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18/11/2020 | FRANCE | N°19-12404

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 novembre 2020, 19-12404


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 668 F-D

Pourvoi n° A 19-12.404

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 NOVEMBRE 2020

La sociÃ

©té Babillon TP, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-12.404 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 20...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Cassation

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 668 F-D

Pourvoi n° A 19-12.404

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 NOVEMBRE 2020

La société Babillon TP, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-12.404 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Les Châtaigniers, société civile immobilière, dont le siège est [...] , aux droits de laquelle vient la société L'immobilière européenne des mousquetaires, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Babillon TP, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 20 novembre 2018), la société Les Châtaigniers, aux droits de laquelle vient la société L'immobilière européenne des mousquetaires, a confié à la société Babillon des travaux de construction d'un magasin, suivant un devis du 18 juin 2007. Elle lui a ensuite demandé de réaliser, sur le même site, une rampe d'accès pour les poids lourds qui a donné lieu, le 30 avril 2010, à l'établissement d'une facture d'un montant de 119 153,17 euros, payée, à concurrence d'un montant de 58 000 euros, par un chèque du 25 juin 2010. Le 24 juin 2015, la société Babillon a assigné en paiement du solde de cette facture la société Les Châtaigniers, qui lui a opposé la prescription de l'action.
Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société Babillon fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en paiement, alors :

« 1°/ que le paiement partiel fait par le débiteur interrompt le délai de prescription concernant la totalité de la dette ; qu'en ayant jugé que le paiement partiel effectué par la SCI Les Châtaigniers, le 25 janvier 2015, n'avait pu interrompre la prescription concernant toute la somme dont le paiement était réclamé par la société Babillon, la cour d'appel a violé les articles 2240 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce ;

2°/ que le paiement partiel opéré par le débiteur interrompt la prescription quinquennale concernant l'intégralité de la dette, peu important que le débiteur refuse de reconnaître qu'il en doit le solde ; qu'en ayant jugé que le paiement partiel effectué par la SCI Les Châtaigniers, n'avait pu interrompre la prescription quinquennale concernant la dette entière, dès lors que la débitrice n'avait pas considéré que ce paiement avait été fait à titre d'acompte, mais l'avait fait à titre de solde de tout compte, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 2240 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

3. Après avoir relevé qu'il n'était pas établi que la comptable de la société Les Châtaigniers, qui avait apposé la mention « acompte » sur le talon du chèque de 58 000 euros, était habilitée à la représenter, et que la société Les Châtaigniers soutenait au contraire que ce paiement devait s'entendre comme le paiement total de la facture litigieuse, dont elle considérait le montant manifestement disproportionné par rapport à la prestation réalisée, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu que l'emploi du terme « acompte » sur le talon du chèque ne pouvait être considéré comme l'expression non équivoque par la société Les Châtaigniers de ce qu'elle se reconnaissait débitrice du montant total de la facture, et partant, que ce paiement avait interrompu le délai de prescription.

4. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La société Babillon fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en paiement, alors « que la prescription de l'action en paiement, concernant une facture, ne se décompte pas depuis l'émission de celle-ci, mais depuis sa date d'exigibilité ; qu'en ayant jugé prescrite l'action en paiement diligentée par la société Babillon TP, sans rechercher si le point de départ de cette action courait, non pas à compter de l'émission de la facture, le 30 avril 2010, mais depuis sa date d'exigibilité, le 10 juillet 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 110-4, I, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

6. Le délai de prescription prévu par ce texte court à compter de l'exigibilité de l'obligation dont l'exécution est poursuivie.

