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02/12/2020 | FRANCE | N°19-19521

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2020, 19-19521


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

DsSOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1141 F-D

Pourvoi n° M 19-19.521

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

1°/ la société Mondadori magazines France, do

nt la nouvelle dénomination est Reworld Media Magasines, société par actions simplifiée unipersonnelle,

2°/ la société Les Editions Mondadori Axel ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

DsSOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 décembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1141 F-D

Pourvoi n° M 19-19.521

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

1°/ la société Mondadori magazines France, dont la nouvelle dénomination est Reworld Media Magasines, société par actions simplifiée unipersonnelle,

2°/ la société Les Editions Mondadori Axel Springer (EMAS), société en nom collectif,

ayant toutes deux leur siège [...] ,

3°/ Mme Y... Q..., domiciliée [...] , agissant en qualité de président du comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie,

ont formé le pourvoi n° M 19-19.521 contre l'ordonnance en la forme des référés rendue le 17 mai 2019 par le président du tribunal de grande instance de Versailles, dans le litige les opposant :

1°/ au comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie, dont le siège est [...] , venant aux droits du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'UES Mondadori Magazines France élargie,

2°/ à la société Actysens conseil, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Reworld Media Magasines, Les Editions Mondadori Axel Springer et de Mme Q..., agissant en qualité de président du comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Actysens conseil et du comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Lanoue, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Versailles, 17 mai 2019), statuant en la forme des référés et rendue sur renvoi après cassation (Soc., 6 juin 2018, pourvoi n° 16-28.026), le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'unité économique et sociale Mondadori Magazines France élargie (l'UES), formée de la société Mondadori magazines, aux droits de laquelle vient désormais la société Reworld Media Magasines, et la société Les Editions Mondadori Axel Springer (les sociétés), a décidé le 5 octobre 2016 du recours à une expertise pour risque grave sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail.

2. Par acte d'huissier du 20 octobre 2016, les sociétés formant l'UES ont fait assigner le CHSCT aux fins de constater que la preuve d'un risque grave n'est pas rapportée et en conséquence d'annuler la délibération sur le principe du recours au cabinet Actysens conseil en qualité d'expert. Par ordonnance du 7 décembre 2016, le président du tribunal de grande instance de Nanterre, statuant en la forme des référés, a déclaré irrecevables ces demandes. Cette ordonnance a été cassée et annulée en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 6 juin 2018.

3. Le comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie vient aux droits du CHSCT.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur les deuxième et troisième branches du second moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Les sociétés formant l'UES et la présidente du comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie font grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable leur demande subsidiaire de réduire le périmètre de la mission de l'expert ainsi que le montant de ses honoraires en conséquence, alors « que l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre lorsqu'elles tendent l'une et l'autre à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, l'UES Mondadori magazines avait sollicité dans le délai de 15 jours qui lui était imparti par l'article L. 4614-13 du code du travail l'annulation de la résolution du CHSCT ordonnant l'expertise, puis, au cours de l'instance de renvoi après cassation de l'ordonnance rendue, sollicité à titre subsidiaire, la réduction de l'étendue de l'expertise sur le fondement de l'article L. 4614-13 du code du travail ; qu'en jugeant irrecevable comme tardive cette demande subsidiaire pour n'avoir pas elle-même été formulée dans le délai de 15 jours, lorsque cette demande était virtuellement comprise dans la demande originaire tendant à l'annulation de la décision de recourir à l'expertise, le tribunal a violé l'article L. 4614-13 du code du travail dans sa version alors applicable. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 4614-13 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

