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18/11/2020 | FRANCE | N°18-19766

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 novembre 2020, 18-19766


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 675 F-D

Pourvoi n° H 18-19.766

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 NOVEMBRE 2020

La société

GVB, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 18-19.766 contre deux arrêts rendus les 16 novembre 2017 et 17 mai 2018 par la cour d'appel ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 675 F-D

Pourvoi n° H 18-19.766

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 NOVEMBRE 2020

La société GVB, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 18-19.766 contre deux arrêts rendus les 16 novembre 2017 et 17 mai 2018 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. L... D...,

2°/ à Mme P... Y..., épouse D...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société Cabinet H... A... X... et associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société GVB, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme D..., et de la société [...] , et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il y a lieu de donner acte à la société GVB du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Cabinet H... A... X... et associés.

Déchéance partielle du pourvoi

2. La société GVB s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 16 novembre 2017, en même temps qu'elle s'est pourvue contre l'arrêt rendu par cette même cour le 17 mai 2018.

3. Aucun des moyens contenus dans son mémoire n'étant dirigé contre l'arrêt du 16 novembre 2017, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 17 mai 2018) et les productions, aux termes d'un premier protocole conclu le 12 avril 2011, M. D... a cédé à la société GVB l'intégralité des parts composant le capital de la société Ambulances Pater. Aux termes d'un second protocole conclu le même jour, M. et Mme D... et la société [...] (la société [...]) ont cédé à la société GVB l'intégralité des parts composant le capital de la société [...] (la société Ambulances modernes). Ces cessions ont, chacune, été assortie d'une garantie de passif.

5. Invoquant une absence de comptabilisation de l'indemnité de repos compensateur légalement due aux salariés des sociétés dont les parts avaient été cédées, la société GVB a assigné M. et Mme D... et la société [...] en exécution des conventions de garantie et en paiement de dommages-intérêts pour dol.

6.Les sociétés Ambulances Pater et Ambulances modernes ont été mises en redressement judiciaire le 6 juin 2012. La société Ambulances Pater a été mise en liquidation judiciaire le 27 février 2013 et la société Ambulances modernes a fait l'objet d'un plan de cession arrêté le 6 mars 2013. La date de leur cessation des paiements a été reportée au 30 avril 2011, par jugements du 26 juin 2013.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7.La société GVB fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; que la société GVB faisait valoir que les manoeuvres dolosives des vendeurs consistaient, notamment, à avoir affirmé, dans les protocoles de cession du 12 avril 2011, que les chiffres d'affaires des sociétés cédées étaient en progression constante d'une année à l'autre tandis qu'en réalité ces chiffres d'affaires avaient commencé à décliner dès l'exercice 2011 ; qu'en affirmant que la société GVB n'invoquait aucune manoeuvre de dissimulation distincte de l'absence de provisionnement de l'indemnité de repos compensateur que devraient verser les sociétés cédées, la cour d'appel a violé l'articles 4 du code de procédure civile et le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de nullité pour dol des cessions des sociétés Ambulances Pater et [...] , la société GVB faisaient valoir que les cédants l'avaient trompée en affirmant dans les protocoles de cession du 12 avril 2011 que les chiffres d'affaires des sociétés cédées étaient en progression constante d'une année à l'autre tandis qu'en réalité ces chiffres d'affaires avaient commencé à décliner dès l'exercice 2011 ; qu'en rejetant la demande de nullité sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la société GVB, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, la société GVB reprochait aux cédants d'avoir sciemment omis de provisionner l'indemnité de repos compensateur légalement due aux salariés des sociétés cédées ; que la cour d'appel a admis qu'un défaut d'information relatif à une charge à payer pouvait influencer la décision de contracter en ce qu'elle modifiait l'appréciation de la rentabilité future de l'entreprise cédée ; qu'en refusant néanmoins de faire droit à la demande d'annulation pour dol des cessions litigieuses, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

