La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2020 | FRANCE | N°19-20394

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2020, 19-20394


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1200 F-D

Pourvoi n° K 19-20.394

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

Mme S... U..., domiciliée [..

.] , a formé le pourvoi n° K 19-20.394 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'o...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1200 F-D

Pourvoi n° K 19-20.394

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

Mme S... U..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° K 19-20.394 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant au Groupement Cannes Bel Age, groupement d'intérêt public, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme U..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat du Groupement Cannes Bel Age, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Richard, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2019), Mme U... a été engagée le 24 septembre 1985 par le Groupement d'intérêt public (GIP) Cannes Bel Age, en qualité d'agent de collectivité qualifiée. Elle a été licenciée pour faute grave le 7 octobre 2014.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour circonstances vexatoires du licenciement et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, de dire que le licenciement de la salariée repose sur une faute grave, de la débouter de ses demandes au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse, et de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes relatives à la nullité du licenciement pour discrimination dû à son état de santé et de sa demande de prime de fin d'année 2014, alors « que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu'en l'espèce, il était constant que, nonobstant près de 30 ans d'ancienneté sans le moindre reproche, la salariée avait fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, pour avoir adressé au maire de la ville de Cannes, membre du conseil d'administration du GIP, un courrier par lequel elle lui rappelait, lui avoir déjà fait part, lors d'un entretien, "du favoritisme dont bénéficiaient certaines personnes du GIP Cannes Bel Age qui accédaient aux places d'hôtesses, de directrices, suite à des appels à candidature mensongers", avoir évoqué "ensemble l'injustice et certains passe droits" dont la salariée était victime depuis plusieurs années, lui avoir indiqué avoir "été spoliée à plusieurs reprises concernant les appels à candidature", expliquant "que certaines personnes qui avaient le même cursus" qu'elle avaient "pu obtenir le même poste d'hôtesse", et avoir sollicité, après lui avoir rappelé qu'il lui avait "promis de faire le nécessaire pour réparer ces injustices qui sont aussi une forme d'incivisme", un entretien avec lui "car un poste de directrice va se libérer au mois d'octobre au club de la Frayère en vue d'un départ en retraite et un poste d'hôtesse sera vacant" ; qu'en jugeant, pour dire ce licenciement fondé, que ce courrier par lequel la salariée avait porté de graves accusations, comportait des commentaires malveillants et agressifs présentant un caractère manifestement injurieux à l'encontre de l'employeur et révélait ainsi l'intention de nuire à ce dernier en ce qu'il avait été adressé au maire de la commune qui était également membre du conseil d'administration du GIP, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la tenue par la salariée de propos diffamatoires, injurieux ou excessifs révélant de sa part un abus de sa liberté d'expression, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1121-1 du code du travail :

5. Pour dire que le licenciement de la salariée repose sur une faute grave, et la débouter de ses demandes au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l'arrêt retient qu'il résulte de la lettre litigieuse que la salariée y accuse son employeur, explicitement et sans précautions, de "favoritisme", de procéder à des "appels à candidature mensongers", à des "passe droits", invoquant une "injustice" et "une forme d'incivisme". Il relève que contrairement à ce que soutient la salariée, cette lettre ne manifeste pas seulement un désaccord ou une critique à l'égard de l'employeur mais porte de graves accusations et comporte des commentaires malveillants et agressifs que rien ne permet de justifier et qui présentent un caractère manifestement injurieux à l'encontre de la direction. Il ajoute que le fait que ce courrier a été adressé au maire de la commune dont il n'est pas contesté qu'il est membre du conseil d'administration du groupement, démontre l'intention de nuire de la salariée.

