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09/12/2020 | FRANCE | N°19-11431

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 décembre 2020, 19-11431


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 757 F-D

Pourvoi n° T 19-11.431

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

1°/ M. V...

F...,

2°/ Mme K... A..., épouse F...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ la société La Roulerie, exploitation agricole à responsabilité limitée, don...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 décembre 2020

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 757 F-D

Pourvoi n° T 19-11.431

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

1°/ M. V... F...,

2°/ Mme K... A..., épouse F...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ la société La Roulerie, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

4°/ la société [...] mandataires judiciaires, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société La Roulerie,

ont formé le pourvoi n° T 19-11.431 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) Charente-Maritime Deux-Sèvres, société coopérative à forme anonyme à capital variable, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. et Mme F... A..., de la société La Roulerie, et de la SCP [...], ès qualités, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 11 septembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 décembre 2017, pourvoi n° 16-21.498), la société Caisse de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres (la banque) a consenti, en 2003, à M. et Mme F... A... trois prêts pour financer l'acquisition de leur exploitation agricole exercée dans le cadre de l'EARL La Roulerie (l'EARL), puis deux prêts de consolidation, le premier de 89 000 euros à l'EARL en date du 25 juillet 2007 et le second de 365 000 euros à M. et Mme F... A... en date du 26 septembre 2007, à la suite d'un accord de conciliation prévoyant une restructuration des crédits antérieurs. A la suite d'un avenant, la banque a consenti à l'EARL un nouveau prêt de 24 100 euros pour l'achat d'un tracteur en date du 11 février 2008.

2. M. et Mme F... A... ainsi que l'EARL ont été mis en redressement judiciaire et la banque a déclaré sa créance, puis elle a été assignée par ses débiteurs en responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. V... F..., Mme K... A... épouse F..., l'EARL La Roulerie et la SCP [...], mandataire judiciaire, font grief à l'arrêt de les débouter de leur action en responsabilité, alors :

