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17/12/2020 | FRANCE | N°19-14374

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 décembre 2020, 19-14374


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 décembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 953 F-D

Pourvoi n° S 19-14.374

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020

La société Synergie, société à responsabilité limitée,

dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-14.374 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Limoges (1re chambre civile...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 décembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 953 F-D

Pourvoi n° S 19-14.374

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020

La société Synergie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-14.374 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 par la cour d'appel de Limoges (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Technip France, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société [...], société anonyme, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La société Technip France et la société [...] ont chacune formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La société Synergie, demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La société Technip France, demanderesse à un pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La société [...], demanderesse à un pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Synergie, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Technip France, de Me Le Prado, avocat de la société [...], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 10 janvier 2019), le 6 octobre 1999, afin de réaliser la construction d'une usine, la société [...] a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre avec un architecte et les sociétés Technip France (la société Technip), Synergie et Betec. Par contrat du 2 octobre 2000, elle a confié l'exécution des travaux relevant du lot « froid industriel et climatisation » à la société IMEF, aux droits de laquelle vient la société [...] (la société [...]).

2. Se plaignant de désordres, la société [...] a, après expertise, assigné les sociétés [...], Technip et Synergie en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche, le moyen unique du pourvoi incident de la société [...], pris en sa seconde branche, et le premier moyen du pourvoi incident de la société Technip, réunis

Enoncé du moyen

3. Par son moyen unique, pris en sa première branche, la société Synergie fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les sociétés Technip et [...] à payer certaines sommes à la société [...] pour la réparation des désordres et à titre de dommages-intérêts et de fixer, pour leurs recours entre elles, les parts de responsabilité mises à leur charge à un tiers pour chacune, alors :

« 1°/ que les équipements industriels ne relèvent pas en principe de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que plusieurs équipements industriels fonctionnant indépendamment les uns des autres ont été installés dans une usine de conditionnement de fruits, en application d'un contrat conclu en 2000, sans que ces installations ne nécessitent de travaux de construction mais uniquement des travaux de pose ; que la cour a jugé que ces équipements industriels, situés dans divers bâtiments de l'usine, reliés entre eux par les armoires électriques et un réseau de canalisations posées au sol qui traversent les cloisons et sont fixées à l'ossature métallique, constituaient un ensemble technique qui, compte tenu de son importance et de sa technicité, doit être qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; que ce faisant, la cour n'a caractérisé ni l'existence d'un ouvrage ni la mise en oeuvre de travaux de construction et a donc violé l'article 1792 du code civil. »

4. Par le moyen unique, pris en sa seconde branche, de son pourvoi incident, la société [...] fait grief à l'arrêt de condamner la société Synergie, in solidum avec la société Technip et elle, à payer certaines sommes à la société [...] pour la réparation des désordres et à titre de dommages-intérêts et de fixer, pour leurs recours entre elles, les parts de responsabilité mises à leur charge à un tiers pour chacune, alors :

« 2°/ que les désordres affectant des éléments d'équipement industriel ne peuvent relever de la garantie décennale que s'ils constituent un ouvrage de nature immobilière ou la mise en oeuvre d'une construction immobilière au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'ayant retenu que la construction de l'usine agro-alimentaire s'étendait à l'implantation d'une chaine de conditionnement comprenant divers éléments d'équipement (surgélateur, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, chambres froides) concernés par les désordres, que ces éléments, situés dans divers bâtiments de l'usine étaient reliés à des armoires électriques et raccordés entre eux par un réseau de canalisations traversant les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et fixées à l'ossature métallique par des ponts d'ancrage, la cour d'appel a énoncé que cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, devait être, compte tenu de son importance et de sa technicité, qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser l'existence d'un ouvrage de nature immobilière ou la mise en oeuvre d'une construction immobilière, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil. »

5. Par le premier moyen de son pourvoi incident, la société Technip fait grief à l'arrêt de condamner la société Synergie, in solidum avec la société [...] et elle à payer certaines sommes à la société [...] pour la réparation des désordres et à titre de dommages-intérêts, alors « qu'un élément d'équipement industriel ne constitue pas un ouvrage soumis à la garantie décennale des constructeurs lorsque son installation ne nécessite pas la mise en oeuvre de travaux de construction ; qu'en l'espèce, plusieurs éléments d'équipement industriels ont été installés au sein d'une usine agroalimentaire appartenant à la société [...], afin d'assurer le conditionnement et le stockage de fruits (chambres froides, surgélateurs, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, tunnels de surgélation) ; que la cour d'appel a considéré que ces éléments d'équipement industriels, situés dans divers bâtiments de l'usine, reliés entre eux par les armoires électriques et un réseau de canalisations posées au sol qui traversent les cloisons et sont fixées à l'ossature métallique, constituaient un ensemble technique qui, compte tenu de son importance et de sa technicité, devait être qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en jugeant ainsi que les éléments d'équipement industriels installés constituaient un ouvrage, sans caractériser l'existence d'un ouvrage ou la mise en oeuvre de travaux de construction, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

6. Selon ce texte, tout constructeur est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

7. Pour condamner les sociétés Synergie, Technip et [...] à payer certaines sommes à la société [...], l'arrêt retient que la centrale frigorifique installée dans l'usine comprend des chambres froides, des appareils techniques divers et complexes qui occupent plusieurs locaux de l'usine et sont reliés à des armoires électriques, qu'ils sont également raccordés entre eux par un réseau d'importantes canalisations qui traversent les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et sont fixées à l'ossature métallique de l'immeuble par des points d'ancrage et que, même si certaines machines sont seulement posées au sol, cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, doit être, compte tenu de son importance et de sa technicité, qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.

