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25/11/2020 | FRANCE | N°18-13770

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2020, 18-13770


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1121 FP-D

Pourvoi n° Q 18-13.770

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

La société AGC France, société par actions simplifiée, dont le sièg

e est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-13.770 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2018 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1121 FP-D

Pourvoi n° Q 18-13.770

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

La société AGC France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-13.770 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2018 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Y... J..., domicilié [...] ,

2°/ à Mme L... R..., domiciliée [...] , prise en qualité de mandataire liquidateur de la société AGC David miroiterie,

3°/ à l'association Centre de gestion et d'études AGS-CGEA de Rouen, dont le siège est [...] ,

4°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société AGC France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. J..., l'avis écrit de M. Weissmann, avocat général référendaire et l'avis oral de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, MM. Rinuy, Ricour, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, Monge, Richard, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, M. Duval, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 19 janvier 2018), le groupe David, composé de la société David miroiterie et de la société David services, a été repris le 22 septembre 2010 par le groupe verrier japonais AGC (Asahi Glass Compagny Limited). La société AGC France exerçait la présidence de la nouvelle société AGC David miroiterie venue aux droits de la société David miroiterie et ayant absorbé la société David services. Les actions de la société AGC David miroiterie étaient détenues par une autre société du groupe, également présidée par la société AGC France.

2. Les salariés non protégés ont été licenciés pour motif économique le 16 mai 2012, en raison de la cessation d'activité de la société AGC David miroiterie. Celle-ci a été placée le 9 janvier 2013 en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 9 avril 2013, Mme R... étant désignée en qualité de liquidatrice.

3. Contestant leur licenciement, les salariés, dont M. J..., ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de la société AGC David miroiterie et de la société AGC France, invoquant la qualité de coemployeur de celle-ci.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société AGC France fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement et au remboursement de diverses sommes, et de la condamner au paiement de ces sommes, alors « qu'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant, pour décider que la société AGC France avait la qualité de coemployeur des salariés à la cause, qu'à compter de février 2012, la société AGC David miroiterie a délégué à cette société la gestion de ses ressources humaines, que cette dernière lui a facturé son intervention, que dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, que cette dernière société a géré sa trésorerie et, qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, elle a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David miroiterie, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :

5. La Cour juge de façon constante que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière (Soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.209 et s., Bull. 2014, V, n° 159, Molex ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-27.266 et s., Bull. 2016, V, n° 146, Continental ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-26.541, Bull. 2016, V, n° 145, Proma ; Soc., 6 juillet 2016, n° 15-15.481 à 15-15.545, Bull. 2016, V, n° 147, 3 Suisses).

6. Le premier de ces arrêts a ainsi été commenté par la chambre sociale (Site de la Cour, mensuel du droit du travail n° 56, juillet 2014, p. 4) : "L'arrêt confirme l'importance prise par ce critère d'immixtion dans la gestion économique et sociale de sa filiale par la société mère. Seule est susceptible d'être reprochée à une société mère son immixtion globale et permanente dans le fonctionnement de sa filiale, qui doit prendre à la fois une dimension économique et une dimension sociale. (...) Il n'y a immixtion sociale qu'à condition que la direction du personnel et la gestion des ressources humaines soient prises en main par la société mère qui ne permet plus à la filiale de se comporter comme le véritable employeur à l'égard de ses salariés. La situation de coemploi devrait donc rester exceptionnelle."

7. Il apparaît nécessaire eu égard à l'évolution du contentieux de préciser les critères applicables en la matière.

8. Il y a lieu de juger, en application de l'article L. 1221-1 du code du travail précité, que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

9. Pour dire que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement et au remboursement de diverses sommes et la condamner au paiement de ces sommes, l'arrêt retient que les sociétés AGC David miroiterie, AGC France, les autres filiales ou sous-filiales oeuvraient toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales -dont AGC David miroiterie- plus particulièrement dans la transformation du verre.