7. En déclarant la prescription acquise sans déterminer, comme il lui était demandé, la date d'exigibilité de la facture dont le paiement était réclamé, qui constituait le point de départ de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Les Châtaigniers, aux droits de laquelle vient la société L'immobilière européenne des mousquetaires, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Babillon TP la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Babillon TP.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait déclaré prescrite l'action en paiement intentée par la société Babillon TP, à l'encontre de la SCI Les Châtaigniers ;

AUX MOTIFS QUE l'article 2240 du code civil dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif de prescription qui ne peut se fractionner ; ainsi, le paiement partiel d'une créance peut valoir reconnaissance du droit du créancier à condition d'être non équivoque et bien caractérisée ; en l'espèce, la société Babillon a, le 30 avril 2010, émis une facture d'un montant de 119 153,17 € correspondant à des travaux de réalisation d'une rampe d'accès poids-lourds au sein du magasin Bricomarché dont la société Les Châtaigniers lui avait confié la construction ; le 25 juin 2010, cette dernière a tiré à l'ordre de la société Babillon un chèque d'un montant de 58 000 € ; la société Babillon soutient qu'en effectuant un paiement partiel de sa créance, la société Les Châtaigniers a effectué un acte interruptif de prescription de sorte que l'acte introductif d'instance dont elle a pris l'initiative, le 24 juin 2015, doit être considéré comme antérieur à l'arrivée du terme du délai de cinq ans, prévu à l'article 2224 du code civil ; sur ce point, elle soutient que ce paiement a été fait à titre d'acompte à valoir sur le montant total de la facture ; cependant, ainsi que l'a relevé le tribunal, le terme d'acompte qui figure sur le talon du chèque de 58 000 € a été porté de la main de Mme F... A..., comptable de la société débitrice, et celle-ci atteste que lorsque les paiements étaient partiels, elle inscrivait le terme « acompte » sur le talon du chèque, n'étant pas elle-même informée de la clôture des travaux ; en conséquence, alors qu'il n'est pas établi que la comptable de la société intimée ait été habilitée à la représenter, et que selon cette société, le paiement qu'elle a fait de la somme de 58 000 € devait s'entendre comme le paiement total de la facture du 30 avril 2010 dont elle considérait le montant comme manifestement disproportionné par rapport à la prestation réalisée, l'emploi du terme d'acompte sur le talon du chèque ne peut être considéré comme l'expression non équivoque par la société Les Châtaigniers de ce qu'elle se reconnaissait débitrice du montant total de la facture ; le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré qu'en saisissant le tribunal par acte du 24 juin 2015, la société Babillon avait agi plus de cinq ans après l'expiration du délai de l'article 2224 du code civil dont le point de départ était constitué par la date de la facture, soit le 30 avril 2010 ;

1° ALORS QUE le paiement partiel fait par le débiteur interrompt le délai de prescription concernant la totalité de la dette ; qu'en ayant jugé que le paiement partiel effectué par la SCI Les Châtaigniers, le 25 janvier 2015, n'avait pu interrompre la prescription concernant toute la somme dont le paiement était réclamé par la société Babillon, la cour d'appel a violé les articles 2240 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce ;

2° ALORS QUE le paiement partiel opéré par le débiteur interrompt la prescription quinquennale concernant l'intégralité de la dette, peu important que le débiteur refuse de reconnaître qu'il en doit le solde ; qu'en ayant jugé que le paiement partiel effectué par la SCI Les Châtaigniers n'avait pu interrompre la prescription quinquennale concernant la dette entière, dès lors que la débitrice n'avait pas considéré que ce paiement avait été fait à titre d'acompte, mais l'avait fait à titre de solde de tout compte, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 2240 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;

3° ALORS QUE la prescription de l'action en paiement, concernant une facture, ne se décompte pas depuis l'émission de celle-ci, mais depuis sa date d'exigibilité ; qu'en ayant jugé prescrite l'action en paiement diligentée par la société Babillon TP, sans rechercher si le point de départ de cette action courait, non pas à compter de l'émission de la facture, le 30 avril 2010, mais depuis sa date d'exigibilité, le 10 juillet 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-4 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-12404
Date de la décision : 18/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 20 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 nov. 2020, pourvoi n°19-12404


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12404
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