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25/11/2020 | FRANCE | N°18-13771;18-13772

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2020, 18-13771 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1122 FP-P+B+I
sur le pourvoi incident

Pourvois n°
R 18-13.771
S 18-13.772 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

La société A

GC France, société par actions simplifiée, dont le siège est 100 rue Léon Gambetta, BP 1, 59168 Boussois, a formé les pourvois n° R 18-13.771 et S 18-1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1122 FP-P+B+I
sur le pourvoi incident

Pourvois n°
R 18-13.771
S 18-13.772 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

La société AGC France, société par actions simplifiée, dont le siège est 100 rue Léon Gambetta, BP 1, 59168 Boussois, a formé les pourvois n° R 18-13.771 et S 18-13.772 contre deux arrêts rendus le 19 janvier 2018 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. Q... W..., domicilié [...] ,

2°/ à M. F... T..., domicilié [...] ,

3°/ à Mme L... S..., domiciliée [...] , prise en qualité de mandataire liquidateur de la société AGC David miroiterie,

4°/ à l'AGS CGEA de Rouen, dont le siège est 73 rue de Martainville, CS 11716, 76108 Rouen cedex 1,

défendeurs à la cassation.

MM. W... et T... ont formé chacun un pourvoi incident contre les mêmes arrêts.

La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois principaux, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de chacun de leur pourvoi incident, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société AGC France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. T... et W..., l'avis oral de Mme Berriat, avocat général et l'avis écrit de M. Weissmann, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, MM. Rinuy, Ricour, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, Monge, Richard, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, M. Duval, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 18-13.771 et S 18-13.772 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Caen, 19 janvier 2018), le groupe David, composé de la société David miroiterie et de la société David services, a été repris le 22 septembre 2010 par le groupe verrier japonais AGC (Asahi Glass Compagny limited). La société AGC France exerçait la présidence de la nouvelle société AGC David miroiterie venue aux droits de la société David miroiterie et ayant absorbé la société David services. Les actions de la société AGC David miroiterie étaient détenues par une autre société du groupe, également présidée par la société AGC France.

3. Les salariés non protégés ont été licenciés pour motif économique le 16 mai 2012, en raison de la cessation d'activité de la société AGC David miroiterie. Celle-ci a été placée le 9 janvier 2013 en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 9 avril 2013, Mme S... étant désignée en qualité de liquidatrice.

4. MM. W... et T..., salariés protégés, ont été licenciés le 18 avril 2013 par la liquidatrice après autorisation de l'inspecteur du travail.

5. Contestant leur licenciement, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'une indemnité supra conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts à l'encontre de la société AGC David miroiterie et de la société AGC France, invoquant la qualité de coemployeur de celle-ci.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de la société AGC France, pris en sa première branche ; ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal de la société AGC France, pris en sa seconde branche ;

Enoncé du moyen

7. La société AGC France fait grief aux arrêts d'allouer aux salariés une somme au titre de l'indemnité supra conventionnelle de licenciement, de dire qu'elle est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de cette somme et de la condamner au paiement de cette somme, alors « qu'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant, pour décider que la société AGC France avait la qualité de coemployeur des salariés à la cause, qu'à compter de février 2012, la société AGC David miroiterie a délégué à cette société la gestion de ses ressources humaines, que cette dernière lui a facturé son intervention, que dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, que cette dernière société a géré sa trésorerie et, qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, elle a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David miroiterie, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :

8. La Cour juge de façon constante que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière (Soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.209 et s., Bull. 2014, V, n° 159, Molex ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-27.266 et s., Bull. 2016, V, n° 146, Continental ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-26.541, Bull. 2016, V, n° 145, Proma ; Soc., 6 juillet 2016, n° 15-15.481 à 15-15.545, Bull. 2016, V, n° 147, 3 Suisses).

9. Le premier de ces arrêts a ainsi été commenté par la chambre sociale (Site de la Cour, mensuel du droit du travail n° 56, juillet 2014, p. 4) : "L'arrêt confirme l'importance prise par ce critère d'immixtion dans la gestion économique et sociale de sa filiale par la société mère. Seule est susceptible d'être reprochée à une société mère son immixtion globale et permanente dans le fonctionnement de sa filiale, qui doit prendre à la fois une dimension économique et une dimension sociale. (...) Il n'y a immixtion sociale qu'à condition que la direction du personnel et la gestion des ressources humaines soient prises en main par la société mère qui ne permet plus à la filiale de se comporter comme le véritable employeur à l'égard de ses salariés. La situation de coemploi devrait donc rester exceptionnelle".

