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16/12/2020 | FRANCE | N°18-23772

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2020, 18-23772


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 796 F-D

Pourvoi n° M 18-23.772

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBRE 2020
r>La société Dutyfly solutions, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-23.772 contre l'arrêt rendu le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 décembre 2020

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 796 F-D

Pourvoi n° M 18-23.772

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 DÉCEMBRE 2020

La société Dutyfly solutions, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-23.772 contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur régional des douanes et droits indirects de Roissy fret, domicilié [...] ,

2°/ au receveur régional des douanes et droits indirects de Roissy Fret, domicilié [...] ,

3°/ au directeur général des douanes et droits indirects, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Dutyfly solutions, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des douanes et droits indirects de Roissy Fret, du receveur régional des douanes et droits indirects de Roissy Fret et du directeur général des douanes et droits indirects, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er octobre 2018), la société Dutyfly solutions (la société Dutyfly) a été victime, dans la nuit du 22 au 23 mai 2013, d'un vol de marchandises telles que du tabac manufacturé ou des boissons alcooliques, détenues sous le régime suspensif des droits d'accises.

2. Par procès-verbal du 19 septembre 2013, l'administration des douanes a informé la société Dutyfly que les tabacs et alcools volés cessaient de bénéficier du régime suspensif de droits d'accises et lui a, le 3 octobre 2013, notifié un avis de mise en recouvrement (AMR).

3. La société Dutyfly ayant contesté cet AMR, l'administration des douanes a, par une décision du 18 décembre 2013, fait droit à sa demande de décharge pour les droits concernant les boissons alcooliques mais a rejeté celle portant sur le tabac manufacturé.

4. La société Dutyfly a assigné l'administration des douanes aux fins d'annulation de cette décision et de l'AMR.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, réunis

Enoncé des moyens

5. La société Dutyfly fait grief à l'arrêt de refuser d'annuler l'AMR délivré par l'administration des douanes ainsi que sa décision de rejet du 18 décembre 2013 et d'ordonner la remise des droits et taxes correspondant aux marchandises volées dans la nuit du 22 au 23 mai 2013, alors :

1°/ qu'en vertu de l'article 302 D I 2e a du code général des impôts, les pertes irrémédiables d'alcools, de produits alcooliques et de tabacs manufacturés ne sont pas soumises à l'impôt, s'il est justifié auprès de l'administration qu'elles résultent d'un cas fortuit ou d'un cas de force majeure ; qu'en vertu de l'ancien article 1148 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, la force majeure exonère le redevable légal des droits éludés de toute poursuite en paiement desdits droits ; que le vol est susceptible de constituer un cas de force majeure, s'il en réunit les conditions ; qu'en rejetant les demandes d'annulation de l'avis de mise en recouvrement litigieux et de la décision de rejet de la demande de décharge des droits d'accise, au motif que la notion de perte devait être interprétée comme rendant inutilisable le produit soumis à accise, le vol ne rendant le produit inutilisable que pour le dépositaire et non pour l'auteur du vol, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

1°/ que le vol peut être un cas de force majeure ouvrant droit à décharge des droits d'accises portant sur des marchandises placées sous le régime de suspension des droits d'accises pour l'entrepositaire victime ; que la cour d'appel a affirmé que le vol subi par la société Dutyfly dans la nuit du 22 mai 2013 ne présentait pas les caractères de la force majeure, après avoir relevé que l'entrepôt était équipé d'une alarme anti-intrusion, d'un système de télésurveillance géré par une société spécialisée, de sirènes et d'un gyrophare s'activant en cas d'intrusion, et bien que la société Dutyfly ait fait valoir, d'abord, que les commandants des brigades des transports aériens et de Roissy avaient visité l'entrepôt en cause à la demande de la société Dutyfly et estimé lors d'une visite en novembre 2012 que la protection était suffisante, ensuite, que l'alarme protégeant le site avait aussitôt prévenu le responsable de la sécurité du site et le centre de télésurveillance et, enfin, que les gendarmes avaient immédiatement été avertis de l'intrusion ; qu'en opposant que des vols s'étaient déjà produits et que les mesures mises en place étaient inappropriées, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles 302 D du code général des impôts et 1148 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ que l'irrésistibilité de l'événement est, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d'en empêcher les effets ; qu'en affirmant que le vol en cause n'était pas un cas de force majeure parce que l'entrepositaire avait déjà été victime de vols, la cour d'appel a violé les articles 302 D du code général des impôts et 1148 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