4°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, la société GVB reprochait aux cédants d'avoir sciemment omis de provisionner l'indemnité de repos compensateur légalement due aux salariés des sociétés cédées ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'annulation pour dol des cessions litigieuses au motif en réalité inopérant que les bonnes pratiques salariales n'auraient pas été immédiatement rétablies après la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

5°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, la société GVB reprochait aux cédants d'avoir sciemment omis de provisionner l'indemnité de repos compensateur légalement due aux salariés des sociétés cédées ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'annulation pour dol des cessions litigieuses au motif en réalité inopérant qu'une fois la cession effectuée, les indemnités de repos compensateur n'auraient jamais été demandées par les salariés concernés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

6°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de nullité pour dol des cessions des sociétés Ambulances Pater et [...] , la société GVB faisait valoir que les cédants l'avaient trompée en certifiant dans les protocoles de cession du 12 avril 2011 que, depuis le 1er janvier 2011, il n'y avait eu aucun changement défavorable important dans la situation financière des sociétés tandis qu'en réalité la banque de ces sociétés avait décidé de mettre fin à une facilité de caisse d'un montant de 150 000 euros, ce que les consorts D... ne pouvaient ignorer ; qu'en rejetant la demande de nullité pour dol sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la société GVB, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que le jugement qui fixe la date de cessation des paiements a autorité de chose jugée erga omnes ; qu'en l'espèce, en considérant que la date de cessation des paiements fixée par les jugements du tribunal de commerce de Compiègne du 26 juin 2013 ayant reporté la date de cessation des paiements des société Ambulances Pater et Ambulances Modernes au 30 avril 2011 ne s'imposait pas à elle, la cour d'appel a violé les articles 1351 devenu 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 631-1 et L. 631-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, en l'état des conclusions d'appel de la société GVB, c'est sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel, qui n'avait pas à s'en expliquer davantage dès lors que les seuls chiffres d'affaires auxquels renvoyaient les protocoles de cession étaient ceux, non contestés, réalisés de 2007 à 2010, a retenu que la société GVB n'invoquait, à l'appui de son allégation de dol, aucune manoeuvre de dissimulation s'agissant des chiffres d'affaires réalisés par les sociétés Ambulances Pater et Ambulances modernes.

9. En deuxième lieu, après avoir rappelé qu'aux termes de l'article 116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté, l'arrêt relève que l'absence de rémunération des heures supplémentaires effectuées, au-delà du contingent annuel, par les salariés des sociétés Ambulances Pater et Ambulances modernes, n'avait donné lieu à aucune réclamation de la part des salariés concernés avant les cessions, la pratique mise en place depuis plusieurs années, bien que critiquable, ayant fait l'objet d'un consensus informel au sein des entreprises. Il retient qu'à supposer que cette pratique n'ait pas été évoquée au cours des négociations, ce dont l'attestation de M. I... permet de douter sérieusement, la simple lecture des bulletins de salaires, dont il n'est pas soutenu qu'ils n'aient pas pu être consultés par la société GVB, suffisait à révéler l'anomalie. L'arrêt en déduit que la preuve d'une intention frauduleuse des cédants n'est pas rapportée, dès lors que la pratique consensuelle au sein de l'entreprise explique, à défaut de l'excuser, l'absence de valeur accordée à la charge correspondant au repos compensateur des salariés, et qu'aucune manoeuvre de dissimulation n'est démontrée. En l'état de ces constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les quatrième et cinquième branches, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations, a légalement justifié sa décision en retenant que le dol allégué par la société GVB, tenant à la dissimulation d'une dette au titre du repos compensateur des salariés, n'était pas établi.