8. En statuant ainsi, alors que l'installation atteinte de désordres ne relevait pas des travaux de construction faisant l'objet de la garantie légale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société [...] aux dépens des pourvois ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Synergie.

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Synergie, in solidum avec les sociétés Technip et [...], à payer à la société [...] les sommes de 32 697,82 euros HT au titre de la réparation des évaporateurs, 22 417,17 € au titre de la perte de marchandise dans les congélateurs, 45 064,76 € HT pour la réparation de la tour de refroidissement, 16 392 euros HT au titre du remplacement des trois compresseurs du groupe froid, 6 862,10 € HT pour la ventilation des chambres froides, 786 311,70 euros au titre des tunnels de surgélation et 100 000 euros de dommages et intérêts, et d'avoir dit que dans leurs recours entre elles, la part de responsabilité mise à la charge de ces sociétés sera de 1/3è,

Aux motifs que « Sur la garantie décennale
Attendu que la société [...] soutient que le bien affecté des désordres constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, ce que contestent les sociétés Technip et [...].
Attendu que le contrat signé le 6 octobre 1999 – donc antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005 – entre la société [...] et l'équipe de maîtrise d'oeuvre, composée des sociétés Technip, Synergie et Betec, porte sur la construction d'une usine agroalimentaire ; qu'il résulte tant de la description du projet que des photographies versées aux débats que la construction s'étendait notamment à l'implantation d'une chaîne de conditionnement comprenant divers éléments, ces derniers étant plus particulièrement concernés par les désordres.
Attendu que cette installation, dont la mise en place a été précédée de travaux d'étude, comprend des chambres froides, des appareils techniques divers et complexes (surgélateur, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, chambres froides) qui occupent plusieurs locaux de l'usine qui les abrite et qui sont reliés à des armoires électriques ; qu'ils sont également raccordés entre eux par un réseau d'importantes canalisations dont les photographies révèlent qu'elles traversent les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et qu'elles sont fixées à l'ossature métallique de l'immeuble par des point d'ancrage ; que, même si certaines machines sont seulement posées au sol, cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, doit être, compte tenu de son importance et de sa technicité, qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel n'étant pas sur ce point tenue par les motifs de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2014, rendu en matière de référé provision, d'autant que la question de la qualification de l'ouvrage n'avait pas été posée à cette juridiction, pas plus que par l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi (Poitiers, 13 février 2015).
(
)
Que ces désordres relèvent de la garantie décennale des constructeurs, en l'occurrence :
- Les sociétés Technip et Synergie signataires du contrat de maîtrise d'oeuvre,
- La société [...], venant aux droits de la société Imef liée à la société [...] par contrat du 2 octobre 2000.
« Sur la réparation des préjudices subis par la société [...]
Attendu qu'il convient ici de reprendre successivement les éléments de l'installation concernés par les désordres.
1) Les évaporateurs
Attendu que la société [...] a produit des factures de réparation et fourniture ainsi que de location d'une nacelle pour un montant total de 29 117,82 euros HT ; que le tribunal de grande instance a justement ajouté à cette somme la valeur de la marchandise perdue le 26 octobre 2006 représentant 1 080 euros ainsi que le coût d'intervention du personnel de l'usine au-delà de l'horaire normal pour un montant limité à 2 500 euros, soit au total une somme de 32 697,82 euros HT, provision non déduite, qui sera confirmée.
2) Les congélateurs de produits finis et matières premières
Attendu que le désordre affectant ces congélateurs a été réparé par un réétalonnage des sondes sans donner lieu à l'établissement d'une facture d'intervention ; que, pour autant, l'expert a constaté que la société [...] avait subi un réel préjudice de ce chef constitué par la perte de la qualité de la marchandise stockée, que l'évaluation de cette perte par cette société, qui la chiffre au montant de 22 417,17 euros retenu par l'expert judiciaire, n'est pas utilement critiqué par les constructeurs ; que cette somme sera allouée à la société [...].
3) La tour de refroidissement
Attendu que les factures de réparation de la tour de refroidissement s'élèvent, après déduction de la facture d'huissier dont le lien avec les opérations de réparation n'est pas démontré, au montant de 45 064,76 euros HT ; que cette somme, provision non déduite, sera allouée à la société [...].
4) Le groupe froid Pesto
Attendu que la société [...] réclame au titre du désordre affectant ce matériel une somme de 36 884,76 € HT sur la base de onze factures qui, compte tenu de leurs dates, ont toutes pu être soumises à l'expert judiciaire ; que ce technicien n'a retenu, au titre du préjudice subi de ce chef par la société [...] que le seul remplacement de trois compresseurs représentant un coût total de 16 392 euros HT ; que cette dernière somme sera allouée à la société [...], cette dernière ne démontrant pas que le surplus des sommes facturées dont elle demande le remboursement soit en lien avec le désordre.
5) La présence de CO2 dans la chambre froide
Attendu que l'expert judiciaire a chiffré le coût des travaux de reprise de la ventilation au montant de 19 678,10 euros HT ; que cependant, la société [...] justifie que le coût des travaux de reprise de la ventilation qu'elle a supporté se limite au montant de 6 862,10 euros ; que cette dernière somme sera allouée à la société [...].
6) Les tunnels de surgélation n° 2 et 3
