été délivré par courrier du 17 février 2015 concernant l'immeuble rue Roger, place Parmentier à Foix occupé par votre syndicat. De ce fait, la proposition qui vous avait été faite de reloger votre syndicat dans la « maison des associations » est désormais caduque. En toute hypothèse, la commune de Foix qui ne peut être tenue par un engagement perpétuel dénonce par les présentes ce qui a été qualifié par la cour d'appel de Toulouse d'engagement unilatéral
».
Par un courrier du 14 septembre 2016, l'UL a répondu à la commune « un courrier du 7 septembre 2016 nous informe que vous mettez un terme à la procédure engagée contre l'UL à partir du 15 février 2015 » et une nouvelle missive du 19 décembre 2016 mentionne « la correspondance que vous nous aviez adressée au mois de septembre dernier aux termes de laquelle vous nous indiquiez que la commune acceptait l'augure de la décision rendue par la cour d'appel de Toulouse ». Ces termes établissent que ces courriers se réfèrent à la volonté de la commune de ne pas se pourvoir en cassation à l'issue de l'arrêt de la Cour du 27 juillet 2016. Or cet arrêt rendu en matière de référé n'a pas autorité de chose jugée au fond ; En conséquence, la lettre du 7 septembre 2016, qui conteste la possibilité d'un engagement perpétuel, ne prouve aucune renonciation de la commune à intenter une nouvelle procédure de sorte que celle-ci était fondée à faire délivrer un nouveau congé.
C'est dans ce contexte qu'elle a fait délivrer le 4 octobre 2016 un congé de reprise à effet du 10 avril 2017 que n'interdit par le respect de l'exercice effectif des libertés syndicales, autres que celles propres à la fonction publique territoriale, celui-ci ne créant aucune obligation aux communes de consentir des prêts gracieux et perpétuels de locaux de leur domaine privé.
L'UL critique vainement le fait que la commune de Foix n'a pas souhaité signer de convention écrite dès lors qu'elle ne justifie pas avoir fait une telle demande.
Le congé se fonde sur l'occupation autorisée de deux pièces pour une surface de 30,20 m² (16,2 + 14 m²) au 1er étage de l'immeuble. L'UL ne démontre pas en quoi le délai de six mois imparti par le congé ne serait pas raisonnable. Elle était informée depuis le 16 mai 2015 de la volonté de la commune et il vient d'être jugé que la commune n'avait souscrit aucun autre engagement envers l'UL. A ce stade, il convient de rappeler que l'article 2144-3 du code général des collectivités territoriales ne prévoit qu'une faculté d'utilisation des locaux communaux par les associations, syndicats ou partis politiques, sans obligation pour les communes. Et si l'UL soutient qu'il existe une dizaine d'immeubles laissés vacants par la commune de Foix et qu'elle propose des solutions alternatives de relogement depuis de nombreuses années, elle n'en justifie pas.
Le délai de six mois est suffisant pour libérer les locaux objets du commodat.
Par ailleurs, le congé vise la reprise de « l'intégralité des locaux. » En effet, l'UL a reconnu dans un courrier du 30 septembre 2016 qu'elle occupait l'ensemble du bâtiment, ce qui motivait sa demande de travaux et de changement des verrous de l'immeuble. Et produisant un constat du 25 septembre 2015 sur la consistance des locaux occupés (115 m² répartis en six pièces, hors salle d'attente et toilettes), elle avait antérieurement fait valoir qu'était insuffisante au nom de l'équivalence la proposition de relogement dans 25,3 m² au sein de « la maison des associations »
Les courriers des 19 septembre et 2 octobre 2016 démontrent que la commune s'est opposée aux demandes de travaux de l'UL et a contesté le changement, non autorisé, de la serrure de l'ancienne halte-garderie ainsi que l'occupation de l'entier immeuble.
(
)
Il est ainsi établi qu'au fur et à mesure de la libération des divers locaux par les occupants dûment autorisés par la commune, l'UL a progressivement étendu son occupation à l'ensemble du bâtiment (pour une surface d'environ 200 m² incluant un appartement anciennement occupé par le commissariat de police), ce qui n'est pas contesté. Dès lors, l'UL ne peut légitimement se prévaloir d'un contrat de commodat sur la totalité de l'immeuble que la commune n'a jamais entériné ; Et cette extension s'analyse en une violation du principe général de bonne foi de l'exécution des contrats édicté par l'article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable à l'espèce.
En toute hypothèse, la commune ne pouvait valider l'occupation de pareille surface sauf à violer le principe d'égalité entre syndicats, pourtant revendiqué par l'appelante, dès lors que les autres syndicats ne bénéficient pas du droit d'occuper des locaux d'une superficie comparable pour exercer leur activité.
Enfin, l'UL ne peut se prévaloir d'une atteinte au droit syndical, tel que protégé par les articles 11 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et les recommandations et les rapports du comité des libertés syndicales de l'OIT dès lors que :
- l'exercice de ce droit ne peut légitimer une violation contractuelle,
- la multiplicité de ses activités depuis le 1er décembre 2015 telles que détaillées en pièce 28 et dans ses écritures (manifestations culturelles, gestion de près de 1000 adhérents, permanences, réunions, accueil d'autres associations) n'a pu se réaliser que grâce à l'extension non autorisée de la surface occupée.
Le congé du 4 octobre 2016 sera en conséquence validé et le jugement confirmé en ce qu'il a prononcé l'expulsion de l'Union locale CGT et condamné celle-ci aux entiers dépens ;
ALORS D'UNE PART QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ; qu'en l'espèce, où la Commune de Foix a elle-même subordonné la fin du commodat au relogement préalable de l'Union locale CGT, ce que celle-ci a accepté, la cour d'appel qui a jugé que la Commune était en droit de rétracter cet engagement et de mettre fin au commodat sans reloger le syndicat, et qui a par suite validé le congé délivré le 4 octobre 2016 sans relogement préalable dans des conditions satisfaisantes de l'UL, au motif inopérant d'une divergence entre les parties quant à la consistance des locaux de nature à permettre au syndicat de continuer à assurer les missions qui étaient les siennes à la date du congé, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le local qu'une commune propose à un syndicat, auquel elle a mis des locaux à disposition depuis au moins cinq ans et dont elle décide de lui retirer le bénéfice, doit permettre à ce syndicat de continuer à assurer ses missions ; qu'il en résulte que c'est à la date de la proposition que doit s'apprécier l'adéquation du local proposé aux missions exercées par le syndicat, et non à celle de la mise à disposition des locaux initiaux ; qu'en l'espèce, en jugeant que la Commune de Foix était en droit de rétracter son engagement de reloger l'UL CGT compte tenu du refus de celle-ci d'accepter les locaux qui lui étaient proposés en l'état du développement de ses activités, sans rechercher si ces locaux étaient de nature à permettre au syndicat de continuer à assurer les missions qui étaient les siennes à la date du congé, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1311-18 du code général des collectivités territoriale, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
ALORS ENFIN QUE l'exercice par une commune de la faculté de mettre des locaux à la disposition des syndicats qui en font la demande doit obéir au principe d'égalité des citoyens devant la loi ; qu'en l'espèce, la Commune de Foix, qui met gratuitement des locaux lui appartenant à de nombreux syndicats ne pouvait mettre fin au commodat qu'elle avait consenti depuis 40 ans à l'UL CGT sans lui proposer un autre local lui permettant de continuer à assurer ses missions, l'importance de celles-ci et le nombre de ses adhérents pouvant justifier une différence de superficie de ces locaux par rapport à ceux des autres syndicats ; qu'en jugeant au contraire que la commune pouvait mettre fin au commodat sans reloger l'UL, la cour d'appel a violé l'article L 1311-18 du code général des collectivités territoriales ensemble le principe d'égalité des citoyens devant la loi et les articles 11 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.