10. Il apparaît nécessaire eu égard à l'évolution du contentieux de préciser les critères applicables en la matière.

11. Il y a lieu de juger, en application de l'article L. 1221-1 du code du travail précité, que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

12. Pour dire que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement et au remboursement de diverses sommes et la condamner au paiement de ces sommes, les arrêts retiennent que les sociétés AGC David miroiterie, AGC France, les autres filiales ou sous-filiales oeuvraient toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales - dont AGC David miroiterie - plus particulièrement dans la transformation du verre.

13. Les arrêts relèvent également que la société AGC France présidait, par l'intermédiaire d'un directeur, M. A..., qui la représentait, d'une part, la société AGC David miroiterie, d'autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David miroiterie. Ils constatent que M. A... avait réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David miroiterie, géré des litiges commerciaux, signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d'embauche, d'avertissement, de rupture, ainsi qu'un accord salarial en février 2011 et accordé des congés payés, sans que soit démontrée l'existence de consignes particulières données par la société AGC David miroiterie à ces diverses occasions.

14. Les arrêts constatent encore que si les éléments produits ne permettent pas d'établir que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que celle-ci fixait les prix de vente, il était imposé en revanche à la société AGC David miroiterie de traiter diverses commandes, rarement rentables, pour d'autres sociétés du groupe, qu'elle était parfois amenée à prêter ses machines à d'autres sociétés françaises du groupe et bénéficiait également de prêts.

15. Les arrêts retiennent enfin qu'il existait, entre les sociétés AGC France et AGC David miroiterie, une confusion de direction, d'intérêt et d'activités qui s'est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion sociale de la société AGC David miroiterie, la seconde ayant délégué à la première, à compter de février 2012, la gestion de ses ressources humaines et la société AGC France lui ayant facturé son intervention. Ils ajoutent que cette confusion s'est également traduite par une immixtion anormale dans la gestion économique puisque, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une autre filiale du groupe, moyennant redevance, et que la trésorerie a été gérée par la société AGC France. Les arrêts observent que, en outre, entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit d'autres filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David miroiterie.

16. En se déterminant ainsi, sans caractériser une immixtion permanente de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le moyen du pourvoi incident des salariés, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leur demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la légèreté blâmable de l'employeur, alors « que la décision de l'inspecteur du travail, à qui il n'appartient pas de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail ; qu'en déboutant le salarié au motif de l'absence de tout préjudice autre que celui découlant de la perte de son emploi qui ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires, la cour d'appel a violé l'article 1382 alors applicable du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

18. La décision d'autorisation de licenciement prise par l'inspecteur du travail, à qui il n'appartient pas de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute de l'employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi.

19. Pour débouter les salariés de leur demande de dommages-intérêts au titre de la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur les arrêts retiennent que les salariés ont été licenciés, après autorisation de l'inspection du travail, à raison de la liquidation judiciaire de l'employeur qui conduit à la fermeture définitive de son établissement et à sa cessation d'activité, ce qui implique la suppression de leur poste, et leur licenciement, aucun reclassement dans un emploi correspondant à leurs compétences n'étant possible.

20. Les arrêts constatent ensuite que les salariés soutiennent que la cessation d'activité de la société AGC David Miroiterie trouve son origine dans la faute ou la légèreté blâmable de la société et réclament des dommages-intérêts "à raison du préjudice subi", antérieur, selon eux, à la rupture de leur contrat de travail.

21. Les arrêts relèvent que, toutefois, ils caractérisent ce préjudice par le fait que "l'absence de faute et de légèreté blâmable aurait permis le maintien de l'engagement contractuel", considérant ce faisant, que leur préjudice est bien constitué par la perte de leur emploi et donc par le licenciement et n'établissent pas, ni même ne soutiennent, que la faute et la légèreté blâmable de leur employeur leur auraient occasionné un préjudice distinct.

22. Les arrêts retiennent enfin qu'en l'absence de tout préjudice autre que celui découlant de la perte d'emploi, qui ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires, ils seront déboutés de cette demande.

23. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils jugent que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de la somme de 15 000 euros allouée respectivement à MM. W... et T... au titre de l'indemnité supra-légale de licenciement, disent qu'à l'égard de la société AGC France cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2013, la condamnent au paiement de ces sommes, déboutent MM. W... et T... de leur demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la légèreté blâmable de l'employeur, disent que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance et d'appel, et la condamnent au paiement de ces sommes, les arrêts rendus par la cour d'appel de Caen le 19 janvier 2018 ;

Remet, seulement sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société AGC France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société AGC France et la condamne à payer à MM. W... et T..., chacun, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société AGC France, demanderesse au pourvoi principal n° R 18-13.771

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. W... la somme de 15.000 euros au titre de l'indemnité supra conventionnelle de licenciement, d'avoir dit que la société AGC France était tenue in solidum avec la société AGC David Miroiterie au paiement de cette somme et de l'avoir condamnée au paiement de cette somme ;

AUX MOTIFS QUE (
.) ; sur l'indemnité supra conventionnelle ; que le PSE établi par la société AGC David Miroiterie prévoit le versement d'une indemnité supra conventionnelle de 15.000 euros bruts par salarié, versée "au moment de la rupture pour motif économique du contrat de travail" ; que les salariés entrant dans le dispositif de reclassement interne sont exclus de cette disposition ; qu'il est constant que celle indemnité n'a pas été versée à M. W... ; que la société AGC David Miroiterie et la société AGC France soutiennent que la situation de M. W... est différente de celle des autres salariés car il a été licencié, hors cadre PSE, par le liquidateur et non par la société AGC David Miroiterie ; qu'il ressort toutefois du PSE que le site a fermé et que tous les salariés devaient être licenciés ; que M. W..., licencié à raison de la fermeture du site et de sa cessation d'activité, était dans une situation identique à celle des autres salariés ; que le défaut de versement de cette indemnité laisse donc présumer une discrimination ; que société AGC David Miroiterie et la société AGC France soutiennent que M. W... était placé dans une situation différente de celle des autres salariés à raison de la date de son licenciement, parce qu'il a été licencié par la liquidatrice et non par la société elle-même et ce, plus tardivement, ce qui lui a permis d'être payé plus longtemps que les autres salariés ; que le fait que son licenciement ait été différé à raison de la durée de la procédure à suivre pour un salarié protégé et d'un premier refus d'autorisation de licencier opposé par l'inspection du travail ne constitue pas un élément objectif étranger à toute discrimination ; que M. W... est donc fondé à obtenir paiement de cette indemnité ; que sur le co-emploi : que M. W... soutient que la société AGC France est coemployeuse parce que, selon lui, elle préside la société AGC David Miroiterie et en est l'unique actionnaire, que le directeur de la société AGC David Miroiterie a été écarté des décisions, que la société AGC France autorise l'achat des fournitures et des machines, fixe les prix de vente et intervient dans l'activité commerciale, dicte les choix stratégiques, contrôle, gère, à la place de la société AGC David Miroiterie et lui facture des frais à ce titre, parce que la décision de restructurer et de fermer le site a été prise par la société AGC France et mise en oeuvre par cette société ; que l'AGSCGEA de Rouen ajoute qu'en outre, la société AGC France a dépouillé la société AGC David Miroiterie de ses actifs ; que certaines de ces allégations sont confirmées par les éléments produits, d'autres sont inexactes ou ne sont pas démontrées ; que comme indiqué en introduction, la société AGC France préside, par l'intermédiaire d'un directeur, M. A... qui la représente, d'une part, la société AGC David Miroiterie, d'autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David Miroiterie ; qu'elle n'est donc pas directement actionnaire de la société AGC David Miroiterie ; que néanmoins, cette construction démontre l'absence structurelle d'autonomie de la société AGC David Miroiterie ; que le directeur, M. A..., a réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David Miroiterie, géré des litiges commerciaux (avec la société Verre et Bleu), signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d'embauche et de rupture, accordé des congés payés, signé des lettres d'avertissement et un accord salarial en février 2011 ; qu'il n'est pas démontré l'existence de consignes particulières données par la société AGC David Miroiterie à ces diverses occasions ; que toutefois, le 22 février 2012, il a donné pouvoir à M. I..., "HR Country Manager France" de la société AGC France de le représenter « dans le cadre de la procédure de plan social initiée au niveau du pôle architectural France », ce qui impliquait, aux termes de ce mandat, notamment, délégation pour « effectuer toutes les formalités nécessaires aux licenciements économique » (convocation à entretien préalable, lettre de licenciement et toute transaction) ; que l'ensemble de la procédure de licenciement a donc été mené directement