7. Ayant constaté que l'assignation du 20 octobre 2016 avait pour unique objet de contester le principe de l'expertise, et non son étendue, et que ce n'était que par assignation du 31 octobre 2018 devant le président du tribunal statuant en la forme des référés sur renvoi après cassation qu'avait été présentée la demande subsidiaire tendant à constater que tant le périmètre que les honoraires sollicités par le cabinet d'expertise sont excessifs, ce dont il résultait que les demandes avaient des objets distincts et ne tendaient pas au même but, le président du tribunal a, à bon droit, déclaré la demande subsidiaire irrecevable dès lors que celle-ci n'avait pas été formulée dans le délai de forclusion de quinze jours courant à compter de la délibération du 5 octobre 2016 ayant tant décidé du principe du recours à l'expert pour risque grave que défini la mission de l'expert qui était désigné.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Reworld Media Magasines, la société Les Editions Mondadori Axel Springer et Mme Q..., agissant en qualité de présidente du comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Reworld Media Magasines, la société Les Editions Mondadori Axel Springer et Mme Q..., agissant en qualité de présidente du comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie, et condamne les sociétés Reworld Media Magasines et Les Editions Mondadori Axel Springer à payer à la société Actysens conseil la somme de 3 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Reworld Media Magasines et la société Les Editions Mondadori Axel Springer à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 600 euros TTC ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour les sociétés Reworld Media Magasines, Les Editions Mondadori Axel Springer et Mme Q..., agissant en qualité de président du comité social et économique de l'UES Mondadori Magazines France élargie

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté l'UES MONDADORI MAGAZINES FRANGE ÉLARGlE de sa demande d'annulation de la délibération des membres du CHSCT en date du 05 octobre 2016 sur le principe du recours à un expert et désignant le Cabinet Actysens Conseil en qualité d'expert et déclaré sans objet la demande de remboursement du montant de l'expertise, et d'AVOIR condamné l'UES Mondadori Magazines France élargie à verser à la société ACTYSENS CONSEIL la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens

AUX MOTIFS QUE « L'article L. 4614-12 du code du travail applicable au présent litige dispose: "Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :
1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement;
2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de-travail, prévu à l'article L. 4612-8-l.
Les conditions dans lesquelles l'expert est agréé par l' autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglementaire."
Le comité, qui fonde sa demande d'expertise sur le 1° de cet article, doit établir qu'un risque grave a été constaté dans l'établissement, révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Ainsi et notamment, le CHSCT est fondé à recourir à une expertise lorsqu'il a été alerté par le médecin du travail sur le risque grave encouru par les salariés en situation de grande souffrance au travail, corroboré par une forte augmentation des arrêts de travail pour maladie dans l'entreprise.
Il convient de souligner qu'en l'espèce, le comité n'a pas fondé sa demande d'expertise sur l'alinéa relatif au projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail tout en faisant état, ces dernières années, de nombreuses réorganisations.
Il s'avère, à l'examen des pièces produites par le CSE, qu'à l'occasion de chaque projet de réorganisation concernant un service de l'UES Mondadori Magazines France élargie, des expertises ont été décidées sur le fondement du 2° de cet article, soit deux expertises en 2014, une en 2015 et deux en 2016. Au vu de la mission même du CHSCT qui est de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, il est bien évident que ces expertises avaient pour objet de détecter les risques psycho-sociaux liés à ces réorganisations et qu' elles font état de ces risques liés aux réorganisations projetées.
L'employeur, également conscient de ces risques, a mis en oeuvre sa propre expertise en 2016 en vue de l'actualisation de son document unique d'évaluation des risques et pour établir son plan de prévention des risques.
L'existence des risques psycho-sociaux au sein de l'UES MONDADORI n'est donc pas contestée par l'employeur, quand bien même il minimiserait la valeur de l'enquête qu'il a lui-même ordonnée en ce qu'elle ne porte que sur 68 salariés, pas forcément représentatifs des 800 que l'entreprise compte en France, Pourtant, l'employeur ne peut pas contester l'existence de ce risque puisqu'il fait valoir lui-même qu'il a entrepris de nombreuses actions pour y répondre.
Le CHSCT estimant ces actions insuffisantes, a souhaité avoir recours à une expertise pour se donner les moyens de comprendre les difficultés et les problèmes rencontrés par les salariés, comprendre les déterminantes du mal être et de la souffrance physique et ou mentale, identifier les axes de prévention de nature à supprimer ou réduire à la source l'exposition aux risques psycho-sociaux.
Il convient de rechercher s'il résulte des éléments produits par le CHSCT que ce risque peut être qualifié de grave et pour cela il convient de se référer aux éléments figurant dans la résolution adoptée le 05 octobre 2016.
Cette résolution commence ainsi :
"Le CHSCT de Mondadori Magazines France a été alerte à de multiples reprises par les salariés et par le médecin du travail de l'existence de situations de souffrance au travail; ces situations sont notamment liées à un déséquilibre de la charge de travail, à une pression managériale excessive, à des instructions contradictoires de l'encadrement, à des effectifs insuffisants pour couvrir l'activité, à des réorganisations brutales et irréfléchies.
Plusieurs rédactions et services ont été à l'origine d'alertes circonstanciées concernant notamment une charge de travail excessive à l'origine de plusieurs situations de burn out, des défaillances managériales, une augmentation significative des arrêts de travail et une situation générale de souffrance au travail pour de nombreux salariés. Le médecin du travail a lui-même formulé des alertes en ce sens à la direction de l'entreprise, qui les a sous-estimées sinon négligées allant jusqu'à en remettre en cause l'impartialité ".
S'il s'agit de considérations générales non étayées par des noms et des chiffres, elles sont cependant confirmées par les attestations de plusieurs membres du CHSCT qui, à l'occasion de la présente procédure, ont confirmé avoir constaté, depuis plusieurs années, une dégradation des conditions de travail et recueilli les doléances de nombreux salariés.

