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25/11/2020 | FRANCE | N°19-13918

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2020, 19-13918


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Rejet

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1082 F-D

Pourvoi n° W 19-13.918

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

Mme M... J..., domiciliée [...] , a fo

rmé le pourvoi n° W 19-13.918 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Rejet

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1082 F-D

Pourvoi n° W 19-13.918

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

Mme M... J..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° W 19-13.918 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme Q... V... , domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme J..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme V... , après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims,16 janvier 2019), Mme V... a été engagée le 1er février 2016 en qualité d'assistante maternelle par Mme J.... Le 16 mars 2018, celle-ci a notifié à la salariée le retrait de la garde de l'enfant. Mme V... a adressé, le 23 mars 2018, à Mme J... un certificat médical de grossesse.

2. Après avoir convoqué, le 28 mars 2018, la salariée à un entretien préalable au licenciement, Mme J... l'a licenciée, le 16 avril suivant, pour motif économique.

3. Mme V... a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale de demandes tendant à l'annulation du retrait du 16 mars 2018 et du licenciement du 16 avril 2018 ainsi qu'à sa réintégration.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Mme J... fait grief à l'arrêt de dire que la décision de retrait de l'enfant constituait un trouble manifestement illicite, alors :

« 1°/ que si, aux termes de l'article L. 1225-5, alinéa 1, du code du travail, le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, il résulte de l'alinéa 2 de ce texte que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; qu'aux termes des articles L. 423-24 du code de l'action sociale et des familles et 18 de la Convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004 étendue par arrêté du 17 décembre 2004, le particulier employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à une assistante maternelle qu'il employait depuis plus de trois mois doit notifier à l'intéressée sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que ce droit de retrait s'exerce librement ; que, le 16 mars 2018, Mme J..., employeur, a exercé son droit de retrait concernant sa fille U... S..., auprès de Mme V... , assistante maternelle, au motif qu'étant enceinte de son deuxième enfant, elle souhaitait profiter de son congé maternité pour rester auprès de sa fille alors âgée de trois ans ; qu'en énonçant néanmoins « que le fait de retirer l'enfant à la salariée alors que cette dernière est enceinte est illégal car contraire à la loi et qu'il y a lieu d'annuler la décision de retrait de l'enfant à compter du 16 mars 2018 », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le droit de retrait avait été exercé pour un motif étranger à la grossesse de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 18 de la Convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004 étendue par arrêté du 17 décembre 2004, ensemble les articles L. 423-24 du code de l'action sociale et des familles et L. 1225-5, alinéa 1, du code du travail ;

2°/ que si, aux termes de l'article L. 1225-5, alinéa 1, du code du travail, le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, il résulte de l'alinéa 2 de ce texte que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; que, pour prononcer l'annulation de la décision de retrait de l'enfant U... S... auprès de Mme V... , motivée par le congé maternité de l'employeur Mme J... qui projetait de garder son enfant, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, « que la rupture du contrat de travail de Madame V... est illicite, son employeur, Madame J... n'ayant pas pris en considération le fait qu'elle était également enceinte » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'elle avait constaté que l'employeur Mme J... n'avait pas pris en considération la grossesse de Mme V... pour exercer son droit de retrait, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1225-5, alinéa 1, du Code du travail ;

3°/ qu'aux termes de l'article R. 1455-6 du code du travail, "la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite" ; que selon l'article R. 1455-7 du même code, "dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire" ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé, pour accueillir la demande de la salariée, que "le conseil de prud'hommes d'Epernay, statuant en la forme des référés, a exactement considéré, comme sollicité par Q... V... , que la décision de retrait de l'enfant du 16 mars 2018 était illégale, et constituait un trouble manifestement illicite, relevant de sa compétence, et à laquelle il a mis fin" ; qu'en se prononçant en ce sens, par voie de simple affirmation, sans exposer en quoi le retrait, dans les conditions prévues par l'article 18 de la Convention collective du particulier employeur, de l'enfant de trois ans, par sa mère, qui souhaitait profiter de son congé maternité pour la garder à ses côtés, constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 1455-5, R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, d'une part que l'assistante maternelle avait adressé dans les quinze jours suivant le retrait notifié le 16 mars 2018 un certificat médical attestant de son état de grossesse, d'autre part que l'employeur, au motif de son propre état de grossesse, avait retiré à la salariée la garde de l'enfant, ce dont il résultait que la rupture n'était pas fondée sur l'un des cas limitativement prévus à l'article L. 1225-5 du code du travail.

6. Par de tels motifs, la cour d'appel, qui a caractérisé un trouble manifestement illicite, a, sans être tenue de faire d'autres recherches que ces constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Mme J... fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement nul, d'ordonner la réintégration de l'assistante maternelle et de la condamner au paiement de salaires à compter du mois de mai 2018, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir de l'arrêt ayant dit que la décision de retrait de l'enfant U... S... en date du 16 mars 2018 était illégale et constituait un trouble manifestement illicite, relevant de la compétence du juge des référés, entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré nul le licenciement économique motivé par le retrait de l'enfant et la suppression du poste de l'assistante maternelle et condamné Mme J... à réintégrer Mme V... et à lui payer diverses sommes sur ce fondement, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que si, aux termes de l'article L. 1225-5, alinéa 1, du code du travail, le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, il résulte de l'alinéa 2 de ce texte que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; que pour décider que le licenciement de Mme V... , prononcé au motif de la suppression de son poste d'assistante maternelle consécutive à la décision de Mme J... d'exercer son droit de retrait, devait être déclaré nul, la cour d'appel a énoncé que « il s'évince de la reproduction de la lettre de licenciement adressée à Q... V... que l'impossibilité de maintenir le contrat liant les parties, pour un motif étranger (à la grossesse) ou à l'accouchement de la salariée n'est pas établie du seul fait du congé de maternité de l'employeur » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ressortait de la lettre de licenciement que Mme J..., placée en congé maternité, projetait de garder son enfant et, en conséquence, n'avait plus besoin des services d'une tierce personne à cet effet, ce qui constituait un motif étranger à la grossesse de la salariée, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement précitée, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ qu'il résulte de l'article L. 423-2 du Code de l'action sociale et des familles que les dispositions propres au droit du licenciement ne sont pas applicables aux assistants maternels et familiaux ; qu'aux termes de l'article L. 423-24 du même code, le particulier employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à un assistant maternel qu'il employait depuis trois mois doit notifier à l'intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que ce droit de retrait qui s'exerce librement ne peut être sanctionné que par l'allocation de dommages et intérêts en cas de retrait abusif ; que partant, en déclarant nul le licenciement de Mme V... et en ordonnant la réintégration de cette dernière, outre la condamnation consécutive du particulier employeur au paiement de diverses sommes à titre de salaires et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé les articles L. 423-2 et L. 423-24 du code de l'action sociale et des familles ;

4°/ que le droit à réintégration du salarié n'étant pas absolu, le juge doit rechercher, au regard des faits de l'espèce, si la réintégration du salarié dans son emploi ou un emploi équivalent est possible ou impossible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel aurait dû rechercher si, compte tenu non seulement de l'intérêt de l'enfant mais également de l'âge de celui-ci, la réintégration de l'assistante maternelle dans son emploi était matériellement possible ; qu'en ne procédant pas à une telle recherche qui pourtant s'imposait, et en se bornant à ordonner sans autre motivation la réintégration de l'assistante maternelle, la cour d'appel a violé les articles L. 423-2 et L. 423-24 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article L. 1225-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. D'abord, le rejet du premier moyen rend sans portée la première branche qui invoque une cassation par voie de conséquence.

9. Ensuite, la cour d'appel, qui a relevé, hors toute dénaturation de la lettre de licenciement du 16 avril 2018, que l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement n'était pas établie du seul fait du congé de maternité de l'employeur, en a exactement déduit, sans être tenue de faire une recherche qui ne lui était pas demandée, que le licenciement était constitutif d'un trouble manifestement illicite et que la réintégration de la salariée devait être ordonnée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme J... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme J... et la condamne à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la décision de retrait de l'enfant U... S... en date du 16 mars 2018 était illégale et constituait un trouble manifestement illicite, relevant de la compétence du juge des référés, et d'avoir, en conséquence, confirmé l'ordonnance rendue par la formation des référés du Conseil de prud'hommes d'Epernay le 5 juillet 2018 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il avait invité les parties à mieux se pourvoir sur la réintégration de la salariée,

Aux motifs propres qu'il est constant que, se prévalant des dispositions de l'article 18 de la convention collective applicable, M... J... a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mars 2018, mis fin au contrat liant les parties, concernant la garde de son enfant U... S..., en exerçant son droit de retrait ; que ce mode de rupture, ouvert à l'employeur, spécifique à cette convention collective, ne dispense pas l'employeur de respecter les termes du code du travail ; que or, en application des dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail, une salariée, en état de grossesse médicalement constatée, ne peut être licenciée, sauf cas limitativement énumérés à l'article L. 1225-5 du même code ; qu'en l'espèce, Q... V... justifie avoir adressé à son employeur par courrier du 23 mars 2018 le certificat de grossesse ; que à réception, M... J... l'a convoquée à un entretien préalable au licenciement, fondé sur un motif économique ; qu'en dépit de ses allégations, M... J... ne peut raisonnablement soutenir que cette procédure de licenciement, fondée sur un motif économique, avait pour seul objectif de préserver les droits de sa salariée ; qu'elle ne peut davantage soutenir qu'en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, elle ne pouvait renoncer à son droit de retrait ; que dès lors, à suivre l'employeur dans son argumentation, le conseil de prud'hommes d'Épernay, statuant en la forme des référés, a exactement considéré, comme sollicité par Q... V... , que la décision de retrait de l'enfant du 16 mars 2018 était illégale, et constituait un trouble manifestement illicite, relevant de sa compétence, et à laquelle il a mis fin ;

Et aux motifs non contraires réputés adoptés que le contrat de travail est un contrat par lequel le salarié réalise un travail au profit d'autrui (l'employeur) contre rémunération et en se plaçant sous sa subordination juridique ; que la prestation de travail doit être effective et réalisée au profit de l'employeur ; qu'en l'espèce, Madame V... n'a pu exercer son emploi d'assistante maternelle à compter du 16 avril 2018, son employeur, Madame J..., lui ayant retiré la garde de sa fille S... U..., au motif qu'elle était enceinte de son second enfant ; que Madame J... a licencié Madame V... selon l'article 18 de la convention collective nationale des assistantes maternelles en méconnaissance de l'article L. 1225-4 du code du travail : l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté ; que l'état de grossesse de Madame V... était connu de Madame J... au moment de la rupture du contrat de travail ; que la rupture du contrat de travail de Madame V... est illicite, son employeur, Madame J... n'ayant pas pris en considération le fait qu'elle était également enceinte ; que le fait de retirer l'enfant à la salariée alors que cette dernière est enceinte est illégal car contraire à la loi et qu'il y a lieu d'annuler la décision de retrait de l'enfant à compter du 16 mars 2018 ; qu'en application de l'article L. 1233-16 du Code du travail : « la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur » ; que, la lettre de licenciement doit énoncer la cause économique du licenciement telle que prévue par l'article L. 1233-3 du Code du travail et l'incidence matérielle de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; que selon la jurisprudence constante, l'absence d'indication des motifs économiques a pour conséquence l'absence de cause réelle et sérieuse (Cass. sociale 2 octobre 1997, p. n° 94-44.883), (Cass. sociale 10 décembre 2003, n° 01-47.332) ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement ne comporte aucune indication de motif économique ; qu'en conséquence, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le licenciement sera donc annulé ; qu'aux termes de l'article R. 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut ordonner la réintégration des salariés protégés ; que cependant, la protection de la maternité n'est pas visée par cet article ; qu'il y a lieu sur ce chef de demande, à inviter le demandeur à mieux se pourvoir ; que Madame V... percevra ses salaires pour la période couverte par la nullité soit 548,25 € pour le mois de mai 2018 et 54,82 € pour les congés payés y afférents et 548,25 € pour le mois de juin 2018 et 54,82 € pour les congés payés y afférents ; qu'en conséquence, les bulletins de salaires pour les mois de mai 2018 et juin 2018 doivent être remis ; qu'en conséquence, le paiement des salaires ne justifie pas la demande de provision de dommages et intérêts de Madame V... , de plus elle n'apporte pas la preuve d'un préjudice ; que le licenciement de Madame V... est nul, le conseil déboute Madame J... de sa demande de dommages et intérêts, ainsi que de sa demande d'article 700 du Code de procédure civile ;

Alors, d'une part, que si, aux termes de l'article L. 1225-5, al. 1 du Code du travail, le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, il résulte de l'alinéa 2 de ce texte que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; qu'aux termes des articles L. 423-24 du Code de l'action sociale et des familles et 18 de la Convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004 étendue par arrêté du 17 décembre 2004, le particulier employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à une assistante maternelle qu'il employait depuis plus de trois mois doit notifier à l'intéressée sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que ce droit de retrait s'exerce librement ; que le 16 mars 2018, Madame J..., employeur, a exercé son droit de retrait concernant sa fille U... S..., auprès de Madame V... , assistante maternelle, au motif qu'étant enceinte de son deuxième enfant, elle souhaitait profiter de son congé maternité pour rester auprès de sa fille alors âgée de trois ans; qu'en énonçant néanmoins « que le fait de retirer l'enfant à la salariée alors que cette dernière est enceinte est illégal car contraire à la loi et qu'il y a lieu d'annuler la décision de retrait de l'enfant à compter du 16 mars 2018 », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le droit de retrait avait été exercé pour un motif étranger à la grossesse de la salariée, la Cour d'appel a violé l'article 18 de la Convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004 étendue par arrêté du 17 décembre 2004, ensemble les articles L. 423-24 du Code de l'action sociale et des familles et L. 1225-5, al. 1 du Code du travail ;

Alors, d'autre part, que si, aux termes de l'article L. 1225-5, al. 1 du Code du travail, le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, il résulte de l'alinéa 2 de ce texte que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; que, pour prononcer l'annulation de la décision de retrait de l'enfant U... S... auprès de Madame V... , motivée par le congé maternité de l'employeur Madame J... qui projetait de garder son enfant, la Cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, « que la rupture du contrat de travail de Madame V... est illicite, son employeur, Madame J... n'ayant pas pris en considération le fait qu'elle était également enceinte » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'elle avait constaté que l'employeur Madame J... n'avait pas pris en considération la grossesse de Madame V... pour exercer son droit de retrait, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1225-5, al. 1 du Code du travail ;

Alors, en tout état de cause, qu'aux termes de l'article R. 1455-6 du Code du travail, « la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ; que selon l'article R. 1455-7 du même code, « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a énoncé, pour accueillir la demande de la salariée, que « le conseil de prud'hommes d'Epernay, statuant en la forme des référés, a exactement considéré, comme sollicité par Q... V... , que la décision de retrait de l'enfant du 16 mars 2018 était illégale, et constituait un trouble manifestement illicite, relevant de sa compétence, et à laquelle il a mis fin » ; qu'en se prononçant en ce sens, par voie de simple affirmation, sans exposer en quoi le retrait, dans les conditions prévues par l'article 18 de la Convention collective du particulier employeur, de l'enfant de trois ans, par sa mère, qui souhaitait profiter de son congé maternité pour la garder à ses côtés, constituait un trouble manifestement illicite, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 1455-5, R. 1455-6 et R. 1455-7 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue par la formation des référés du Conseil de prud'hommes d'Epernay le 5 juillet 2018 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a invité les parties à mieux se pourvoir sur la réintégration de la salariée, après avoir déclaré nul le licenciement dont elle a fait l'objet et assorti d'une astreinte la remise des bulletins de salaire, et statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, d'avoir ordonné la réintégration de Q... V... par l'effet de la nullité du licenciement dont elle a fait l'objet et condamné M... J... à lui payer le montant des salaires dus et des congés payés afférents à compter du mois de mai 2018, pour les sommes mensuelles de 548,25 euros et de 54,82 euros, sous réserve des sommes effectivement dues à compter du jour où Q... V... bénéficie d'un congé de maternité ;