Attendu que l'expert judiciaire a eu recours à un sapiteur qui a considéré (note n° 3 du 30 mars 2012 p. 81 à 86 visée dans le rapport d'expertise p. 24) qu'il n'était pas possible d'envisager une reconfiguration des tunnels et que leur remplacement s'imposait ; que l'expert a chiffré le coût de ce remplacement au montant de 695 000 euros HT sur la base d'un devis de l'entreprise Technifroid, cette évaluation incluant les études techniques nécessaires ; que le seul fait que la société [...] ait décidé de faire procéder à ce remplacement sur la base du devis d'une entreprise qui proposait un prix supérieur ne saurait remettre en question l'évaluation de l'expert, dont il n'est pas démontré qu'elle n'indemnisait pas intégralement le remplacement des tunnels.
Et attendu que l'expert judiciaire a constaté que la société [...] avait engagé des frais en règlement de tentatives de réparations proposées par la société Imef, aux droits de laquelle se trouve désormais la société [...], qui se sont soldées par des échecs et auxquels s'ajoutent les répercussions économiques des dysfonctionnements (surcoûts de personnels et d'énergie électrique) le tout représentant un montant de 91 311,70 euros.
Qu'il s'ensuit qu'il sera alloué à la société [...], en réparation de ce chef de préjudice, une somme totale de 786 311,70 euros.
7) Les dommages-intérêts distincts
Attendu que les dysfonctionnements affectant la chaîne de conditionnement ont perturbé le bon fonctionnement de la société [...] ; que ces difficultés ont perduré pendant près de dix années ; que sa production s'en est trouvée affectée, particulièrement en ce qui concerne son produit dominant (marrons) ; que le tribunal de grande instance a fait une juste appréciation de la réparation de ce chef de préjudice en allouant à la société [...] une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Attendu que les sociétés Technip, [...] et Synergie seront condamnées in solidum à payer les sommes précitées à la société [...] sur le fondement de la garantie décennale attachée à leur qualité de constructeur.
Sur les recours entre les constructeurs
Attendu que la société Technip, maître d'oeuvre, était chargée, dans le cadre de son activité d'ingénierie, notamment d'établir le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot « froid industriel et climatisation usine ».
Attendu que la société Imef, aux droits de laquelle se trouve la société [...], était l'entrepreneur chargé, dans les termes du marché du 2 octobre 2000 conclu avec la société [...], de concevoir et réaliser l'ouvrage de ce lot sur les bases du CCTP dont l'article 4.3 précise que « l'entrepreneur en se chargeant d'exécuter les travaux sur les bases qui lui sont soumises prend la responsabilité de la conception et de l'exécution de l'installation, les descriptifs, plans et schémas ne lui étant donnés qu'à titre indicatif sur le but et l'étendue de ses prestations
il doit la vérification des éléments du projet qui lui sont soumis et faire s'il le juge des observations avant tout commencement de l'exécution ».
Attendu que la société Synergie, maître d'oeuvre, était chargée du suivi du chantier avec une mission de direction de l'exécution des travaux et d'assistance de la société [...] dans le cadre des opérations de réception de l'ouvrage.
Attendu qu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire que les désordres constatés procèdent essentiellement de défauts de conception de l'installation (évaporateurs, groupe froid, chambre froide, tunnels de surgélation), de choix d'éléments inadaptés (tour de refroidissement) et de défauts d'installation (mauvais étalonnage des sondes des congélateurs) ; que l'expert a relevé que le dysfonctionnement de l'installation se révélait tout particulièrement à l'occasion des opérations de conditionnement des marrons, qui correspondent à une spécialité de l'entreprise [...] ; que l'expert déplore le défaut de prise en compte, à l'occasion des opérations de construction, des caractéristiques physiques propres au traitement des fruits, notamment des marrons à congeler qui présentent une forte teneur en eau (rapport p. 23).
Attendu que ce défaut de prise en compte de la spécificité de la production de la société [...] se manifeste à tous les échelons de l'opération de construction.
Attendu qu'en sa qualité de maître d'oeuvre en charge de la rédaction du CCTP, il appartenait à la société Technip de se renseigner auprès de la société [...] sur ses besoins exacts, en lui faisant préciser la nature de ses caractéristiques physiques de produits à traiter et d'en tenir compte dans la rédaction du document technique afin de proposer une installation répondant, du point de vue technique, aux attentes de l'entreprise ; que les travaux de l'expert révèlent que cette société a manqué à ses devoirs d'information et de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage.
Attendu que les mêmes obligations pesaient sur la société Imef, aux droits de laquelle se trouve la société [...], qui était non seulement chargée de la réalisation de l'installation mais se trouvait contractuellement responsable de sa bonne conception ainsi que tenue d'un devoir de vérification et, le cas échéant, d'alerte ; que cette société a manqué à ses obligations, l'expert ayant, par ailleurs, constaté que certains des travaux réalisés par celle-ci étaient affectés de défauts techniques (mauvais étalonnage des congélateurs, résistances des évaporateurs mal posées, ventilation insuffisante de la chambre froide) et qu'elle avait fourni des éléments inadaptés à l'ouvrage (tour de refroidissement).
Attendu que le fait que la société Synergie ait été chargée d'une mission limitée à la direction de l'exécution des travaux et à l'assistance de la société [...] dans le cadre des opérations de réception, ne saurait dispenser celle-ci – membre de l'équipe de maîtrise d'oeuvre – de son obligation de procéder à toutes les vérifications nécessaires à la bonne fin des opérations de construction ; qu'elle a manqué à cette obligation de vérification qui, si elle avait été correctement exécutée, aurait permis d'alerter les intervenants sur les défauts de conception (aérateurs, tunnels de surgélation), l'inadaptation des certains éléments de l'installation (tour de refroidissement), la non-conformité des chambres froides aux normes de ventilations en vigueur et d'y remédier en temps utile.
Attendu, compte tenu de la nature et de la gravité des fautes respectives imputables aux trois constructeurs, que leur part de responsabilité pour l'exercice de leurs recours entre eux sera fixée de manière égalitaire, soit un tiers chacun » (arrêt, page 4 et suiv) ;