par la société AGC France sans intervention du directeur de la société AGC David Miroiterie et a été financée par la société AGC France (paiement des derniers salaires, indemnités de rupture, indemnité supra légale, financement de la cellule de reclassement) ; que cette convention de management a été facturée 90.000 € à la société AGC David Miroiterie par la société AGC France ; qu'en outre a été refacturée à la société AGC David Miroiterie, selon une clé de répartition dont le commissaire aux comptes n'a pas obtenu justification, une partie des frais de restructuration (269.000€) de l'ensemble des sociétés du groupe ; que dès sa reprise par la société AGC France, la société AGC David Miroiterie a contracté avec une autre filiale du groupe, la société AIV, un contrat d'assistance portant sur la direction, la maintenance, la qualité, la sécurité et environnement et la comptabilité ; que seules les factures relatives à ce contrat sont produites, pour un montant d'environ 11.000 € mensuels (ce qui correspond, sur un exercice, à 124.000 € selon le compte rendu de clôture établi, en 2012, par M. E..., commissaire aux comptes) ; que le contrat lui-même n'est pas versé aux débats ; que selon M. E..., il porte sur toute la gestion administrative de la société ; qu'en vertu d'une convention signée le 18 octobre 2010 entre la société AGC David Miroiterie et la société AGC France, David miroiterie a donné mandat à AGC France de gérer sa trésorerie ; que la société AGC France était chargée de gérer et de coordonner la trésorerie du groupe, elle disposait d'un compte bancaire centralisateur ouvert à son nom destiné à "rationaliser" la trésorerie au niveau du groupe afin que les excédents de trésorerie d'une société puissent combler les besoins d'autres sociétés, les soldes débiteurs étant facturés et les avances rémunérées ; que cette convention prévoit que la société AGC David Miroiterie conserve ses comptes bancaires propres pour ses recettes et dépenses mais instaure un nivellement des comptes "par ou vers le compte centralisateur" ; que même si la société AGC David Miroiterie fonctionnait au quotidien grâce à ses propres comptes bancaires la gestion de sa trésorerie lui échappait ; que les éléments produits ne permettent d'établir ni que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que c'est elle qui fixait les prix de vente ; qu'il est en revanche démontré qu'il était imposé à la société AGC David Miroiterie de traiter diverses commandes pour d'autres sociétés du groupe, commandes rarement rentables, a admis M. A... le 14 décembre 2011 lors d'une réunion des délégués du personnel ; qu'il a toutefois ajouté que ces commandes "rendaient service" car elles permettaient "de couvrir une partie des charges fixes" ; qu'il est également admis par la société AGC France que la société AGC David Miroiterie était parfois amenée à prêter ses machines à d'autres sociétés françaises du groupe qui oeuvraient dans le même domaine qu'elle, la société AGC France indique que la société AGC David Miroiterie a également bénéficié de prêts ; qu'avant le dépôt de bilan de la société AGC David Miroiterie, les locaux de la société AGC David Miroiterie ont été vidés de tous les matériels, vendus en dessous de leur valeur nette comptable, pour l'essentiel à d'autres sociétés du groupe pour un prix correspondant à une valeur décidée par le groupe sans valorisation à dire d'expert. Le coût du démontage et du transport a été pris en charge par la société AGC David Miroiterie ; que les contrats de crédit-bail d'une valeur théorique de 200 à 600 000 € selon le commissaire aux comptes ont été cédés pour 0€ à la société AGC France ; que le commissaire aux comptes n'a pas été en mesure de se prononcer sur le prix de cession du stock qui figurait en 2011 dans les comptes pour 343 000 € et qui ne figurait plus au 31 décembre 2012 ni au bilan ni physiquement dans les locaux de l'entreprise ; qu'il ressort de ces différents points qu'il existait, entre les deux sociétés, une confusion de direction, d'intérêt et d'activités (AGC David Miroiterie, AGC France, ses autres filiales ou sous-filiales oeuvrant dans toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales - dont David Miroiterie - plus particulièrement dans la transformation du verre) qui s'est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David Miroiterie :
- dans le domaine social, la société AGC David Miroiterie a délégué, à compter de février 2012, à la société AGC France la gestion de ses ressources humaines (entièrement consacrées au licenciement collectif de l'ensemble des salariés) et la société AGC France lui a facturé son intervention,
- dans le domaine économique, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David Miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, et la société AGC France a géré sa trésorerie ; qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David Miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David Miroiterie ; que la société AGC France doit donc être reconnue comme coemployeuse et, à ce titre, sera tenue, in solidum avec la société AGC David Miroiterie, au paiement des dommages et intérêts alloués à M. W... ;
(
.) ; que sur les points annexes ; (
) ; qu'à l'égard de la société AGC France, la sommes accordée à M. W... produira intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2013, date de réception par la société AGC David Miroiterie, par la société AGC France et l'AGS-CGEA de Rouen de leur convocation devant le bureau de conciliation ;

