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20/01/2021 | FRANCE | N°19-19424

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 janvier 2021, 19-19424


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 50 F-D

Pourvoi n° F 19-19.424

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 JANVIER 2021

1°/ M. D...

Y...,

2°/ Mme K... E..., épouse Y...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° F 19-19.424 contre deux arrêts rendus les 28 novembre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 50 F-D

Pourvoi n° F 19-19.424

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 JANVIER 2021

1°/ M. D... Y...,

2°/ Mme K... E..., épouse Y...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° F 19-19.424 contre deux arrêts rendus les 28 novembre 2017 et 14 mai 2019 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. J... B..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'associé gérant du GAEC du Parc,

2°/ à la société AJUP, en la personne de M. V... C..., domicilié [...] , prise en qualité d'administrateur provisoire et de commissaire à l'exécution du plan du GAEC du Parc,

3°/ à M. P... H..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire judiciaire du GAEC du Parc,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme Y..., de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de MM. B..., C... et H... ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Poitiers, 28 novembre 2017 et 14 mai 2019), rendus sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 décembre 2014, pourvoi n° 13-24.623) M. et Mme Y... ont adhéré au groupement agricole d'exploitation en commun Le Parc (le GAEC), dont MM. J... et Q... B... étaient déjà associés.

2. En novembre 2007, le GAEC a obtenu du Crédit agricole deux prêts d'un montant global de 270 000 euros pour financer la construction d'une installation de production laitière sur un terrain appartenant à un tiers.

3. Estimant avoir été trompés sur la situation financière du GAEC, M. et Mme Y... l'ont assigné, de même que ses associés, en annulation de leur adhésion et en paiement de diverses sommes.

4. Le GAEC a été mis en redressement judiciaire le 9 juin 2009. Un plan de redressement a été arrêté le 14 février 2012, M. C... étant désigné en qualité de commissaire à son exécution.

5. Par un arrêt du 4 juin 2013, la cour d'appel d'Angers a prononcé l'annulation de l'adhésion de M. et Mme Y... au GAEC. Cet arrêt a été cassé en ce qu'il a déclaré recevables les prétentions de M. et Mme Y... contre le GAEC au titre des restitutions, et, avant dire droit, ordonné une expertise.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. et Mme Y... font grief à l'arrêt du 28 novembre 2017 de les déclarer irrecevables en leurs demandes relatives à leur créance de restitution consécutive à l'annulation de leur adhésion au GAEC à effet du 1er septembre 2007, alors « qu'en se bornant pour déclarer irrecevables les demandes relatives aux créances de restitution consécutives à l'annulation de l'adhésion des époux Y... au GAEC, à énoncer que ces créances de restitution nées régulièrement après le jugement d'ouverture étaient soumises à déclaration, sans constater l'exigibilité de ces créances sans laquelle aucun délai de déclaration et partant aucune forclusion ne pouvait être opposée aux époux Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-24 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. Retenant exactement que les demandes formées par M. et Mme Y... au titre de leurs créances de restitution et de remise des parties dans l'état antérieur à leur adhésion sont consécutives à l'annulation de celle-ci et que ces différentes créances, dont il indique la teneur, se rapportent à la période durant laquelle M. et Mme Y... étaient associés du GAEC sans qu'ils ne donnent d'explication sur le défaut de déclaration et les conséquences qui en découlent, l'arrêt relève qu'aucune de ces créances, postérieures au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, ne se rattache au déroulement de cette procédure collective ou ne constitue la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour les besoins de son activité professionnelle.

8. M. et Mme Y... n'ayant jamais soutenu avoir déclaré leurs créances de restitution et de remise en état, comme ils auraient dû malgré le caractère postérieur de ces créances, ni que celles-ci n'auraient pas été exigibles, la cour d'appel n'avait pas à effectuer le constat dont le moyen lui reproche l'omission.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

10. M. et Mme Y... font grief à l'arrêt du 14 mai 2019 de les condamner solidairement à payer au GAEC la somme de 416 291 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'en se fondant pour déclarer inopérantes les critiques des époux Y... sur l'évaluation des créances de restitution par l'expert, sur l'existence d'un débat contradictoire des parties sur les pièces dans le cadre des opérations d'expertise, sans procéder comme elle y était invitée, à l'appréciation qui lui incombait de la valeur du rapport d'expertise soumis à son examen, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 12 du code de procédure civile et 1353 ancien du code civil ;

2°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions des époux Y... qui pour contester l'évaluation de l'expert, faisaient valoir que certaines factures retenues par l'expert judiciaire n'étaient pas réglées et que d'autres avaient été réglées par l'administrateur sans que le travail ait été effectué, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions des époux Y... qui faisaient valoir que les fonds prêtés pour le financement de la construction avaient été détournés pour servir à rembourser des prêts personnels des frères B... et que les frais financiers liés à ce prêt ne pouvaient dès lors leur être imputés, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. L'arrêt, après avoir rappelé que la mission confiée à l'expert judiciaire était de chiffrer le montant des restitutions dues par M. et Mme Y... au titre du coût de la construction de la stabulation financée par le GAEC, indique que les critiques de M. et Mme Y... sur les créances de restitution sont inopérantes car l'ensemble des pièces produites par les parties a pu être discuté par elles dans le cadre des opérations d'expertise et qu'il n'est pas contestable que le financement de la construction a induit des frais financiers. Il retient l'avis du technicien qui a conclu que le coût de revient de ce bâtiment, justifié par des factures, s'élève à 268 575 euros, auquel s'ajoutent les frais financiers supportés par le GAEC, estimés à 147 716 euros sur onze ans.

12. Dans la mesure où le montant de la créance de restitution est déterminé par le seul coût des financements affectés à la construction et non par référence au montant total des prêts contractés par le GAEC, le fait qu'une partie des fonds empruntés ait pu être détournée par les consorts B... est sans incidence sur son calcul et, à l'exception de la facture de la société [...], d'un montant de 7 591 euros, dont ils prétendent qu'elle n'aurait jamais été réglée par le GAEC, M. et Mme Y... n'indiquent pas dans leurs conclusions quelles autres factures seraient demeurées impayées.

13. En suivant l'avis circonstancié du technicien, dont elle a souverainement apprécié la valeur, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties et à répondre à des écritures dépourvues d'offre de preuve a, sans méconnaître son office, répondu aux conclusions prétendument délaissées.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa dernière branche

Enoncé du moyen

15. M. et Mme Y... font le même grief à l'arrêt du 14 mai 2019, alors « que la créance de restitution ne peut excéder la somme nécessaire à une remise en état des parties ; qu'en entérinant sans aucune vérification des stipulations du contrat de prêt, la somme retenue par l'expert au titre des frais financiers, quand ce dernier précisait que le contrat de prêt conclu pour le financement de la construction de la station de stabulation ne lui avait jamais été communiqué et qu'il ne pouvait par conséquent se livrer qu'à une estimation des frais financiers, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1304 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

16. Il ne résulte ni de l'arrêt ni de leurs conclusions que M. et Mme Y..., qui ont reconnu avoir repris le bâtiment à usage de stabulation à son coût de revient, aient critiqué l'évaluation faite par l'expert judiciaire des frais financiers consécutifs à son édification.

17. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est donc pas recevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme Y... et les condamne à payer au GAEC Le Parc la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué (Cour d'appel de Poitiers 28 novembre 2017) d'avoir déclaré M. et Mme Y... irrecevables en toutes leurs demandes relatives à leur créance de restitution consécutive à l'annulation de leur adhésion au GAEC à effet du 1er septembre 2007 ;

AUX MOTIFS QUE les demandes formées par les époux Y... au titre des restitutions sont consécutives à l'annulation de leur adhésion au GAEC, décision définitive l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers n'ayant pas été cassé sur ce point, il convient de rechercher si ces créances bien que postérieures au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie au GAEC.

Les époux Y... développent essentiellement leurs moyens sur leurs diverses créances de restitution qu'ils estiment avoir envers le GAEC du Parc se bornant à dire qu'elles procèdent de la remise en état des parties avant la convention d'adhésion annulée, sans s'expliquer sur le défaut de déclaration de leur créance et les conséquences qui en découlent.