10. Enfin, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité et à la condition qu'il y ait entre les deux litiges identité de cause et d'objet. Après avoir exactement rappelé qu'elle n'était pas tenue par la date de cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce, la cour d'appel a relevé que la société GVB ne produisait aucun élément comptable pertinent, notamment sur l'actif disponible des sociétés Ambulances Pater et Ambulances modernes et la valorisation de la dette d'indemnité de repos compensateur au 30 avril 2011, tandis que M. et Mme D... et la société [...] produisaient de leur côté divers éléments, dont il résultait que les choix de gestion effectués par la société GVB, au cours de l'année 2011 et postérieurement aux cessions litigieuses, pouvaient avoir obéré de façon significative les capacités financières des entreprises. De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire que le dol allégué par la société GVB, tenant à la dissimulation de l'état de cessation des paiements des sociétés Ambulances Pater et Ambulances modernes, n'était pas établi.

11. Le moyen, pour partie inopérant, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société GVB aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GVB et la condamne à payer à M. D..., à Mme Y..., épouse D..., et à la société [...] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société GVB.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué rendu par la cour d'appel d'Amiens le 17 mai 2018 d'AVOIR débouté la société GVB de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE sur le dol ; L'article 1116 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; Le dol ne se présume par et doit être prouvé ; Selon contrat conclu le 12 avril 2011, monsieur D..., madame D... et la société [...] , tous associés de la société [...] , ont cédé à la société GVB, respectivement, 51 parts moyennant le prix de 2 474,66 euros, 39 parts moyennant le prix de 1 900,04 euros et 19 307 parts moyennant le prix de 940 615,30 euros ; Le même jour, monsieur L... D... a cédé à la société GVB cent parts de la société Ambulances Pater moyennant le prix de 315 000 euros ; Au soutien de sa demande d'annulation des deux contrats de cession, la société GVB fait valoir que les cédants ont frauduleusement dissimulé des dettes sociales importantes relatives aux heures supplémentaires des salariés, le non-respect de la législation sociale et les accords éventuellement conclus avec le personnel afin d'y pallier, ainsi que le risque imminent de cessation des paiements, risque réalisé par les jugements rendus par le tribunal de Compiègne le 26 juin 2013 qui fixent la date de cessation des paiements des sociétés [...] et Ambulances Pater au 30 avril 2011 ; Le protocole de cession des parts sociales de la société [...] a été conclu le 12 avril 2011 sur la base des comptes arrêtés au 31 décembre 2010 et d'une lettre d'intention signée par le candidat acquéreur le 24 décembre 2010 ; Il y est mentionné notamment : - que les comptes annuels complets des exercices 2007, 2008 , 2009 et 2010 ont été remis au cessionnaire, que ces états financiers , conformes au plan comptable général et à la législation en vigueur, reflètent la situation financière de la société et ses résultants au cours des périodes concernées et qu'à la connaissance du cédant il n'existe aucun passif, dette ou obligation quelconque, échu ou à échoir, éventuel, ne figurant pas dans les comptes, à l'exception de ce qui est dit en annexe ( article I – V) ; - qu'il n'existait aucun contrat conclu avec le personnel dont les termes seraient exceptionnels par rapport à ceux pratiqués dans la branche professionnelle de la société, que les contrats de travail avaient toujours été conclus conformément aux dispositions législatives et réglementaires et « qu'en règle général, la société a appliqué la législation sociale française pour tout ce qui concerne son personnel » ; (article I – X) ; que depuis le 1er janvier 2011, la gestion par la société de son exploitation a été effectuée dans des conditions normales, sans changement défavorable important dans la situation financière, les éléments d'actif et passif ou l'activité de la société à l'exception de ce qui est dit de l'arrivée à terme du marché de transports sanitaires passé avec le centre hospitalier de Compiègne (article I –XX) ; Dans le même temps la société [...] a conclu avec la société GVB une convention de garantie qui mentionne notamment : - qu'il n'existe à la date de la cession aucun autre passif réel, échu, éventuel, chiffre ou chiffrable, que ceux inscrits, comptabilisés ou provisionnés, dans les comptes de références, - que la société a respecté l'intégralité de ses obligations sociales, - que la société n'est pas et ne menace pas d'être en état de cessation des paiements et elle ne fait l'objet, n'a jamais fait l'objet et n'est pas susceptible de faire l'objet d'aucune procédure de sauvegarde, de redressement, de liquidation judiciaire, de mesure de prévention ou de tout autre procédure similaire, et qui garantit notamment tout supplément de passif, préjudiciable à la société ou au cessionnaire, ayant une origine ou une cause antérieure au 31 décembre 2010 et qui n'aurait pas été régulièrement comptabilisé ou insuffisamment provisionné dans les comptes de référence ; Le contrat de cession de parts sociales de la société Ambulances Pater conclu entre monsieur D... et la société GVB et la convention de garantie s'y rapportant comportent les mêmes dispositions, sans nuances significatives pour l'objet du présent litige, de sorte que les développements ci-dessous seront applicables aux deux contrats de cession ; Il convient de relever que ces contrats de cession ont fait l'objet d'échanges d'information entre les parties à compter du mois de juillet 2010 et que les deux parties étaient assistées techniquement par un cabinet d'expertise-comptable, toutes deux étant au surplus compétentes pour appréhender les éléments déterminants du bon fonctionnement d'une entreprise, monsieur D... étant de longue date gérant des deux sociétés cédées qui ont pu employer au total jusqu'à 70 salariés, M. J..., dirigeant