Ainsi Madame E... certifie « avoir constaté à plusieurs reprises une dégradation des conditions de travail au sein du département FINANCES depuis le début du PDV en mai 2015. Des salariés se sont trouvés en souffrance par la réorganisation elle manque d'effectifs liés à la mise en place du nouveau logiciel QUALIAC Achat. Faisant moi-même partie des postes supprimés à la comptabilité reporting, j'ai moi-même eu des soucis au niveau de mon reclassement. Lorsque je discute avec des collègues de l'entreprise, je constate que de nombreux salariés n'en peuvent plus par la surcharge de travail, le manque de communication et le stress permanent. "Monsieur U... écrit avoir constaté depuis de nombreuses années au Pôle Star ou il travaille et notamment à Télé Star que de nombreuses personnes sont en situation de souffrances au travail. "Insultes, harcèlements, menaces, chantages, avec des managements toxiques et dysfonctionnels occasionnant des arrêts maladie particulièrement nombreux. J'ai constaté aussi que ces situations ont duré pendant des années sans que la direction intervienne. Un journaliste en arrêt maladie depuis dix mois m 'a dit au téléphone.' "Si je devais revenir, je me tire une balle". "
Madame F... atteste "avoir reçu à plusieurs reprises des salariés à bout, en larmes; totalement désemparés voire suicidaires dans le cadre de l'entreprise mais également au cours de leur arrêt maladie. Des hommes et des femmes de métiers, journalistes ou non, jeunes et moins jeunes, ils m'ont fait part de leur souffrance face au non-sens de leur travail, au vide laissé par les départs en masse de personnes de valeur non remplacées, à l'absence de considération de leurs alertes répétées sur les risques que font prendre certaines décisions qui se trouvent contraires au sens commun "
Monsieur G... fait état de nombreux salariés de plusieurs services (diffusion, comptabilité, courrier, pôle femme, pôle chasse, pôle auto) venant se plaindre des dysfonctionnements dans leur travail quotidien : surcharge de travail consécutive à un manque de personnel, ordres contradictoires de la part des managers, pression pour travailler toujours plus, pour reprendre le travail des absents, etc.
Par ailleurs, il résulte du procès-verbal de la réunion du CHSCT du 27 juin 2016, que le médecin du travail, le Docteur V... a informé et alerté le CHSCT en ces termes:
- de nombreux cas de souffrances au travail ont été détectés depuis sa prise de fonction en novembre 2015. De nombreuses alertes collectives ou individuelles prononcées et communiquées à la direction dont par exemple:
- une alerte souffrance au travail collective pour tout un service a été lancée à la rédaction de Grazia en février,
-une alerte souffrance au travail collective au service diffusion tout récemment encore.
Elle a informé le CHSCT, ce que la direction lui a d'ailleurs reproché, qu'il lui avait été reproché dès le mois de mars 2016 de faire trop d'alertes, d'être trop à l'écoute des salariés. Elle a fait état notamment d'une trentaine d'alertes depuis janvier 2016. il s'avère que le Docteur V... n'assure plus le suivi des salariés de MONDADORI suite à ces faits.