1°) ALORS QU'il n'y a discrimination que si le traitement défavorable dont se plaint le salarié est fondé sur un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du code du travail ; qu'en jugeant, pour allouer à M. W... la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité supra conventionnelle de licenciement, que ce dernier avait été victime d'une discrimination, sans préciser sur quel motif prohibé par l'article L. 1132-1 du code du travail reposait le traitement défavorable dont aurait fait l'objet le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant, pour décider que la société AGC France avait la qualité de coemployeur de M. W..., qu'à compter de février 2012, la société AGC David Miroiterie a délégué à cette société la gestion de ses ressources humaines, que cette dernière lui a facturé son intervention, que dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David Miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, que cette dernière société a géré sa trésorerie et, qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, elle a repris les actifs de la société AGC David Miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David Miroiterie et, partant, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. W..., demandeur au pourvoi incident n° R 18-13.771

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre de la légèreté blâmable de l'employeur.

AUX MOTIFS QUE M. W... a été licencié, après autorisation de1'inspection du travail, à raison de la "liquidation judiciaire de (son) employeur qui conduit à la fermeture définitive de son établissement et à sa cessation d'activité" ce qui implique la suppression de son poste et à son licenciement aucun reclassement "dans un emploi correspondant à (ses) compétences" n'étant possible. Il soutient que la cessation d'activité de la SAS AGC David Miroiterie trouve son origine dans la faute ou à la légèreté blâmable de la société et réclame des dommages et intérêts "à raison du préjudice subi", antérieur, selon lui, à la rupture de son contrat de travail. Toutefois, il caractérise ce préjudice ainsi : "l'absence de faute et de légèreté blâmable aurait permis le maintien de l'engagement contractuel". Il considère, ce faisant, que son préjudice est bien constitué par la perte de son emploi (et donc par le licenciement) et n'établit pas, ni même ne soutient, que la faute et la légèreté blâmable de son employeur lui auraient occasionné un préjudice distinct. En l'absence de tout préjudice autre que celui découlant de la perte d'emploi - qui ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires -, il sera débouté de cette demande.

1° ALORS QUE la décision de l'inspecteur du travail, à qui il n'appartient pas de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail ; qu'en déboutant le salarié au motif de l'absence de tout préjudice autre que celui découlant de la perte de son emploi qui ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires, la cour d'appel a violé l'article 1382 alors applicable du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

2° ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; que pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a considéré que le préjudice allégué par le salarié était celui lié à la perte de son emploi ; que cependant elle a relevé que le salarié se prévalait d'un préjudice antérieur à la rupture tenant au fait que l'absence de faute aurait permis le maintien du lien contractuel ; qu'en considérant que la faute de l'employeur n'avait causé au salarié aucun préjudice distinct de celui de la rupture, quand celui-ci se prévalait du préjudice de perte de chance de conserver son emploi, la cour d'appel a violé le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause et l'article 1134 alors applicable du code civil. Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société AGC France, demanderesse au pourvoi principal n° S 18-13.772

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. T... la somme de 15.000 euros au titre de l'indemnité supra conventionnelle de licenciement, d'avoir dit que la société AGC France était tenue in solidum avec la société AGC David Miroiterie au paiement de cette somme et de l'avoir condamnée au paiement de cette somme ;

