LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 décembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 958 F-D
Pourvoi n° X 18-17.963
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 DÉCEMBRE 2020
M. N... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 18-17.963 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2018 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société [...], société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. L..., de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 avril 2018), E... L... et Mme B..., mariés sous le régime de la séparation de biens, ont créé la société civile immobilière [...] (la SCI).
2. Pour financer l'acquisition d'un immeuble, la SCI a souscrit un prêt prévoyant les garanties suivantes au bénéfice du prêteur :
- le privilège de prêteur de deniers sur l'immeuble objet du crédit à hauteur de 450 000 euros sans concours,
- la caution personnelle et solidaire de E... L... et de son épouse,
- l'assurance décès invalidité à 50 % sur M. L...,
- l'assurance décès invalidité 50 % sur Mme L....
3. E... L... est décédé le 1er décembre 2007. La compagnie d'assurance a alors versé à la banque la somme de 241 661,86 euros au titre de l'assurance décès.
4. M. N... L..., fils de E... L..., a assigné la SCI afin qu'il soit jugé que le compte courant d'associé de son père intégrait le montant de l'indemnité d'assurance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. L... fait grief à l'arrêt de dire que le compte courant de E... L... dans les comptes de la SCI s'élevait à la date de son décès à la somme de 86 281,35 euros, alors :
« 1°/ que lorsque le souscripteur d'un emprunt destiné à l'acquisition d'un bien indivis a adhéré à une assurance garantissant le remboursement du prêt, la mise en oeuvre de l'assurance à la suite de la survenance d'un sinistre a pour effet, dans les rapports entre les acquéreurs indivis, d'éteindre, à concurrence du montant de la prestation de l'assureur, la dette de contribution incombant à l'assuré concerné ; qu'en affirmant, pour dire que le compte courant de E... L... dans les comptes de la SCI [...] s'élevait à la date de son décès à la somme de 86 281,35 euros, que la prime d'assurance versée par la compagnie Axa, à la suite du décès de E... L... n'était jamais entrée dans son patrimoine et que le bénéficiaire de cette assurance était la SCI [...], qui avait vu sa dette à l'égard de la banque réduite de moitié, cette réduction de dette constituant un produit exceptionnel, et en approuvant la décision de l'expert judiciaire, Mme H..., de ne pas inclure la prime d'assurance dans le compte courant de E... L..., la cour d'appel a violé les articles 1121 et 1213 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que le paiement de la part virile d'un associé dans une dette sociale représente un apport, dont il doit être tenu compte par l'inscription au crédit du compte courant de son auteur ; qu'en retenant encore que la SCI [...] étant à jour du paiement des mensualités du prêt, l'obligation à cautionnement de E... L... n'avait pas été mise en oeuvre et en ajoutant qu'il n'avait aucune dette par rapport à la banque, de sorte que le versement de la prime d'assurance n'était en aucune façon un remboursement, quand l'indemnité versée par l'assureur correspondait exactement à la part virile que devait assumer personnellement E... L..., en sa qualité de caution de l'emprunt souscrit par la SCI [...], ce règlement ayant été effectué par l'assureur au nom et pour le compte de l'assuré caution, en règlement de la dette sociale et que toute somme réglée pour le compte d'un associé en paiement d'une dette sociale constitue un apport, qui doit être inscrit au compte de cet associé, la cour d'appel a violé les articles 1832 et suivants du code civil. »
Réponse de la Cour
6. D'une part, E... L... n'étant pas souscripteur d'un emprunt destiné à l'acquisition d'un bien indivis et le litige ne concernant pas les rapports entre des acquéreurs indivis, le moyen, pris en sa première branche, est inopérant.
7. D'autre part, la cour d'appel n'ayant constaté ni que l'indemnité versée par l'assureur correspondait exactement à la part virile que devait assumer personnellement E... L..., en sa qualité de caution de l'emprunt souscrit par la SCI, ni que ce règlement avait été effectué par l'assureur au nom et pour le compte de l'assuré caution en règlement de la dette sociale, le moyen, pris en sa seconde branche, manque en fait.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. M. L... grief à l'arrêt de constater que la SCI s'était libérée de sa dette à l'égard de M. N... L..., légataire universel de E... L..., à la suite de l'offre réelle de paiement du 1er octobre 2010 et de la consignation du 8 octobre 2010, alors « que la cassation qui interviendra, sur le premier moyen de cassation, entraînera par voie de conséquence la cassation sur le second moyen, en ce que l'arrêt a constaté que la SCI [...] s'était libérée de sa dette à l'égard de M. N... L..., légataire universel de E... L... à la suite de l'offre réelle de paiement du 1er octobre 2010 et de la consignation du 8 octobre 2010, et ce en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. L... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L... et le condamne à payer à la SCI [...] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. L....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le compte courant de M. E... L... dans les comptes de la SCI [...] s'élevait à la date de son décès à la somme de 86.281, 35 € ;