Ces alertes n'avaient pas été transmises au CHSCT malgré les dispositions du code du travail en ce sens, ce que l'inspection du travail a rappelé à la direction par courrier du 15 septembre 2016.
Si l'UES Mondadori Magazines France élargie fait état des diagnostics des RPS établis presque tous les ans depuis 2011 en vue de l'élaboration d'un DUERP RPS outre trois plans d'action RPS (2014, 2015, 2016), cela ne fait que confirmer l' existence de ces risques qui restent minimisés par l'UES qui n'entendait pas associer le CHSCT à ses actions visant à les prévenir et qui s'abstenait de lui transmettre les alertes du médecin du travail.
II résulte de l'ensemble de ces éléments que la santé psychique et morale des salariés de l'UES Mondadori Magazines France élargie est soumise à un risque grave en raison de leurs conditions de travail.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler la résolution de recours à l'expertise du 05 octobre 2016 et la demande subséquente de remboursement du montant de l'expertise sera déclarée sans objet »

1/ ALORS QUE le recours à l'expertise est subordonné à l'existence d'un risque grave identifié et avéré, constaté dans l'établissement ; que l'expertise n'a pas pour objet d'identifier d'éventuels risques, cette mission relevant des pouvoirs propres du CHSCT ; que dans la résolution adoptée le 5 octobre 2016, les membres du CHSCT déclaraient que « la question des risques psychosociaux doit d'abord donner lieu à un diagnostic exhaustif de ces risques à la fois quantitatif et qualitatif pour l'ensemble de l'entreprise, diagnostic indispensable et préalable à la mise en oeuvre d'un plan de prévention visant à leur élimination ou réduction à la source » et donnaient mission à l'expert d' : « identifier les situations de mal-être et de souffrance au travail et de déterminer plus spécifiquement les risques psychosociaux au sein de l'entreprise et sur l'ensemble du périmètre du CHSCT, d'en établir la causalité et les facteurs d'apparition », ce dont il s'évinçait que le CHSCT donnait mission à l'expert d'établir un diagnostic des risques psycho-sociaux dans l'entreprise; qu'en refusant néanmoins d'annuler cette résolution, le tribunal a violé l'article L 4614-12 du code du travail ;