AUX MOTIFS QUE (
.) ; sur l'indemnité supra conventionnelle ; que le PSE établi par la société AGC David Miroiterie prévoit le versement d'une indemnité supra conventionnelle de 15.000 euros bruts par salarié, versée "au moment de la rupture pour motif économique du contrat de travail" ; que les salariés entrant dans le dispositif de reclassement interne sont exclus de cette disposition ; qu'il est constant que celle indemnité n'a pas été versée à M. T... ; que la société AGC David Miroiterie et la société AGC France soutiennent que la situation de M. T... est différente de celle des autres salariés car il a été licencié, hors cadre PSE, par le liquidateur et non par la société AGC David Miroiterie ; qu'il ressort toutefois du PSE que le site a fermé et que tous les salariés devaient être licenciés ; que M. T..., licencié à raison de la fermeture du site et de sa cessation d'activité, était dans une situation identique à celle des autres salariés ; que le défaut de versement de cette indemnité laisse donc présumer une discrimination ; que société AGC David Miroiterie et la société AGC France soutiennent que M. T... était placé dans une situation différente de celle des autres salariés à raison de la date de son licenciement, parce qu'il a été licencié par la liquidatrice et non par la société elle-même et ce, plus tardivement, ce qui lui a permis d'être payé plus longtemps que les autres salariés ; que le fait que son licenciement ait été différé à raison de la durée de la procédure à suivre pour un salarié protégé et d'un premier refus d'autorisation de licencier opposé par l'inspection du travail ne constitue pas un élément objectif étranger à toute discrimination ; que M. T... est donc fondé à obtenir paiement de cette indemnité ; que sur le co-emploi : que M. T... soutient que la société AGC France est coemployeuse parce que, selon lui, elle préside la société AGC David Miroiterie et en est l'unique actionnaire, que le directeur de la société AGC David Miroiterie a été écarté des décisions, que la société AGC France autorise l'achat des fournitures et des machines, fixe les prix de vente et intervient dans l'activité commerciale, dicte les choix stratégiques, contrôle, gère, à la place de la société AGC David Miroiterie et lui facture des frais à ce titre, parce que la décision de restructurer et de fermer le site a été prise par la société AGC France et mise en oeuvre par cette société ; que l'AGS-CGEA de Rouen ajoute qu'en outre, la société AGC France a dépouillé la société AGC David Miroiterie de ses actifs ; que certaines de ces allégations sont confirmées par les éléments produits, d'autres sont inexactes ou ne sont pas démontrées ; que comme indiqué en introduction, la société AGC France préside, par l'intermédiaire d'un directeur, M. A... qui la représente, d'une part, la société AGC David Miroiterie, d'autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David Miroiterie ; qu'elle n'est donc pas directement actionnaire de la société AGC David Miroiterie ; que néanmoins, cette construction démontre l'absence structurelle d'autonomie de la société AGC David Miroiterie ; que le directeur, M. A..., a réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David Miroiterie, géré des litiges commerciaux (avec la société Verre et Bleu), signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d'embauche et de rupture, accordé des congés payés, signé des lettres d'avertissement et un accord salarial en février 2011 ; qu'il n'est pas démontré l'existence de consignes particulières données par la société AGC David Miroiterie à ces diverses occasions ; que toutefois, le 22 février 2012, il a donné pouvoir à M. I..., "HR Country Manager France" de la société AGC France de le représenter « dans le cadre de la procédure de plan social initiée au niveau du pôle architectural France », ce qui impliquait, aux termes de ce mandat, notamment, délégation pour « effectuer toutes les formalités nécessaires aux licenciements économique » (convocation à entretien préalable, lettre de licenciement et toute transaction) ; que l'ensemble de la procédure de licenciement a donc été mené directement par la société AGC France sans intervention du directeur de la société AGC David Miroiterie et a été financée par la société AGC France (paiement des derniers salaires, indemnités de rupture, indemnité supra légale, financement de la cellule de reclassement) ; que cette convention de management a été facturée 90.000 € à la société AGC David Miroiterie par la société AGC France ; qu'en outre a été refacturée à la société AGC David Miroiterie, selon une clé de répartition dont le commissaire aux comptes n'a pas obtenu justification, une partie des frais de restructuration (269.000€) de l'ensemble des sociétés du groupe ; que dès sa reprise par la société AGC France, la société