LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 novembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1344 F-D
Pourvoi n° M 19-21.890
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Roubaix-Tourcoing, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-21.890 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme S... Q..., domiciliée [...] ,
2°/ à la société Redcats management services, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , représentée par son liquidateur amiable en exercice M. W... N...,
défenderesses à la cassation.
La société Redcats management services a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Redcats management services, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme Q..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 juin 2019), le 6 janvier 2011, Mme Q... (la victime), salariée de la société Redcats management services (la société) en qualité de directrice juridique, a tenté de mettre fin à ses jours à son domicile, après un entretien avec le secrétaire général de la société. La caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (la caisse) ayant reconnu le caractère professionnel de cette tentative de suicide, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours.
2. La victime a saisi la même juridiction d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Les deux procédures ont été jointes.
Examen des moyens
Sur les trois dernières branches du moyen du pourvoi incident, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les deux moyens réunis du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'accident de travail du 6 janvier 2011 de la victime est imputable à la faute inexcusable de son employeur, de dire que la rente allouée à la victime sera majorée au taux maximum légal, d'allouer à cette dernière une certaine somme à titre de provision, d'ordonner une expertise pour déterminer le préjudice imputable à la faute inexcusable, de dire que la caisse fera l'avance de l'ensemble des réparations et provision allouées à la victime, de fixer au passif de la société les sommes avancées par la caisse à la victime et de déclarer la décision de prise en charge de l'accident du 6 janvier 2011 au titre de la législation professionnelle inopposable à la société, alors :
« 1°/ que la faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue que pour autant que l'accident déclaré par la victime revêt le caractère d'un accident de travail ; que, de la même manière, la décision de prise en charge n'est opposable à l'employeur que pour autant que l'accident déclaré par la victime revêt le caractère d'un accident de travail ; que lorsque l'employeur et la CPAM sont attraits à une même instance, visant tant à la reconnaissance de la faute inexcusable qu'à l'appréciation du bien-fondé de la décision de prise en charge, dans le cadre d'une demande d'inopposabilité, il est exclu que les juges décident que le caractère professionnel de l'accident est établi, s'agissant de la faute inexcusable, mais qu'il ne l'est pas s'agissant de l'opposabilité ; qu'au cas d'espèce, dès lors que l'arrêt retient que la faute inexcusable est caractérisée, sur la base, notamment, du caractère professionnel de l'accident, les juges d'appel ne pouvaient décider que le caractère professionnel de l'accident n'était pas établi, pour dire la prise en charge inopposable à l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 452-2, L. 452-3 et L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant que le caractère professionnel de l'accident déclaré par la victime n'était pas établi, pour dire la décision inopposable à l'employeur, quand il ressortait des motifs de l'arrêt, que le caractère professionnel de l'accident déclaré par la victime était établi, pour les besoins de la qualification de la faute inexcusable, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors qu'il est établi qu'il est survenu par le fait du travail ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a retenu qu'était rapportée « la preuve du lien de causalité direct et certain entre l'état psychologique de la victime, né de la souffrance au travail dont elle a été victime et la tentative de suicide » et que celle-ci « constitue un accident du travail au sens de l'article L. 411-1 du code du travail » ; qu'en retenant, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident, que son caractère professionnel n'était pas établi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
4°/ qu'en retenant, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident, que la CPAM n'apporte pas la preuve dans ses rapports avec l'employeur que le fait accidentel du 6 janvier 2011 est d'origine professionnelle quand les règles relatives à la charge de la preuve, pertinentes en cas de doute, étaient impropres à écarter le lien entre l'accident et le travail, que l'arrêt tenait par ailleurs pour établi, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
5°/ qu'en retenant, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident, que la CPAM n'apporte pas la preuve dans ses rapports avec l'employeur que le fait accidentel du 6 janvier 2011 est d'origine professionnelle, sans réfuter les motifs du jugement dont la CPAM sollicitait la confirmation, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles L. 411-1 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale que les rapports entre l'employeur et la caisse primaire d'assurance maladie étant indépendants de ceux entre l'employeur et la victime, le fait que le caractère professionnel de l'accident ne soit pas établi dans les rapports entre la caisse et l'employeur ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
6. L'arrêt énonce que la présomption d'imputabilité de l'accident au travail n'est applicable que lorsque l'accident est survenu au lieu et au temps du travail, qu'une tentative de suicide qui se produit au moment où la victime ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que celle-ci établit qu'il est survenu par le fait du travail et que dans les rapports entre la caisse et l'employeur, la charge de cette preuve appartient à la caisse.
7. Par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui étaient soumis à son examen, la cour d'appel, qui était saisie de deux procédures dont la jonction prononcée n'avait pas fait disparaître le caractère distinct, a pu considérer, sans se contredire, d'une part, que la caisse ne rapportant pas la preuve qui lui incombait, dans ses rapports avec l'employeur, que le fait accidentel du 6 janvier 2011 était d'origine professionnelle, la décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle était inopposable à la société, d'autre part, que la victime établissant la preuve du lien de causalité direct et certain entre son état psychologique, né de la souffrance au travail et la tentative de suicide, celle-ci constituait un accident du travail au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, susceptible de lui permettre de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Et sur la première branche du moyen du pourvoi incident
9. La société fait grief à l'arrêt de dire que l'accident de travail du 6 janvier 2011 de la victime est imputable à la faute inexcusable de son employeur, de dire que la rente allouée à la victime sera majorée au taux maximum légal, de dire que la caisse fera l'avance de l'ensemble des réparations et provision allouées à la victime, de fixer au passif de la société les sommes avancées par la caisse à la victime, alors « que l'absence de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du travail dans les rapports caisse/employeur prive la caisse du droit de récupérer auprès de celui-ci les indemnités complémentaires versées par elle au salarié au titre de la faute inexcusable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a dit inopposable à la société RMS la décision de prise en charge par la caisse de l'accident du 6 janvier 2011 en raison de l'absence de démonstration par la caisse du caractère professionnel de l'accident litigieux dans les rapports caisse/employeur, de sorte que le caractère professionnel de l'accident litigieux n'était pas reconnu dans les rapports caisse/employeur, privant la caisse de son action récursoire envers l'employeur ; qu'en disant que la CPAM de Roubaix-Tourcoing ne ferait que l'avance de l'ensemble des réparations et provisions allouées à la victime et en fixant au passif de la société RMS les sommes avancées par la CPAM de Roubaix-Tourcoing, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte des articles L. 452-2 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L. 452-3.
11. L'arrêt rappelle qu'en raison de l'indépendance des rapports entre la caisse et l'employeur et entre la victime et l'employeur, la décision déclarant inopposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 6 janvier 2011 est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Il retient que l'accident du travail de la victime du 6 janvier 2011 est imputable à la faute inexcusable de son employeur, dit que la rente allouée à la victime sera majorée à son taux maximum et alloue à celle-ci une provision d'un certain montant.
12. De ces énonciations, faisant ressortir que l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de l'accident du travail ne faisait pas obstacle à l'exercice par la caisse, en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, de l'action récursoire envers l'employeur, la cour d'appel a exactement déduit que la caisse ne ferait que l'avance de l'ensemble des prestations et indemnités allouées à la victime et qu'il y avait lieu de fixer au passif de la société les sommes avancées par la caisse à la victime.