10. L'arrêt relève également que la société AGC France présidait, par l'intermédiaire d'un directeur, M. D..., qui la représentait, d'une part, la société AGC David miroiterie, d'autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David miroiterie. Il constate que M. D... avait réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David miroiterie, géré des litiges commerciaux, signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d'embauche, d'avertissement, de rupture, ainsi qu'un accord salarial en février 2011 et accordé des congés payés, sans que soit démontrée l'existence de consignes particulières données par la société AGC David miroiterie à ces diverses occasions.

11. L'arrêt constate encore que si les éléments produits ne permettent pas d'établir que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que celle-ci fixait les prix de vente, il était imposé en revanche à la société AGC David miroiterie de traiter diverses commandes, rarement rentables, pour d'autres sociétés du groupe, qu'elle était parfois amenée à prêter ses machines à d'autres sociétés françaises du groupe et bénéficiait également de prêts.

12. L'arrêt retient enfin qu'il existait, entre les sociétés AGC France et AGC David miroiterie, une confusion de direction, d'intérêt et d'activités qui s'est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion sociale de la société AGC David miroiterie, la seconde ayant délégué à la première, à compter de février 2012, la gestion de ses ressources humaines et la société AGC France lui ayant facturé son intervention. Il ajoute que cette confusion s'est également traduite par une immixtion anormale dans la gestion économique puisque, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une autre filiale du groupe, moyennant redevance, et que la trésorerie a été gérée par la société AGC France. L'arrêt observe que, en outre, entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit d'autres filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David miroiterie.

13. En se déterminant ainsi, sans caractériser une immixtion permanente de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de la somme de 4 800 euros à titre d'indemnité de compensation, et de la somme de 45 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit qu'à l'égard de la société AGC France la somme de 4 800 euros produira intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2015 et celle de 45 000 euros, à compter de la notification de l'arrêt, condamne la société AGC France au paiement de ces sommes, dit que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au remboursement à Pôle emploi des allocations de chômage versées à M. J... et condamne la société AGC France au paiement de ces sommes, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société AGC France

La société AGC France fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle était tenue in solidum avec la société AGC David miroiterie au paiement des sommes de 4.800 euros et de 45.000 € allouées à M. J... au titre de l'indemnité de compensation et à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'avoir condamnée au paiement de ces deux sommes et de l'avoir déclarée tenue, in solidum, avec la société AGC David miroiterie à rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage éventuellement versées à M. J... du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois et condamnée au paiement de cette somme ;

AUX MOTIFS QUE (
.) ; sur la réparation ; que M. J... justifie avoir retrouvé un emploi dès le 29 mai 2012 pour une rémunération moindre (2 300 € selon le contrat de travail, il a été rémunéré en moyenne 3 387 € de janvier à juin 2013 grâce aux primes versées) ; que son employeur est situé en Seine Maritime mais il est employé comme technico-commercial itinérant et ne précise pas son secteur d'activité ; que compte de ce renseignement, des autres éléments connus, son âge (48 ans), son ancienneté (26 ans et 2mois), son salaire moyen (4 354,25 €), il y a lieu de lui allouer 45 000 € de dommages et intérêts ; que sur l'indemnité de compensation ; que M. J... a réclamé et obtenu, devant le conseil de prud'hommes, le versement, à hauteur de 4 800 €, d'une indemnité prévue dans les mesures d'accompagnement du licenciement et visant à compenser la perte de rémunération subie par le salarié si le poste retrouvé après le licenciement était moins rémunéré que son poste dans l'entreprise ; que M. J... demande confirmation de cette disposition ; que l'AGS-CGEA de Rouen, bien qu'ayant fait appel de l'ensemble du jugement et réclamant dans ses conclusions que M. J... soit entièrement débouté de ses demandes n'évoque pas ce point et ne soutient donc pas son appel (ni quant au bien-fondé de cette demande ni quant au montant alloué) ; que la société AGC David miroiterie et la société AGC France n'évoquent pas non plus cette demande dans leurs conclusions ; qu'en conséquence, faute de contestation, le montant alloué sera confirmé ; que sur le co-emploi : que M. J... soutient que la société AGC France est co-employeuse parce que, selon lui, elle préside la société AGC David miroiterie et en est l'unique actionnaire, que le directeur de la société AGC David miroiterie a été écarté des décisions, que la société AGC France autorise l'achat des fournitures et des machines, fixe les prix de vente et intervient dans l'activité commerciale, dicte les choix stratégiques, contrôle, gère, à la place de la société AGC David miroiterie et lui facture des frais à ce titre, parce que la décision de restructurer et de fermer le site a été prise par la société AGC France et mise en oeuvre par cette société ; que l'AGS-CGEA de Rouen ajoute qu'en outre, la société AGC France a dépouillé la société AGC David miroiterie de ses actifs ; que certaines de ces allégations sont confirmées par les éléments produits, d'autres sont inexactes ou ne sont pas démontrées ; que comme indiqué en introduction, la société AGC France préside, par l'intermédiaire d'un directeur, M. D... qui la représente, d'une part, la société AGC David miroiterie, d'autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David miroiterie ; qu'elle n'est donc pas directement actionnaire de la société AGC David miroiterie ; que néanmoins, cette construction démontre l'absence structurelle d'autonomie de la société AGC David miroiterie ; que le directeur, M. D..., a réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David miroiterie, géré des litiges commerciaux (avec la société Verre et Bleu), signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d'embauche et de rupture, accordé des congés payés, signé des lettres d'avertissement et un accord salarial en février 2011 ; qu'il n'est pas démontré l'existence de consignes particulières données par la société AGC David miroiterie à ces diverses occasions ; que toutefois, le 22 février 2012, il a donné pouvoir à M. N..., "HR Country Manager France" de la société AGC France de le représenter « dans le cadre de la procédure de plan social initiée au niveau du pôle architectural France », ce qui impliquait, aux termes de ce mandat, notamment, délégation pour « effectuer toutes les formalités nécessaires aux licenciements économique » (convocation à entretien préalable, lettre de licenciement et toute transaction) ; que l'ensemble de la procédure de licenciement a donc été mené directement par la société AGC France sans intervention du directeur de la société AGC David miroiterie et a été financée par la société AGC France (paiement des derniers salaires, indemnités de rupture, indemnité supra légale, financement de la cellule de reclassement) ; que cette convention de management a été facturée 90.000 € à la société AGC David miroiterie par la société AGC France ; qu'en outre a été refacturée à la société AGC David miroiterie, selon une clé de répartition dont le commissaire aux comptes n'a pas obtenu justification, une partie des frais de restructuration (269.000 €) de l'ensemble des sociétés du groupe ; que dès sa reprise par la société AGC France, la société AGC David miroiterie a contracté avec une autre filiale du groupe, la société AIV, un contrat d'assistance portant sur la direction, la maintenance, la qualité, la sécurité et environnement et la comptabilité ; que seules les factures relatives à ce contrat sont produites, pour un montant d'environ 11.000 € mensuels (ce qui correspond, sur un exercice, à 124.000 € selon le compte rendu de clôture établi, en 2012, par M. G..., commissaire aux comptes) ; que le contrat lui-même n'est pas versé aux débats ; que selon M. G..., il porte sur toute la gestion administrative de la société ; qu'en vertu d'une convention signée le 18 octobre 2010 