6. En statuant ainsi, alors que la lettre litigieuse relative aux conditions de promotion interne, adressée au maire de la commune en sa qualité de membre du conseil d'administration du groupement qui l'employait, et rédigée en des termes qui n'étaient ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs, ne caractérisait pas un abus dans la liberté d'expression de la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. La cassation à intervenir n'emporte pas cassation des chefs relatifs à la prime pour l'année 2014, aux dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement et aux demandes fondées sur la nullité du licenciement pour discrimination, chefs que la critique du moyen n'est pas susceptible d'atteindre et qui ne se trouvent pas dans un lien de dépendance avec les chefs cassés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a alloué à Mme U... des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il dit que le licenciement de Mme U... repose sur une faute grave, la déboute de ses demandes fondées sur l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que Mme U... doit supporter les dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne le groupement d'intérêt public Cannes Bel Age aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le groupement d'intérêt public Cannes Bel Age et le condamne à payer à Mme U... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour Mme U...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a alloué à Mme U... des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour circonstances vexatoires du licenciement et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR statuant à nouveau sur ces points, dit que le licenciement de la salariée reposait sur une faute grave, d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la salariée sur le licenciement pour discrimination dû à son état de santé et de sa demande de prime de fin d'année 2014, et y ajoutant d'AVOIR dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et que la salariée devait supporter les dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement
Aux termes de la lettre du 7 octobre 2014, le licenciement est ainsi motivé :
'(...) C'est avec tristesse et consternation que j'ai pris connaissance de la correspondance, datée du 9 septembre dernier, que vous avez adressée à Monsieur le Maire de Cannes.
Vous évoquez du 'favoritisme', des 'appels à candidatures mensonger' sic, une 'injustice' et 'certains passe-droit' sic, qui caractériseraient les promotions internes dans notre entreprise.
Ces propos, dénués de tout fondement, sont inadmissibles. Ils portent gravement atteinte à l'honneur et à la considération de votre employeur, tout en affectant l'image même du GIP Cannes Bel Age.
Ils sont d'autant plus blessants, inacceptables et incompréhensibles qu'ils émanent d'une collaboratrice qui n'a pas hésité à court-circuiter toute sa hiérarchie (Hôtesse, Directrice de Club, Directrice des Ressources Humaines, Directeur Général et Président) et qui a obtenu, au titre de l'ancienneté, une augmentation de salaire exceptionnelle en octobre 2013.
Lors de l'entretien préalable, qui s'est tenue le 1er octobre dernier, au cours duquel vous avez été assistée par Monsieur A... M..., en sa qualité de conseiller du salarié, vous avez bien confirmé être l'auteur ale cette lettre diffamatoire et calomnieuse, qui ne fait que dénigrer la Direction de notre structure. Non seulement, vous n'en avez éprouvé aucun regret, mais vous avez réitéré vos critiques injustifiées et approuvé les mots employés, tout en proférant des menaces voilées.
En outre, après avoir dénoncé avec véhémence des pratiques ayant prétendument lésé votre avancement, vous n'hésitez pas à réclamer une intervention du Maire de Cannes pour vous obtenir un poste d'Hôtesse, au mépris des procédures internes (que vous connaissez parfaitement) et des légitimes aspirations de vos collègues, sans mesurer un seul instant la terrible contradiction dans laquelle vous vous trouvez.
Dès lors, vous conviendrez que parce que vous avez rompu les liens de respect, de confiance et de loyauté que tout employeur est en droit d'attendre de ses salariés, vous ne pouvez demeurer à votre poste.
Aussi, en vertu de notre convention constitutive et sur proposition du Directeur Général, je vous signifie par la présente votre licenciement pour faute grave (...)'.
Mme U... ne conteste pas avoir adressé au maire de la ville de Cannes le courrier ainsi rédigé :
'(...)Suite à notre entretien pendant la période électorale à votre permanence de la BOCCA, je vous avais fait part du favoritisme dont bénéficiaient certaines personnes du GIP CANNES BEL AGE qui accédaient aux places d'hôtesse ou Directrices suite à des appels à candidatures mensonger.
Nous avons évoqué ensemble l'injustice et certains passe-droits auquel je suis victime depuis plusieurs années.