13. Le moyen n'est , dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing et la société Redcats management services, représentée par son liquidateur amiable, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing et la société Redcats management services et les condamne à payer, chacune, à Mme Q... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' infirmant le jugement entrepris, il a dit que l'accident de travail dont Madame Q... a été victime le 6 janvier 2011 est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société REDCATS, dit que la rente allouée à Madame Q... sera majorée au taux maximum légal, alloué à Madame Q... une somme de 10 000 euros à titre de provision, ordonné une expertise pour déterminer le préjudice imputable à la faute inexcusable, dit que la CPAM de ROUBAIX-TOURCOING fera l'avance de l'ensemble des réparations et provision allouées Madame Q..., fixé au passif de la société REDCATS les sommes avancées par la CPAM de ROUBAIX-TOURCOING à Madame Q... et déclaré la décision de prise en charge de l'accident du travail du 6 janvier 2011 inopposable à la société REDCATS ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le caractère professionnel de l'accident du travail et la demande d'inopposabilité de l'accident du 6 janvier 2011 : En application de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, «est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise». Le 6 janvier 2011, Mme Q... a tenté de mettre fin à ses jours. C'est à ce titre que la salariée a demandé à la CPAM, la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels. L'accident a été reconnu comme étant un accident du travail par la CPAM, le 15 mars 2012. Le 19 novembre 2012, la société Redcats a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale afin de contester le caractère professionnel de l'accident. La juridiction de première instance, par jugement dont appel a statué comme indiqué précédemment. La société Redcats conclut à l'infirmation du jugement déféré et à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la CPAM du 12 mars 2012. Les premiers, juges ont retenu qu'il existait un lien incontestable entre la tentative de suicide de Mme Q... et son travail et que c'est à juste titre que la caisse primaire d'assurance maladie avait pris en charge l'accident du travail au titre de la législation professionnelle. La CPAM demande la confirmation du premier jugement qui établit le caractère professionnel de l'accident. La société fait valoir que : -la salariée a tenté de mettre fin à ses jours à son domicile dans l'après-midi du 6 janvier 2011 dès lors elle ne se trouvait ni sur son lieu de travail, ni sous l'autorité de son employeur, -lorsque Mme Q... indique à Monsieur G..., directeur de l'audit interne Resdcats, «être vraiment à la bourre avec cette fin d'année», ces propos témoignent davantage d'un surcroit d'activité ponctuel que d'une surcharge de travail permanente. Et que par conséquent la CPAM ne pouvait en déduire «que Mme Q..., depuis 2007, effectuait son travail en étant tout le temps débordée, en ayant une pression énorme et peu de moyens», -que l'attestation apportée par M. L..., ancien stagiaire au service juridique, n'a pas été délivrée dans les conditions prescrites par l'article 202 du code de Procédure civile et qu'il est daté du 26 janvier 2012, soit plus d'un an après, -que l'attestation de Mme O... est dépourvue de valeur probante car elle ne fait que rapporter les impressions que lui aurait confiées M. L..., -que l'attestation de M. G... livre des impressions que Mme Q... «lui a semblé» dans tel ou tel état d'esprit avant et après l'entretien professionnel, auquel il n'a pas assisté, -la note explicative effectuée par Mme B..., responsable des centres d'appel La Redoute, est dépourvue de valeur probante, car elle a quitté l'entreprise 18 mois après l'embauche de Mme Q... au sein de La Redoute, et près de 6 mois avant la promotion de cette dernière au poste de directrice juridique du groupe Redcats ; Elle relève également plusieurs informations fausses sur la rédaction de cette note, erreurs sur les dates notamment. -que le message téléphonique daté du 11 janvier 2011 de Mme Q... à M. D... précisait qu'elle était hospitalisée mais elle ne fait pas la moindre référence à la réunion du travail que les deux parties avaient eu dans la matinée ; -que tout au long de l'année 2011, Mme Q... a transmis à son employeur et à la CPAM des avis d'arrêts de travail et de prolongations d'arrêts pour cause de maladie non professionnelle, sans jamais faire référence à un accident et plus spécialement à un accident du travail -que c'est onze mois après le début de l'arrêt de travail, que Mme Q... a estimé que son geste commis le 6 janvier 2011 pourrait ou devrait considéré connue un accident du travail ; Elle ajoute qu'il n'est pas établi que la tentative de suicide du 6 janvier 2011 constitue un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail au sens de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale. La présomption d'imputabilité de l'accident du travail n'est applicable que lorsque l'accident est survenu au lieu et au temps du travail. Une tentative de suicide qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail. Dans les rapports caisse/employeur, il appartient à la caisse de rapporter la preuve du caractère professionnel du fait accidentel. En l'espèce, la CPAM qui a pourtant considéré, lors de la commission de recours amiable que le rapport de l'agent enquêteur et les pièces figurant au dossier émanant des collègues de Madame Q... S..., démontraient le lien entre l'acte suicidaire et le travail, n'apporte pas la preuve dans ses rapports avec l'employeur que le fait accidentel du 6 juin 2011 est d'origine professionnelle. Il convient par conséquent de déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge de l'accident du 6 juin 2011.» ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le caractère professionnel : La faute inexcusable de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale se définit comme le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité alors que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. A cet égard, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. Conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient au salarié qui invoque une telle faute de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Mme Q... ne bénéficie donc pas de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 411-1 du code du travail de sorte qu'il lui incombe de rapporter la preuve de ce que son geste était en relation avec un ou des actes particuliers de l'employeur susceptibles de l'avoir affecté personnellement. La cour rappelle que l'indépendance des relations entre la caisse et l'employeur et des relations entre la CPAM et l'assuré, ainsi que des relations entre le salarié et son employeur, a pour effet que le jugement constatant l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du salarié ne fait pas obstacle à ce que ce salarié puisse engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable commise par cet employeur ; En l'espèce, l'accident a été reconnu comme étant un accident du travail par la CPAM de Roubaix-Tourcoing en date du 15 mai 2012. Le 21 janvier 2014, Mme Q... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lille d'une demande visant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. La juridiction de première instance, par jugement dont appel, a statué comme indiqué précédemment. Mme Q..., conclut à l'infirmation du jugement déféré et à la reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à la société Redcats, au motif que son employeur «a manqué, à l'égard de Mme Q... à son obligation de sécurité de résultat mais encore qu'elle avait parfaitement conscience du danger encouru par la salariée et qu'elle n'a pas pris les dispositions nécessaires pour la préserver». Mme Q... soutient que : -le fait déclencheur de ce geste ultime, a été l'entretien tenu le même jour avec son supérieur hiérarchique : M. D..., entretien auquel la salariée serait arrivée dans un état de fatigue et de stress important et au cours duquel, elle se serait vue assener un certain nombres de reproches au lieu de se voir féliciter pour le travail accompli. -les conditions de travail dégradées sont génératrices de stress et d'une grande fatigue, il ressort des pièces versées au débat : Une attestation de M. G... M..., collègue de Mme Q... qui atteste que le 6 janvier 2011 à la suite de l'entretien avec M. D... : «(..) je me souviens qu'elle était abattue, elle avait le regard lointain et semblait anéantie. Elle ne m'a pas dit grand-chose de l'entretien, si ce n'est qu'il avait été houleux et que le ton était monté très haut. Je lui ai proposé de rester un peu avec moi pour se remettre, et d'aller déjeuner comme prévu afin qu'elle me raconte tout cela. Elle m'a dit qu'elle ne se sentait pas la force de rester, qu'elle souhaitait repartir au plus vite sur Lille et quitta mon bureau ». Une attestation de Mme U... X..., coach de Mme Q... dans sa prise de fonction de directrice juridique écrit le 7 septembre 2016, dit que « (...) très rapidement j'ai pu constater que Madame Q... était soumise à une charge de travail et une pression particulièrement forte. Elle assumait la responsabilité de deux jonctions en même temps » ; «(...) charge de travail conséquente sans qu'elle puisse disposer de moyens supplémentaires (...)» Un procès-verbal de constat dressé par Mme C... F..., clerc habilité aux constats auprès de Maître T... K... fait état de messages téléphoniques dans lequel Mme Q... échange avec M. G... M... sur son état de fatigue lié au travail. Le compte rendu du Docteur J... P... centre médico-psychologique établi le 3 février 2011 qui fait état «elle est arrivée au CIAC le 7 janvier 2011, suit à une tentative d'autolyse par IMV au domicile dans un contexte de burn out professionnel (,,.) je la reçois ce jour très déprimée (...) très investie professionnellement, elle n'a pas été capable d'échanger plus que quelques textes avec ses collègues». «(.,.) au fur et à mesure de ses séances, elle montrait des signaux d'épuisement physique répétés (...) après l'accident de voiture de S... et après avoir pris conseil auprès de mon superviseur, j'ai alerté la responsable des Ressources Humaines Madame I... de la situation inquiétante de Madame Q... qui s'est retrouvée quelques semaines plus tard en burn out». Une attestation médicale en date du 9 février 2012, établie par le Docteur V... R... qui mentionne que : «Madame Q... S... n'a jamais présenté de pathologie psychiatrique ou dépressive avant l'accident du 6 janvier 2011. J'assure le suivi régulier de Madame Q... S... depuis le départ en retraite en retraite du Docteur E...». Un courriel en date du 7 décembre 2010 à 19h28 de Mme Q... à un de ses collègues qui mentionne « (...) je suis vraiment à la bourre avec cette fin d'année, les dossiers se précipitent dans tous les sens (...)» Un courriel en date du 11 juillet 2008 de Mme Q... qui interpelle sa hiérarchie sur «la situation de plus en plus critique du département juridique en terme de surcharge de travail» et y décline les difficultés rencontrées au sein de son service. -que l'arrêt de la chambre sociale de la cour de Douai en date du 31 mai 2018 condamne la société Redcats management services à un dédommagement au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral retenant ainsi que «(...) l'employeur ne rapporte pas la preuve que l'ensemble de ces faits sont étrangers à tout harcèlement moral, tout particulièrement s'agissant de son absence de réactivité face aux dysfonctionnements relevés par la salariée, de sa surcharge de travail excessive pour lequel aucun remède n'a été apporté et de l'attitude managériale inappropriée en des termes de pressions ; qu'au surplus il ne justifie d'aucune mesure précise propre à remédier aux dysfonctionnements allégués par la salariée» En l'espèce compte tenu, des pièces versées au débat, il y a lieu d'admettre qu'au moment des faits l'état psychologique de l'intéressé était particulièrement altéré et ce en raison de difficultés professionnelles croissantes, malgré les alertes de la victime auprès de sa hiérarchie notamment sur les dysfonctionnements et surcharge de travail pour son équipe et elle-même, ce geste a été le résultat d'une multitude de faits graves, précis et concordants dont notamment la réunion avec le supérieur de la victime qui a été l'ultime événement avant la tentative de suicide, la victime n'étant pas parvenue à faire face à la situation professionnelle dans laquelle elle se trouvait. Mme Q... rapporte la preuve du lien de causalité direct et certain entre son état psychologique, né de la souffrance au travail dont elle a été victime et la tentative de suicide, elle constitue un accident du travail au sens de l'article L 411 -1 du code du travail. La cour confirme le jugement déféré sur ce point, d'autant que cette présomption n'est pas renversée par la société qui émet principalement des réserves sur l'interprétation, quant à la teneur des attestations produites par la salarié » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la faute inexcusable : L'employeur est toujours tenu d'une obligation de résultat, mais le résultat qu'il doit atteindre n'est constitué que par les mesures nécessaires à prendre en application des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail. En d'autres termes, l'employeur doit établir « une politique de prévention structurée et finalisée » dont il doit être en mesure de justifier en cas de litige : « Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. » Pour rejeter la demande de Mme Q... tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de l'accident de travail dont elle a été victime, le 6 janvier 2011, les premiers juges ont retenu dans le jugement susvisé du 9 juin 2015 que «les échanges de mails produits aux débats par la salariée font la preuve d'un investissement professionnel certain de la part de Mme Q... et de l'importance de sa charge de travail (...) ainsi, le fait qu'elle travaille le soir au-delà des horaires de bureau classiques ne permet pas de conclure nécessairement que son amplitude horaire était excessive, faute de preuve pertinente sur le temps consacré au travail dans le reste de la journée» puis «il n'est pas suffisamment démontré qu'il ait pu avoir conscience d'un danger moral ou psychique auquel Mme Q... aurait été exposée et il n'est pas plus démontré que la société aurait pris les mesures nécessaires pour l'en préserver eu égard des pièces versées au débat», Mme Q... demande à ce que soit reconnue la faute inexcusable de l'employeur. Elle fait valoir que : - le jugement de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai en date du 31 mai 2018 condamne la société Redcats management services à un dédommagement au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral -le jugement reconnaît que de nombreux manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur participent à la reconnaissance de la faute inexcusable «attendu que courant septembre 2009, la salariée a été nommée directrice juridique du groupe, de sorte que devait assurer avec son équipe l'assistance et de conseil juridique opérationnel de projets, le suivi juridique de l'activité des filiales ; Que la salariée démontré la fois l'importance de son volume d'activité en détaillant le nombre particulièrement élevé des dossiers dont elle et son service avaient la charge, alors qu'elle devait faire face à des contraintes budgétaires insuffisantes, Que des fonctions l'amenaient à se rendre plusieurs fois par semaine sur Paris sans disposer d'un bureau dédié ; qu'en sus de sa charge quotidienne, elle devait faire face à des déplacements, en ce compris à l'étranger ; que la pression se voyait accentué par le fait qu'elle assumait deux fonctions pour le compte de deux structures différentes, comme il en résulte de l'attestation de sa collègue, Mme U... ; Que la salariée démontre, en ce compris par l'importance des heures supplémentaires qu'elle a effectuées qu'elle devait faire face à une surcharge de travail particulièrement lourde ; que pour autant, elle n'a pu bénéficier de repos compensateur ; que dès 2008 la surcharge particulièrement lourde du département juridique avait été signalée plusieurs reprises la direction ; que ses doléances sont pourtant restées sans réponse concrète ; que cette situation a eu pour effet de générer chez la salariée une situation de stress particulièrement marquée». que la durée maximale de travail et des temps de repos n'étaient pas respectés par l'employeur ; -le décompte des heures et le détail des journées de travail effectuées par Mme Q... sur l'année 2010 démontrent que la société Redcats n'a pas respecté les durées minimales de repos et maximales de travail. -elle ne participait pas à la direction de l'entreprise ; -elle n'était jamais amenée à remplacer le PDG, - elle ne disposait pas de délégation de pouvoir ; -elle ne faisait aucunement partie des membres du comité exécutif et de la communauté des dirigeants ; -elle n'était pas habilitée à prendre des décisions de façon autonome -elle ne disposait d'aucun pouvoir hiérarchique sur son équipe, dans la mesure où elle ne pouvait ni recruter du personnel aux compétences souhaitées par elle, ni même licencier librement ; -elle ne maîtrisait nullement son emploi du temps, en sachant qu'elle devait se rendre 3 fois par semaines à Paris pour rendre des comptes à son supérieur hiérarchique ; -elle travaillait dans des conditions de travail particulièrement dégradées ; -auparavant elle n'avait jamais eu dans sa vie d'épisode dépressif ou suicidaire ; -la cour d'appel de Douai a exclu dans son arrêt du 31 mai 2017 l'application du régime de cadres dirigeants -la société Redcats ne justifie pas la production mais surtout de l'application d'aucun document d'évaluation des risques, qui plus est visant les risques psychosociaux particulièrement élevés chez les cadres soumis aux pressions de leur direction. -les mesures de préventions particulières auraient dû êtres mises en place par la société Redcats.