3°/ que la circonstance que les systèmes d'alarme et de sécurité n'ont pas suffi à empêcher le vol dans un entrepôt ne retire pas à ce vol la qualification de cas de force majeure ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 302 D du code général des impôts et 1148 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir énoncé que l'exonération des droits d'accise n'est possible que lorsque le produit qui y est normalement soumis est rendu inutilisable, l'arrêt retient exactement que le vol dont a été victime la société Dutyfly n'a rendu le tabac manufacturé inutilisable que pour cette dernière mais non pour les auteurs du vol. De ces seuls motifs, et abstraction faite de ceux, surabondants, relatifs aux caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité du cas de force majeure invoqué par la société Dutyfly, la cour d'appel a exactement déduit que la demande de décharge de cette société devait être rejetée.

7. Les moyens, pour partie inopérants, ne sont donc pas fondés pour le surplus.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La société Dutyfly fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'administration ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente de celle qu'elle a fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause ; qu'une interprétation formelle de la loi fiscale par l'administration est susceptible d'être invoquée sur ce fondement, quand bien même elle figurerait dans un document concernant au premier chef un autre produit concerné par le même impôt ; qu'en refusant le bénéfice de cette disposition au redevable, au motif que la circulaire invoquée porterait sur l'application de la loi fiscale aux alcools et non aux tabacs manufacturés, la cour d'appel a violé l'article L 80 A du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

9. Relevant que la circulaire du 31 décembre 2012 ne concerne pas les tabacs manufacturés, l'arrêt en déduit exactement que la demande d'application de l'article 80 A du livre des procédures fiscales formée par la société doit être rejetée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Dutyfly solutions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dutyfly solutions et la condamne à payer au directeur régional des douanes et droits indirects de Roissy Fret, au receveur régional des douanes et droits indirects de Roissy Fret et au directeur général des douanes et droits indirects la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Dutyfly solutions.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler la décision du 18 décembre 2013 de l'administration des douanes rejetant les demandes de la société Dutyfly tendant à la décharge de droits d'accises et à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 3 octobre 2013, d'avoir refusé d'annuler cet avis de mise en recouvrement et d'avoir refusé d'ordonner la remise des droits et taxes correspondant aux marchandises volées dans la nuit du 22 mai 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la décision de rejet du 18 décembre 2013

La société Dutyfly Solutions fait valoir en substance que la position de l'administration des douanes ne repose sur aucune base légale, que le droit national en vigueur ne s'oppose pas, en cas de vol, à l'exonération des droits d'accise pour les produits du tabac.

L'administration des douanes répond que la demande ne peut prospérer dès lors que l'existence d'une perte fait défaut.

La notion de perte des produits soumis aux droits d'accises est définie par la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008, qui indique que : « les droits d'accises deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation, qu'on entend par mise à la consommation, la sortie, y compris irrégulière des produits soumis à accise.

Un produit est considéré comme totalement détruit ou irrémédiablement perdu lorsqu'il est rendu inutilisable.

La destruction totale ou la perte irrémédiable des produits soumis à accise sont prouvées à la satisfaction des autorités compétentes de l'Etat membre du lieu où la destruction totale ou la perte irrémédiable s'est produite ou, lorsqu'il n'est pas possible de déterminer où la perte s'est produite, là où elle a été constatée ».

Selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la juridiction nationale doit interpréter le droit national à la lumière des objectifs de la directive, ce qui implique que la notion de perte doive être interprétée conformément à la directive précitée ;

Sur le plan national, la reconnaissance de l'exonération n'est possible que lorsque le produit est rendu inutilisable en tant que produit soumis à accise.
L'article 302 D du code général des impôts, prévoit que, par dérogation, la reconnaissance de l'exonération n'est possible qu'en cas de destruction totale d'alcools, de boissons alcooliques et tabacs manufacturés, de perte irrémédiable ou de force majeure.

La Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 2014 a suivi le raisonnement de la Cour de Justice de l'Union Européenne : « Vu les articles 203, paragraphe 1, et 206 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire ; jugé que l'article 206 du code des douanes communautaire n'est pas applicable au vol d'une marchandise placée sous le régime de l'entrepôt douanier qui constitue une soustraction faisant naître une dette douanière ou sens de l'article 203 du même code.

Aux termes de l'article 206 du code des douanes communautaires, aucune dette douanière à l'importation n'est réputée prendre naissance lorsque l'intéressé apporte la preuve que l'inexécution des obligations résulte de la destruction totale ou de la perte irrémédiable de la marchandise pour une cause dépendant de la nature même de la marchandise ou par suite d'un cas fortuit ou de force majeure (
). Au sens du présent paragraphe, une marchandise est irrémédiablement perdue lorsqu'elle est rendue inutilisable par quiconque.

En l'espèce, un vol s'est produit dans les locaux de la société Dutyfly.

Il s'en déduit, à la lumière des dispositions précitées, que le vol n'a pas rendu le tabac manufacturé inutilisable. Le produit n'est rendu inutilisable que pour la société Dutyfly Solutions, mais non pour les auteurs du vol. Il n'est pas davantage démontré que les marchandises volées ont été totalement détruites ou irrémédiablement perdues.

Dans ces dernières écritures, la société Dutyfly Solutions, qui ne détient plus les marchandises, demande que les poursuites de la douane soient dirigées contre les personnes détentrices, mais cette demande est irrecevable dès lors qu'elle demeure formellement redevable, en sa qualité d'entrepositaire, de la sortie irrégulière des produits.

En conséquence, au sens des articles et dispositions précitées, le vol commis le 22 mai 2013, constituant une sortie irrégulière, la société Dutyfly Solutions est infondée à solliciter la décharge des droits d'accise » (arrêt attaqué, p. 4 § 6 à p. 5 § 6) ;

ALORS QU'en vertu de l'article 302 D I 2ème a du Code général des impôts, les pertes irrémédiables d'alcools, de produits alcooliques et de tabacs manufacturés ne sont pas soumises à l'impôt, s'il est justifié auprès de l'administration qu'elles résultent d'un cas fortuit ou d'un cas de force majeure ; qu'en vertu de l'ancien article 1148 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, la force majeure exonère le redevable légal des droits éludés de toute poursuite en paiement desdits droits ; que le vol est susceptible de constituer un cas de force majeure, s'il en réunit les conditions ; qu'en rejetant les demandes d'annulation de l'avis de mise en recouvrement litigieux et de la décision de rejet de la demande de décharge des droits d'accise, au motif que la notion de perte devait être interprétée comme rendant inutilisable le produit soumis à accise, le vol ne rendant le produit inutilisable que pour le dépositaire et non pour l'auteur du vol, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler la décision du 18 décembre 2013 de l'administration des douanes rejetant les demandes de la société Dutyfly tendant à la décharge de droits d'accise et à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 3 octobre 2013, d'avoir refusé d'annuler cet avis de mise en recouvrement et d'avoir refusé d'ordonner la remise des droits et taxes correspondant aux marchandises volées dans la nuit du 22 mai 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la doctrine de l'administration douanière

La société Dutyfly Solutions soutient que l'administration des douanes a déjà reconnu dans sa doctrine qu'un vol pouvait constituer une perte irrémédiable dans un contexte de force majeure. Elle critique l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent les opérateurs en faisant valoir que l'administration a reconnu à diverses reprises qu'un vol pouvait constituer une perte irrémédiable, dans un contexte de force majeure.