1/ Alors que les équipements industriels ne relèvent pas en principe de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que plusieurs équipements industriels fonctionnant indépendamment les uns des autres ont été installés dans une usine de conditionnement de fruits, en application d'un contrat conclu en 2000, sans que ces installations ne nécessitent de travaux de construction mais uniquement des travaux de pose ; que la cour a jugé que ces équipements industriels, situés dans divers bâtiments de l'usine, reliés entre eux par les armoires électriques et un réseau de canalisations posées au sol qui traversent les cloisons et sont fixées à l'ossature métallique, constituaient un ensemble technique qui, compte tenu de son importance et de sa technicité, doit être qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; que ce faisant, la cour n'a caractérisé ni l'existence d'un ouvrage ni la mise en oeuvre de travaux de construction et a donc violé l'article 1792 du code civil ;

2/ Alors que l'architecte n'est responsable que dans les limites de la mission qui lui a été confiée ; qu'en l'espèce, la société Synergie avait été chargée d'une mission de maître d'oeuvre limitée à la direction de l'exécution des travaux et à l'assistance du maître d'ouvrage dans le cadre des opérations de réception ; que pour retenir sa responsabilité, la cour a jugé qu'elle n'était pas dispensée de son obligation de procéder à toutes les vérifications nécessaires à la bonne fin des opérations de construction et qu'elle a manqué à cette obligation de vérification qui aurait permis d'alerter les intervenants sur les défauts de conception (aérateurs, tunnels de surgélation), l'inadaptation des certains éléments de l'installation (tour de refroidissement), la non-conformité des chambres froides aux normes de ventilations en vigueur et d'y remédier en temps utile ; qu'en lui reprochant ainsi des erreurs de conception, la cour a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3/ Alors que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, la société [...] a sollicité la condamnation de la société Synergie, in solidum avec les autres défendeurs, exclusivement au titre des désordres affectant les évaporateurs, le groupe froid Pasto, le CO2 dans les chambres froides et les tunnels de surgélation ; qu'en condamnant la société Synergie à réparer les conséquences des désordres affectant les congélateurs et la tour de refroidissement, la cour a violé l'article a du code de procédure civile. Moyens produits à un pourvoi incident par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Technip France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Technip, in solidum avec les sociétés [...] et Synergie, à payer à la société [...] les sommes de 32 697,82 € HT au titre de la réparation des évaporateurs, 22 417,17 € au titre de la perte de marchandise des congélateurs, 45 064,76 € HT pour la réparation de le tour de refroidissement, 16 392 € HT au titre des trois compresseurs du groupe froid, 6 862,10 € HT pour la ventilation des chambres froides, 786 311,70 € au titre des tunnels de surgélation et 100 000 € de dommages et intérêts