Aux motifs qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1225-5 du code du travail, le licenciement d'une salariée, en état de grossesse, peut être prononcé au motif d'une faute grave non liée à l'état de grossesse ou de l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles de l'article L. 1232-6 du même code que la lettre de licenciement doit mentionner le motif sur la base duquel l'employeur notifie à son salarié sa volonté de rompre le contrat liant les parties ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée par M... J... à sa salariée le 16 avril 2018 est ainsi libellée : « ... vous ne vous êtes pas présentée le 12 avril dernier pour l'entretien préalable à votre éventuel licenciement économique. Lors de celui-ci, je souhaitais vous confirmer que mon congé maternité débutera le 23 avril 2018. Je resterai donc à mon domicile et je n'aurai dès lors plus besoin de vos services pour la garde de mon enfant U... S.... J'ai cherché une solution pour tenter de vous reclasser, mais je n'ai trouvé aucun travail à vous faire effectuer... » ; que l'énonciation, dans une lettre de licenciement, d'un motif économique ne constitue pas nécessairement une impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; qu'en l'espèce, il s'évince de la reproduction de la lettre de licenciement adressée à Q... V... que l'impossibilité de maintenir le contrat liant les parties, pour un motif étranger ou à l'accouchement de la salariée n'est pas établie du seul fait du congé de maternité de l'employeur ; que dans ces conditions, le licenciement d'Q... V... doit être déclaré nul et la décision déférée mérite d'être confirmée de ce chef ; que toutefois, cette même juridiction n'a pas tiré toutes les conséquences juridiques de ses constatations ; qu'en effet, par l'effet de la nullité du licenciement, la formation des référés tenait des dispositions de l'article R. 1455-6 du code du travail, le pouvoir d'ordonner, pour faire cesser le trouble manifestement illicite que constituait ce licenciement, la réintégration d'Q... V... ; que la décision sera donc infirmée de ce chef et la réintégration de la salariée ordonnée ; que compte tenu des précédents développements, il y a lieu de condamner l'employeur au paiement des salaires à compter du mois de mai 2018, des congés payés afférents, comme sollicité par Q... V... , à raison d'un montant mensuel de 548,25 euros outre 54,82 euros à titre de congés payés afférents, sous réserve des règles applicables pour la période durant laquelle la salariée bénéficie de son congé maternité ; qu'il y a lieu d'ordonner la remise, par M... J... à Q... V... des bulletins de salaire afférents, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une quelconque astreinte ;

Alors, d'une part, que la cassation à intervenir de l'arrêt ayant dit que la décision de retrait de l'enfant U... S... en date du 16 mars 2018 était illégale et constituait un trouble manifestement illicite, relevant de la compétence du juge des référés, entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré nul le licenciement économique motivé par le retrait de l'enfant et la suppression du poste de l'assistante maternelle et condamné Madame J... à réintégrer Madame V... et à lui payer diverses sommes sur ce fondement, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, subsidiairement, que si, aux termes de l'article L. 1225-5, al. 1 du Code du travail, le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, il résulte de l'alinéa 2 de ce texte que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; que pour décider que le licenciement de Madame V... , prononcé au motif de la suppression de son poste d'assistante maternelle consécutive à la décision de Madame J... d'exercer son droit de retrait, devait être déclaré nul, la Cour d'appel a énoncé que « il s'évince de la reproduction de la lettre de licenciement adressée à Q... V... que l'impossibilité de maintenir le contrat liant les parties, pour un motif étranger (à la grossesse) ou à l'accouchement de la salariée n'est pas établie du seul fait du congé de maternité de l'employeur » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ressortait de la lettre de licenciement que Madame J..., placée en congé maternité, projetait de garder son enfant et, en conséquence, n'avait plus besoin des services d'une tierce personne à cet effet, ce qui constituait un motif étranger à la grossesse de la salariée, la Cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement précitée, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

Alors, en tout état de cause, qu'il résulte de l'article L. 423-2 du Code de l'action sociale et des familles que les dispositions propres au droit du licenciement ne sont pas applicables aux assistants maternels et familiaux ; qu'aux termes de l'article L. 423-24 du même code, le particulier employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à un assistant maternel qu'il employait depuis trois mois doit notifier à l'intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que ce droit de retrait qui s'exerce librement ne peut être sanctionné que par l'allocation de dommages et intérêts en cas de retrait abusif ; que partant, en déclarant nul le licenciement de Madame V... et en ordonnant la réintégration de cette dernière, outre la condamnation consécutive du particulier employeur au paiement de diverses sommes à titre de salaires et de congés payés afférents, la Cour d'appel a violé les articles L. 423-2 et L. 423-24 du Code de l'action sociale et des familles ;

Alors, enfin, très subsidiairement, que le droit à réintégration du salarié n'étant pas absolu, le juge doit rechercher, au regard des faits de l'espèce, si la réintégration du salarié dans son emploi ou un emploi équivalent est possible ou impossible ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel aurait dû rechercher si, compte tenu non seulement de l'intérêt de l'enfant mais également de l'âge de celui-ci, la réintégration de l'assistante maternelle dans son emploi était matériellement possible ; qu'en ne procédant pas à une telle recherche qui pourtant s'imposait, et en se bornant à ordonner sans autre motivation la réintégration de l'assistante maternelle, la Cour d'appel a violé les articles L. 423-2 et L. 423-24 du Code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article L. 1225-5 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-13918
Date de la décision : 25/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 16 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 nov. 2020, pourvoi n°19-13918


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13918
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