Elle soutient que la reconnaissance de l'exonération de droits d'accise en matière de produits alcooliques doit engendrer la même exonération pour le tabac manufacturé volé.

Au soutien de son argumentation, la société Dutyfly Solutions invoque les dispositions de la circulaire du 31 décembre 2012, qui s'applique aux boissons alcoolisées. Le texte ne concernant pas les tabacs manufacturés, elle ne peut valablement revendiquer une identité de régime, pour des champs d'application totalement différents. Elle n'est pas davantage fondée en sa demande d'application de l'article 80 A du livre des procédures fiscales, destiné à garantir le contribuable contre les changements d'interprétation de l'administration » (arrêt attaqué, p. 5 § 7 à 10) ;

ALORS QUE l'administration ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente de celle qu'elle a fait connaitre par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause ; qu'une interprétation formelle de la loi fiscale par l'administration est susceptible d'être invoquée sur ce fondement, quand bien même elle figurerait dans un document concernant au premier chef un autre produit concerné par le même impôt ; qu'en refusant le bénéfice de cette disposition au redevable, au motif que la circulaire invoquée porterait sur l'application de la loi fiscale aux alcools et non aux tabacs manufacturés, la cour d'appel a violé l'article L 80 A du Livre des procédures fiscales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler la décision du 18 décembre 2013 de l'administration des douanes rejetant les demandes de la société Dutyfly tendant à la décharge de droits d'accises et à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 3 octobre 2013, d'avoir refusé d'annuler cet avis de mise en recouvrement et d'avoir refusé d'ordonner la remise des droits et taxes correspondant aux marchandises volées dans la nuit du 22 mai 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la force majeure

Le tribunal a jugé que la société Dutyfly Solutions n'établissait pas avoir mis en place un système de sécurisation complet et efficace, de sorte qu'elle ne peut pas être retenu que le vol a eu un caractère irrésistible.

La Société Dutyfly Solutions maintient en appel que les conditions de la force majeure sont réunies. Elle prétend qu'un vol peut constituer une perte irrémédiable dans un cas de force majeure.

La société appelante a pourtant reconnu avoir été victime de vols à répétition commis sans que les malfaiteurs aient été dérangés une seule fois en dépit du système d'alarme. La répétition de vols au sein des locaux de la société ne permet pas de retenir le critère d'imprévisibilité. En outre, les systèmes d'alarme mis en place se sont révélés inefficaces et le dispositif de sécurité, défaillant.

Faute de démontrer les caractères imprévisibles et irrésistibles du vol, la société ne peut revendiquer le bénéfice de la force majeure » (arrêt attaqué, p. 6 § 2 à 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «La société DUTYFLY SOLUTIONS considère qu'en l'espèce, le vol dont elle a été victime doit être qualifié de cas de force majeure, au sens de ces dispositions. Elle indique que l'entrepôt dans lequel le vol est intervenu était sécurisé, de sorte que ce vol doit être considéré comme un fait extérieur, imprévisible et irrésistible au sens du droit français et que la perte des produits est intervenue dans des circonstances étrangères, anormales et imprévisibles au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne.

Sa position sera toutefois écartée, pour les motifs suivants :

- A l'audience et dans ses conclusions, la société DUTYFLY SOLUTIONS indique que son entrepôt était sécurisé grâce à un système d'alarme performant mais ne fournit pas de détails significatifs à ce sujet ;

- La société DUTYFLY SOLUTIONS produit certes une copie de procès-verbal d'audition, par la Gendarmerie Nationale, de son directeur des opérations, audition intervenue suite au vol. Il est fait état, dans ce procès-verbal, d'une alarme anti-intrusion, d'un système de télé-surveillance géré par une société spécialisée, de sirènes et d'un gyrophare s'activant en cas d'intrusion ;