Ayant presque trente ans d'anciennetés, j'ai été spoliée à plusieurs reprises concernant les appels à candidatures, alors que certaines personnes avaient le même cursus scolaire que moi ont pu obtenir le poste d'hôtesse.
Pendant cet entretien vous m'aviez promis de faire le nécessaire pour réparer ces injustices qui sont aussi une forme d'incivisme.
Je sais que vous êtes un homme de parole et c'est pourquoi je vous demande de bien vouloir me recevoir le jour et l'heure de votre convenance car un poste de Directrice va se libérer au mois d'octobre au Club de la frayère en vue d'un départ en retraite, et un poste d'hôtesse sera vacant. Je vous sollicite donc aujourd'hui avant que l'on ne favorise encore quelqu'un d'autre (...)'.
La salariée explique qu'elle n'avait d'autre choix que de s'adresser au maire de la ville, ayant fait l'objet de mesures discriminatoires de la part de l'employeur en raison de son état de santé et son handicap, n'ayant jamais pu être entendue sur ses demandes de reclassement et s'étant vue refuser plusieurs candidatures à différents postes ainsi que plusieurs demandes de formation.
Au titre des mesures discriminatoires liées à son état de santé, Mme U... explique qu'à la suite d'un accident, elle se trouve dans un état de fragilité physique et psychologique imposant la poursuite régulière de soins et elle se prévaut de la lettre adressée le 11 février 2009, au médecin du travail par laquelle le Dr V... psychiatre, estime que l'intéressée devrait bénéficier d'un reclassement. Elle invoque également l'avis du médecin du travail en date du 22 décembre 2008 préconisant un reclassement sur un poste d'hôtesse.
Toutefois, l'employeur fait valoir et justifie d'une part, qu'à la date du licenciement, Mme U... n'avait plus la qualité de travailleur handicapé et, d'autre part, que l'avis du médecin du travail du 22 décembre 2008 a été suivi, le 13 février 2009, d'un autre avis par lequel la salariée a été déclarée 'apte à son poste de travail' sans autre préconisation. L'employeur justifie également que, sur la contestation de la salariée, l'inspecteur du travail, par décision du 14 avril 2009, prise après avoir recueilli l'avis du médecin inspecteur régional, a estimé que le médecin du travail avait une parfaite connaissance du poste de travail occupé par la salariée ainsi que de ses tâches, que l'analyse de ses fonctions faite en sa présence n'a pas permis de dégager de contre indications au regard de son état de santé et que l'incitation contenue dans l'avis du 22 décembre 2008 était sans lien avec celui-ci pour conclure que son état de santé 'lui permet d'occuper l'intégralité des tâches inhérentes à l'emploi d'agent de collectivité'.
S'agissant des mesures discriminatoires alléguées au titre de l'exécution du contrat de travail, Mme U... justifie qu'elle a répondu à des appels à candidatures diffusés le 5 août 2008 pour un poste d'hôtesse, le 20 avril 2012 pour un poste d'animateur et le 22 novembre 2012 pour un poste d'hôtesse, candidatures qui ont toutes été rejetées. Elle se plaint également d'avoir été discriminée au titre de ses besoins de formation.
Elle verse, à l'appui de ses dires, plusieurs attestations :
- Mme R... et Mme X..., agents de collectivité au sein du GIP, attestent n'avoir jamais postulé à aucun poste au motif qu'elle savait que les postes étaient pourvus à l'avance.
- Mme C..., atteste avoir elle-même postulé à plusieurs reprises à des postes d'hôtesse qui ont été 'pourvus d'avance par favoritisme', affirmant avoir connu, suite à l'appel de candidature du 5 août 2008, l'attribution du poste d'hôtesse à Mme K... avant la date limite du dépôt des candidatures et rapportant des propos que lui aurait tenu le directeur selon laquelle 'la [...]' n'aura rien tant qu'il serait en poste. Selon elle, le directeur profitait de son poste pour lui infliger brimades sur brimades.
- Mme Y... déclare que le directeur n'avait pas de considération pour le 'petit personnel'.
- M. M... rapporte que le directeur aurait fait une proposition d'indemnisation à la salariée contre la promesse de ne pas intenter d'action en justice.
Il convient toutefois de relever que ces attestations ne contiennent que des manifestations d'opinion et qu'elles ne font état d'aucune circonstance de fait précise et objective ni d'aucun élément vérifiable de nature à corroborer les affirmations émises quant à l'existence de faits de discrimination.
Si l'employeur ne conteste pas ne pas avoir retenu plusieurs candidatures de Mme U..., il justifie de la procédure suivie. En ce qui concerne l'appel à candidatures du 5 août 2008, il en résulte que Mme U... et Mme K... ont été convoquées à un entretien qui s'est tenu le 28 août 2008. Les comptes rendus des entretiens, qui retracent les observations formulées par les deux candidates, font apparaître que Mme U... a expliqué ses activités et souligné son expérience, son sens de l'écoute, son esprit d'équipe ainsi que ses formations. Mme K... entrée en 1999 en tant qu'agent de collectivité, a également mis en avant son expérience et ses activités, manifestant sont goût pour le contact et la tenue des documents administratifs ainsi que sa fibre commerciale.