de la société GVB ayant été le dirigeant depuis 1995 d'un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes puis des personnes handicapées, sous contrôle administratif ; Il n'est pas anodin de noter que dès le mois de juin 2011, soit à peine deux mois après les cessions, M. J... dirigeant de la société GVB estimait avoir été lésé au motif que les résultats de la société [...] du début de l'année 2011 étaient affectés péjorativement par l'arrivée du terme du contrat conclu avec le centre hospitalier de Compiègne, dont il avait été expressément informé au cours des échanges pré-contractuels et par une mention explicite du contrat de cession ; Sur la dette relative à des indemnités de repos compensateurs ; Au mois d'octobre 2011, la société GVB a fait connaître aux trois cédants que son expert-comptable avait décelé une grave infraction à la législation relative aux heures supplémentaires et plus particulièrement au repos compensateur, que le risque social en résultant sur une période de cinq ans s'élevait à la somme de 479 062 euros et que cette situation pourrait la conduire à mettre en jeu la garantie de passif, voire à demander une réduction du prix des cessions ; En réponse à une sommation interpellative faite le 29 juin 2012 à la requête de la société GVB, monsieur O... I..., directeur administratif financier et directeur du personnel de la société [...] depuis 2003 et salarié à temps partiel de cette société et de la société Ambulances Pater depuis les cessions, a indiqué que les salariés des deux sociétés ne bénéficiaient pas des repos compensateurs légaux, que la dette inhérente à ces repos compensateurs n'avaient jamais été valorise, son importante n'étant donc pas connue de monsieur D..., qu'il s'agissait d'une pratique générale dans la profession de ne pas accorder ou payer des repos compensateurs, qu'à sa connaissance à l'occasion des réunions de travail préparatoires aux cessions, ce sujet des repos compensateurs n'avait pas été abordé précisément dans la mesure où il n'était pas valorisé mais qu'il avait pu être évoqué dans des termes généraux comme une pratique répandue dans la profession ; La société GVB produit l'extrait d'un document établi à sa demande par sa société Alexco, antérieurement au 29 juin 2012, date de sa transmission au conseil de l'entreprise, et qui présente une évaluation des indemnités dues aux salariés des sociétés [...] et Ambulances Pater au titre des heures supplémentaires pour la période 2006-2010 et qui aboutit à une dette de 499 464,45 euros pour la première et de 45 662,53 euros pour la seconde ; Afin d'éviter toute confusion, il convient de préciser que le grief émis par la société GVB ne porte pas sur le défaut de paiement du salaire correspondant à des heures supplémentaires mais sur le défaut d'octroi aux salariés du repos compensateur obligatoire lorsque le contingent annuel des heures supplémentaires est dépassé ; L'indemnité s'y rapportant correspond à une charge à payer et doit à tout le moins être provisionnée dans les comptes de l'entreprise ; Le procès-verbal de la réunion tenue par les délégués du personnel de la société Ambulances Pater le 26 juin 2008 mentionne l'accord des représentants du personnel de l'une des sociétés (non identifiée) sur la demande d'autorisation de dépassement du contingent annuel des heures supplémentaires adressée par le dirigeant à l'Inspection du travail ; Le procès-verbal de la réunion tenue par les délégués du personnel de la société Ambulances Pater le 4 octobre 2008 montre que le régime des heures supplémentaires a été abordé, monsieur D... alors dirigeant exposant : « au cours des derniers mois compte tenu du taux d'absence très important, le mécanisme de repos supplémentaire n'a pas été mise en place. De plus, il semblerait que certains salariés soient désireux d'effectuer des heures supplémentaires suivant en cela le principe « travailler plus pour gagner plus ». La direction précise aussi que la récente loi relative à la durée du travail a supprimé deux obligations préalables envers l'inspection du travail pour l'exécution des heures supplémentaires : l'obligation d'information préalable dans la limite du contingent ; l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail au-delà du contingent » ; L'ensemble de ces éléments établit que les sociétés [...] et Ambulances Pater avaient depuis plusieurs années une charge à payer qui n'étant pas valorisée, n'apparaissait pas dans les comptes ; Pour autant, il ressort aussi du dossier que la prise effective du repos compensateur correspondant aux heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ou sa rémunération n'avait pas fait l'objet d'aucune réclamation avant la cession du capital des entreprises concernées, la pratique mise en place depuis plusieurs années, pour critiquable soit-elle, ayant fait l'objet d'u consensus informel dans le cadre du fonctionnement courant des entreprises ; Si elles sont sans incidence sur la réalité du risque sociale existant à la date des cessions litigieuses et d'une portée discutable au regard du caractère d'ordre public des dispositions concernées, les attestations rédigées par une quarantaine de salariés expriment que leur auteur considère avoir été intégralement rempli de ses droits jusqu'au mois d'avril 2011 ; En outre, les bulletins de salaire des mois de décembre 2012 de madame E..., monsieur W..., monsieur N..., salariés de la société [...] montrent qu'au titre de l'année 2011 les intéressés ont effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel et ne mentionnent aucun repos compensateur, corroborant le caractère habituel dans la profession de la pratique dénoncée à juste titre par la société GVB mais à laquelle celle-ci n'a pas mis fin dans les entreprises qu'elle contrôle depuis le mois d'avril 2011 et que son gérant dirige ; Pour autant que la pratique consistant à ne pas octroyer aux salariés les repos compensateurs dus n'ait pas été évoquée au cours des négociations précontractuelles ce dont l'attestation rédigée par M. I... permet de douter sérieusement, la simple lecture des bulletins de salaries dont il n'est pas soutenu qu'ils n'aient pas