AUX MOTIFS QUE la société [...] soutient que le bien affecté des désordres constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, ce que contestent les sociétés Technip et [...] ; que le contrat signé le 6 octobre 1999 -donc antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2005-658 du 8 juin 2005- entre la société [...] et l'équipe de maîtrise d'oeuvre, composée des sociétés Technip, Synergie et Betec, porte sur la construction d'une usine agro-alimentaire ; qu'il résulte tant de la description du projet que des photographies versées aux débats que la construction s'étendait notamment à l'implantation d'une chaîne de conditionnement particulièrement complexe intégrant notamment une centrale frigorifique comprenant divers éléments, ces derniers étant plus particulièrement concernés par les désordres ; que cette installation, dont la mise en place a été précédée de travaux d'étude, comprend des chambres froides, des appareils techniques divers et complexes (surgélateur, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, chambres froides) qui occupent plusieurs locaux de l'usine qui les abrite et qui sont reliés à des armoires électriques ; qu'ils sont également raccordés entre eux par un réseau d'importantes canalisations dont les photographies révèlent qu'elles traversent les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et qu'elles sont fixées à l'ossature métallique de l'immeuble par des points d'ancrage ; que, même si certaines machines sont seulement posées sur le sol, cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, doit être, compte tenu de son importance et de sa technicité, qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel n'étant pas sur ce point tenue par les motifs de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2014, rendu en matière de référé provision, d'autant que la question de la qualification de l'ouvrage n'avait pas été posée à cette juridiction, pas plus que par l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi (Poitiers, 13 février 2015) ; que l'ouvrage a été réceptionné avec des réserves le 26 février 2002 ; que ces réserves ont été levées le 28 mai 2003, seuls demeurant des problèmes de parfait achèvement étrangers au présent litige, ce que les parties ne contestent pas ; que la société [...], maître de l'ouvrage, a assigné en référé aux fins d'expertise : - la société [...] le 11 mai 2005, - les sociétés Technip et Synergie les 19 et 23 juillet 2007 ; que, conformément à l'article 2244 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date de ces assignations, le délai de la prescription décennale a été interrompu par ces actes pour recommencer à courir au prononcé des ordonnances, à savoir le 23 juin 2005 pour la société [...] et le 2 août 2007 pour les sociétés Technip et Synergie ; que la société [...], qui a assigné au fond par actes des 23 avril et 13 mai 2014, a donc engagé son action dans le délai de la garantie décennale ;

ALORS QU'un élément d'équipement industriel ne constitue pas un ouvrage soumis à la garantie décennale des constructeurs lorsque son installation ne nécessite pas la mise en oeuvre de travaux de construction ; qu'en l'espèce, plusieurs éléments d'équipement industriels ont été installés au sein d'une usine agroalimentaire appartenant à la société [...], afin d'assurer le conditionnement et le stockage de fruits (chambres froides, surgélateurs, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, tunnels de surgélation) ; que la cour d'appel a considéré que ces éléments d'équipement industriels, situés dans divers bâtiments de l'usine, reliés entre eux par les armoires électriques et un réseau de canalisations posées au sol qui traversent les cloisons et sont fixées à l'ossature métallique, constituaient un ensemble technique qui, compte tenu de son importance et de sa technicité, devait être qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en jugeant ainsi que les éléments d'équipement industriels installés constituaient un ouvrage, sans caractériser l'existence d'un ouvrage ou la mise en oeuvre de travaux de construction, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Technip, in solidum avec les sociétés [...] et Synergie, à payer à la société [...] les sommes de 22 417 € au titre de la perte de marchandise des congélateurs, et 45 064,76 € HT pour la réparation de la tour de refroidissement, et d'avoir dit que dans leurs recours entre elles, la part de responsabilité mise à la charge de ces sociétés sera d'un tiers ;

AUX MOTIFS QUE la société [...] soutient que le bien affecté des désordres constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, ce que contestent les sociétés Technip et [...] ; que le contrat signé le 6 octobre 1999 -donc antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2005-658 du 8 juin 2005- entre la société [...] et l'équipe de maîtrise d'oeuvre, composée des sociétés Technip, Synergie et Betec, porte sur la construction d'une usine agro-alimentaire ; qu'il résulte tant de la description du projet que des photographies versées aux débats que la construction s'étendait notamment à l'implantation d'une chaîne de conditionnement particulièrement complexe intégrant notamment une centrale frigorifique comprenant divers éléments, ces derniers étant plus particulièrement concernés par les désordres ; que cette installation, dont la mise en place a été précédée de travaux d'étude, comprend des chambres froides, des appareils techniques divers et complexes (surgélateur, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, chambres froides) qui occupent plusieurs locaux de l'usine qui les abrite et qui sont reliés à des armoires électriques ; qu'ils sont également raccordés entre eux par un réseau d'importantes canalisations dont les photographies révèlent qu'elles traversent les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et qu'elles sont fixées à l'ossature métallique de l'immeuble par des points d'ancrage ; que, même si certaines machines sont seulement posées sur le sol, cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, doit être, compte tenu de son importance et de sa technicité, qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel n'étant pas sur ce point tenue par les motifs de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2014, rendu en matière de référé provision, d'autant que la question de la qualification de l'ouvrage n'avait pas été posée à cette juridiction, pas plus que par l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi (Poitiers, 13 février 2015) ; que l'ouvrage a été réceptionné avec des réserves le 26 février 2002 ; que ces réserves ont été levées le 28 mai 2003, seuls demeurant des problèmes de parfait achèvement étrangers au présent litige, ce que les parties ne contestent pas ; que la société [...], maître de l'ouvrage, a assigné en référé aux fins d'expertise : - la société [...] le 11 mai 2005, - les sociétés Technip et Synergie les 19 et 23 juillet 2007 ; que, conformément à l'article 2244 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date de ces assignations, le délai de la prescription décennale a été interrompu par ces actes pour recommencer à courir au prononcé des ordonnances, à savoir le 23 juin 2005 pour la société [...] et le 2 août 2007 pour les sociétés Technip et Synergie ; que la société [...], qui a assigné au fond par actes des 23 avril et 13 mai 2014, a donc engagé son action dans le délai de la garantie décennale ;

ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties ; que le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé par les parties ; qu'en l'espèce, la société [...] sollicitait la condamnation solidaire des sociétés [...] et Synergie à lui payer les sommes de 22 417,17 € HT au titre du désordre relatif aux congélateurs de matières premières et produits finis, et 45 337,53€ HT au titre du désordre relatif à la tour de refroidissement ; que la société [...] ne sollicitait donc pas la condamnation de la société Technip concernant ces deux dommages particuliers ; qu'en condamnant cependant la société Technip, in solidum avec les sociétés [...] et Synergie, à payer à la société [...] les sommes de 22 417 € au titre de la perte de marchandise des congélateurs et de 45 064,76 € HT pour la réparation de le tour de refroidissement, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et ainsi violé les article 4 et 5 du code de procédure civile. Moyen produit à un pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société [...].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné la société [...], in solidum avec les sociétés Synergie et Technip, à payer à la société [...] les sommes de 32 697,82 euros HT au titre de la réparation des évaporateurs, 22 417,17 euros au titre de la perte de marchandise dans les congélateurs, 45 064,76 euros HT pour la réparation de la tour de refroidissement, 16 392 euros HT au titre du remplacement des trois compresseurs du groupe froid, 6 862,10 euros HT pour la ventilation des chambres froides, 786 311,70 euros au titre des tunnels de surgélation et 100 000 euros de dommages et intérêts, et d'avoir dit que dans leurs recours entre elles, la part de responsabilité mise à la charge de ces sociétés sera de 1/3 ;