Mme K... atteste pour dénoncer l'accusation de favoritisme portée contre elle et soutenir que seules ses compétences ont été retenues.
S'agissant de l'appel à candidatures du 20 avril 2012 pour un poste d'animateur, l'employeur justifie que la candidature de Mme U... a été déposée après la date limite fixée (15 mai 2012 au lieu du 11 mai 2012).
L'appel à candidatures du 22 novembre 2012 précise que le titulaire du poste serait amené à participer aux activités, à tenir les documents administratifs inhérents à la fonction et à assurer la continuité du service en l'absence de la directrice. L'employeur produit l'attestation du chef du secrétariat général expliquant qu'il a été demandé aux candidats de reproduire à l'identique une lettre sur logiciel Word et un tableau sur logiciel Exel et qu'à l'issue, une correction a été réalisée. L'employeur verse aux débats la lettre réalisée par Mme U... au titre de cet exercice et celle réalisée par la candidate retenue avec les corrections apportées.
L'employeur produit, par ailleurs, des décisions portant avancement d'échelon et attribution d'une prime exceptionnelle prises en faveur de Mme U....
En ce qui concerne les formations, l'employeur justifie que sa demande de formation 'CAP Esthétique Cosmétique' lui a été accordée le 9 octobre 2008 et que le financement de celle-ci a été accordé le 28 avril 2010. Il justifie également des formations dont a bénéficié la salariée (3 en 2004, 1 en 2007, 2 en 2008).
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur apporte la preuve que les mesures dont la salariée a fait l'objet sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Mme U... ne peut davantage se plaindre d'une différence de traitement en se prévalant de la situation de Mme S. qui n'a pas été sanctionnée alors que le mari de cette dernière a également adressé au maire de Cannes une lettre dénonçant un harcèlement et des passe droits dont son épouse aurait été victime, Mme R... ne pouvant être sanctionnée pour un courrier écrit par son mari.
Il s'ensuit que les prétentions de la salariée au titre d'une discrimination ne sont pas fondées et que la lettre qu'elle a adressée au maire de Cannes ne peut trouver aucune justification par ce motif.
Or, il résulte de cette lettre que Mme U... accuse son employeur, explicitement et sans précautions, de 'favoritisme', de procéder à des 'appels à candidature mensongers', à des 'passe droits', invoquant une 'injustice' et 'une forme d'incivisme'.
Dans le cadre du contrat de travail, un salarié conserve, certes, sa liberté d'expression et est en droit d'exprimer des critiques ou des désaccords à l'encontre de l'employeur mais il reste, néanmoins, tenu à une obligation de loyauté qui lui interdit un usage abusif de cette liberté d'expression.
En l'espèce, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient Mme U..., le courrier litigieux ne manifeste pas seulement un désaccord ou une critique à l'égard de l'employeur mais porte de graves accusations et comporte des commentaires malveillants et agressifs que rien ne permet de justifier et qui présentent un caractère manifestement injurieux à l'encontre de la Direction.
En outre, le fait que ce courrier a été adressé au maire de la commune dont il n'est pas contesté qu'il est membre du conseil d'administration du GIP, démontre l'intention de nuire de la salariée.
Même à supposer qu'elle ait ressenti un manque d'écoute de l'employeur à son égard, Mme U... ne peut valablement soutenir n'avoir eu d'autre choix que de s'adresser au maire de la ville pour faire valoir ses droits alors qu'elle avait la possibilité de saisir les institutions représentatives du personnel au sein de l'entreprise.
Il est, en conséquence, établi que Mme U... a commis une faute grave qui a rendu impossible le maintien du contrat de travail, quels que soient son âge et son ancienneté au sein de l'entreprise, et qui justifie le licenciement prononcé.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit partiellement à ses prétentions.
Sur la prime de fin d'année
L'accord collectif applicable prévoit une prime annuelle de fin d'année en précisant que, pour en bénéficier, 'le salarié doit être présent dans l'effectif au 31 décembre'.
Mme U... qui, au 31 décembre 2014, n'était plus présente dans l'effectif du GIP au 31 décembre 2014, ne peut se plaindre de ne pas avoir bénéficié de cette prime au titre de l'année 2014.
Sur la demande de dommages- intérêts pour procédure abusive
L'employeur ne justifie pas d'un préjudice qui lui aurait été causé en raison d'un comportement fautif de la salariée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts » ;

