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20/01/2021 | FRANCE | N°19-11332

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 janvier 2021, 19-11332


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 58 F-D

Pourvoi n° K 19-11.332

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 JANVIER 2021
>La société Caisse de crédit mutuel de Roye, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.332 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 58 F-D

Pourvoi n° K 19-11.332

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 JANVIER 2021

La société Caisse de crédit mutuel de Roye, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.332 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme D... R... , épouse C..., domiciliée [...] ,

2°/ à la société [...], société anonyme, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de Roye, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Caisse de crédit mutuel de Roye du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme C....

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 novembre 2018) et les productions, Mme C..., titulaire d'un compte dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de Roye (la banque), a demandé à un tribunal d'instance la condamnation de la banque à lui rembourser le montant d'opérations de paiement réalisées sur ce compte au moyen des systèmes de paiement « Payweb » et « e-retrait », qu'elle contestait avoir autorisées.

3. Invoquant le fait que la fraude alléguée par Mme C... n'avait été rendue possible que par une faute de l'opérateur de téléphonie de cette dernière, la société [...], qui avait permis au fraudeur d'accéder aux SMS de validation des opérations, la banque a appelé cette société en intervention forcée afin qu'elle la garantisse de l'intégralité des sommes qu'elle serait condamnée à payer à Mme C....

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors « que l'opérateur téléphonique est tenu d'une obligation de vigilance dans la transmission des communications entre son client et les tiers ; qu'il doit à ce titre s'assurer de l'identité de la personne sollicitant l'achat ou le changement de la carte SIM permettant le fonctionnement de son téléphone mobile ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société [...] n'avait pas manqué à son obligation de vigilance en ne s'assurant pas de l'identité de la personne ayant sollicité le transfert de la ligne de Mme C... sur une autre carte SIM, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1382, devenus 1231-1 et 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

6. Pour rejeter la demande de la banque tendant à ce que la société [...] la garantisse des condamnations mises à sa charge, après l'avoir condamnée à rembourser à Mme C... le montant des opérations contestées, l'arrêt retient que la banque ne démontre pas que la carte SIM de Mme C... a été délivrée ou transférée à un tiers, puisque la lettre que l'opérateur de téléphonie a envoyée à la banque le 10 septembre 2014 révèle l'absence de transfert ou de délivrance aux fraudeurs de cette carte SIM et le fait que cet opérateur a constaté que des réseaux d'escrocs organisés avaient, par des moyens frauduleux sophistiqués, réussi à s'approprier les données personnelles de certains clients d'opérateurs de services téléphoniques, ce qui leur avait permis de faire transférer les lignes sur des cartes SIM pour recevoir les codes secrets permettant de finaliser les virements bancaires, puis en déduit que la faute invoquée par la banque repose sur une affirmation erronée de la part de celle-ci, et en tout cas non étayée.

7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la banque qui soutenait que l'auteur des opérations frauduleuses, s'il ne s'était pas fait délivrer une carte SIM destinée à Mme C..., avait fait transférer la ligne téléphonique de cette dernière sur une carte SIM en sa possession et que la société [...] avait, à cette occasion, manqué à ses obligations contractuelles envers Mme C..., la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Caisse de crédit mutuel de Roye de sa demande de garantie et en ce qu'il statue, dans les rapports entre les sociétés Caisse de crédit mutuel de Roye et [...], sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer à la société Caisse de crédit mutuel de Roye la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Caisse de crédit mutuel de Roye.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir condamné la Caisse de Crédit Mutuel de ROYE à rembourser à Madame C... la somme de 2.907,17 €, ainsi qu'à payer à Madame C... la somme de 500 € au titre de son préjudice moral, D'AVOIR débouté la Caisse de Crédit Mutuel de ROYE de sa demande de garantie de toutes les sommes mises à sa charge dirigée contre la société [...],