AUX MOTIFS QUE « Attendu que la société [...] soutient que le bien affecté des désordres constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, ce que contestent les sociétés Technip et [...].
Attendu que le contrat signé le 6 octobre 1999 – donc antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005 – entre la société [...] et l'équipe de maîtrise d'oeuvre, composée des sociétés Technip, Synergie et Betec, porte sur la construction d'une usine agroalimentaire ; qu'il résulte tant de la description du projet que des photographies versées aux débats que la construction s'étendait notamment à l'implantation d'une chaîne de conditionnement comprenant divers éléments, ces derniers étant plus particulièrement concernés par les désordres.
Attendu que cette installation, dont la mise en place a été précédée de travaux d'étude, comprend des chambres froides, des appareils techniques divers et complexes (surgélateur, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, chambres froides) qui occupent plusieurs locaux de l'usine qui les abrite et qui sont reliés à des armoires électriques ; qu'ils sont également raccordés entre eux par un réseau d'importantes canalisations dont les photographies révèlent qu'elles traversent les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et qu'elles sont fixées à l'ossature métallique de l'immeuble par des point d'ancrage ; que, même si certaines machines sont seulement posées au sol, cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, doit être, compte tenu de son importance et de sa technicité, qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel n'étant pas sur ce point tenue par les motifs de l'arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2014, rendu en matière de référé provision, d'autant que la question de la qualification de l'ouvrage n'avait pas été posée à cette juridiction, pas plus que par l'arrêt rendu par la cour d'appel de renvoi (Poitiers, 13 février 2015). (
)
Que ces désordres relèvent de la garantie décennale des constructeurs, en l'occurrence : - Les sociétés Technip et Synergie signataires du contrat de maîtrise d'oeuvre, - La société [...], venant aux droits de la société Imef liée à la société [...] par contrat du 2 octobre 2000.
Sur la réparation des préjudices subis par la société [...]
Attendu qu'il convient ici de reprendre successivement les éléments de l'installation concernés par les désordres.
1) Les évaporateurs
Attendu que la société [...] a produit des factures de réparation et fourniture ainsi que de location d'une nacelle pour un montant total de 29 117,82 euros HT ; que le tribunal de grande instance a justement ajouté à cette somme la valeur de la marchandise perdue le 26 octobre 2006 représentant 1 080 euros ainsi que le coût d'intervention du personnel de l'usine au-delà de l'horaire normal pour un montant limité à 2 500 euros, soit au total une somme de 32 697,82 euros HT, provision non déduite, qui sera confirmée.
2) Les congélateurs de produits finis et matières premières
Attendu que le désordre affectant ces congélateurs a été réparé par un réétalonnage des sondes sans donner lieu à l'établissement d'une facture d'intervention ; que, pour autant, l'expert a constaté que la société [...] avait subi un réel préjudice de ce chef constitué par la perte de la qualité de la marchandise stockée, que l'évaluation de cette perte par cette société, qui la chiffre au montant de 22 417,17 euros retenu par l'expert judiciaire, n'est pas utilement critiqué par les constructeurs ; que cette somme sera allouée à la société [...].
3) La tour de refroidissement
Attendu que les factures de réparation de la tour de refroidissement s'élèvent, après déduction de la facture d'huissier dont le lien avec les opérations de réparation n'est pas démontré, au montant de 45 064,76 euros HT ; que cette somme, provision non déduite, sera allouée à la société [...].
4) Le groupe froid Pesto
Attendu que la société [...] réclame au titre du désordre affectant ce matériel une somme de 36 884,76 € HT sur la base de onze factures qui, compte tenu de leurs dates, ont toutes pu être soumises à l'expert judiciaire ; que ce technicien n'a retenu, au titre du préjudice subi de ce chef par la société [...] que le seul remplacement de trois compresseurs représentant un coût total de 16 392 euros HT ; que cette dernière somme sera allouée à la société [...], cette dernière ne démontrant pas que le surplus des sommes facturées dont elle demande le remboursement soit en lien avec le désordre.
5) La présence de CO2 dans la chambre froide
Attendu que l'expert judiciaire a chiffré le coût des travaux de reprise de la ventilation au montant de 19 678,10 euros HT ; que cependant, la société [...] justifie que le coût des travaux de reprise de la ventilation qu'elle a supporté se limite au montant de 6 862,10 euros ; que cette dernière somme sera allouée à la société [...].
6) Les tunnels de surgélation n°2 et 3
Attendu que l'expert judiciaire a eu recours à un sapiteur qui a considéré (note n° 3 du 30 mars 2012 p. 81 à 86 visée dans le rapport d'expertise p. 24) qu'il n'était pas possible d'envisager une reconfiguration des tunnels et que leur remplacement s'imposait ; que l'expert a chiffré le coût de ce remplacement au montant de 695 000 euros HT sur la base d'un devis de l'entreprise Technifroid, cette évaluation incluant les études techniques nécessaires ; que le seul fait que la société [...] ait décidé de faire procéder à ce remplacement sur la base du devis d'une entreprise qui proposait un prix supérieur ne saurait remettre en question l'évaluation de l'expert, dont il n'est pas démontré qu'elle n'indemnisait pas intégralement le remplacement des tunnels. Et attendu que l'expert judiciaire a constaté que la société [...] avait engagé des frais en règlement de tentatives de réparations proposées par la société Imef, aux droits de laquelle se trouve désormais la société [...], qui se sont soldées par des échecs et auxquels s'ajoutent les répercussions économiques des dysfonctionnements (surcoûts de personnels et d'énergie électrique) le tout représentant un montant de 91 311,70 euros. Qu'il s'ensuit qu'il sera alloué à la société [...], en réparation de ce chef de préjudice, une somme totale de 786 311,70 euros.
7) Les dommages-intérêts distincts
Attendu que les dysfonctionnements affectant la chaîne de conditionnement ont perturbé le bon fonctionnement de la société [...] ; que ces difficultés ont perduré pendant près de dix années ; que sa production s'en est trouvée affectée, particulièrement en ce qui concerne son produit dominant (marrons) ; que le tribunal de grande instance a fait une juste appréciation de la réparation de ce chef de préjudice en allouant à la société [...] une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts. Attendu que les sociétés Technip, [...] et Synergie seront condamnées in solidum à payer les sommes précitées à la société [...] sur le fondement de la garantie décennale attachée à leur qualité de constructeur.
Sur les recours entre les constructeurs
Attendu que la société Technip, maître d'oeuvre, était chargée, dans le cadre de son activité d'ingénierie, notamment d'établir le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot « froid industriel et climatisation usine ».
Attendu que la société Imef, aux droits de laquelle se trouve la société [...], était l'entrepreneur chargé, dans les termes du marché du 2 octobre 2000 conclu avec la société [...], de concevoir et réaliser l'ouvrage de ce lot sur les bases du CCTP dont l'article 4.3 précise que « l'entrepreneur en se chargeant d'exécuter les travaux sur les bases qui lui sont soumises prend la responsabilité de la conception et de l'exécution de l'installation, les descriptifs, plans et schémas ne lui étant donnés qu'à titre indicatif sur le but et l'étendue de ses prestations
il doit la vérification des éléments du projet qui lui sont soumis et faire s'il le juge des observations avant tout commencement de l'exécution ».
Attendu que la société Synergie, maître d'oeuvre, était chargée du suivi du chantier avec une mission de direction de l'exécution des travaux et d'assistance de la société [...] dans le cadre des opérations de réception de l'ouvrage.
Attendu qu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire que les désordres constatés procèdent essentiellement de défauts de conception de l'installation (évaporateurs, groupe froid, chambre froide, tunnels de surgélation), de choix d'éléments inadaptés (tour de refroidissement) et de défauts d'installation (mauvais étalonnage des sondes des congélateurs) ; que l'expert a relevé que le dysfonctionnement de l'installation se révélait tout particulièrement à l'occasion des opérations de conditionnement des marrons, qui correspondent à une spécialité de l'entreprise [...] ; que l'expert déplore le défaut de prise en compte, à l'occasion des opérations de construction, des caractéristiques physiques propres au traitement des fruits, notamment des marrons à congeler qui présentent une forte teneur en eau (rapport p. 23).
Attendu que ce défaut de prise en compte de la spécificité de la production de la société [...] se manifeste à tous les échelons de l'opération de construction.
Attendu qu'en sa qualité de maître d'oeuvre en charge de la rédaction du CCTP, il appartenait à la société Technip de se renseigner auprès de la société [...] sur ses besoins exacts, en lui faisant préciser la nature de ses caractéristiques physiques de produits à traiter et d'en tenir compte dans la rédaction du document technique afin de proposer une installation répondant, du point de vue technique, aux attentes de l'entreprise ; que les travaux de l'expert révèlent que cette société a manqué à ses devoirs d'information et de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage.
Attendu que les mêmes obligations pesaient sur la société Imef, aux droits de laquelle se trouve la société [...], qui était non seulement chargée de la réalisation de l'installation mais se trouvait contractuellement responsable de sa bonne conception ainsi que tenue d'un devoir de vérification et, le cas échéant, d'alerte ; que cette société a manqué à ses obligations, l'expert ayant, par ailleurs, constaté que certains des travaux réalisés par celle-ci étaient affectés de défauts techniques (mauvais étalonnage des congélateurs, résistances des évaporateurs mal posées, ventilation insuffisante de la chambre froide) et qu'elle avait fourni des éléments inadaptés à l'ouvrage (tour de refroidissement).
Attendu que le fait que la société Synergie ait été chargée d'une mission limitée à la direction de l'exécution des travaux et à l'assistance de la société [...] dans le cadre des opérations de réception, ne saurait dispenser celle-ci – membre de l'équipe de maîtrise d'oeuvre – de son obligation de procéder à toutes les vérifications nécessaires à la bonne fin des opérations de construction ; qu'elle a manqué à cette obligation de vérification qui, si elle avait été correctement exécutée, aurait permis d'alerter les intervenants sur les défauts de conception (aérateurs, tunnels de surgélation), l'inadaptation des certains éléments de l'installation (tour de refroidissement), la non-conformité des chambres froides aux normes de ventilations en vigueur et d'y remédier en temps utile.
Attendu, compte tenu de la nature et de la gravité des fautes respectives imputables aux trois constructeurs, que leur part de responsabilité pour l'exercice de leurs recours entre eux sera fixée de manière égalitaire, soit un tiers chacun » ;

1°) ALORS QUE les éléments d'équipement installés en raison uniquement d'une activité économique d'ordre industriel ou commercial ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu'ayant retenu que la construction de l'usine agro-alimentaire s'étendait à l'implantation d'une chaîne de conditionnement comprenant divers éléments d'équipement concernés par les désordres, que ces éléments, situés dans divers bâtiments de l'usine étaient reliés à des armoires électriques et raccordés entre eux par un réseau de canalisations traversant les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et fixées à l'ossature métallique par des ponts d'ancrage, la cour d'appel a énoncé que cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, devait être, compte tenu de son importance et de sa technicité, qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en statuant ainsi quand ces éléments d'équipement affectés de désordres avaient été installés en raison d'une activité industrielle et commerciale agro-alimentaire et ne constituaient dès lors pas un équipement d'ouvrage de bâtiment ou de génie civil au sens de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel a violé par fausse application ledit article 1792 ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, les désordres affectant des éléments d'équipement industriel ne peuvent relever de la garantie décennale que s'ils constituent un ouvrage de nature immobilière ou la mise en oeuvre d'une construction immobilière au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'ayant retenu que la construction de l'usine agro-alimentaire s'étendait à l'implantation d'une chaîne de conditionnement comprenant divers éléments d'équipement (surgélateur, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, chambres froides) concernés par les désordres, que ces éléments, situés dans divers bâtiments de l'usine étaient reliés à des armoires électriques et raccordés entre eux par un réseau de canalisations traversant les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et fixées à l'ossature métallique par des ponts d'ancrage, la cour d'appel a énoncé que cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, devait être, compte tenu de son importance et de sa technicité, qualifié d'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser l'existence d'un ouvrage de nature immobilière ou la mise en oeuvre d'une construction immobilière, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-14374
Date de la décision : 17/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 10 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 déc. 2020, pourvoi n°19-14374


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14374
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