- la société Redcats a été alertée à plusieurs reprises, de la charge de travail trop importante de Mme Q... ; -la société Redcats n'a rien mis en oeuvre pour prévenir les risques lies à l'activité de Mme Q... ; -le lien de causalité entre l'accident et les manquements de la société ; -les documents médicaux produits par Mme Q... démontre que l'état physique et psychologique de celle-ci est très dégradé suite au burn-out dont elle a été victime ; -outre son état de santé particulièrement dégradé, l'avenir professionnel de Mme Q... est aujourd'hui totalement obéré. La société conclut à la confirmation du jugement référé. Elle soutient que Mme Q... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la conscience du danger par l'employeur, non plus que de l'absence de mesure de prévention ou de protection pour parer le danger. Elle observe que : -Mme Q... a accepté le poste de Directrice juridique groupe en parfaite connaissance de cause, et notamment en sachant, compte tenu des deux années qu'elle venait de passer au sein de la redoute, la dimension de la fonction et le poids des responsabilités y afférent, ainsi que les moyens humains et matériel dont elle disposerait pour mener à bien sa mission ; -Mme Q... avait toute la latitude pour renforcer son équipe, évidemment dans des limites budgétaires prédéfinies avec sa hiérarchie ; -Elle n'a pas découvert une situation à laquelle elle ne s'attendait pas ou ne pouvait s'attendre ; -Mme Q... a été engagée en qualité de cadre dirigeant moyennant une rémunération élevée et divers avantages telles qu'une voiture de fonction ; -les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la législation relative à la durée du travail mais à l'article L 3111-2 du code du travail ; -Mme Q... a eu toute la liberté pour organiser son service comme le souhaitait ; -la salariée n'a jamais été placée en arrêt de travail et qu'elle n'a jamais informé sa hiérarchie d'un problème de santé ou d'une difficulté liée à ses conditions de travail ; -elle n'a pas davantage saisi les institutions représentatives du personnel, notamment le CHSCT ni alerté la médecine du travail d'une telle difficulté ; -le fait accidentel est intervenu de manière soudaine et imprévisible y compris aux des collègues, proches et amis de Mme Q..., la société n'avait strictement aucun moyen de détecter que sa collaboratrice se trouvait exposée à un danger particulier dans l'exercice de ses attributions professionnelles ; -la mise en place courant de l'année 2010, Monsieur D... a proposé à Mme Q... de bénéficier d'un coaching par un consultant extérieur, ce qu'elle a accepté. -la société a perçu un collaborateur cadre dirigeant et directeur de service, non pas en souffrance morale, mais en difficulté professionnelle d'adaptation à un nouveau poste. Il ressort en l'espèce des éléments concordants du dossier au nombre desquels, les attestations produites par la salariée ; établies dans les formes 202 du code de procédure civile, les échanges de courriels, les avis médicaux, le tableau de calcul des heures supplémentaires, le récapitulatif général des «reporting juridique» et les documents afférents aux déplacements professionnels, que la tentative de suicide du 6 janvier 2011 résulte d'un état psychologique de la salariée qui a été gravement compromis à la suite de la dégradation continue des relations de travail et du comportement de l'employeur. En sus, la salariée démontre notamment l'amplitude de son travail, elle devait assurer avec son équipe l'assistance et le conseil juridique opérationnel des projets, le suivi juridique de l'activité des filiales. Par ailleurs, les fonctions l'amenaient à se rendre près de 3 fois semaine sur Paris alors même qu'elle ne disposait pas de bureau dédié. Elle était également très régulièrement en déplacement et ce même à l'étranger. Pour remplir l'ensemble de son travail et ainsi faire face à la surcharge de travail, elle cumulait les heures supplémentaires sans pour autant bénéficier de repos compensateur. C'est d'ailleurs sur cette motivation que, la cour d'appel de Douai dans son jugement du 31 mai 2018, reconnaît le harcèlement moral de la salariée. La cour constate que les différents certificats médicaux précités, relevant en substance un épuisement mental et psychologique sont apparus dans un contexte de harcèlement moral, reconnu par la cour d'appel de Douai. L'employeur avait à plusieurs reprises été alerté par la salariée qui avait expressément énoncé dans un courriel : «que la situation me paraît donc réellement critique'» . La cour relève que l'employeur s'est abstenu de répondre aux demandes du salarié et n'a eu aucune réaction adaptée alors même que la situation se dégradait. Pour se défendre l'employeur rejetait les prétentions de la salariée estimant qu'elle avait accepté «le poste en parfaite connaissance de cause», qu'elle bénéficiait «d'une rémunération élevée et divers avantages telle qu'une voiture de fonction», que la société avait proposé courant de l'année 2010 à Mme Q... de bénéficier d'un coaching par un consultant extérieur puisque son supérieur hiérarchique s'était «rendu compte que Mme Q... continuait de s'investir de façon très opérationnelle dans les dossiers traités par son service, s'impliquant dans des sujets qui auraient dû être pris en charge de façon autonome par ses collaborateurs, eux mêmes juristes expérimentés, alors qu'elle devait prendre de la hauteur et se consacrer davantage à l'organisation du service et au management de son équipe». C'est cette même formatrice : Madame U... qui énonce dans son attestation qu'outre les «la charge de travail et une pression particulièrement forte», constatera «au fur et à mesure des séances elle montrait des signaux d'épuisement physique répétés» aura finalement «alerté la responsable des ressources humaines Mme I... de la situation inquiétante de Mme Q... qui s'est retrouvée quelques semaines plus tard en burn out» L'employeur s'est donc inscrit dans une démarche négative à l'égard de son salarié. Dans les circonstances de l'espèce, l'employeur avait nécessairement conscience du danger encouru par la salariée compte tenu du harcèlement érigé en méthode de management et qu'il n'a pas pris les mesures de protection nécessaires pour préserver la santé de son salarié, lequel n'a pu être soustrait à l'effet délétère du harcèlement moral sur sa santé physique et psychique. La cour, par infirmation de la décision déférée, dira par voie de conséquence, que l'accident dont a été victime Mme Q... est imputable à la faute inexcusable de la société Redcats.» ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, la faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue que pour autant que l'accident déclaré par la victime revêt le caractère d'un accident de travail ; que, de la même manière, la décision de prise en charge n'est opposable à l'employeur que pour autant que l'accident déclaré par la victime revêt le caractère d'un accident de travail ; que lorsque l'employeur et la CPAM sont attraits à une même instance, visant tant à la reconnaissance de la faute inexcusable qu'à l'appréciation du bien-fondé de la décision de prise en charge, dans le cadre d'une demande d'inopposabilité, il est exclu que les juges décident que le caractère professionnel de l'accident est établi, s'agissant de la faute inexcusable, mais qu'il ne l'est pas s'agissant de l'opposabilité ; qu'au cas d'espèce, dès lors que l'arrêt retient que la faute inexcusable est caractérisée, sur la base, notamment, du caractère professionnel de l'accident, les juges d'appel ne pouvaient décider que le caractère professionnel de l'accident n'était pas établi, pour dire la prise en charge inopposable à l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 452-2, L. 452-3 et L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
ET ALORS QUE, DEUXIEMENT, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant que le caractère professionnel de l'accident déclaré par Madame Q... n'était pas établi, pour dire la décision inopposable à l'employeur, quand il ressortait des motifs de l'arrêt, que le caractère professionnel de l'accident déclaré par Madame Q... était établi, pour les besoins de la qualification de la faute inexcusable, la Cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' infirmant le jugement entrepris, il a dit que l'accident de travail dont Madame Q... a été victime le 6 janvier 2011 est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société REDCATS, dit que la rente allouée à Madame Q... sera majorée au taux maximum légal, alloué à Madame Q... une somme de 10 000 euros à titre de provision, ordonné une expertise pour déterminer le préjudice imputable à la faute inexcusable, dit que la CPAM de ROUBAIX-TOURCOING fera l'avance de l'ensemble des réparations et provision allouées Madame Q..., fixé au passif de la société REDCATS les sommes avancées par la CPAM de Roubaix-Tourcoing à Madame Q... et déclaré la décision de prise en charge de l'accident du travail du 6 janvier 2011 inopposable à la société REDCATS ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le caractère professionnel de l'accident du travail et la demande d'inopposabilité de l'accident du 6 janvier 2011 : En application de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, «est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise». Le 6 janvier 2011, Mme Q... a tenté de mettre fin à ses jours. C'est à ce titre que la salariée a demandé à la CPAM, la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels. L'accident a été reconnu comme étant un accident du travail par la CPAM, le 15 mars 2012. Le 19 novembre 2012, la société Redcats a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale afin de contester le caractère professionnel de l'accident. La juridiction de première instance, par jugement dont appel a statué comme indiqué précédemment. La société Redcats conclut à l'infirmation du jugement déféré et à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la CPAM du 12 mars 2012. Les premiers, juges ont retenu qu'il existait un lien incontestable entre la tentative de suicide de Mme Q... et son travail et que c'est à juste titre que la caisse primaire d'assurance maladie avait pris en charge l'accident du travail au titre de la législation professionnelle. La CPAM demande la confirmation du premier jugement qui établit le caractère professionnel de l'accident. La société fait valoir que : -la salariée a tenté de mettre fin à ses jours à son domicile dans l'après-midi du 6 janvier 2011 dès lors elle ne se trouvait ni sur son lieu de travail, ni sous l'autorité de son employeur, -lorsque Mme Q... indique à Monsieur G..., directeur de l'audit interne Resdcats, «être vraiment à la bourre avec cette fin d'année», ces propos témoignent davantage d'un surcroit d'activité ponctuel que d'une surcharge de travail permanente. Et que par conséquent la CPAM ne pouvait en déduire «que Mme Q..., depuis 2007, effectuait son travail en étant tout le temps débordée, en ayant une pression énorme et peu de moyens», -que l'attestation apportée par M. L..., ancien stagiaire au service juridique, n'a pas été délivrée dans les conditions prescrites par l'article 202 du code de Procédure civile et qu'il est daté du 26 janvier 2012, soit plus d'un an après, -que l'attestation de Mme O... est dépourvue de valeur probante car elle ne fait que rapporter les impressions que lui aurait confiées M. L..., -que l'attestation de M. G... livre des impressions que Mme Q... «lui a semblé» dans tel ou tel état d'esprit avant et après l'entretien professionnel, auquel il n'a pas assisté, -la note explicative effectuée par Mme B..., responsable des centres d'appel La Redoute, est dépourvue de valeur probante, car elle a quitté l'entreprise 18 mois après l'embauche de Mme Q... au sein de La Redoute, et près de 6 mois avant la promotion de cette dernière au poste de directrice juridique du groupe Redcats ; Elle relève également plusieurs informations fausses sur la rédaction de cette note, erreurs sur les dates notamment. -que le message téléphonique daté du 11 janvier 2011 de Mme Q... à M. D... précisait qu'elle était hospitalisée mais elle ne fait pas la moindre référence à la réunion du travail que les deux parties avaient eu dans la matinée ; -que tout au long de l'année 2011, Mme Q... a transmis à son employeur et à la CPAM des avis d'arrêts de travail et de prolongations d'arrêts pour cause de maladie non professionnelle, sans jamais faire référence à un accident et plus spécialement à un accident du travail -que c'est onze mois après le début de l'arrêt de travail, que Mme Q... a estimé que son geste commis le 6 janvier 2011 pourrait ou devrait considéré connue un accident du travail ; Elle ajoute qu'il n'est pas établi que la tentative de suicide du 6 janvier 2011 constitue un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail au sens de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale. La présomption d'imputabilité de l'accident du travail n'est applicable que lorsque l'accident est survenu au lieu et au temps du travail. Une tentative de suicide qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail. Dans les rapports caisse/employeur, il appartient à la caisse de rapporter la preuve du caractère professionnel du fait accidentel. En l'espèce, la CPAM qui a pourtant considéré, lors de la commission de recours amiable que le rapport de l'agent enquêteur et les pièces figurant au dossier émanant des collègues de Madame Q... S..., démontraient le lien entre l'acte suicidaire et le travail, n'apporte pas la preuve dans ses rapports avec l'employeur que le fait accidentel du 6 juin 2011 est d'origine professionnelle. Il convient par conséquent de déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge de l'accident du 6 juin 2011.» ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le caractère professionnel : La faute inexcusable de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale se définit comme le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité alors que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. A cet égard, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. Conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient au salarié qui invoque une telle faute de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Mme Q... ne bénéficie donc pas de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L.411-1 du code du travail de sorte qu'il lui incombe de rapporter la preuve de ce que son geste était en relation avec un ou des actes particuliers de l'employeur susceptibles de l'avoir affecté personnellement. La cour rappelle que l'indépendance des relations entre la caisse et l'employeur et des relations entre la CPAM et l'assuré, ainsi que des relations entre le salarié et son employeur, a pour effet que le jugement constatant l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du salarié ne fait pas obstacle à ce que ce salarié puisse engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable commise par cet employeur ; En l'espèce, l'accident a été reconnu comme étant un accident du travail par la CPAM de Roubaix-Tourcoing en date du 15 mai 2012. Le 21 janvier 2014, Mme Q... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lille d'une demande visant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. La juridiction de première instance, par jugement dont appel, a statué comme indiqué précédemment. Mme Q..., conclut à l'infirmation du jugement déféré et à la reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à la société Redcats, au motif que son employeur «a manqué, à l'égard de Mme Q... à son obligation de sécurité de résultat mais encore qu'elle avait parfaitement conscience du danger encouru par la salariée et qu'elle n'a pas pris les dispositions nécessaires pour la préserver». Mme Q... soutient que : -le fait déclencheur de ce geste ultime, a été l'entretien tenu le même jour avec son supérieur hiérarchique : M. D..., entretien auquel la salariée serait arrivée dans un état de fatigue et de stress important et au cours duquel, elle se serait vue assener un certain nombres de reproches au lieu de se voir féliciter pour le travail accompli. -les conditions de travail dégradées sont génératrices de stress et d'une grande fatigue, il ressort des pièces versées au débat : Une attestation de M. G... M..., collègue de Mme Q... qui atteste que le 6 janvier 2011 à la suite de l'entretien avec M. D... : «(..) je me souviens qu'elle était abattue, elle avait le regard lointain et semblait anéantie. Elle ne m'a pas dit grand-chose de l'entretien, si ce n'est qu'il avait été houleux et que le ton était monté très haut. Je lui ai proposé de rester un peu avec moi pour se remettre, et d'aller déjeuner comme prévu afin qu'elle me raconte tout cela. Elle m'a dit qu'elle ne se sentait pas la force de rester, qu'elle souhaitait repartir au plus vite sur Lille et quitta mon bureau ». Une attestation de Mme U... X..., coach de Mme Q... dans sa prise de fonction de directrice juridique écrit le 7 septembre 2016, dit que « (...) très rapidement j'ai pu constater que Madame Q... était soumise à une charge de travail et une pression particulièrement forte. Elle assumait la responsabilité de deux jonctions en même temps » ; «(...) charge de travail conséquente sans qu'elle puisse disposer de moyens supplémentaires (...)» Un procès-verbal de constat dressé par Mme C... F..., clerc habilité aux constats auprès de Maître T... K... fait état de messages téléphoniques dans lequel Mme Q... échange avec M. G... M... sur son état de fatigue lié au travail. Le compte rendu du Docteur J... P... centre médico-psychologique établi le 3 février 2011 qui fait état « elle est arrivée au CIAC le 7janvier 2011, suit à une tentative d'autolyse par IMV au domicile dans un contexte de burn-out professionnel (,,.) je la reçois ce jour très déprimée (...) très investie professionnellement, elle n'a pas été capable d'échanger plus que quelques textes avec ses collègues». «(.,.) au fur et à mesure de ses séances, elle montrait des signaux d'épuisement physique répétés (...) après l'accident de voiture de S... et après avoir pris conseil auprès de mon superviseur, j'ai alerté la responsable des Ressources Humaines Madame I... de la situation inquiétante de Madame Q... qui s'est retrouvée quelques semaines plus tard en burn out». Une attestation médicale en date du 9 février 2012, établie par le Docteur V... R... qui mentionne que : «Madame Q... S... n'a jamais présenté de pathologie psychiatrique ou dépressive avant l'accident du 6 janvier 2011. J'assure le suivi régulier de Madame Q... S... depuis le départ en retraite en retraite du Docteur E...». Un courriel en date du 7 décembre 2010 à 19h28 de Mme Q... à un de ses collègues qui mentionne « (...) je suis vraiment à la bourre avec cette fin d'année, les dossiers se précipitent dans tous les sens (...)» Un courriel en date du 11 juillet 2008 de Mme Q... qui interpelle sa hiérarchie sur «la situation de plus en plus critique du département juridique en terme de surcharge de travail» et y décline les difficultés rencontrées au sein de son service. -que l'arrêt de la chambre sociale de la cour de Douai en date du 31 mai 2018 condamne la société Redcats management services à un dédommagement au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral retenant ainsi que «(...) l'employeur ne rapporte pas la preuve que l'ensemble de ces faits sont étrangers à tout harcèlement moral, tout particulièrement s'agissant de son absence de réactivité face aux dysfonctionnements relevés par la salariée, de sa surcharge de travail excessive pour lequel aucun remède n'a été apporté et de l'attitude managériale inappropriée en de termes de pressions ; qu'au surplus il ne justifie d'aucune mesure précise propre à remédier aux dysfonctionnements allégués par la salariée» En l'espèce compte tenu, des pièces versées au débat, il y a lieu d'admettre qu'au moment des faits l'état psychologique de l'intéressé était particulièrement altéré et ce en raison de difficultés professionnelles croissantes, malgré les alertes de la victime auprès de sa hiérarchie notamment sur les dysfonctionnements et surcharge de travail pour son équipe et elle-même, ce geste a été le résultat d'une multitude de faits graves, précis et concordants dont notamment la réunion avec le supérieur de la victime qui a été l'ultime événement avant la tentative de suicide, la victime n'étant pas parvenue à faire face à la situation professionnelle dans laquelle elle se trouvait. Mme Q... rapporte la preuve du lien de causalité direct et certain entre son état psychologique, né de la souffrance au travail dont elle a été victime et la tentative de suicide, elle constitue un accident du travail au sens de l'article L 411 -1 du code du travail. La cour confirme le jugement déféré sur ce point, d'autant que cette présomption n'est pas renversée par la société qui émet principalement des réserves sur l'interprétation, quant à la teneur des attestations produites par la salarié » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la faute inexcusable : L'employeur est toujours tenu d'une obligation de résultat, mais le résultat qu'il doit atteindre n'est constitué que par les mesures nécessaires à prendre en application des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail. En d'autres termes, l'employeur doit établir « une politique de prévention structurée et finalisée » dont il doit être en mesure de justifier en cas de litige : « Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. » Pour rejeter la demande de Mme Q... tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de l'accident de travail dont elle a été victime, le 6 janvier 2011, les premiers juges ont retenu dans le jugement susvisé du 9 juin 2015 que «les échanges de mails produits aux débats par la salariée font la preuve d'un investissement professionnel certain de la part de Mme Q... et de l'importance de sa charge de travail (...) ainsi, le fait qu'elle travaille le soir au-delà des horaires de bureau classiques ne permet pas de conclure nécessairement que son amplitude horaire était excessive, faute de preuve pertinente sur le temps consacré au travail dans le reste de la journée» puis «il n'est pas suffisamment démontré qu'il ait pu avoir conscience d'un danger moral ou psychique auquel Mme Q... aurait été exposée et il n'est pas plus démontré que la société aurait pris les mesures nécessaires pour l'en préserver eu égard des pièces versées au débat», Mme Q... demande à ce que soit reconnue la faute inexcusable de l'employeur. Elle fait valoir que : -le jugement de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai en date du 31 mai 2018 condamne la société Redcats management services à un dédommagement au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral -le jugement reconnaît que de nombreux manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur participent à la reconnaissance de la faute inexcusable «attendu que courant septembre 2009, la salariée a été nommée directrice juridique du groupe, de sorte que devait assurer avec son équipe l'assistance et de conseil juridique opérationnel de projets, le suivi juridique de l'activité des filiales ; Que la salariée démontré la fois l'importance de son volume d'activité en détaillant le nombre particulièrement élevé des dossiers dont elle et son service avaient la charge, alors qu'elle devait faire face à des contraintes budgétaires insuffisantes, Que des fonctions l'amenaient à se rendre plusieurs fois par semaine sur Paris sans disposer d'un bureau dédié ; qu'en sus de sa charge quotidienne, elle devait faire face à des déplacements, en ce compris à l'étranger ; que la pression se voyait accentué par le fait qu'elle assumait deux fonctions pour le compte de deux structures différentes, comme il en résulte de l'attestation de sa collègue, Mme U... ; Que la salariée démontre, en ce compris par l'importance des heures supplémentaires qu'elle a effectuées qu'elle devait faire face à une surcharge de travail particulièrement lourde ; que pour autant, elle n'a pu bénéficier de repos compensateur ; que dès 2008 la surcharge particulièrement lourde du département juridique avait été signalée plusieurs reprises la direction ; que ses doléances sont pourtant restées sans réponse concrète ; que cette situation a eu pour effet de générer chez la salariée une situation de stress particulièrement marquée». que la durée maximale de travail et des temps de repos n'étaient pas respectés par l'employeur ; -le décompte des heures et le détail des journées de travail effectuées par Mme Q... sur l'année 2010 démontrent que la société Redcats n'a pas respecté les durées minimales de repos et maximales de travail. -elle ne participait pas à la direction de l'entreprise ; -elle n'était jamais amenée à remplacer le PDG, -elle ne disposait pas de délégation de pouvoir ; -elle ne faisait aucunement partie des membres du comité exécutif et de la communauté des dirigeants ; -elle n'était pas habilitée à prendre des décisions de façon autonome -elle ne disposait d'aucun pouvoir hiérarchique sur son équipe, dans la mesure où elle ne pouvait ni recruter du personnel aux compétences souhaitées par elle, ni même licencier librement ; -elle ne maîtrisait nullement son emploi du temps, en sachant qu'elle devait se rendre 3 fois par semaines à Paris pour rendre des comptes à son supérieur hiérarchique ; -elle travaillait dans des conditions de travail particulièrement dégradées ; -auparavant elle n'avait jamais eu dans sa vie d'épisode dépressif ou suicidaire ; -la cour d'appel de Douai a exclu dans son arrêt du 31 mai 2017 l'application du régime de cadres dirigeants -la société Redcats ne justifie pas la production mais surtout de l'application d'aucun document d'évaluation des risques, qui plus est visant les risques psychosociaux particulièrement élevés chez les cadres soumis aux pression de leur direction. -les mesures de préventions particulières auraient dû êtres mises en place par la société Redcats.- la société Redcats a été alertée à plusieurs reprises, de la charge de travail trop importante de Mme Q... ; -la société Redcats n'a rien mis en oeuvre pour prévenir les risques lies à l'activité de Mme Q...; -le lien de causalité entre l'accident et les manquements de la société ; -les documents médicaux produits par Mme Q... démontre que l'état physique et psychologique de celle-ci est très dégradé suite au bum-out dont elle a été victime ; -outre son état de santé particulièrement dégradé, l'avenir professionnel de Mme Q... est aujourd'hui totalement obéré. La société conclut à la confirmation du jugement référé. Elle soutient que Mme Q... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la conscience du danger par l'employeur, non plus que de l'absence de mesure de prévention ou de protection pour parer le danger. Elle observe que : -Mme Q... a accepté le poste de Directrice juridique groupe en parfaite connaissance de cause, et notamment en sachant, compte tenu des deux années qu'elle venait de passer au sein de la redoute, la dimension de la fonction et le poids des responsabilités y afférent, ainsi que les moyens humains et matériel dont elle disposerait pour mener à bien sa mission ; -Mme Q... avait toute la latitude pour renforcer son équipe, évidemment dans des limites budgétaires prédéfinies avec sa hiérarchie ; -Elle n'a pas découvert une situation à laquelle elle ne s'attendait pas ou ne pouvait s'attendre ; -Mme Q... a été engagée en qualité de cadre dirigeant moyennant une rémunération élevée et divers avantages telles qu'une voiture de fonction ; -les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la législation relative à la durée du travail mais à l'article L 3111-2 du code du travail ; -Mme Q... a eu toute la liberté pour organiser son service comme le souhaitait ; -la salariée n'a jamais été placée en arrêt de travail et qu'elle n'a jamais informé sa hiérarchie d'un problème de santé ou d'une difficulté liée à ses conditions de travail ; -elle n'a pas davantage saisi les institutions représentatives du personnel, notamment le CHSCT ni alerté la médecine du travail d'une telle difficulté ; -le fait accidentel est intervenu de manière soudaine et imprévisible y compris aux des collègues, proches et amis de Mme Q..., la société n'avait strictement aucun moyen de détecter que sa collaboratrice se trouvait exposée à un danger particulier dans l'exercice de ses attributions professionnelles ; -la mise en place courant de l'année 2010, Monsieur D... a proposé à Mme Q... de bénéficier d'un coaching par un consultant extérieur, ce qu'elle a accepté. -la société a perçu un collaborateur cadre dirigeant et directeur de service, non pas en souffrance morale, mais en difficulté professionnelle d'adaptation à un nouveau poste. Il ressort en l'espèce des éléments concordants du dossier au nombre desquels, les attestations produites par la salariée ; établies dans les formes 202 du code de procédure civile, les échanges de courriels, les avis médicaux, le tableau de calcul des heures supplémentaires, le récapitulatif général des «reporting juridique» et les documents afférents aux déplacements professionnels, que la tentative de suicide du 6 janvier 2011 résulte d'un état psychologique de la salariée qui a été gravement compromis à la suite de la dégradation continue des relations de travail et du comportement de l'employeur. En sus, la salariée démontre notamment l'amplitude de son travail, elle devait assurer avec son équipe l'assistance et le conseil juridique opérationnel des projets, le suivi juridique de l'activité des filiales. Par ailleurs, les fonctions l'amenaient à se rendre près de 3 fois semaine sur Paris alors même qu'elle ne disposait pas de bureau dédié. Elle était également très régulièrement en déplacement et ce même à l'étranger. Pour remplir l'ensemble de son travail et ainsi faire face à la surcharge de travail, elle cumulait les heures supplémentaires sans pour autant bénéficier de repos compensateur. C'est d'ailleurs sur cette motivation que, la cour d'appel de Douai dans son jugement du 31 mai 2018, reconnaît le harcèlement moral de la salariée. La cour constate que les différents certificats médicaux précités, relevant en substance un épuisement mental et psychologique sont apparus dans un contexte de harcèlement moral, reconnu par la cour d'appel de Douai. L'employeur avait à plusieurs reprises été alerté par la salariée qui avait expressément énoncé dans un courriel : «que la situation me paraît donc réellement critique'» . La cour relève que l'employeur s'est abstenu de répondre aux demandes du salarié et n'a eu aucune réaction adaptée alors même que la situation se dégradait. Pour se défendre l'employeur rejetait les prétentions de la salariée estimant qu'elle avait accepté «le poste en parfaite connaissance de cause», qu'elle bénéficiait «d'une rémunération élevée et divers avantages telle qu'une voiture de fonction», que la société avait proposé courant de l'année 2010 à Mme Q... de bénéficier d'un coaching par un consultant extérieur puisque son supérieur hiérarchique s'était «rendu compte que Mme Q... continuait de s'investir de façon très opérationnelle dans les dossiers traités par son service, s'impliquant dans des sujets qui auraient dû être pris en charge de façon autonome par ses collaborateurs, eux-mêmes juristes expérimentés, alors qu'elle devait prendre de la hauteur et se consacrer davantage à l'organisation du service et au management de son équipe». C'est cette même formatrice : Madame U... qui énonce dans son attestation qu'outre les «la charge de travail et une pression particulièrement forte», constatera «au fur et à mesure des séances elle montrait des signaux d'épuisement physique répétés» aura finalement «alerté la responsable des ressources humaines Mme I... de la situation inquiétante de Mme Q... qui s'est retrouvée quelques semaines plus tard en burn out» L'employeur s'est donc inscrit dans une démarche négative à l'égard de son salarié. Dans les circonstances de l'espèce, l'employeur avait nécessairement conscience du danger encouru par la salariée compte tenu du harcèlement érigé en méthode de management et qu'il n'a pas pris les mesures de protection nécessaires pour préserver la santé de son salarié, lequel n'a pu être soustrait à l'effet délétère du harcèlement moral sur sa santé physique et psychique. La cour, par infirmation de la décision déférée, dira par voie de conséquence, que l'accident dont a été victime Mme Q... est imputable à la faute inexcusable de la société Redcats.» ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors qu'il est établi qu'il est survenu par le fait du travail ; qu'au cas d'espèce, la Cour d'appel a retenu qu'était rapportée « la preuve du lien de causalité direct et certain entre [l']état psychologique [de Madame Q...], né de la souffrance au travail dont elle a été victime et la tentative de suicide » et que celle-ci « constitue un accident du travail au sens de l'article L 411-1 du code du travail » ; qu'en retenant, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident, que son caractère professionnel n'était pas établi, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, en retenant, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident, que la CPAM n'apporte pas la preuve dans ses rapports avec l'employeur que le fait accidentel du 6 juin 2011 est d'origine professionnelle quand les règles relatives à la charge de la preuve, pertinentes en cas de doute, étaient impropres à écarter le lien entre l'accident et le travail, que l'arrêt tenait par ailleurs pour établi, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, en retenant, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de l'accident, que la CPAM n'apporte pas la preuve dans ses rapports avec l'employeur que le fait accidentel du 6 juin 2011 est d'origine professionnelle, sans réfuter les motifs du jugement dont la CPAM sollicitait la confirmation, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Redcats management services.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement et, statuant à nouveau, d'avoir dit que l'accident dont Mme Q... a été victime le 6 janvier 2011 est imputable à la faute inexcusable de son employeur, d'avoir dit que la rente allouée à Mme Q... sera majorée au taux maximum légal, d'avoir dit que la CPAM de Roubaix-Tourcoing fera l'avance de l'ensemble des réparations et provisions allouées à Mme Q... et d'avoir fixé au passif de la société Redcats les sommes avancées par la CPAM de Roubaix-Tourcoing
Aux motifs qu'« il ressort en l'espèce des éléments concordants du dossier au nombre desquels, les attestations produites par la salariée, établies dans les formes 202 du code de procédure civile, les échanges de courriels, les avis médicaux, le tableau de calcul des heures supplémentaires, le récapitulatif général des reporting juridiques et les documents afférents aux déplacements professionnels, que la tentative de suicide du 6 janvier 2011 résulte d'un état psychologique de la salariée, qui a été gravement compromis à la suite de la dégradation continue des relations de travail et du comportement de l'employeur. En sus, la salariée démontre notamment l'amplitude de son travail, elle devait assurer avec son équipe l'assistance et le conseil juridique opérationnel des projets, le suivi juridique de l'activité des filiales. Par ailleurs, les fonctions l'amenaient à se rendre près de trois fois par semaine à Paris alors même qu'elle ne disposait pas de bureau dédié. Elle était également très régulièrement en déplacement et ce même à l'étranger. Pour remplir l'ensemble de son travail et ainsi faire face à la surcharge de travail, elle cumulait les heures supplémentaires sans pour autant bénéficier de repos compensateur. C'est d'ailleurs sur cette motivation que la cour d'appel de Douai dans son jugement du 31 mai 2019 reconnaît le harcèlement moral de la salariée. La cour constate que les différents certificats médicaux précités, relevant en substance un épuisement mental et psychologique sont apparus dans un contexte de harcèlement moral, reconnu par la cour d'appel de Douai. L'employeur avait à plusieurs reprises été alerté par la salariée, qui avait expressément énoncé dans un courriel : « que la situation me paraît réellement critique ». La cour relève que l'employeur s'est abstenu de répondre aux demandes du salarié et n'a eu aucune réaction adaptée alors même que la situation se dégradait. Pour se défendre, l'employeur rejetait les prétentions de la salariée estimant qu'elle avait accepté « le poste en parfaite connaissance de cause », qu'elle bénéficiait « d'une rémunération élevée et divers avantages telle qu'une voiture de fonction », que la coach avait proposé courant de l'année 2010 à Mme Q... de bénéficier d'un coaching par un consultant extérieur puisque son supérieur hiérarchique s'était « rendu compte que Mme Q... continuait de s'investir de façon très opérationnelle dans les dossiers traités par son service, s'impliquant dans des sujets qui auraient dû être pris en charge de façon autonome par ses collaborateurs, eux-mêmes juristes expérimentés, alors qu'elle devait prendre de la hauteur et se consacrer davantage à l'organisation du service et au management de son équipe ». C'est cette même formatrice, Mme U..., qui énonce dans son attestation qu'en outre « la charge de travail et une pression particulièrement forte », constatera « au fur et à mesure des séances elle montrait des signaux d'épuisement physique répétés » aura finalement « alerté la responsable des ressources humaines Mme I... de la situation inquiétante de Mme Q... qui s'est retrouvée quelques semaines plus tard en burn out ». L'employeur s'est donc inscrit dans une démarche négative à l'égard de son salarié. Dans les circonstances de l'espèce, l'employeur avait nécessairement conscience du danger encouru par la salariée compte tenu du harcèlement érigé en méthode de management et qu'il n'a pas pris les mesures de protection nécessaires pour préserver la santé de son salarié, lequel n'a pu être soustrait à l'effet délétère du harcèlement moral sur sa santé physique et psychique. La cour, par infirmation de la décision déférée, dira par voie de conséquence, que l'accident dont a été victime Mme Q... est imputable à la faute inexcusable de la société Redcats ».
Et aux motifs que « lorsqu'il y a une faute inexcusable de l'employeur, le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle a droit à majoration maximale de sa rente dans la limite des plafonds. Contrairement à ce que soutient l'employeur, le salarié n'a pas commis de faute présentant un caractère inexcusable, car à supposer qu'il se soit affranchi de la consigne donnée, la chute provient exclusivement de ce que le mousqueton destiné à interdire sa chute était inadapté. C'est par une application des dispositions précitées que la cour fixe à son maximum légal la rente allouée au salarié ».
1) Alors que l'absence de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du travail dans les rapports caisse/employeur prive la caisse du droit de récupérer auprès de celui-ci les indemnités complémentaires versées par elle au salarié au titre de la faute inexcusable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a dit inopposable à la société RMS la décision de prise en charge par la caisse de l'accident du 6 janvier 2011 en raison de l'absence de démonstration par la caisse du caractère professionnel de l'accident litigieux dans les rapports caisse/employeur, de sorte que le caractère professionnel de l'accident litigieux n'était pas reconnu dans les rapports caisse/employeur, privant la caisse de son action récursoire envers l'employeur ; qu'en disant que la CPAM de Roubaix-Tourcoing ne ferait que l'avance de l'ensemble des réparations et provisions allouées à Mme Q... et en fixant au passif de la société RMS les sommes avancées par la CPAM de Roubaix-Tourcoing, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale ;
2) Alors que les juges doivent motiver leur décision par des motifs pertinents ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est prononcée sur la majoration de la rente au bénéfice de Mme Q... sur des motifs sans rapport avec le litige, retenant que « contrairement à ce que soutient l'employeur, le salarié n'a pas commis de faute présentant un caractère inexcusable, car à supposer qu'il se soit affranchi de la consigne donnée, la chute provient exclusivement de ce que le mousqueton destiné à interdire sa chute était inadapté » quand il s'agissait en l'espèce d'une tentative de suicide de Mme Q... ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à fonder sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) Alors que les jugements doivent contenir une motivation propre ; que la motivation par voie de référence à une autre décision n'est pas permise ; qu'en retenant l'existence d'un harcèlement moral au détriment de Mme Q... pour retenir la faute inexcusable de l'employeur sur le seul visa de la décision de la cour d'appel de Douai du 31 mai 2018, prise dans une autre procédure, sans préciser les éléments constitutifs de ce harcèlement retenus dans cette autre procédure, permettant à la cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) Alors que la faute inexcusable suppose que l'employeur ait eu conscience du danger auquel il exposait son salarié et qu'il n'ait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait pas pris de mesures adaptées sans s'expliquer sur les aides psychologiques proposées par l'employeur (séance de coaching notamment) pour permettre à la salariée d'exercer sereinement ses fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale.