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25/11/2020 | FRANCE | N°19-11430

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 novembre 2020, 19-11430


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 703 F-P+B

Pourvoi n° S 19-11.430

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 NOVEMBRE 2020

1°/ la société Ace European Gr

oup Limited, dont le siège est [...] ),

2°/ la société Zurich Versicherung AG, dont le siège est [...] ),

3°/ M. D... E..., domicilié [...] ,

...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 703 F-P+B

Pourvoi n° S 19-11.430

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 NOVEMBRE 2020

1°/ la société Ace European Group Limited, dont le siège est [...] ),

2°/ la société Zurich Versicherung AG, dont le siège est [...] ),

3°/ M. D... E..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° S 19-11.430 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :

1°/ au Comité départemental de voile de la Charente-Maritime, dont le siège est [...] ,

2°/ à M. C... M..., domicilié [...] ,

3°/ à la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), dont le siège est [...] ,

4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

M. M... et la Mutuelle assurance des instituteurs de France ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Ace European Group Limited, de la société Zurich Versicherung AG et de M. E..., de Me Le Prado, avocat du Comité départemental de voile de la Charente-Maritime, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. M... et de la Mutuelle assurance des instituteurs de France, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 mars 2017, pourvoi n° 15-23.220), le 8 juin 2008, au cours d'une traversée de l'Atlantique organisée par le Comité départemental de voile de la Charente-Maritime (le CDV), M. M... a été victime d'une chute alors qu'il se trouvait à bord du navire de plaisance [...] ayant pour chef de bord M. E..., assuré au titre de sa responsabilité civile auprès des sociétés Ace European Group Limited et Zurich Versicherung AG (les sociétés Ace et Zurich). M. M... et son assureur, la Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF), ont recherché la responsabilité du CDV et de M. E..., lequel a été judiciairement autorisé à constituer un fonds de limitation de responsabilité.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. M. E... et les sociétés Ace et Zurich font grief à l'arrêt de juger que le CDV n'a commis aucun manquement à son obligation de conseil en matière d'assurance et, en conséquence, de rejeter leurs demandes formées à son encontre, alors « que l'organisateur d'une manifestation sportive est tenu à une obligation générale d'information quant à l'existence, l'étendue et l'efficacité de la garantie souscrite par les participants ; que M. E... soutenait que le CDV avait commis à son égard un manquement à son obligation de conseil, en lui préconisant de souscrire une assurance aux tiers pour un million d'euros", ce qui l'avait conduit à souscrire une assurance responsabilité civile à concurrence de 1 023 000 euros, bien que le CDV ait eu connaissance qu'une telle garantie était manifestement insuffisante à garantir le fonds de limitation à hauteur de 1,5 million DTS, soit 1 704 945 euros ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Si l'organisateur d'une manifestation nautique maritime est tenu d'informer les participants sur l'existence, l'étendue et l'efficacité des assurances qu'il a souscrites afin qu'ils puissent, le cas échéant, souscrire des garanties individuelles couvrant leurs propres dommages ou leur responsabilité, son obligation d'information ne porte pas sur l'étendue et l'efficacité de l'assurance individuelle de responsabilité souscrite par le chef de bord, lequel, ne pouvant légitimement ignorer le régime de responsabilité personnelle auquel il est soumis et, notamment, le montant maximum des indemnités qui peuvent être mises à sa charge, doit lui-même se renseigner sur ce point, afin de souscrire l'assurance adéquate, sans pouvoir reprocher à l'organisateur l'erreur que celui-ci aurait pu commettre sur ce montant.

5. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. M. E... et les sociétés Ace et Zurich font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir juger que le CDV a commis un manquement à son obligation de sécurité dans les conditions de prise en charge médicale de M. M..., à la suite de son accident, et à le voir en conséquence jugé responsable de l'aggravation du dommage corporel subi par ce dernier, alors « qu'il appartient à l'organisateur d'une manifestation sportive, tenu d'une obligation de sécurité à l'égard des participants, de faire preuve de diligence dans l'organisation des secours en cas d'accident ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas établi que l'état santé de M. M... aurait été aggravé par un éventuel retard dans sa prise en charge médicale, de sorte que rien ne permettait de mettre en cause les conditions de préparation et d'encadrement de la traversée par le CDV, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait de la note technique du Dr J..., versée aux débats par M. E... et ses assureurs, que l'intervention chirurgicale pratiquée au-delà de 6 heures après l'accident avait aggravé le préjudice subi par M. M..., de sorte que le CDV avait commis une faute engageant sa responsabilité en ne rendant possible l'intervention d'une équipe médicale que le lendemain de l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. En application de l'article 3, alinéa 1, de l'arrêté du 3 mai 1995 relatif aux manifestations nautiques en mer et des articles 4 et 6 du décret du 2 mai 1988, devenus R. 742-4 et R. 742-6 du code de la sécurité intérieure, si l'organisateur d'une manifestation nautique maritime est tenu de mettre en place une structure opérationnelle du début de l'épreuve à l'arrivée du dernier participant, cette structure étant le correspondant permanent du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) géographiquement compétent, qu'elle doit informer de tout événement de nature à nécessiter une opération de recherche et de sauvetage, la responsabilité d'une telle opération appartient, en métropole, au préfet maritime dont le CROSS, centre de coordination maritime, est le représentant permanent. Il en résulte qu'en cas d'accident, l'organisateur de la manifestation nautique maritime n'est pas tenu de l'organisation matérielle des secours.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Mais sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

9. M. M... et la MAIF font grief à l'arrêt de dire que le fonds de limitation de responsabilité du voilier [...] leur est opposable pour un montant de 284 157,50 euros, alors « que pour être opposable aux créanciers maritimes, le plafond du fonds de limitation doit être constitué à concurrence du montant calculé selon les stipulations des articles 6 et 7 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 tel que modifiée par le Protocole du 2 mai 1996 ; qu'en disant que le fonds de limitation de responsabilité du voilier [...] est opposable pour un montant de 284 157,70 euros au créancier maritime, M. M..., et son assureur, la MAIF, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations selon lesquelles le choix de Mme E..., de M. E... et de ses assureurs de fixer le montant du fonds de limitation à hauteur de l'ancien plafond légal de 250 000 DTS, soit 284 157,50 euros, ne pouvait pas être opposé à la victime qui était fondée à invoquer les plafonds de limitation de responsabilité du skipper ou propriétaire du navire jusqu'à concurrence de leur montant légal soit 1 000 000 DTS pour le fonds de créances corporelles et 500 000 DTS pour les autres créances, violant ainsi les articles 6 et 7 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 modifiée par le Protocole du 2 mai 1996 et les articles 58, 61 et 69 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 61 et 62 de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer et les articles 61, 64 et 80 du décret du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer, devenus L. 5121-5, L. 5121-6, R. 5121-3, R. 5121-6 et R. 5121-22 du code des transports :

10. Il résulte de ces textes qu'est opposable au propriétaire ou capitaine du navire tout jugement statuant sur le montant des plafonds de limitation de responsabilité, rendu postérieurement à l'ordonnance du président du tribunal de commerce constatant la constitution du fonds de limitation.

11. Pour dire que le fonds de limitation de responsabilité, constitué pour une somme de 284 157,50 euros, est opposable pour ce montant à M. M... et à la MAIF, l'arrêt retient que le fonds de limitation a été valablement constitué par une ordonnance du président du tribunal de commerce du 27 avril 2009, à la requête de M. E..., pour un montant initial de 166 500 DTS porté à 250 000 DTS, en vertu des textes applicables aux plafonds de limitation de la responsabilité du propriétaire du bateau.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait elle-même arrêté, conformément aux textes applicables, le montant global de la limitation de la responsabilité de M. E... à la contre-valeur en euros de 1 500 000 DTS, la cour d'appel, dont la décision sur ce point était opposable à tous, a, en jugeant que le montant moindre du fonds de limitation constituait néanmoins le montant maximum d'indemnités pouvant en l'état être réclamé par la victime, son assureur ou la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. La cassation prononcée sur le second moyen du pourvoi incident du chef de dispositif disant que le fonds de limitation de responsabilité du voilier [...] a été constitué pour une somme de 284 157,50 euros et qu'il est opposable pour ce montant à M. M..., la MAIF et la CPAM entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif disant que M. E... et ses assureurs auraient dû constituer le fonds à hauteur du plafond de limitation de sa responsabilité du propriétaire du navire à hauteur de 1 500 000 DTS et ordonnant la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats, pour permettre à M. E... et ses assureurs de s'expliquer sur la possibilité de revaloriser le fonds de limitation constitué par ordonnance du président du tribunal de commerce de La Rochelle et justifier éventuellement y avoir procédé, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le fonds de limitation de responsabilité du voilier [...] a été constitué pour une somme de 284 157,50 euros et qu'il est opposable pour ce montant à M. M..., la MAIF et la CPAM, dit que M. E... et ses assureurs, les sociétés Ace European Group Limited et Zurich Versicherung AG, auraient dû constituer le fonds à hauteur du plafond de limitation de sa responsabilité du propriétaire du navire à hauteur de 1 500 000 DTS et ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats, pour permettre à M. E... et ses assureurs de s'expliquer sur la possibilité de revaloriser le fonds de limitation constitué par ordonnance du président du tribunal de commerce de La Rochelle et justifier éventuellement y avoir procédé, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne M. E... et les sociétés Ace European Group Limited et Zurich Versicherung AG aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. E... et les sociétés Ace European Group Limited et Zurich Versicherung AG et les condamne à payer à M. M... et la MAIF la somme globale de 3 000 euros et au Comité départemental de voile de la Charente-Maritime la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. E... et les sociétés Ace European Group Limited et Zurich Versicherung AG.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le plafond de limitation de la responsabilité, bénéficiant à Monsieur E... et à ses assureurs, la Société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED et la Société ZURICH VERSICHERUNG AG, s'élève à la somme de 1.000.000 DTS pour le fond de créances corporelles et 500.000 DTS pour le fond des autres créances, de sorte que Monsieur E... et ses assureurs auraient dû constituer un fonds de limitation de responsabilité à hauteur de 1.500.000 DTS, soit 1.800.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE, sur la limitation de responsabilité de M. E..., l'accident s'est produit sur un bateau le 8 juin 2008, avant l'entrée en vigueur du Code des transports, et il n'est pas contesté qu'il est soumis à la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 « portant statut des navires et autres bâtiments de mer », dans sa version issue de la loi du 22 décembre 1984 qui a intégré en droit français, le régime de responsabilité prévu à la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes ; que c'est le chapitre VII de ladite loi qui régit la responsabilité du propriétaire de navire ; que l'article 58 de ladite loi prévoit que, sauf si une faute prouvée lui est personnellement imputable, le propriétaire d'un bateau peut limiter sa responsabilité envers des tiers si les dommages invoqués se sont produits à bord de son navire ; que le principe de responsabilité du capitaine du navire consiste en réalité en une limitation de l'indemnité qui peut être mise à sa charge, limitation qui va dépendre de la taille et de la puissance du navire, puisqu'elle est fixée en fonction de son tonnage ; que le [...] est un navire de 9,09 tonneaux bruts ; que pour la fixation du montant des plafonds de responsabilité, l'article 61 renvoie directement à la Convention internationale du 10 octobre 1957 modifiée par la Convention de Londres du 19 novembre 1976 qui, en son article 6, est ainsi libellé : « Art. 6 Limites générales 1. Les limites de la responsabilité à l'égard des créances autres que celles mentionnées à l'art.7, nées d'un même événement, sont fixées comme suit : a) s'agissant des créances pour morts ou lésions corporelles, i) à 333.000 unités de compte pour un navire dont la jauge ne dépasse pas 500 tonneaux ; (...) b) s'agissant de toutes les autres créances, i) à 167.000 unités de compte pour un navire dont la jauge ne dépasse pas 500 tonneaux (
) ; que l'article explique qu'une unité de compte correspond à un droit de tirage spécial (DTS) tel que défini par le FMI ; qu'usant de la faculté offerte par l'article 15-2 de la Convention aux Etats adhérents, de modifier ces plafonds pour les navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, le législateur français a complété l'article 61 précité d'un second alinéa qui prévoyait que : « Toutefois, en ce qui concerne les navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, les limites générales de la responsabilité sont égales à la moitié de celles fixées à l'article 6 de la convention de Londres du 19 novembre 1976 précitée pour les navires dont la jauge ne dépasse pas 500 tonneaux » ; que, pour ces navires de moins de 300 tonneaux, la limite était donc de 166.500 DTS pour les créances de dommages corporels (333000/2) et pour les autres créances incorporelles de 83.500 DTS indemnisée dans la limite globale de 250.000 DTS lorsqu'elle n'a pas de créance autre que pour lésions corporelles : que ces plafonds ont été revus à la hausse par le texte dénommé « PROTOCOLE MODIFIANT LA CONVENTION DE 1976 SUR LA LIMITATION DE LA RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE CRÉANCES MARITIMES » du 2 mai 1996, qui, en son article 3, stipule que le paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention est remplacé par les dispositions ci-après : « a) s'agissant des créances pour mort ou lésions corporelles, i) à 2 millions d'unités de compte pour un navire dont la jauge ne dépasse pas 2 000 tonneaux ... », « b) s'agissant de toutes les autres créances, i) à 1 million d'unités de compte pour un navire dont la jauge ne dépasse pas 2 000 tonneaux ... » ; l'article 9 1° précisant que : « La Convention et le présent Protocole sont, entre les Parties au présent protocole, considérés et interprétés comme formant un seul instrument (...) » qu'il en résulte que pour les navires de moins de 300 tonneaux, la limite de responsabilité est portée à 1 million DTS pour les créances pour lésions corporelles et 500.000 DTS pour les autres créances, soit un cumul de 1.500.000 DTS ; que le tribunal puis la Cour d'appel ont estimé que ces nouveaux plafonds n'étaient pas applicables à l'accident du 8 juin 2008 dont Monsieur M... a été victime et que les dispositions modifiant les plafonds de limitation de responsabilité n'étaient entrées en vigueur que lors de la publication du Code des transports en 2010 spécialement en son article L. 5121-5 ; qu'ils ont ainsi écarté l'argumentation de Monsieur M... et la MAIF qui affirment que les plafonds de limitation de garantie avaient été majorés en droit interne français, antérieurement à l'accident survenu le 8 juin 2008, et que la limitation de la responsabilité de Monsieur E... était portée à 1 million pour les créances maritimes à caractère corporel ; que, dans son arrêt de cassation partielle, la Cour de cassation a, au contraire, accueilli le second moyen du pourvoi incident de Monsieur M... et la MAIF en énonçant : « Attendu que pour fixer à 250.000 droits de tirage spéciaux du fonds monétaire international (DTS) le montant de limitation de responsabilité opposable à M. M..., l'arrêt retient que ce n'est qu'à compter de la date d'entrée en vigueur du code des transports que la modification des plafonds de responsabilité a été intégrée en droit interne ; Qu'en statuant ainsi, alors que le Protocole du 2 mai 1996 qui a modifié les plafonds fixés à l'article 6 de la Convention et auquel renvoie l'article 61 de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires, est entré en vigueur le 23 juillet 2007, la cour d'appel a violé les textes susvisés » ; qu'en effet, l'article 9.3° du Protocole de 1976 prévoit que la Convention telle qu'il la modifie, ne s'applique qu'aux créances nées d'événements postérieurs à l'entrée en vigueur, pour chaque Etat, du présent Protocole ; que, pour sa date d'entrée en vigueur, l'article 11 précise : « 1. Le présent Protocole entre en vigueur quatre-vingt-dix jours après la date à laquelle dix Etats ont exprimé leur consentement à être liés par lui. 2. Pour tout Etat qui exprime son consentement à être lié par le présent Protocole après que les conditions d'entrée en vigueur prévues au paragraphe 1 ont été remplies, le présent Protocole entre en vigueur quatre-vingt-dix jours après la date à laquelle ce consentement a été exprimé » ; que ce Protocole modificatif a été ratifié par la France le 5 juillet 2006 et a été publié par le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 paru au Journal Officiel du 25 septembre 2007 intitulé « entrée en vigueur pour la France du protocole du 2 mai 1996, la publication spécifiant que le protocole était entré en vigueur le 23 juillet 2007 ; que la date d'entrée en vigueur, antérieure à la date de publication du Protocole, s'explique au regard de l'article 55 de la Constitution qui édicte que : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie » ; qu'un traité international, une fois régulièrement publié, produit ses effets en toutes ses dispositions, y compris celles relatives à son entrée en vigueur de sorte qu'il est admis qu'il puisse avoir un effet rétroactif par rapport à sa date de publication ; qu'ainsi comme l'a dit la Cour de cassation, le premier juge a statué sans tenir compte des nouveaux plafonds d'indemnisation qui, issus d'une Convention internationale étaient applicables directement en droit français, au litige survenu le 8 juin 2008 ; que, dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le montant opposable s'élève à la somme revalorisée de 250.000 DTS soit 284.157,50 €, et statuant à nouveau, ce montant sera porté à 1.000.000 DTS pour les créances corporelles et 500.000 DTS pour les autres créances soit, la contre-valeur du DTS étant actuellement de 1,20 €, 1.200.000 € pour le premier fonds et 600.000 € pour le second fonds ; que, toutefois, il est constant que la victime de lésions corporelles provoquées par un navire doit être indemnisée à concurrence du montant cumulé du plafond des deux fonds ; que ; dès lors la limitation de responsabilité de Monsieur E... s'élevant à 1.800.000 € est supérieure au montant du préjudice qui a été définitivement fixé à 1.206.603,87 € créances sociales incluses ;

ALORS QU'aux termes de l'article 61 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967, portant statut des navires et autres bâtiments de mer, « en ce qui concerne les navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, les limites générales de la responsabilité sont égales à la moitié de celles fixées à l'article 6 de la convention de Londres du 19 novembre 1976 (
) pour les navires dont la jauge ne dépasse pas 500 tonneaux » ; que si le Protocole du 2 mai 1996, modifiant la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, était, dès le 23 juillet 2007, date de son entrée en vigueur en droit interne, d'application directe, il n'a pas pour autant modifié l'article 61 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967, dès lors qu'il se réfère aux navires « dont la jauge ne dépasse pas 2000 tonneaux », tandis que l'article 61 susvisé vise les navires « dont la jauge ne dépasse pas 500 tonneaux » ; qu'en décidant néanmoins que le Protocole du 2 mai 1996 avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de Monsieur E..., pour en déduire que ce dernier aurait dû constituer un fonds de limitation à hauteur d'un tel montant, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976, dans sa rédaction initiale, l'article 3 et 15-2 b) du Protocole du 2 mai 1996, modifiant la Convention et le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du Protocole, ensemble l'article 61 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le Comité départemental de voile de Charente-Maritime n'avait commis aucun manquement à son obligation de conseil en matière d'assurance et d'avoir en conséquence débouté Monsieur D... E... et ses assureurs, la Société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED et la Société ZURICH VERSICHERUNG AG, de leurs demandes à son encontre ;

AUX MOTIFS QUE, dans son arrêt confirmatif, la Cour d'appel avait adopté les motifs du tribunal ayant retenu un manquement à l'obligation d'information en matière d'assurance, au regard du montant du plafond de limitation de la responsabilité du skipper qui avait été appliqué, soit 284.157,50 € (250.000 DTS) ; qu'aucune autre faute n'avait été retenue à l'égard du Comité Départemental de Voile ; que les dispositions relatives à la responsabilité du Comité Départemental de Voile ont été censurées par la Haute Cour ; que Monsieur E... et ses assureurs, Monsieur M... et la MAIF reprennent devant la Cour de céans les moyens qu'ils ont déjà fait valoir devant le premier juge puis devant la Cour d'appel de Bordeaux mais ne développent aucun élément pertinent et non soumis à l'appréciation du tribunal, pour caractériser les manquements reprochés au Comité Départemental de Voile ; que, s'agissant du manquement lié au défaut d'information et de conseil en matière d'assurance, la Cour de cassation a rappelé qu'il devait être caractérisé au regard des assurances dont dispose déjà le créancier de l'information ; que, compte tenu des plafonds applicables à la limitation de responsabilité de Monsieur E... garanti par ses assureurs, soit au total 1.500.000 DTS (actuellement 1.800.000 €), pour les deux fonds cumulés, et d'autre part, du quantum définitif du préjudice, soit 1.206.603,87 €, il est manifeste qu'en dehors de toute information donnée par le Comité Départemental de Voile qui a cependant imposé aux propriétaires des bateaux participant à la traversée de se couvrir à la fois pour son bateau et pour lui-même, d'une assurance responsabilité civile au tiers d'un minimum d'un million d'euros, le préjudice de la victime et les organismes sociaux peuvent être intégralement couverts par le skipper et ses assureurs de responsabilité ; que, de surcroît, les parties invoquant la responsabilité du Comité Départemental de Voile ne précisent pas quels types de contrats d'assurance complémentaire, cette instance aurait pu recommander à Monsieur M..., étant observé qu'en tout état de cause de telles polices d'assurance de personne couvrant les dommages corporels fixent habituellement à l'avance un montant de garantie forfaitaire et ne proposent donc pas l'indemnisation intégrale de la victime ; que, par ailleurs, si l'article L.321-4 du Code du sport édicte une obligation pour un groupement sportif organisateur d'une course d'informer ses adhérents de leur intérêt à souscrire une assurance, il n'existe aucun texte similaire s'appliquant au cas des participants non adhérents ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement ayant retenu un manquement du Comité Départemental de Voile à l'égard de Monsieur M... au titre de l'obligation de conseil en matière d'assurance ;

ALORS QUE l'organisateur d'une manifestation sportive est tenu à une obligation générale d'information quant à l'existence, l'étendue et l'efficacité de la garantie souscrite par les participants ; que Monsieur E... soutenait que le Comité départemental de voile de Charente-Maritime avait commis à son égard un manquement à son obligation de conseil, en lui préconisant de souscrire une « assurance aux tiers pour un million d'euros », ce qui l'avait conduire à souscrire une assurance responsabilité civile à concurrence de 1.023.000 euros, bien que le Comité départemental de voile ait eu connaissance qu'une telle garantie était manifestement insuffisante à garantir le fonds de limitation à hauteur de 1,5 million DTS, soit 1.704.945 euros ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur D... E... et ses assureurs, la Société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED et la Société ZURICH VERSICHERUNG AG, de leur demande tendant à voir juger que le Comité départemental de voile de la Charente-Maritime a commis un manquement à son obligation de sécurité dans les conditions de prise en charge médicale de Monsieur M..., à la suite de son accident, et de le voir en conséquence jugé responsable de l'aggravation du dommage corporel subi par ce dernier à hauteur de 80 %, ou telle autre proportion que la Cour estimera ;

AUX MOTIFS QUE, s'agissant des autres manquements reprochés au Comité Départemental de Voile, à l'obligation de sécurité, les usages et les règles applicables en matière de course en mer confèrent au seul "skipper" le commandement du voilier dont il dirige et contrôle les manoeuvres et la marche, chacun des coéquipiers effectuant sa tâche à la place qui lui a été affectée dans l'équipe, sous le contrôle et la direction du "skipper", lequel exerce seul sur le navire les pouvoirs de contrôle et de direction qui caractérisent la garde de la chose ; que le skipper a donc également l'obligation d'assurer son bateau, ce qu'il a fait en l'espèce, mais aussi d'informer ses équipiers de la nécessité de se couvrir au mieux des aléas liés à une course en mer ; qu'il y a lieu de rappeler qu'il résulte des rapports d'expertise qui sont corroborés par les explications des parties et les autres pièces versées aux débats et en tout état de cause, non critiqués par les parties à l'aide d'éléments objectifs, que, d'une part, M. T... L..., expert chargé d'établir les causes du sinistre, a indiqué que l'accident était le résultat de la seule prise de risque traditionnel et connu, inhérent à la navigation à la voile dans des conditions météorologiques difficiles, voire extrêmes, mais il a tout de même fait observer que le manque de préparation de l'équipage et d'harmonie entre les équipiers (relevant de la responsabilité du skipper) était indéniable, et que le manque de rigueur dans les manoeuvres associé à un mouvement de plate-forme et à une erreur de barre, même minime, ont conduit à l'accident ; que, -d'autre part, qu'aucun des deux médecins expert, le Dr X... puis le Dr F..., n'indiquent que l'état de santé de Monsieur M... qui souffre d'une tétraplégie importante à la suite d'une contusion médullaire consécutive à un choc survenu à bord du navire, a été aggravé par un éventuel retard dans sa prise en charge médicale, de sorte que rien ne permet de mettre en cause les conditions de préparation et d'encadrement de la traversée par le Comité Départemental de Voile ; que, dès lors, la cour adoptera les motifs du tribunal en ce qu'il a rejeté toute autre faute du Comité Départemental de Voile ;

ALORS QU'il appartient à l'organisateur d'une manifestation sportive, tenu d'une obligation de sécurité à l'égard des participants, de faire preuve de diligence dans l'organisation des secours en cas d'accident ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas établi que l'état santé de Monsieur M... aurait été aggravé par un éventuel retard dans sa prise en charge médicale, de sorte que rien ne permettait de mettre en cause les conditions de préparation et d'encadrement de la traversée par le Comité départemental de voile, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait de la note technique du Docteur J..., versée aux débats par Monsieur E... et ses assureurs, que l'intervention chirurgicale pratiquée au-delà de 6 heures après l'accident avait aggravé le préjudice subi par Monsieur M..., de sorte que le Comité départemental de voile avait commis une faute engageant sa responsabilité en ne rendant possible l'intervention d'une équipe médicale que le lendemain de l'accident, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. M... et la Mutuelle assurance des instituteurs de France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le comité départemental de voile de Charente-Maritime n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité à l'égard de M. C... M... et d'AVOIR en conséquence débouté celui-ci ainsi que la Maif de leurs fins et moyens à l'encontre du comité départemental de voile de Charente-Maritime ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant des autres manquements reprochés au Comité Départemental de Voile, à l'obligation de sécurité, les usages et les règles applicables en matière de course en mer confèrent au seul "skipper" le commandement du voilier dont il dirige et contrôle les manoeuvres et la marche, chacun des coéquipiers effectuant sa tâche à la place qui lui a été affectée dans l'équipe, sous le contrôle et la direction du "skipper", lequel exerce seul sur le navire les pouvoirs de contrôle et de direction qui caractérisent la garde de la chose ; que le skipper a donc également l'obligation d'assurer son bateau, ce qu'il a fait en l'espèce, mais aussi d'informer ses équipiers de la nécessité de se couvrir au mieux des aléas liés à une course en mer ; qu'il y a lieu de rappeler qu'il résulte des rapports d'expertise qui sont corroborés par les explications des parties et les autres pièces versées aux débats et en tout état de cause, non critiqués par les parties à l'aide d'éléments objectifs, - d'une part, que M. T... L..., expert chargé d'établir les causes du sinistre, a indiqué que l'accident était le résultat de la seule prise de risque traditionnel et connu, inhérent à la navigation à la voile dans des conditions météorologiques difficiles, voire extrêmes, mais il a tout de même fait observer que le manque de préparation de l'équipage et d'harmonie entre les équipiers (relevant de la responsabilité du skipper) était indéniable, et que le manque de rigueur dans les manoeuvres associé à un mouvement de plate-forme et à une erreur de barre, même minime, ont conduit à l'accident. - d'autre part, qu'aucun des deux médecins expert, le Dr X... puis le Dr F..., n'indiquent que l'état de santé de M. M... qui souffre d'une tétraplégie importante à la suite d'une contusion médullaire consécutive à un choc survenu à bord du navire, a été aggravé par un éventuel retard dans sa prise en charge médicale, de sorte que rien ne permet de mettre en cause les conditions de préparation et d'encadrement de la traversée par le Comité Départemental de Voile ; que dès lors, la cour adoptera les motifs du tribunal en ce qu'il a rejeté toute autre faute du Comité Départemental de Voile ;

ALORS QU'il appartient à l'organisateur d'une manifestation sportive, tenu d'une obligation de sécurité à l'égard des participants, de faire preuve de diligence dans l'organisation des secours en cas d'accident ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas établi que l'état de santé de M. M... aurait été aggravé par un éventuel retard dans sa prise en charge médicale, de sorte que rien ne permettait de mettre en cause les conditions de préparation et d'encadrement de la traversée par le comité départemental de voile de Charente-Maritime, sans rechercher s'il résultait de la note technique du Docteur J..., régulièrement versée aux débats, que l'intervention chirurgicale pratiquée au-delà de 6 heures après l'accident avait aggravé le préjudice subi par M. M..., de sorte que le comité départemental de voile de Charente-Maritime avait commis une faute engageant sa responsabilité en ne rendant possible l'intervention d'une équipe médicale que le lendemain de l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le fonds de limitation de responsabilité du voilier [...] est opposable pour un montant de 284 157,50 euros à M. M... et à la Maif ;

AUX MOTIFS QUE M. E... et ses assureurs tentent de proposer une argumentation permettant d'ignorer la décision de la Cour de cassation, en expliquant qu'en réalité, les dispositions concernant la majoration des plafonds de limitation de la responsabilité du skipper, ne concernent pas la constitution du fonds de limitation qui est visée par des dispositions autonomes à savoir les articles 14 et 15.2.b de la Convention de 1976 qui sont demeurés régis par le droit interne de chaque Etat en vertu de leur souveraineté et qui n'ont donc pas été modifiés par la Convention de Londres ; que les concluants affirment ainsi que la Cour de cassation n'a pas évoqué ces textes régissant la constitution du fonds car les moyens des pourvois qui lui étaient soumis ne concernaient que la limitation du plafond de la responsabilité du capitaine du bateau, mais il résulte des textes applicables - Convention de Londres instaurant le régime et les mécanismes de responsabilité applicables en matière de créances maritimes, et le Protocole de 1996 modifiant à la hausse les plafonds de responsabilité mais sans amender le dispositif général - que la limitation de responsabilité est acquise de plein droit pour chaque événement dommageable de mer et n'est pas subordonnée à la constitution par le propriétaire responsable du fond de limitation prévu par l'article 62 de la loi de 1967 ; que la constitution de fonds de limitation est, pour le skipper souhaitant invoquer la limitation de sa responsabilité, une possibilité d'éviter d'être poursuivi sur ses autres biens, mais en tout état de cause, ce fonds doit être constitué à concurrence des plafonds fixés par les articles 6 et 7 de la Convention ; sur le montant du fonds : le chapitre III de la Convention de 1976 fixant les conditions de constitution du fonds de limitation explique en son article 11 que toute personne dont la responsabilité peut être mise en cause peut constituer un fonds auprès du tribunal compétent pour les créances soumises à limitation et que le fonds est constitué à concurrence du montant tel qu'il est calculé selon les dispositions des articles 6 et 7 applicables aux créances dont cette personne peut être responsable ; que le fonds est donc valablement constitué et donc opposable, quand son plafond est fixé selon les modalités précitées ; que l'article 13 du même chapitre édicte une fin de non-recevoir interdisant au créancier d'intenter toute autre action sur les biens de la personne qui a constitué le fonds, mais avec cette précision que le fonds doit être constitué conformément à l'article 11 ; que le 22 avril 2009, Mmes E..., M. E... et les assureurs ont présenté une requête au président du tribunal de grande instance de La Rochelle aux fins de constituer le fonds de limitation à hauteur de 166.500 DTS en fondant leur demande, en particulier, sur l'article 61 de la loi du 3 janvier 1967 tel que modifié par la loi du 21 décembre 1984 et la loi du 15 décembre 1946, en ce qu'il renvoie à l'article 6 de la Convention de Londres de 1976 ;