Ils demandent diverses sommes et notamment au titre de la souscription de parts du GAEC, des comptes courants d'associé arrêtés au 31 mars 2008 d'un surcoût de cotisations MSA et d'impôt sur le revenu 2008 ainsi que l'indemnisation d'un manque à gagner, toutes demandes se rapportant à la période durant laquelle ils ont été associés du GAEC.

Ce simple énoncé démontre qu'aucune de ces créances ne peut se rattacher par quelque lien que ce soit au déroulement de la procédure collective et ne lui été d'aucune utilité. De même elles ne constituent pas une contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour les besoins de son activité professionnelle.

Ces diverses créances dites de restitution visant à indemniser les époux Y... en conséquence de l'annulation de leur adhésion au GAEC du Parc au titre des apports au profit de celui-ci et non restitués en nature, étaient donc soumises à déclaration faute de quoi ces demandes en application des textes précités seront déclarées irrecevables.

ALORS QU' en se bornant pour déclarer irrecevables les demandes relatives aux créances de restitution consécutives à l'annulation de l'adhésion des époux Y... au GAEC, à énoncer que ces créances de restitution nées régulièrement après le jugement d'ouverture étaient soumises à déclaration, sans constater l'exigibilité de ces créances sans laquelle aucun délai de déclaration et partant aucune forclusion ne pouvait être opposée aux époux Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 622-24 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué (Cour d'appel de Poitiers 14 mai 2019) d'avoir condamné solidairement les époux Y... à payer au Gaec du Parc la somme de 416.291 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE sur les demandes relatives au coût de la construction de la stabulation financée par le Gaec du Parc, les appelants se fondant sur le rapport d'expertise de M. W... demandent la condamnation des époux Y... à leur payer la somme de 416.291 euros ; que l'expert a conclu ainsi : « Les restitutions dues par les époux Y... sont constituées par le cout de revient des bâtiments et par le coût de financement des travaux. Le coût de revient des bâtiments justifié par des factures s'élève à 268.575 euros. A ce coût s'ajoutent les frais financiers supportés par le Gaec estimés à 147.716 euros sur 11 ans (du 1er décembre 2007 au 30 novembre 2018) ».

Les critiques des intimés sur l'évaluation de ces créances de restitution sont inopérantes dès lors que l'expert s'est fondé sur l'ensemble des pièces produites par les parties qui ont pu les discuter dans le cadre des opérations d'expertise contradictoires. Il n'est pas contestable que le financement de la construction de la station de stabulation sur un terrain appartenant à un tiers au Gaec, a induit des frais financiers liés à la souscription par ce dernier des emprunts affectés à cette opération.

Il sera donc fait droit à la demande des appelants conforme à l'évaluation faite par l'expertise judiciaire ;

1°- ALORS QU'en se fondant pour déclarer inopérantes les critiques des époux Y... sur l'évaluation des créances de restitution par l'expert, sur l'existence d'un débat contradictoire des parties sur les pièces dans le cadre des opérations d'expertise, sans procéder comme elle y était invitée, à l'appréciation qui lui incombait de la valeur du rapport d'expertise soumis à son examen, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 12 du code de procédure civile et 1353 ancien du code civil ;

2°- ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions des époux Y... qui pour contester l'évaluation de l'expert, faisaient valoir que certaines factures retenues par l'expert judiciaire n'étaient pas réglées et que d'autres avaient été réglées par l'administrateur sans que le travail ait été effectué, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°- ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions des époux Y... qui faisaient valoir que les fonds prêtés pour le financement de la construction avaient été détournés pour servir à rembourser des prêts personnels des frères B... et que les frais financiers liés à ce prêt ne pouvaient dès lors leur être imputés, la Cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°- ALORS QUE la créance de restitution ne peut excéder la somme nécessaire à une remise en état des parties ; qu'en entérinant sans aucune vérification des stipulations du contrat de prêt, la somme retenue par l'expert au titre des frais financiers, quand ce dernier précisait que le contrat de prêt conclu pour le financement de la construction de la station de stabulation ne lui avait jamais été communiqué et qu'il ne pouvait par conséquent se livrer qu'à une estimation des frais financiers, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1304 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-19424
Date de la décision : 20/01/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 14 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 jan. 2021, pourvoi n°19-19424


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.19424
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