entre la société AGC David miroiterie et la société AGC France, David miroiterie a donné mandat à AGC France de gérer sa trésorerie ; que la société AGC France était chargée de gérer et de coordonner la trésorerie du groupe, elle disposait d'un compte bancaire centralisateur ouvert à son nom destiné à "rationaliser" la trésorerie au niveau du groupe afin que les excédents de trésorerie d'une société puissent combler les besoins d'autres sociétés, les soldes débiteurs étant facturés et les avances rémunérées ; que cette convention prévoit que la société AGC David miroiterie conserve ses comptes bancaires propres pour ses recettes et dépenses mais instaure un nivellement des comptes "par ou vers le compte centralisateur" ; que même si la société AGC David miroiterie fonctionnait au quotidien grâce à ses propres comptes bancaires la gestion de sa trésorerie lui échappait ; que les éléments produits ne permettent d'établir ni que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que c'est elle qui fixait les prix de vente ; qu'il est en revanche démontré qu'il était imposé à la société AGC David miroiterie de traiter diverses commandes pour d'autres sociétés du groupe, commandes rarement rentables, a admis M. D... le 14 décembre 2011 lors d'une réunion des délégués du personnel ; qu'il a toutefois ajouté que ces commandes "rendaient service" car elles permettaient "de couvrir une partie des charges fixes" ; qu'il est également admis par la société AGC France que la société AGC David miroiterie était parfois amenée à prêter ses machines à d'autres sociétés françaises du groupe qui oeuvraient dans le même domaine qu'elle, la société AGC France indique que la société AGC David miroiterie a également bénéficié de prêts ; qu'avant le dépôt de bilan de la société AGC David miroiterie, les locaux de la société AGC David miroiterie ont été vidés de tous les matériels, vendus en dessous de leur valeur nette comptable, pour l'essentiel à d'autres sociétés du groupe pour un prix correspondant à une valeur décidée par le groupe sans valorisation à dire d'expert. Le coût du démontage et du transport a été pris en charge par la société AGC David miroiterie ; que les contrats de crédit-bail d'une valeur théorique de 200 à 600 000 € selon le commissaire aux comptes ont été cédés pour 0 € à la société AGC France ; que le commissaire aux comptes n'a pas été en mesure de se prononcer sur le prix de cession du stock qui figurait en 2011 dans les comptes pour 343 000 € et qui ne figurait plus au 31 décembre 2012 ni au bilan ni physiquement dans les locaux de l'entreprise ; qu'il ressort de ces différents points qu'il existait, entre les deux sociétés, une confusion de direction, d'intérêt et d'activités (AGC David miroiterie, AGC France, ses autres filiales ou sous-filiales oeuvrant dans toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales - dont David Miroiterie - plus particulièrement dans la transformation du verre) qui s'est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David miroiterie :
- dans le domaine social, la société AGC David miroiterie a délégué, à compter de février 2012, à la société AGC France la gestion de ses ressources humaines (entièrement consacrées au licenciement collectif de l'ensemble des salariés) et la société AGC France lui a facturé son intervention,
- dans le domaine économique, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, et la société AGC France a géré sa trésorerie ; qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David miroiterie ; que la société AGC France doit donc être reconnue comme coemployeuse et, à ce titre, sera tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement des dommages et intérêts alloués à M. J... ;
(
.) ; que sur les points annexes ; (
) ; qu'à l'égard de la société AGC France, les sommes accordées à M. J... produiront intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2015 date de la notification du jugement confirmé sur ce point en ce qui concerne l'indemnité de compensation et à compter de la notification du présent arrêt en ce qui concerne les dommages et intérêts ; (
) ; que la société AGC David miroiterie et la société AGC France seront tenues, in solidum, de rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées à M. J... du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois par salarié ;

ALORS QU'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant, pour décider que la société AGC France avait la qualité de co-employeur de M. J..., qu'à compter de février 2012, la société AGC David miroiterie a délégué à cette société la gestion de ses ressources humaines, que cette dernière lui a facturé son intervention, que dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, que cette dernière société a géré sa trésorerie et, qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, elle a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David miroiterie, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-13770
Date de la décision : 25/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 19 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 nov. 2020, pourvoi n°18-13770


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.13770
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