- Cependant ces éléments ne permettent pas de considérer, à eux seuls, que le vol litigieux revêt les caractères de la force majeure ;

- Il appartenait en effet à la société DUTYFLY SOLUTIONS de prouver, notamment, que ce vol a été pour elle irrésistible, ce qui impliquait que des éléments précis soient fournis au Tribunal sur le degré de sécurisation de son entrepôt, étant indiqué que la société DUTYFLY SOLUTIONS a une activité la conduisant à stocker des alcools et des tabacs, qui sont des produits à l'origine d'une activité délictuelle importante et dont le stockage appelle donc des mesures spécifiques de sécurité. Il ne peut en effet être considéré qu'un vol a eu le caractère irrésistible que s'il est établi que les mesures les plus efficaces avaient été prévues pour y parer ;

- Or, si la société DUTYFLY SOLUTIONS indique, de manière générale, que son entrepôt disposait, notamment, d'un système d'alarme et de surveillance, elle ne fait en revanche pas état d'autres éléments qui auraient pu conduire à retenir que les mesures de sécurité prises étaient suffisantes au regard des risques de vol encourus. Elle n'indique pas, par exemple, si elle avait demandé l'avis du correspondant sécurité de la police ou de la gendarmerie sur le système de sécurité mis en place, correspondant sécurité dont la mission est d'assister les entreprises dans la mise en place de systèmes de sécurisation. Elle ne fait pas non plus état de la présence d'une équipe de surveillance ou de l'installation d'un système non pas seulement d'alarme et de surveillance mais d'un système tendant à mettre en fuite tout intrus, par exemple par le déclenchement d'une sirène assourdissante ;

- Dans ces conditions, la société DUTYFLY SOLUTIONS n'établit pas avoir mis en place un système de sécurisation complet et efficace, de sorte qu'il ne peut être retenu que le vol a eu pour elle un caractère irrésistible » (jugement, p. 3 § 11 à p. 4 § 2) ;

1°) ALORS QUE le vol peut être un cas de force majeure ouvrant droit à décharge des droits d'accises portant sur des marchandises placées sous le régime de suspension des droits d'accises pour l'entrepositaire victime ; que la Cour d'appel a affirmé que le vol subi par la société Dutyfly dans la nuit du 22 mai 2013 ne présentait pas les caractères de la force majeure, après avoir relevé que l'entrepôt était équipé d'une alarme anti-intrusion, d'un système de télésurveillance géré par une société spécialisée, de sirènes et d'un gyrophare s'activant en cas d'intrusion, et bien que la société Dutyfly ait fait valoir, d'abord, que les commandants des brigades des transports aériens et de Roissy avaient visité l'entrepôt en cause à la demande de la société Dutyfly et estimé lors d'une visite en novembre 2012 que la protection était suffisante, ensuite, que l'alarme protégeant le site avait aussitôt prévenu le responsable de la sécurité du site et le centre de télésurveillance et, enfin, que les gendarmes avaient immédiatement été avertis de l'intrusion ; qu'en opposant que des vols s'étaient déjà produits et que les mesures mises en place étaient inappropriées, la Cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles 302 K du Code général des impôts et 1148 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2°) ALORS QUE l'irrésistibilité de l'événement est, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d'en empêcher les effets ; qu'en affirmant que le vol en cause n'était pas un cas de force majeure parce que l'entrepositaire avait déjà été victime de vols, la Cour d'appel a violé les articles 302 K du Code général des impôts et 1148 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

3°) ALORS QUE la circonstance que les systèmes d'alarme et de sécurité n'ont pas suffi à empêcher le vol dans un entrepôt ne retire pas à ce vol la qualification de cas de force majeure ; qu'en affirmant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 302 K du Code général des impôts et 1148 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-23772
Date de la décision : 16/12/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 déc. 2020, pourvoi n°18-23772


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.23772
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