AGC David Miroiterie a contracté avec une autre filiale du groupe, la société AIV, un contrat d'assistance portant sur la direction, la maintenance, la qualité, la sécurité et environnement et la comptabilité ; que seules les factures relatives à ce contrat sont produites, pour un montant d'environ 11.000 € mensuels (ce qui correspond, sur un exercice, à 124.000 € selon le compte rendu de clôture établi, en 2012, par M. E..., commissaire aux comptes) ; que le contrat lui-même n'est pas versé aux débats ; que selon M. E..., il porte sur toute la gestion administrative de la société ; qu'en vertu d'une convention signée le 18 octobre 2010 entre la société AGC David Miroiterie et la société AGC France, David miroiterie a donné mandat à AGC France de gérer sa trésorerie ; que la société AGC France était chargée de gérer et de coordonner la trésorerie du groupe, elle disposait d'un compte bancaire centralisateur ouvert à son nom destiné à "rationaliser" la trésorerie au niveau du groupe afin que les excédents de trésorerie d'une société puissent combler les besoins d'autres sociétés, les soldes débiteurs étant facturés et les avances rémunérées ; que cette convention prévoit que la société AGC David Miroiterie conserve ses comptes bancaires propres pour ses recettes et dépenses mais instaure un nivellement des comptes "par ou vers le compte centralisateur" ; que même si la société AGC David Miroiterie fonctionnait au quotidien grâce à ses propres comptes bancaires la gestion de sa trésorerie lui échappait ; que les éléments produits ne permettent d'établir ni que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que c'est elle qui fixait les prix de vente ; qu'il est en revanche démontré qu'il était imposé à la société AGC David Miroiterie de traiter diverses commandes pour d'autres sociétés du groupe, commandes rarement rentables, a admis M. A... le 14 décembre 2011 lors d'une réunion des délégués du personnel ; qu'il a toutefois ajouté que ces commandes "rendaient service" car elles permettaient "de couvrir une partie des charges fixes" ; qu'il est également admis par la société AGC France que la société AGC David Miroiterie était parfois amenée à prêter ses machines à d'autres sociétés françaises du groupe qui oeuvraient dans le même domaine qu'elle, la société AGC France indique que la société AGC David Miroiterie a également bénéficié de prêts ; qu'avant le dépôt de bilan de la société AGC David Miroiterie, les locaux de la société AGC David Miroiterie ont été vidés de tous les matériels, vendus en dessous de leur valeur nette comptable, pour l'essentiel à d'autres sociétés du groupe pour un prix correspondant à une valeur décidée par le groupe sans valorisation à dire d'expert. Le coût du démontage et du transport a été pris en charge par la société AGC David Miroiterie ; que les contrats de crédit-bail d'une valeur théorique de 200 à 600 000 € selon le commissaire aux comptes ont été cédés pour 0€ à la société AGC France ; que le commissaire aux comptes n'a pas été en mesure de se prononcer sur le prix de cession du stock qui figurait en 2011 dans les comptes pour 343 000 € et qui ne figurait plus au 31 décembre 2012 ni au bilan ni physiquement dans les locaux de l'entreprise ; qu'il ressort de ces différents points qu'il existait, entre les deux sociétés, une confusion de direction, d'intérêt et d'activités (AGC David Miroiterie, AGC France, ses autres filiales ou sous-filiales oeuvrant dans toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales - dont David Miroiterie - plus particulièrement dans la transformation du verre) qui s'est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David Miroiterie :
- dans le domaine social, la société AGC David Miroiterie a délégué, à compter de février 2012, à la société AGC France la gestion de ses ressources humaines (entièrement consacrées au licenciement collectif de l'ensemble des salariés) et la société AGC France lui a facturé son intervention,
- dans le domaine économique, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David Miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, et la société AGC France a géré sa trésorerie ; qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David Miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David Miroiterie ; que la société AGC France doit donc être reconnue comme coemployeuse et, à ce titre, sera tenue, in solidum avec la société AGC David Miroiterie, au paiement des dommages et intérêts alloués à M. T... ;
(
.) ; que sur les points annexes ; (
) ; qu'à l'égard de la société AGC France, la sommes accordée à M. T... produira intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2013, date de réception par la société AGC David Miroiterie, par la société AGC France et l'AGS-CGEA de Rouen de leur convocation devant le bureau de conciliation ;

1°) ALORS QU'il n'y a discrimination que si le traitement défavorable dont se plaint le salarié est fondé sur un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du Code du travail ; qu'en jugeant, pour allouer à M. T... la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité supra conventionnelle de licenciement, que ce dernier avait été victime d'une discrimination, sans préciser sur quel motif prohibé par l'article L. 1132-1 du code du travail reposait le traitement défavorable dont aurait fait l'objet le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant, pour décider que la société AGC France avait la qualité de coemployeur de M. T..., qu'à compter de février 2012, la société AGC David Miroiterie a délégué à cette société la gestion de ses ressources humaines, que cette dernière lui a facturé son intervention, que dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David Miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, que cette dernière société a géré sa trésorerie et, qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, elle a repris les actifs de la société AGC David Miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David Miroiterie, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. T..., demandeur au pourvoi incident n° S 18-13.772

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre de la légèreté blâmable de l'employeur.

AUX MOTIFS QUE M. T... a été licencié, après autorisation de1'inspection du travail, à raison de la "liquidation judiciaire de (son) employeur qui conduit à la fermeture définitive de son établissement et à sa cessation d'activité" ce qui implique la suppression de son poste et à son licenciement aucun reclassement "dans un emploi correspondant à (ses) compétences" n'étant possible. Il soutient que la cessation d'activité de la SAS AGC David Miroiterie trouve son origine dans la faute ou à la légèreté blâmable de la société et réclame des dommages et intérêts "à raison du préjudice subi", antérieur, selon lui, à la rupture de son contrat de travail. Toutefois, il caractérise ce préjudice ainsi : "l'absence de faute et de légèreté blâmable aurait permis le maintien de l'engagement contractuel" et fait valoir que les emplois qu'il a pu retrouver lui assurent une rémunération inférieure ce qui a entrainé des difficultés financières et l'a conduit, malgré son âge, à assurer des astreintes de nuit pour améliorer sa rémunération. Il considère, ce faisant, que son préjudice est bien constitué par la perte de son emploi (et donc par le licenciement) et par les désagréments qui en ont découlé.
Il n'établit pas que la faute et la légèreté blâmable de son employeur lui auraient occasionné un préjudice distinct. Il évoque le fait que son employeur l'aurait « dénoncé » auprès de l'employeur qu'il avait retrouvé entre la fermeture du site et son emploi. Toutefois il n'en justifie pas. Ce fait, en outre, constituerait en soi une faute, sans rapport avec la légèreté blâmable imputée à son employeur quant à la gestion et à la fermeture de l'entreprise. En l'absence de tout préjudice autre que celui découlant de la perte d'emploi - qui ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires -, il sera débouté de cette demande.

1° ALORS QUE la décision de l'inspecteur du travail, à qui il n'appartient pas de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail ; qu'en déboutant le salarié au motif de l'absence de tout préjudice autre que celui découlant de la perte de son emploi qui ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires, la cour d'appel a violé l'article 1382 alors applicable du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

2° ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; que pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a considéré que le préjudice allégué par le salarié était celui lié à la perte de son emploi ; que cependant elle a relevé que le salarié se prévalait d'un préjudice antérieur à la rupture tenant au fait que l'absence de faute aurait permis le maintien du lien contractuel ; qu'en considérant que la faute de l'employeur n'avait causé au salarié aucun préjudice distinct de celui de la rupture, quand celui-ci se prévalait du préjudice de perte de chance de conserver son emploi, la cour d'appel a violé le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause et l'article 1134 alors applicable du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-13771;18-13772
Date de la décision : 25/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Salarié protégé - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité - Demande de dommages-intérêts du salarié - Préjudice découlant de la perte de l'emploi - Appréciation - Compétence - Détermination

SEPARATION DES POUVOIRS - Contrat de travail - Licenciement - Salarié protégé - Autorisation administrative - Compétence judiciaire - Faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité - Demande de dommages-intérêts du salarié - Préjudice découlant de la perte de l'emploi - Appréciation - Possibilité

La décision d'autorisation de licenciement prise par l'inspecteur du travail, à qui il n'appartient pas de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute de l'employeur, ne fait pas obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour débouter le salarié protégé de sa demande de dommages-intérêts au titre de la faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, retient que le préjudice découlant de la perte de son emploi ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires


Références :

principe de séparation des pouvoirs

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III.

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 19 janvier 2018

Sur la détermination des juridictions compétentes pour connaître d'une action en responsabilité au titre de la faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, cf. : CE, 8 avril 2013, n° 348559, publié au Recueil Lebon ;

CE, 1er août 2013, n° 351917, inédit au Recueil Lebon.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 nov. 2020, pourvoi n°18-13771;18-13772, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.13771
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