pu être consultés par la cessionnaire suffisait à révéler l'anomalie ; Dans ces circonstances, n'est assurément pas rapportée la preuve d'une intention frauduleuse des cédants au moment des ventes litigieuses relativement à la créance indemnitaire de salariés dans la mesure la pratique consensuelle dans l'entreprise explique – à défaut de l'excuser – l'absence de valeur accordée à la charge payer correspondante et qu'aucune manoeuvre de dissimulation n'est démontrée ; Si la pratique consistant à ne pas octroyer aux salariés le repos compensateur correspondant aux heures supplémentaires hors contingent n'a donné lieu à aucune réclamation des salariés, il ne saurait en être déduit l'existence d'un accord exprès conclu avec le personnel et qui aurait dû être révélé au cessionnaire ; Le moyen élevé sur ce point par la société GVB manque donc en fait ; Il n'est pas anodin de relever que la société GVB n'allègue pas que les sociétés d'ambulance aient dû de quelque façon acquitter une somme au titre de l'indemnisation des repos compensateurs non octroyés entre 2006 et 2010 de sorte qu'elles n'ont, de fait, subi aucune conséquence dommageable de cette charge à payer ; La société GVB, dans ces circonstances, a d'ailleurs renoncé à mobiliser la garantie de passif ; Si les premiers juges ont relevé à juste titre qu'un défaut d'information relatif à une charge à payer peut influencer la décision de contracter du candidat acquéreur en ce qu'il modifie l'appréciation de la rentabilité future de l'entreprise, force est de constater qu'en l'espèce, la société GVB ne justifie pas que les performances ou le fonctionnement des sociétés d'ambulance aient été affectées de façon péjorative par rapport à celles attendues en raison d'un rétablissement de pratiques saines relatives au repos compensateur ; les bulletins de paie de salariés de la société [...] de la fin de l'année 2011 tendent à établir le contraire ; Postérieurs aux cessions litigieuses, ces deux derniers éléments donnent à la contestation élevée par la société GVB sur la validité des cessions un certain caractère artificiel ; A cet égard, il ressort du dossier que les demandes de paiement des indemnités de repos compensateur formalisées dans des termes très généraux par trois salariés (sur 46) de la société [...] sont postérieures à l'ouverture de la procédure collective sur déclaration de cessation des paiements faite par le gérant et que madame U... atteste que la réclamation salariale qu'elle a elle-même formalisée n'a pas été spontanée mais faite sur la demande de M. J..., gérant de la société GVB ; Sur l'état de cessation des paiements ; A titre liminaire, il convient de souligner que la clause relative à l'absence d'un tel état de cessation des paiement ou d'une menace d'un tel état pesant sur les sociétés d'ambulances ne lie pas les cédants des parts sociales mais le garant du passif ; Il ressort des jugements qui ont ouvert le 6 juin 2012 une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés [...] et Ambulances Pater que la déclaration faite par le gérant était motivée par une baisse constante du chiffre d'affaires des entreprises au cours de l'année 2011 qui ne permettait plus de faire face aux charges courantes élevées et par l'inscription au bilan d'une provision pour les indemnités de repos compensateurs depuis 2008 ; Un jugement rendu le 26 juin 2013 reporte la date de l'état de cessation des paiements de la société [...] au 30 avril 2011 au motif que la société était redevable de la somme de 712 464,91 euros au titre de créances salariales impayées ; Or, ainsi que l'a jugé cette cour dans l'arrêt rendu le 21 janvier 2016 dans l'instance opposant les consorts D... à la société [...] , son gérant et son liquidateur judiciaire et statuant sur l'opposition des premiers au jugement rendu le 26 juin 2013, la date de cessation des paiements ainsi fixée est une donnée intrinsèque de la procédure collective ; par cet arrêt, les consorts D... ont été déclarés irrecevables en leur opposition à défaut d'intérêt à agir ; Il s'induit qu'il appartient à la société GVB dans le cadre de la présence instance d'établir à l'encontre des consorts D... l'existence d'un état de cessation des paiements dans un temps proches de la cession ; Or, elle ne produit aucun élément comptable pertinent notamment sur l'actif disponible des entreprises et la valorisation de la dette d'indemnité de repos compensateur par la société GVB au 30 avril 2011 varie de 499 000 euros le 29 juin 2012 à 712 000 euros sans la moindre explication ; Dans le même temps, les consorts D... produisent divers éléments qui étayent l'existence de choix de gestion au cours de l'année 2011 postérieurement aux cessions litigieuses qui ont pu obérer de façon significative les capacités financières des entreprises ; acquisition de six ambulances pour 45 000 euros chacune au mois de juillet 2011, installation tardive d'un troisième site de la société Ambulance Pater alors que le bail courrait déjà depuis dix mois, offres de remise de 30 % à 50 % sur certains contrats, toutes décisions qui, dans le contexte de forte baisse du chiffre d'affaires – indépendante des termes des cessions – ont pu contribuer aux difficultés des entreprises ; S'agissant de la société Ambulances Pater, il convient de relever que le montant des indemnités de repos compensateurs évalué par le cabinet Alexco (45 000 euros) est inférieur au résultat net de l'entreprise figurant dans le contrat de cession et non remis en cause (62 000 euros), infirmant ainsi l'existence d'un état de cessation des paiements à l'époque de la cession des parts ; En outre, le fait pour un associé-dirigeant de garantir personnellement l'éventualité d'un état de cessation des paiements est peu cohérent avec une dissimulation frauduleuse d'un tel état de cessation des paiements ; Dans ces circonstances, la société GVB, qui n'invoque aucune manoeuvre de dissimulation distincte de l'absence de provisionnement de l'indemnité de repos compensateur discutée ci-dessus, ne caractérise pas le dol dont elle se prévaut ; En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la société GVB de l'ensemble de ses demandes ;

1) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; que la société GVB faisait valoir que les manoeuvres dolosives des vendeurs consistaient, notamment, à avoir affirmé, dans les protocoles de cession du 12 avril 2011, que les chiffres d'affaires des sociétés cédées étaient en progression constante d'une année à l'autre tandis qu'en réalité ces chiffres d'affaires avaient commencé à décliner dès l'exercice 2011 (concl. p. 13 et 14) ; qu'en affirmant que la société GVB n'invoquait aucune manoeuvre de dissimulation distincte de l'absence de provisionnement de l'indemnité de repos compensateur que devraient verser les sociétés cédées, la cour d'appel a violé l'articles 4 du code de procédure civile et le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

2) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de nullité pour dol des cessions des sociétés Ambulances Pater et [...] , la société GVB faisaient valoir que les cédants l'avaient trompée en affirmant dans les protocoles de cession du 12 avril 2011 que les chiffres d'affaires des sociétés cédées étaient en progression constante d'une année à l'autre tandis qu'en réalité ces chiffres d'affaires avaient commencé à décliner dès l'exercice 2011 (concl. p. 13 et 14) ; qu'en rejetant la demande de nullité sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la société GVB, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, la société GVB reprochait aux cédants d'avoir sciemment omis de provisionner l'indemnité de repos compensateur légalement due aux salariés des sociétés cédées ; que la cour d'appel a admis qu'un défaut d'information relatif à une charge à payer pouvait influencer la décision de contracter en ce qu'elle modifiait l'appréciation de la rentabilité future de l'entreprise cédée ; qu'en refusant néanmoins de faire droit à la demande d'annulation pour dol des cessions litigieuses, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