1°) ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, la salariée, reconnue travailleur handicapé du 19 novembre 2008 au 19 novembre 2013, prétendait avoir fait l'objet de mesures discriminatoires liées à son état de santé et avait affirmé, preuves à l'appui, que l'employeur avait refusé systématiquement ses candidatures à différents postes en août 2008, mai 2012, décembre 2012, et en janvier 2013, les formations qu'elle avait sollicitées, en août 2013 pour une formation de secrétaire médicale, en octobre 2013 pour une formation Word niveau 1, et en avril 2014 pour une formation logiciel Excel, comme il avait refusé de signer le formulaire nécessaire à une demande de DIF pour une formation CAP esthétique, qu'il n'avait pas respecté les préconisations médicales formulées par le médecin du travail le 22 décembre 2008, qu'il avait procédé à des retenues sur salaire injustifiées et qu'il ne lui avait pas attribué de tickets restaurants (conclusions d'appel de l'exposante p.3 et 4 et pièces produites à l'appui) ; que pour dire que les prétentions de la salariée n'étaient pas fondées au titre d'une discrimination et en déduire que la lettre adressée au maire de Cannes ne pouvait trouver aucune justification par ce motif, la cour d'appel s'est bornée à relever que le médecin du travail avait le 13 février 2009 indiqué dans un avis que la salariée était « apte à son poste de travail », que les refus de candidatures opposés à la salariée en août 2008 et mai 2012 étaient justifiés, que la formation CAP Esthétique cosmétique et son financement avaient été accordés à la salariée qui avait en outre bénéficié de formations en 2004, 2007 et 2008 (arrêt p. 5 et p. 6) ; qu'en statuant ainsi, sans apprécier l'ensemble des éléments invoqués par la salariée à l'appui de ses prétentions relatives à la discrimination dont elle a fait l'objet, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu'en l'espèce, il était constant que, nonobstant près de 30 ans d'ancienneté sans le moindre reproche, la salariée avait fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, pour avoir adressé au Maire de la ville de Cannes, membre du conseil d'administration du GIP, un courrier par lequel elle lui rappelait, lui avoir déjà fait part, lors d'un entretien, « du favoritisme dont bénéficiaient certaines personnes du GIP Cannes Bel Age qui accédaient aux places d'hôtesses, de directrices, suite à des appels à candidature mensongers », avoir évoqué « ensemble l'injustice et certains passe droits » dont la salariée était victime depuis plusieurs années, lui avoir indiqué avoir « été spoliée à plusieurs reprises concernant les appels à candidature », expliquant « que certaines personnes qui avaient le même cursus » qu'elle avaient « pu obtenir le même poste d'hôtesse », et avoir sollicité, après lui avoir rappelé qu'il lui avait « promis de faire le nécessaire pour réparer ces injustices qui sont aussi une forme d'incivisme », un entretien avec lui « car un poste de directrice va se libérer au mois d'octobre au club de la Frayère en vue d'un départ en retraite et un poste d'hôtesse sera vacant » ; qu'en jugeant, pour dire ce licenciement fondé, que ce courrier par lequel la salariée avait porté de graves accusations, comportait des commentaires malveillants et agressifs présentant un caractère manifestement injurieux à l'encontre de l'employeur et révélait ainsi l'intention de nuire à ce dernier en ce qu'il avait été adressé au maire de la commune qui était également membre du conseil d'administration du GIP, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la tenue par la salariée de propos diffamatoires, injurieux ou excessifs révélant de sa part un abus de sa liberté d'expression, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se fondant sur l'unique courrier adressé par la salariée au Maire de la ville de Cannes, membre du conseil d'administration du GIP, aux termes duquel elle avait accusé son employeur de « « favoritisme », de procéder à des « appels à candidature mensongers », à des « passe droits », invoquant une « injustice » et « une forme d'incivisme » », la cour d'appel n'a pas caractérisé, de la part d'une salariée ayant près de 30 ans d'ancienneté et ayant toujours donné satisfaction jusqu'alors, une faute rendant impossible son maintien dans l'entreprise et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-20394
Date de la décision : 16/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 2020, pourvoi n°19-20394


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20394
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award