AUX MOTIFS QUE « La banque demande par ailleurs à être garantie par l'opérateur des condamnations mises à sa charge, en faisant principalement valoir que celui-ci, tenu d'une obligation de résultat quant à la sécurité, a commis une faute de nature à lui causer un préjudice. Elle souligne à effet que, si les opérations de paiement frauduleuses n'ont pu avoir lieu sans l'identifiant, le mot de passe et la carte de clés personnelle de Mme R... , il n'en demeure pas moins que l'opération n'aurait pu avoir lieu sans le code de confirmation à six chiffres adressé par SMS à l'appelante. Selon la banque, l'opérateur a commis une faute en délivrant ou transférant la carte SIM, sans le consentement de Mme R... , à un tiers. En l'absence de tout lien contractuel entre la banque et l'opérateur, le fondement de la responsabilité recherchée ne peut que résulter des dispositions de l'article 1382 devenu 1240, du code civil. Il convient à cet égard de rappeler que, si un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel, encore faut-il que ce manquement lui ait causé un dommage, le seul manquement à une obligation contractuelle de résultat étant impropre à caractériser une telle faute. S'il n'est pas contestable que l'opérateur était tenu à l'égard de Mme R... d'une obligation de résultat l'obligeant à prendre les mesures propres à empêcher toute utilisation frauduleuse des données personnelles enregistrées au moyen de sa carte sim, la banque ne démontre pour autant en aucun cas que cette carte a été délivrée ou transférée à un tiers, puisque le courrier électronique que l'opérateur a envoyé à l'appelante le 10 septembre 2014 révèle au contraire l'absence de transfert ou de délivrance aux fraudeurs de la carte sim et seulement le fait que l'opérateur a constaté que des réseaux d'escrocs organisés avaient, par des moyens frauduleux sophistiqués, réussi à s'approprier les données personnelles de certains clients d'opérateurs de services téléphoniques, ce qui leur avait permis de faire transférer les lignes sur des cartes sim pour recevoir les codes secrets permettant de finaliser les virements bancaires. Outre que les faits soi-disant fautifs reposent sur une affirmation erronée de la banque et en tous cas non étayée, rien ne démontre en quoi le manquement contractuel de l'opérateur constitue une faute délictuelle ouvrant au profit de la banque un quelconque droit à indemnisation. La demande de la banque ne peut donc qu'être rejetée » ;

1°) ALORS QUE le débiteur d'une obligation de résultat ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en cas de force majeure ; que la cour d'appel, après avoir pourtant relevé qu'il n'était pas contestable que l'opérateur de téléphonie était tenu à l'égard de Madame C... d'une obligation de résultat l'obligeant à prendre les mesures propres à empêcher toute utilisation frauduleuse des données personnelles enregistrées au moyen de sa carte SIM, a retenu, pour rejeter le recours en garantie du Crédit Mutuel contre la société [...], que la banque ne rapportait pas la preuve d'une faute de cet opérateur ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses constatations que des fraudeurs avaient réussi à s'approprier les données personnelles de certains clients d'opérateurs de services téléphoniques, ce qui leur avait permis de faire transférer les lignes sur des cartes SIM pour recevoir les codes secrets permettant de finaliser les virements bancaires litigieux, ce qui caractérisait un manquement de la société [...] à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de sa cliente, que la banque pouvait invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'opérateur, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 (devenus 1231-1 et 1240) du code civil ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'opérateur téléphonique est tenu d'une obligation de vigilance dans la transmission des communications entre son client et les tiers ; qu'il doit à ce titre s'assurer de l'identité de la personne sollicitant l'achat ou le changement de la carte SIM permettant le fonctionnement de son téléphone mobile ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par la Caisse de Crédit Mutuel de ROYE (ses conclusions d'appel, p. 31) si la société [...] n'avait pas manqué à son obligation de vigilance en ne s'assurant pas de l'identité de la personne ayant sollicité le transfert de la ligne de Madame C... sur une autre carte SIM, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1382 (devenus 1231-1 et 1240) du code civil ;

3°) ALORS QUE toute faute ayant concouru à la réalisation d'un dommage engage la responsabilité de son auteur ; qu'en l'espèce, la Caisse de Crédit Mutuel de ROYE faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 30 à 32) que la société [...] avait commis une faute en ne s'assurant pas de l'identité de la personne qui avait sollicité le transfert de la ligne de Madame C... sur une autre carte SIM ; qu'en retenant qu' « outre que les faits soi-disant fautifs reposent sur une affirmation erronée de la banque et en tous cas non étayée, rien ne démontre en quoi le manquement contractuel de l'opérateur constitue une faute délictuelle ouvrant au profit de la banque un quelconque droit à indemnisation », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société [...] n'avait pas commis une faute ayant permis la réalisation des détournements litigieux en ne mettant pas en place un système de contrôle de l'identité des personnes sollicitant un transfert de données vers une autre carte SIM, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 (devenu 1231-1) ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-11332
Date de la décision : 20/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 27 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 jan. 2021, pourvoi n°19-11332


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.11332
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