qu'ils ont obtenu l'autorisation de constituer le fonds à hauteur du plafond proposé par ordonnance du 27 avril 2009, puis prenant acte d'une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendue le 16 novembre 2010 ayant notamment décidé que la victime de lésions corporelles provoquées par un navire doit l'être dans la limite des deux plafonds d'indemnisation établis, l'un pour créances corporelles l'autre pour créances matérielles, ils ont accepté de porter le montant du fonds à 250.000 DTS, sur la base de la version ancienne des textes applicables aux plafonds de limitation de la responsabilité du propriétaire du bateau avant sa modification par le Protocole entré en vigueur en juillet 2007 ; que c'est donc de leur propre chef qu'ils ont fixé le montant du fonds à hauteur de l'ancien plafond légal, mais ce choix ne peut être opposé à la victime qui est fondée à invoquer les plafonds de limitation de responsabilité du skipper ou propriétaire du navire sur lequel elle a été accidentée, jusqu'à concurrence de leur montant légal soit 1.000.000 DTS pour le fonds des créances corporelles et 500.000 DTS pour les autres créances ; qu'en effet, la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes porte atteinte au droit, reconnu aux victimes, d'obtenir la réparation intégrale de leur préjudice ; cette atteinte n'est tolérable qu'à la condition que les plafonds d'indemnisation soient régulièrement réévalués ; qu'aussi, l'application du barème en vigueur à la date de la décision créant le fonds d'indemnisation, constitue une solution équilibrée qui préserve la situation des victimes tout en permettant au propriétaire du navire de conserver le bénéfice d'une dérogation instituée dans son seul intérêt ; que dès lors si le fonds de 250.000 DTS peut être opposé jusqu'à concurrence de sa contre-valeur pécuniaire s'élevant à 284.157,50 € à toute action des créanciers sur ses autres biens mais au-delà jusqu'à la contre-valeur de 1.500.000 DTS, il doit néanmoins permettre le paiement de l'intégralité de la dette contractée par le propriétaire du navire à l'égard de la victime d'un accident survenu sur son navire et des organismes sociaux ;

ALORS QUE pour être opposable aux créanciers maritimes, le plafond du fonds de limitation doit être constitué à concurrence du montant calculé selon les stipulations des articles 6 et 7 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 tel que modifiée par le Protocole du 2 mai 1996 ; qu'en disant que le fonds de limitation de responsabilité du voilier [...] est opposable pour un montant de 284 157,70 euros au créancier maritime, M. M..., et son assureur, la Maif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations selon lesquelles le choix de Mme E..., de M. E... et de ses assureurs de fixer le montant du fonds de limitation à hauteur de l'ancien plafond légal de 250 000 DTS, soit 284 157,50 euros, ne pouvait pas être opposé à la victime qui était fondée à invoquer les plafonds de limitation de responsabilité du skipper ou propriétaire du navire jusqu'à concurrence de leur montant légal soit 1 000 000 DTS pour le fonds de créances corporelles et 500 000 DTS pour les autres créances, violant ainsi les articles 6 et 7 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 modifiée par le Protocole du 2 mai 1996 et les articles 58, 61 et 69 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-11430
Date de la décision : 25/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DROIT MARITIME - Navire - Propriété - Responsabilité du propriétaire - Jugement statuant sur le montant des plafonds de limitation de responsabilité - Opposabilité - Condition

DROIT MARITIME - Capitaine - Responsabilité - Jugement statuant sur le montant des plafonds de limitation de responsabilité - Opposabilité - Condition

Il résulte des articles 61 et 62 de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer et des articles 61, 64 et 80 du décret du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer, devenus L. 5121-5, L. 5121-6, R. 5121-3, R. 5121-6 et R. 5121-22 du code des transports qu'est opposable au propriétaire ou capitaine du navire tout jugement statuant sur le montant des plafonds de limitation de responsabilité, rendu postérieurement à l'ordonnance du président du tribunal de commerce constatant la constitution du fonds de limitation. Par conséquent, viole ces textes la cour d'appel qui, alors qu'elle a elle-même arrêté, conformément aux textes applicables, le montant global de la limitation de la responsabilité au capitaine du navire et que sa décision sur ce point est opposable à tous, juge que le montant moindre du fonds de limitation, valablement constitué par une ordonnance du président du tribunal de commerce à la requête du capitaine du navire, constitue néanmoins le montant maximum d'indemnités pouvant, en l'état, être réclamé par la victime, son assureur ou la Caisse primaire d'assurance maladie


Références :

Sur le numéro 1 : Article 455 du code de procédure civile.
Sur le numéro 2 : article 3, alinéa 1, de l'arrêté du 3 mai 1995 relatif aux manifestations nautiques en mer

articles 4 et 6 du décret du 2 mai 1988, devenus R. 742-2 et R. 742-6, du code de la sécurité intérieure.
Sur le numéro 3 : 5121-6, R. 5121-3, R. 5121-6 et R. 5121-22 du code des transports.
Sur le numéro 3 : articles 61 et 62 de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer

articles 61, 64 et 80 du décret du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer, devenus L. 5121-5, L.

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 20 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 nov. 2020, pourvoi n°19-11430, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Richard, Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11430
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