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09/12/2020 | FRANCE | N°19-81875

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 décembre 2020, 19-81875


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° N 19-81.875 F-D

N° 2516

SM12
9 DÉCEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 DÉCEMBRE 2020

L'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date

du 9 janvier 2019, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. U... G... et de la société [...] du chef d'importation...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° N 19-81.875 F-D

N° 2516

SM12
9 DÉCEMBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 DÉCEMBRE 2020

L'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2019, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. U... G... et de la société [...] du chef d'importation sans déclaration de marchandises fortement taxées.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Pichon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et droits indirects et de la direction régionale des douanes et droits indirects du Havre, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. U... G..., et la société [...] et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société [...], spécialisée dans la commercialisation de produits pharmaceutiques et dirigée par M. G..., a procédé à l'importation depuis les Etats-Unis de patchs auto-chauffants destinés à soulager les douleurs en les déclarant sous une position tarifaire douanière exemptée de droits.

3. A l'issue de contrôles portant sur les déclarations d'importation, l'administration des douanes et droits indirects a considéré que les produits auraient dû être déclarés sous une autre position tarifaire et a notifié à la société et à son dirigeant des infractions douanières qui auraient permis d'éluder 344 695 euros de droits de douane et 69 988 euros de TVA.

4. Elle a fait citer la société et son dirigeant devant le tribunal correctionnel pour avoir, entre le 7 avril 2010 et le 23 janvier 2015, importé sans déclaration ou sous couvert d'une déclaration en détail non applicable aux marchandises présentées, des marchandises fortement taxées, en l'espèce des produits Thermacare déclarés à la sous position tarifaire 3005 10 00 00, faits résultant du procès-verbal n°1 du 28 mars 2013 et des dix-huit déclarations des 29 juin et 1er octobre 2012, 17 janvier, 11 et 22 février, 22 avril, 16 juin, 16 septembre, 6 et 12 novembre 2013, 8 janvier, 12 mars, 11 juin, 9 et 15 juillet, 3 septembre et 9 octobre 2014 et 23 janvier 2015 et des certificats de contrôle non conforme afférents à chacune des déclarations.

5. Le tribunal correctionnel a annulé la procédure et relaxé les prévenus considérant que l'administration des douanes avait fait preuve de déloyauté.

6. L'administration des douanes a relevé appel de cette décision.

7. Devant la cour d'appel, les prévenus ont conclu à la relaxe fondée sur l'erreur de droit invincible et le défaut d'élément moral aux motifs qu'ils avaient respecté des renseignements tarifaires contraignants (RTC) délivrés en 2012.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 122-3 du code pénal, 12 du code des douanes communautaire, 591 et 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré quant aux relaxes prononcées et relaxé la société [...] et son gérant, M. G..., des fins de la poursuite diligentée par les douanes, alors :

« 1°/ que seule une erreur de droit qu'il n'était pas en mesure d'éviter peut exonérer un prévenu de sa responsabilité pénale ; qu'une telle erreur de droit ne peut résulter de la délivrance, par les autorités douanières, d'un renseignement tarifaire contraignant que si ce dernier a été personnellement délivré au prévenu, condition à laquelle est subordonnée son opposabilité auxdites autorités ; qu'en considérant que M. G... et la société de droit français [...] auraient commis une erreur invincible de droit de nature à les exonérer de leur responsabilité pénale en se fondant sur deux renseignements tarifaires contraignants délivrés en 2012 classant des produits « Thermacare » sous la position tarifaire 30 05, quand elle relevait elle-même que ces renseignements n'avaient pas été délivrés aux prévenus, mais à la filiale anglaise du groupe [...], de sorte que les prévenus n'en étaient pas titulaires et ne pouvaient dès lors les opposer à l'administration des douanes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;

2°/ qu'en toute hypothèse, un renseignement tarifaire contraignant n'est opposable aux autorités douanières et ne peut fonder une erreur de droit exonératoire de responsabilité pénale que pour des importations postérieures à la date de sa délivrance ; qu'en considérant que M. G... et la société [...] auraient commis une erreur invincible de droit de nature à les exonérer de leur responsabilité pénale en se fondant sur deux renseignements tarifaires contraignants délivrés en 2012 classant des produits « Thermacare » sous la position tarifaire 30 05, quand elle relevait elle-même que les importations litigieuses avaient eu lieu entre le 7 avril 2010 et le 23 janvier 2015, ce dont il résulte que les prévenus ne pouvaient opposer à l'administration des douanes ces deux renseignements pour toutes les importations réalisées entre le 7 avril 2010 et leur délivrance les 14 septembre et 26 octobre 2012, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés. »

Réponse de la Cour

10. Pour relaxer les prévenus, l'arrêt attaqué énonce qu'afin de sécuriser ses opérations de dédouanement sur le marché communautaire, le Groupe [...] qui envisageait des importations de produits Thermacare a souhaité faire déposer des demandes de RTC par sa filiale anglaise, que les autorités britanniques ont délivré en 2012 deux RTC classant les produits sous la position 3005 et que la société [...] a retenu cette position.

11. Les juges relèvent que ces RTC ont vocation à être contraignants sur le marché communautaire et que, dès lors, la société, dépendante du Groupe [...], a pu légitimement être confortée dans son classement litigieux concernant les mêmes produits.

12. Ils en déduisent l'existence d'une erreur invincible du droit de nature à exonérer les prévenus de leur responsabilité pénale.

13. C'est à tort que les juges retiennent l'erreur de droit.

14. En effet, si des RTC peuvent être invoqués à titre de preuve par une personne autre que leur titulaire, l'erreur de droit invincible que son existence est susceptible de caractériser à l'égard d'une position tarifaire mentionnée dans une déclaration douanière ne peut concerner que des faits postérieurs à leur délivrance.

15. Or, il résulte des pièces de procédure que les RTC ont été délivrés les 14 septembre et 26 octobre 2012 et que la prévention porte sur un ensemble de quarante et une déclarations en douane effectuées entre le 7 avril 2010 et le 23 janvier 2015, dont vingt-trois, mentionnées dans le procès-verbal du 28 mars 2013, sont antérieures au 29 juin 2012.

16. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure.

17. En effet, par arrêt du 26 mars 2020 (C-182/19), dont se prévalent les défendeurs, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le règlement d'exécution 2016/1140 de la Commission du 8 juillet 2016 relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (NC) était invalide. Selon la Cour de justice, les produits visés par le règlement, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit des mêmes que ceux litigieux, relèvent de la position 3005 de la NC et ne peuvent donc relever de la position 3824 de la NC de sorte qu'en ayant procédé au classement tarifaire dans la sous-position 3824 90 96 de la NC et non dans la position 3005, la Commission a modifié le contenu de ces positions tarifaires et excédé les compétences qui lui sont conférées par l'article 57, paragraphe 4, du code des douanes.

18. Par conséquent, en l'absence d'élément matériel par effet direct du droit de l'Union européenne, les prévenus ne peuvent qu'être relaxés et l'administration des douanes, déboutée de sa demande tendant au prononcé d'amendes douanières.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf décembre deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-81875
Date de la décision : 09/12/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 09 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 déc. 2020, pourvoi n°19-81875


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.81875
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