« 1°/ qu'un crédit est adapté aux capacités de remboursement de l'emprunteur si la charge de remboursement qu'il implique ne crée pas un endettement excessif ; que pour rejeter la demande indemnitaire des époux F..., la cour d'appel qui, adoptant les motifs du tribunal de grande instance, a relevé que lors de la conclusion de l'accord de conciliation "la charge globale de remboursement des prêts consentis par le Crédit agricole serait de 55 000 euros par an" et a considéré que "suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58 187,44 euros par an, portée à 63 492,64 euros à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparaît pas excessive au regard des capacités de production" ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que la capacité de remboursement des époux F... et de l'EARL La Roulerie résultant de l'accord de conciliation n'excédait pas 55 000 euros par an, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le caractère excessif d'un crédit s'apprécie au regard de la situation patrimoniale de l'emprunteur à la date de l'octroi du crédit ; que pour déclarer les prêts consentis en 2003 aux époux F..., les prêts de consolidation octroyés en 2007 à l'EARL La Roulerie et aux époux F... et le prêt de 24 100 euros consenti à l'EARL La Roulerie en 2008 pour l'achat d'un tracteur "adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs", la cour d'appel adoptant les motifs du tribunal de grande instance a retenu que "le ratio excédent brut d'exploitation/production de l'EARL La Roulerie puisqu'il résulte de l'exercice comptable 2002-2003 qu'elle a réalisé une production totale de lait de 441 072 litres, qu'en outre l'excédent brut d'exploitation de 81 000 euros permettait aux débiteurs de supporter la charge d'emprunts à eux consentis, qu'enfin suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58 187,44 euros par an, portée à 63 492,64 euros à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparaît pas excessive au regard des capacités de production" et que "la mise en place de ce financement [le prêt de 24 100 euros] ne devait pas poser de problème particulier vis-à-vis du protocole d'apurement du passif, compte tenu du fait que l'EARL La Roulerie avait bénéficié d'un quota supplémentaire de 50 000 litres et que le prix du lait avait sensiblement augmenté" ; qu'en appréciant le caractère excessif des prêts consentis à l'EARL et aux époux F... en 2003, 2007 et 2008, au regard des capacités de production de la société, sans égard aux facultés de remboursement des emprunteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que le caractère excessif d'un crédit s'apprécie au regard de la situation patrimoniale de l'emprunteur, et ce, à la date de l'octroi du crédit ; que pour déclarer les emprunts souscrits en 2007 (prêt de consolidation de 365 000 euros aux époux F... et prêt de consolidation de 89 000 euros à l'EARL La Roulerie) et le prêt octroyé en 2008 (prêt de 24 100 euros consenti à l'EARL) "adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs", la cour d'appel, adoptant les motifs du tribunal de grande instance, a retenu que "si les époux F... A... en leur qualité d'exploitants agricoles, ne peuvent être considérés comme emprunteurs avertis du seul fait qu'ils empruntent pour les besoins de leur exploitation, il n'est cependant pas avéré que tant lors de l'octroi des prêts initiaux en 2003 que lors de l'octroi des prêts de consolidation en 2007, le Crédit agricole a manqué à son devoir de mise en garde, que le ratio excédent brut d'exploitation/production de l'EARL La Roulerie puisqu'il résulte de l'exercice comptable 2002-2003 qu'elle a réalisé une production totale de lait de 441 072 litres, qu'en outre l'excédent brut d'exploitation de 81 000 euros permettait aux débiteurs de supporter la charge d'emprunts à eux consentis, qu'enfin suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58 187,44 euros par an, portée à 63 492,64 euros à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparaît pas excessive au regard des capacités de production" ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit appuyée sur l'excédent brut d'exploitation de l'exercice comptable 2002-2003 pour apprécier le caractère excessif ou non des emprunts consentis en 2007 et 2008 par la banque aux époux F... et à l'EARL La Roulerie, elle aurait violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que le caractère excessif d'un crédit s'apprécie au regard de la situation patrimoniale de l'emprunteur, et ce, à la date de l'octroi du crédit ; que conformément à ce principe, les conclusions des exposants indiquaient que "Le risque [d'endettement excessif] devait s'apprécier au moment où les crédits de consolidation ont été mis en place, c'est-à-dire : - Soit au vu des éléments objectifs produits par le rapport de M. X... (mai 2007) - Soit au vu d'une étude qu'aurait dû réaliser le Crédit agricole basée sur le dernier bilan disponible" ; que pour déclarer néanmoins les emprunts consentis en 2007 d'une part aux époux F..., d'autre part à l'EARL et le prêt octroyé en 2008 à l'EARL "adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs", la cour d'appel, adoptant les motifs des premiers juges, a retenu que "suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58 187,44 euros par an, portée à 63 492,64 euros à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparaît pas excessive au regard des capacités de production" ; qu'en statuant ainsi, c'est-à-dire en englobant les prêts intervenus en 2007 et en 2008, sans rechercher comme elle le devait et comme l'y invitaient les conclusions des exposants, si aux dates respectives de conclusion des prêts de consolidation, ces derniers étaient adaptés ou non aux capacités financières des débiteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que les juges sont tenus de motiver leur décision et sans pouvoir contenter d'une motivation de pure forme ; que pour déclarer les emprunts souscrits par les époux F... en 2007 (prêt de consolidation de 365 000 euros aux époux F... et prêt de consolidation de 89 000 euros à l'EARL La Roulerie) "adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs", la cour d'appel, adoptant les motifs du jugement de première instance, retient que "suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., (
) la charge totale du remboursement de 58 187,44 euros par an (
) n'apparaît pas excessive au regard des capacités de production" ; qu'en statuant par simple affirmation concernant les prêts consentis en 2007, la cour d'appel a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt constate, par motifs adoptés, qu'en 2007, lors de l'octroi des deux prêts de restructuration, la capacité globale de remboursement de M. et Mme F... A... et de l'EARL était de 61 300 euros, tandis que la charge globale de remboursement des prêts était de 58 187,44 euros. Il relève qu'en 2008, lors de l'octroi du nouveau prêt destiné à l'achat d'un nouveau tracteur consenti à l'EARL, si la charge totale de remboursement des débiteurs était passée à 63 492,64 euros, ce financement supplémentaire était cependant compatible avec la capacité de production de l'EARL qui a bénéficié d'un quota supplémentaire de 50 000 litres de lait et de l'augmentation sensible du prix de celui-ci permettant l'apurement des crédits contractés.

5. C'est dès lors en effectuant les recherches invoquées que la cour d'appel, qui n'a pas affirmé que la capacité de remboursement des emprunteurs n'excédait pas 55 000 euros et n'avait pas à apprécier distinctement les capacités de l'EARL et de M. et Mme F... A..., quand ces derniers se fondaient eux-mêmes sur une capacité de remboursement déterminée globalement, a retenu que les différents crédits étaient adaptés au moment de leur octroi.

6. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme F... A... et l'EARL La Roulerie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme F... A..., l'EARL La Roulerie et la SCP [...] mandataires judiciaires, et les condamne à payer à la société Caisse de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme F... A..., la société La Roulerie, et la SCP [...], ès qualités.

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir débouté les emprunteurs de leur action en responsabilité ;

aux motifs propres que « « le tribunal de grande instance a très justement retenu, au terme d'une motivation que la cour d'appel adopte, que ces prêts, consentis avec l'accord du conciliateur, étaient adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs, en sorte que la caisse n'avait pas à mettre ces derniers en garde par rapport à un risque d'endettement excessif qui n'était pas avéré » ;

et aux motifs adoptés que « Il résulte du rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., expert agricole et foncier, que le montant de la capacité d'apurement des époux F... A... et de l'EARL LA ROULERIE est d'environ 61300 € par an et que la charge globale de remboursement des prêts consentis par le Crédit Agricole serait de 55000 € par an.

Il résulte des tableaux d'amortissement joints, qu'en remboursement des prêts habitat et de consolidation, les époux F... A... et L'EARL LA ROULERIE avaient après l'accord de conciliation, une charge totale de remboursement de 58187, 44 € par an, portée à 63492,64 € à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, prêt accepté par l'ensemble des créanciers et des débiteurs, aux termes de l'avenant au rapport de conciliation rédigé le 7 janvier 2008 par M. X... qui a précisé que la mise en place de ce financement ne devait pas poser de problème particulier vis-à-vis du protocole d'apurement du passif, compte tenu du fait que l'EARL LA ROULERIE avait bénéficié d'un quota supplémentaire de 50000 litres et que le prix du lait avait sensiblement augmenté.

Si les époux F... A... en leur qualité d'exploitants agricoles, ne peuvent être considérés comme emprunteurs avertis du seul fait qu'ils empruntent pour les besoins de leur exploitation, il n'est cependant pas avéré que tant lors de l'octroi des prêts initiaux en 2003 que lors de l'octroi des prêts de consolidation en 2007, le Crédit Agricole a manqué à son devoir de mise en garde, alors que le ratio excédent brut d'exploitation/production pris en compte était de 40,30 %, que dans la fiche d'analyse, le Crédit Agricole a retenu pour l'année 2003 un prévisionnel de 420000 litres de lait conforme aux capacités de production de l'EARL LA ROULERIE puisqu'il résulte de l'exercice comptable 2002-2003 qu'elle a réalisé une production totale de lait de 441 072 litres, qu'en outre l'excédent brut d'exploitation de 81 000 € permettait aux débiteurs de supporter la charge d'emprunts à eux consentis, qu'enfin suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58187, 44 € par an, portée à 63492, 64 € à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparait pas excessive au regard des capacités de production.

En conséquence, il y a lieu de débouter les époux F... A... et L'EARL LA ROULERIE de l'intégralité de leurs demandes. » ;

alors 1°/ qu'un crédit est adapté aux capacités de remboursement de l'emprunteur si la charge de remboursement qu'il implique ne crée pas un endettement excessif ; que pour rejeter la demande indemnitaire des époux F..., la cour d'appel qui, adoptant les motifs du tribunal de grande instance, a relevé que lors de la conclusion de l'accord de conciliation « la charge globale de remboursement des prêts consentis par le Crédit Agricole serait de 55 000 € par an » et a considéré que « suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58 187,44 € par an, portée à 63 492,64€ à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparait pas excessive au regard des capacités de production » ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que la capacité de remboursement des époux F... et de l'EARL La Roulerie résultant de l'accord de conciliation n'excédait pas 55 000 euros par an, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 2°/ que le caractère excessif d'un crédit s'apprécie au regard de la situation patrimoniale de l'emprunteur à la date de l'octroi du crédit ; que pour déclarer les prêts consentis en 2003 aux époux F..., les prêts de consolidation octroyés en 2007 à l'EARL La Roulerie et aux époux F... et le prêt de 24 100 euros consenti à l'EARL La Roulerie en 2008 pour l'achat d'un tracteur « adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs », la cour d'appel adoptant les motifs du tribunal de grande instance a retenu que « le ratio excédent brut d'exploitation/production de l'EARL LA ROULERIE puisqu'il résulte de l'exercice comptable 2002-2003 qu'elle a réalisé une production totale de lait de 441 072 litres, qu'en outre l'excédent brut d'exploitation de 81 000 € permettait aux débiteurs de supporter la charge d'emprunts à eux consentis, qu'enfin suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58 187,44 € par an, portée à 63 492,64 € à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparait pas excessive au regard des capacités de production » et que « la mise en place de ce financement [le prêt de 24 100 euros] ne devait pas poser de problème particulier vis-à-vis du protocole d'apurement du passif, compte tenu du fait que l'EARL LA ROULERIE avait bénéficié d'un quota supplémentaire de 50 000 litres et que le prix du lait avait sensiblement augmenté »; qu'en appréciant le caractère excessif des prêts consentis à l'EARL et aux époux F... en 2003, 2007 et 2008, au regard des capacités de production de la société, sans égard aux facultés de remboursement des emprunteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 3°/ que le caractère excessif d'un crédit s'apprécie au regard de la situation patrimoniale de l'emprunteur, et ce, à la date de l'octroi du crédit ; que pour déclarer les emprunts souscrits en 2007 (prêt de consolidation de 365 000 euros aux époux F... et prêt de consolidation de 89 000 euros à l'EARL La Roulerie) et le prêt octroyé en 2008 (prêt de 24 100 euros consenti à l'EARL) « adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs », la cour d'appel, adoptant les motifs du tribunal de grande instance, a retenu que « si les époux F... A... en leur qualité d'exploitants agricoles, ne peuvent être considérés comme emprunteurs avertis du seul fait qu'ils empruntent pour les besoins de leur exploitation, il n'est cependant pas avéré que tant lors de l'octroi des prêts initiaux en 2003 que lors de l'octroi des prêts de consolidation en 2007, le Crédit Agricole a manqué à son devoir de mise en garde, alors que le ratio excédent brut d'exploitation/production de l'EARL LA ROULERIE puisqu'il résulte de l'exercice comptable 2002-2003 qu'elle a réalisé une production totale de lait de 441 072 litres, qu'en outre l'excédent brut d'exploitation de 81 000 € permettait aux débiteurs de supporter la charge d'emprunts à eux consentis, qu'enfin suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58 187,44 € par an, portée à 63 492,64 € à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparait pas excessive au regard des capacités de production » ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit appuyée sur l'excédent brut d'exploitation de l'exercice comptable 2002-2003 pour apprécier le caractère excessif ou non des emprunts consentis en 2007 et 2008 par la banque aux époux F... et à l'EARL La Roulerie, elle aurait violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 4°/ que le caractère excessif d'un crédit s'apprécie au regard de la situation patrimoniale de l'emprunteur, et ce, à la date de l'octroi du crédit ; que conformément à ce principe, les conclusions des exposants indiquaient que « Le risque [d'endettement excessif] devait s'apprécier au moment où les crédits de consolidation ont été mis en place, c'est-à-dire : - Soit au vu des éléments objectifs produits par le rapport de M. X... (mai 2007) – Soit au vu d'une étude qu'aurait dû réaliser le CREDIT AGRICOLE basée sur le dernier bilan disponible » (p. 29 et 30 des conclusions des exposants) ; que pour déclarer néanmoins les emprunts consentis en 2007 d'une part aux époux F..., d'autre part à l'EARL et le prêt octroyé en 2008 à l'EARL « adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs », la cour d'appel, adoptant les motifs des premiers juges, a retenu que « suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., et l'avenant du 7 janvier 2008, la charge totale du remboursement de 58 187,44 € par an, portée à 63 492,64 € à la suite du prêt destiné à l'acquisition d'un tracteur, n'apparait pas excessive au regard des capacités de production » ; qu'en statuant ainsi, c'est-à-dire en englobant les prêts intervenus en 2007 et en 2008, sans rechercher comme elle le devait et comme l'y invitaient les conclusions des exposants, si aux dates respectives de conclusion des prêts de consolidation, ces derniers étaient adaptés ou non aux capacités financières des débiteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 5°/ que les juges sont tenus de motiver leur décision et sans pouvoir contenter d'une motivation de pure forme ; que pour déclarer les emprunts souscrits par les époux F... en 2007 (prêt de consolidation de 365 000 euros aux époux F... et prêt de consolidation de 89 000 euros à l'EARL La Roulerie) « adaptés à la capacité de remboursement des débiteurs », la cour d'appel, adoptant les motifs du jugement de première instance, retient que « suivant le rapport de conciliation rédigé le 4 mai 2007 par M. X..., (
) la charge totale du remboursement de 58 187,44€ par an (
) n'apparait pas excessive au regard des capacités de production » ; qu'en statuant par simple affirmation concernant les prêts consentis en 2007, la cour d'appel a privé sa décision de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-11431
Date de la décision : 09/12/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 11 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 déc. 2020, pourvoi n°19-11431


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11431
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