2/ ALORS QUE l'UES Mondadori magazines faisait valoir qu'à la date de la résolution prise par le CHSCT, elle avait d'ores et déjà mis en place un plan d'action risques psycho-sociaux 2016-2017 qu'elle avait remis au CHSCT le 12 septembre (conclusions de l'exposante p 18-19) ; qu'en jugeant qu'il existait un risque grave en l'état des alertes émises par le médecin du travail et les diagnostics des risques psycho-sociaux établis par l'UES, sans analyser les mesures contenues dans ce plan, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 4614-12 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'AVOIR déclaré irrecevable la demande subsidiaire de l'UES Mondadori Magazines France élargie de réduire le périmètre de la mission de l'expert ainsi que le montant de ses honoraires en conséquence et d'AVOIR condamné l'UES Mondadori Magazines France élargie à verser à la société ACTYSENS CONSEIL la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « L'article 1. 4614-13 issu de la loi du 08 août 2016 applicable au présent litige dispose que l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du CHSCT.
L'UES Mondadori Magazines France élargie fait valoir que le juge, qui a le pouvoir de contrôler l'étendue de l'expertise, a nécessairement le pouvoir de réduire l'étendue de la mission confiée à l'expert et que cette réduction a un impact sur le montant des honoraires de l'expert. Elle précise que la demande de réduction du montant des honoraires de l'expert est une demande incidente virtuellement comprise dans la demande principale relative à la remise en cause de l'étendue de la mission de l'expert.
Mais en l'espèce, l'assignation du 20 octobre 2016 avait uniquement pour objet de contester le principe de l'expertise et non son étendue puisque le dispositif indique qu'il est demandé au Président du tribunal de :
"- Constater que la preuve d'un risque grave au sens des dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail n'est pas rapportée.
- Annuler en conséquence la délibération des membres du CHSCT en date du 05 octobre 2016 sur le principe du recours à un expert et désignant le Cabinet Actysens Conseil en qualité d'expert".
L'UES n'est donc plus recevable, pour tardiveté, à contester l'étendue de l'expertise à l' occasion de la présente procédure, l'arrêt de la Cour de cassation du 06 juin 2015 n'ayant pas pour effet de replacer les parties à la date de l'adoption de la résolution mais à la date de l'assignation qui ne comportait pas de demande subsidiaire relative à l'étendue de l'expertise.
Il convient en outre de souligner que le coût prévisionnel de l'expertise a été contesté à l'occasion d'une procédure distincte ayant donné lieu à une ordonnance du Tribunal de grande instance de Nanterre statuant en référé du 19 avril 2017, et que l'UES a été déboutée de ses demandes et condamnée au paiement d'un acompte.
La présente demande est donc d'autant plus irrecevable pour avoir déjà été jugée.
Enfin, par la suite, le cabinet ACTYSENS CONSEIL a émis une facture définitive dont le montant n'a pas été contesté et a été réglé par la direction»

1/ ALORS QUE l'interruption de la prescription s'étend d'une action à une autre lorsqu'elles tendent l'une et l'autre à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, l'UES Mondadori magazines avait sollicité dans le délai de 15 jours qui lui était imparti par l'article L 4614-13 du code du travail l'annulation de la résolution du CHSCT ordonnant l'expertise, puis, au cours de l'instance de renvoi après cassation de l'ordonnance rendue, sollicité à titre subsidiaire, la réduction de l'étendue de l'expertise sur le fondement de l'article L 4614-13 du code du travail; qu'en jugeant irrecevable comme tardive cette demande subsidiaire pour n'avoir pas elle-même été formulée dans le délai de 15 jours, lorsque cette demande était virtuellement comprise dans la demande originaire tendant à l'annulation de la décision de recourir à l'expertise, le tribunal a violé l'article L 4614-13 du code du travail dans sa version alors applicable;

2/ ALORS QUE l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée; qu'en opposant à l'exposante l'autorité de la chose jugée par une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Nanterre du 19 avril 2017, le tribunal a violé les articles 480 et 488 du code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que l'ordonnance de référé du 19 avril 2017 a « débouté les sociétés Mondadori magazines France et Editions Mondadori Axel Springer de leur contestation du montant des honoraires de l'expert du cabinet d'expertise Actysens » et les a condamnées à verser au cabinet Actysens un acompte sur honoraires de 67 950 euros ; qu'en opposant à la demande de réduction de l'étendue de l'expertise l'autorité de chose jugée attachée à cette décision, le tribunal a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 devenu 1355 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-19521
Date de la décision : 02/12/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Versailles, 17 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 déc. 2020, pourvoi n°19-19521


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.19521
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