AUX MOTIFS QUE afin de savoir si la prime d'assurance doit être réintégrée dans le compte courant d'associé il convient d'analyser le contrat d'assurance décès sousrit par E... L... ; que dans l'offre de prêt de 500.000 € de la Banque Populaire acceptée par la SCI [...] en la personne de Mme L..., en sa qualité de gérante, le 10 décembre 2004, il est expressément stipulé que les garanties du prêteur sont : -le privilège du prêteur de deniers sur l'immeuble du crédit à hauteur de 450.000 € sans concours –la caution personnelle et solidaire de M. L... K... et de son épouse née B... Q... –l'assurance décès-invalidité sur M. L... au taux de 0,42 % l'an sur le capital initial –l'assurance décès-invalidité 50 % sur Mme L... au taux de 0,42 % l'an sur le capital initial ; qu'afin de satisfaire à ces demandes de garanties, outre son cautionnement, E... L... a souscrit à l'assurance de groupe souscrite par la Banque Populaire auprès d'Axa France Vie, dans lequel il est indiqué au paragraphe « objet du contrat » que le contrat a pour objet de garantir les personnes assurables contre les risques décès, de perte totale et irréversible d'autonomie, d'incapacité de travail et perte d'emploi, et au paragraphe « bénéficiaire des prestations » que pour toutes les sommes rendues exigibles par suite de réalisation de l'un des risques couverts par les contrats, le bénéficiaire est le prêteur ; qu'il s'agit donc d'une assurance invalidité decès comportant une stipulation pour autrui, le bénéficiaire étant le prêteur, soit la Banque Populaire ; que c'est pourquoi même si l'aléa s'est réalisé par le décès de E... L..., la prime d'assurance versée n'est jamais entrée dans son patrimoine ; que le bénéficiaire final de cette assurance est la SCI [...] qui ainsi a vu sa dette à l'égard de la banque réduite de moitié ; que cette réduction de la dette constitue un produit exceptionnel ; que c'est donc avec raison que Mme V... H..., expert judiciaire, n'a pas inclus la prime d'assurance dans le compte courant de E... L..., et a tenu compte du paiement de l'indemnité d'assurance en réduisant le passif de la SCI [...] à 217.583,07 € (p. 15,1- et 1ç de son rapport) ; qu'au surplus, la SCI [...] étant à jour du paiement des mensualités du prêt, l'obligation à cautionnement de E... L... n'avait pas été mis en oeuvre ; qu'il n'avait donc aucune dette par rapport à la banque ; que c'est pourquoi, le versement de la prime d'assurance n'est en aucune façon un remboursement comme le soutient de façon erronée M. N... L... (arrêt p. 9 et 10)
1° ALORS QUE lorsque le souscripteur d'un emprunt destiné à l'acquisition d'un bien indivis a adhéré à une assurance garantissant le remboursement du prêt, la mise en oeuvre de l'assurance à la suite de la survenance d'un sinistre a pour effet, dans les rapports entre les acquéreurs indivis, d'éteindre, à concurrence du montant de la prestation de l'assureur, la dette de contribution incombant à l'assuré concerné ; qu'en affirmant, pour dire que le compte courant de M. E... L... dans les comptes de la SCI [...] s'élevait à la date de son décès à la somme de 86.281,35 €, que la prime d'assurance versée par la compagnie Axa, à la suite du décès de M. E... L... n'était jamais entrée dans son patrimoine et que le bénéficiaire de cette assurance était la SCI [...], qui avait vu sa dette à l'égard de la banque réduite de moitié, cette réduction de dette constituant un produit exceptionnel, et en approuvant la décision de l'expert judiciaire, Mme H..., de ne pas inclure la prime d'assurance dans le compte courant de M. E... L..., la cour d'appel a violé les articles 1121 et 1213 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016;
2° ALORS QUE le paiement de la part virile d'un associé dans une dette sociale représente un apport, dont il doit être tenu compte par l'inscription au crédit du compte courant de son auteur ; qu'en retenant encore que la SCI [...] étant à jour du paiement des mensualités du prêt, l'obligation à cautionnement de M. E... L... n'avait pas été mise en oeuvre et en ajoutant qu'il n'avait aucune dette par rapport à la banque , de sorte que le versement de la prime d'assurance n'était en aucune façon un remboursement, quand l'indemnité versée par l'assureur correspondait exactement à la part virile que devait assumer personnellement M. E... L..., en sa qualité de caution de l'emprunt souscrit par la SCI [...], ce règlement ayant été effectué par l'assureur au nom et pour le compte de l'assuré caution, en règlement de la dette sociale et que toute somme réglée pour le compte d'un associé en paiement d'une dette sociale constitue un apport, qui doit être inscrit au compte de cet associé, la cour d'appel a violé les articles 1832 et suivants du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la SCI [...] s'était libérée de sa dette à l'égard de M. N... L..., légataire universel de M. E... L..., à la suite de l'offre réelle de paiement du 1er octobre 2010 et de la consignation du 8 octobre 2010 ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des anciens articles 1426 et suivants du code de procédure civile applicables en l'espèce, que le débiteur qui a fait à son créancier une offre réelle de paiement que celui-ci a refusé peut se libérer de sa dette en consignant la somme offerte ; que selon procès-verbal d'offres réelles du 1er octobre 2010, la SCI [...] a proposé à M. N... L... le paiement de la somme de 13.760,47 € au titre de la valeur des parts sociales et la somme de 86.281,35 € au titre de la valeur du compte courant d'associé, ce que celui-ci a refusé ; que le 8 octobre 2010, la SCI [...] a signifié à M. N... L... que les deux sommes avaient été consignées à la direction régionale des finances publiques de Montpellier : qi'il suit de là que la SCI [...] s'est libérée de sa dette de 86.281,35 € depuis cette date ; qu'en conséquence, aucune somme n'étant due au titre du remboursement du compte courant d'associété de E... L... à son légataire universel, M. N... L..., celui-ci sera débouté de ses demandes ; qu'au surplus, les sommes consignées ont été appréhendées par M. N... L... selon procès-verbal de saisie-attribution du 17 décembre 2014 ; (arrêt p. 11)
ALORS QUE la cassation qui interviendra, sur le premier moyen de cassation, entraînera par voie de conséquence la cassation sur le second moyen, en ce que l'arrêt a constaté que la SCI [...] s'était libérée de sa dette à l'égard de M. N... L..., légataire universel de M. E... L... à la suite de l'offre réelle de paiement du 1er octobre 2010 et de la consignation du 8 octobre 2010, et ce en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile.