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26/11/2020 | FRANCE | N°19-21614

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-21614


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1291 F-D

Pourvoi n° M 19-21.614

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

M. D... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-21.614

contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de C...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 novembre 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1291 F-D

Pourvoi n° M 19-21.614

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

M. D... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-21.614 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. E..., de la SARL Corlay, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 4 juin 2019) et les productions, le 19 février 1999, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane (la Crcam) a cédé à la société Kappa 25, devenue la société Madinina créance, les créances dont elle était titulaire contre M. E..., en vertu notamment de quatre contrats de prêts souscrits entre 1974 et 1981.

2. Le 20 juillet 1999, la société Madinina créance a informé M. E... qu'il lui devait la somme de 7 047 125,25 francs et a mis en oeuvre contre lui diverses mesures d'exécution forcée, notamment des saisies immobilières.

3. Le 3 octobre 2012, M. E..., soutenant que l'ouverture du crédit souscrit en 1981 n'avait jamais été utilisée, a assigné la Crcam afin d'obtenir sa condamnation à lui rembourser certaines sommes sur les prêts souscrits et à lui verser des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait, notamment, de la différence entre les prix d'adjudication et la valeur réelle des biens saisis et du manque à gagner sur les revenus locatifs.

Examen du moyen

Sur le moyen

Enoncé du moyen

4. M. E... fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en responsabilité engagée contre la Crcam alors « que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; que le dommage se manifeste lorsqu'il apparaît en toute son ampleur ; qu'en considérant que le dommage s'était manifesté à M. E... dès le 20 juillet 1999 au moment de la lettre de mise en demeure de Madinina Créance en date du 20 juillet 1999, écartant les contestations de M. E..., et liquidant sa créance à une somme de 7 047 125,25 francs sans rechercher, comme elle y était dûment invitée, si le dommage ne s'était pas manifesté en toute son ampleur lorsque l'expert a rendu ses conclusions en date du 16 décembre 2011, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2224 et 2270-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir énoncé à bon droit que la prescription de l'action était, en application de l'article 2270-1 du code civil dans sa version antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à une durée de dix ans courant à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, et relevé que le fait dommageable dont M. E... se plaignait résidait dans le transport d'une créance inexistante à la société Madinina créances en 1999, dont il avait reçu signification le 14 mai 1999 et à laquelle il avait immédiatement réagi le 14 juin 1999 en protestant que tous les prêts étaient soldés, la cour d'appel a retenu que la manifestation du dommage pouvait être fixée à la lettre de mise en demeure de la société Madinina créance du 20 juillet 1999, écartant les contestations de M. E... et liquidant sa créance à une somme de 1 074 327,32 euros, et en a déduit que le délai de prescription n'était pas écoulé lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

6. La cour d'appel a ensuite énoncé qu'en application de l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, la prescription quinquennale issue du nouveau régime recommençait à courir à compter de son entrée en vigueur sans toutefois que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure et qu'en l'espèce, M. E... aurait donc dû introduire son action contre la Crcam avant le 20 juillet 2009.

7. Par ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue, pour fixer le point de départ de la prescription, de rechercher à quelle date l'intéressé avait eu connaissance de l'ampleur de son dommage, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. E...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclarée prescrite l'action en responsabilité engagée par l'exposant contre la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane ;

AUX MOTIFS QUE « L'action de M. E... dirigée contre la banque ne peut trouver son fondement que sur un régime de responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, à raison du dommage à lui causé, par la cession de créance entre le Crédit Agricole et Madinina Créances, en tant que tiers à cette opération juridique. En outre, il s'agit d'une cession à titre particulier sans transmission universelle du patrimoine, qui aurait permis de confondre les parties. Or, il est indéniable que l'arrêt du 9 décembre 2014 retenu par le premier juge, qui n'a été rendu qu'au contradictoire de Madinina Créance, n'a statué que sur un incident de saisie élevé au stade de la distribution du prix. A aucun moment la question de la responsabilité de la banque à l'égard de M. E... n'a été tranchée au fond. Le jugement ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a retenu que cette décision avait autorité de la chose jugée à l'égard de la CRCAM. En ce qui concerne la prescription de l'action, elle était, en application de l'article 2270-1 du code civil dans sa version antérieure, soumise à durée de 10 ans, courant à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Or, le fait dommageable dont M. E... se plaint réside dans le transport de la créance à Madinina Créances en 1999, puisque selon lui, cette créance était inexistante. Il en a reçu signification par acte du 14 mai 1999, et y a immédiatement réagi par courrier du 14 juin 1999, protestant que tous les prêts étaient soldés et qu'il ne se reconnaissait plus devoir qu'une somme de 20.670,73 francs (soit 3.151,23 €). La manifestation du dommage peut être fixée à la lettre de mise en demeure de Madinina Créance en date du 20 juillet 1999, écartant les contestations de M. E..., et liquidant sa créance à une somme de 7 047 125,25 francs, soit 1 074 327,32 €. A l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, le nouvel article 2224 a réduit ce délai à 5 ans, en posant le principe selon lequel le délai court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La règle nouvelle n'a donc pas eu pour effet de modifier le point de départ initial du délai pour agir, puisqu'en l'espèce, M. E... a connu le fait lui causant un dommage dans des conditions qui lui permettaient d'agir contre la banque en : responsabilité, au plus tard le 20 juillet 1999. En particulier, dès cette époque il lui aurait été possible de solliciter l'expertise comptable qui |a conclu à l'absence de réalisation de la seconde ouverture de crédit. Le délai de prescription n'était pas écoulé lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Mais si la prescription plus courte issue du nouveau régime recommence à courir à compter de cette entrée en vigueur, c'est toutefois sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, en application de l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008. Il aurait donc fallu qu'il introduise son action contre le Crédit Agricole avant le 20 juillet 2009. L'action intentée contre la banque par acte du 8 novembre 2012 est donc prescrite » ;

ALORS QUE les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; que le dommage se manifeste lorsqu'il apparaît en toute son ampleur ; qu'en considérant que le dommage s'était manifesté à Monsieur E... dès le 20 juillet 1999 au moment de la lettre de mise en demeure de Madinina Créance en date du 20 juillet 1999, écartant les contestations de M. E..., et liquidant sa créance à une somme de 7 047 125,25 francs sans rechercher, comme elle y était dument invitée, si le dommage ne s'était pas manifesté en toute son ampleur lorsque l'expert a rendu ses conclusions en date du 16 décembre 2011, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2224 et 2270-1 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-21614
Date de la décision : 26/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 04 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 nov. 2020, pourvoi n°19-21614


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.21614
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