LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 décembre 2020
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 738 F-P+B
Pourvoi n° K 19-14.437
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 DÉCEMBRE 2020
La société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en la personne de M. R... V..., agissant en qualité de liquidateur de la société Chiquita compagnie des bananes a formé le pourvoi n° K 19-14.437 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Chiquita Europe BV, dont le siège est [...] ),
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Axyme, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Chiquita Europe BV, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 octobre 2018), l'administration fiscale a notifié à la société Chiquita compagnie des bananes (la société Chiquita) une proposition de rectification au titre de la TVA, qu'elle a contestée.
2. La société Chiquita a été mise en liquidation judiciaire le 10 novembre 2016. La société EMJ a été désignée liquidateur, puis a été remplacée dans cette fonction par la société Axyme.
3. Le jugement d'ouverture ayant fixé la date de la cessation des paiements au 10 mai 2015, la société Chiquita Europe BV, créancière de la société Chiquita, a formé tierce opposition à ce jugement, du seul chef de la fixation de la date de cessation des paiements. Le tribunal a, sur ce recours, confirmé la date contestée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de fixer la date de cessation des paiements de la société Chiquita au 15 décembre 2015, alors :
« 1°/ que seule une créance fiscale contestée dans les conditions de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales et pour laquelle le contribuable a sollicité et obtenu un sursis de paiement peut être exclue du passif exigible ; que la cour d'appel a constaté que la créance fiscale avait fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement le 9 août 2012, que la société Chiquita avait introduit un recours sans assortir ce dernier d'une demande de sursis à paiement ; qu'il se déduisait de ces constatations que la créance fiscale devait être prise en compte dans le passif exigible ; qu'en énonçant cependant, pour refuser de fixer la date de cessation des paiements au 10 mai 2015, que l'absence de demande de sursis à paiement ne rendait pas la créance de l'administration fiscale certaine dès lors qu'un recours devant les juridictions administratives était en cours au moment de la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 277 du livre des procédures fiscales et l'article L. 631-1 du code de commerce ;
2°/ que c'est au jour où elle statue qu'une cour d'appel, saisie de l'appel d'un jugement statuant sur l'opposition formée contre un jugement ayant fixé la cessation des paiements, doit apprécier le caractère certain d'une créance exigible ; que la cour d'appel a constaté que la créance fiscale avait fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement le 9 août 2012, que la société Chiquita compagnie des bananes avait introduit un recours sans assortir ce dernier d'une demande de sursis à paiement et que le recours avait été rejeté par un jugement du 18 mars 2014, confirmé par un arrêt du 15 décembre 2015 ; qu'il se déduisait de ces constatations qu'au jour où la cour d'appel statuait, la créance fiscale exigible au 9 août 2012 était certaine ; qu'en énonçant cependant, pour refuser de fixer la date de cessation des paiements au 10 mai 2015, qu'à cette date la créance fiscale était exigible mais non certaine, seul l'arrêt du 15 décembre 2015, ayant rendu certaine ladite créance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 631-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles L. 631-1 et L. 631-8 du code de commerce que la date de cessation des paiements ne peut être reportée qu'au jour où le débiteur était déjà dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le juge saisi d'une demande de report doit donc, pour apprécier cette situation, se placer, non au jour où il statue, mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements. Par ailleurs, ne peut être incluse dans le passif exigible une dette incertaine, comme faisant l'objet d'un recours.
6. Si l'arrêt constate qu'au 10 mai 2015, date retenue par le premier juge, la société Chiquita n'avait pas assorti sa réclamation d'une demande de sursis de paiement, il relève également qu'à cette date, le jugement du tribunal administratif qui avait rejeté son recours faisait l'objet d'un appel. C'est donc à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la créance fiscale n'était devenue certaine qu'à la date qu'elle a retenue du 15 décembre 2015, correspondant au prononcé de l'arrêt de la cour administrative d'appel.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axyme, en qualité de liquidateur de la société Chiquita compagnie des bananes, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Axyme.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé la date de cessation des paiements de la société Chiquita Compagnie des Bananes au 15 décembre 2015 ;
AUX MOTIFS QUE la cour constate que seule la date d'exigibilité du passif est contestée ; qu'il ressort des pièces produites aux débats que la société Chiquita a fait l'objet d'un redressement fiscal portant sur la TVA d'un montant de 797.916 euros le 13 juillet 2011 ; qu'un avis de mise en recouvrement a été délivré le 9 août 2012, reçu le 14 août 2012 ; que la société Chiquita a introduit un recours contre ce redressement ; que le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête par jugement du 18 mars 2014 ; que le jugement a été confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel le 15 décembre 2015 ; qu'il n'est pas contesté que la société Chiquita n'a pas demandé le sursis au paiement du redressement ; que l'absence de demande de sursis à paiement ne rend toutefois pas la créance de l'administration fiscale certaine dès lors qu'un recours devant les juridictions administratives était en cours au moment de la date de cessation des paiements retenue par le tribunal ; qu'en effet, il est de jurisprudence constante qu'une créance constatée par une décision exécutoire par provision mais frappée d'appel ne présentait pas de caractère certain ; qu'il en est de même d'un avis de mise en recouvrement dont l'exécution n'a pas été suspendue dès lors que la décision à l'origine de cet avis est régulièrement contestée devant le juge compétent ; qu'en revanche la créance de l'administration fiscale est devenue certaine dès l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 15 décembre 2015 ; que le jugement sera donc infirmé et il convient donc de reporter la date de cessation des paiements au 15 décembre 2015 ;
1/ ALORS QUE seule une créance fiscale contestée dans les conditions de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales et pour laquelle le contribuable a sollicité et obtenu un sursis de paiement peut être exclue du passif exigible ; que la cour d'appel a constaté que la créance fiscale avait fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement le 9 août 2012, que la société Chiquita avait introduit un recours sans assortir ce dernier d'une demande de sursis à paiement ; qu'il se déduisait de ces constatations que la créance fiscale devait être prise en compte dans le passif exigible ; qu'en énonçant cependant, pour refuser de fixer la date de cessation des paiements au 10 mai 2015, que l'absence de demande de sursis à paiement ne rendait pas la créance de l'administration fiscale certaine dès lors qu'un recours devant les juridictions administratives était en cours au moment de la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 277 du livre des procédures fiscales et l'article L. 631-1 du code de commerce ;
2/ ALORS subsidiairement QUE c'est au jour où elle statue qu'une cour d'appel, saisie de l'appel d'un jugement statuant sur l'opposition formée contre un jugement ayant fixé la cessation des paiements, doit apprécier le caractère certain d'une créance exigible ; que la cour d'appel a constaté que la créance fiscale avait fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement le 9 août 2012, que la société Chiquita Compagnie des Bananes avait introduit un recours sans assortir ce dernier d'une demande de sursis à paiement et que le recours avait été rejeté par un jugement du 18 mars 2014, confirmé par un arrêt du 15 décembre 2015 ; qu'il se déduisait de ces constatations qu'au jour où la cour d'appel statuait, la créance fiscale exigible au 9 août 2012 était certaine ; qu'en énonçant cependant, pour refuser de fixer la date de cessation des paiements au 10 mai 2015, qu'à cette date la créance fiscale était exigible mais non certaine, seul l'arrêt du 15 décembre 2015, ayant rendu certaine ladite créance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 631-1 du code de commerce.