4) ALORS QUE le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, la société GVB reprochait aux cédants d'avoir sciemment omis de provisionner l'indemnité de repos compensateur légalement due aux salariés des sociétés cédées ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'annulation pour dol des cessions litigieuses au motif en réalité inopérant que les bonnes pratiques salariales n'auraient pas été immédiatement rétablies après la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

5) ALORS QUE le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, la société GVB reprochait aux cédants d'avoir sciemment omis de provisionner l'indemnité de repos compensateur légalement due aux salariés des sociétés cédées ; qu'en refusant de faire droit à la demande d'annulation pour dol des cessions litigieuses au motif en réalité inopérant qu'une fois la cession effectuée, les indemnités de repos compensateur n'auraient jamais été demandées par les salariés concernés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 devenu 1137 du code civil ;

6) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande de nullité pour dol des cessions des sociétés Ambulances Pater et [...] , la société GVB faisait valoir que les cédants l'avaient trompée en certifiant dans les protocoles de cession du 12 avril 2011 que, depuis le 1er janvier 2011, il n'y avait eu aucun changement défavorable important dans la situation financière des sociétés tandis qu'en réalité la banque de ces sociétés avait décidé de mettre fin à une facilité de caisse d'un montant de 150 000 €, ce que les consorts D... ne pouvaient ignorer ; qu'en rejetant la demande de nullité pour dol sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la société GVB, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7) ALORS QUE le jugement qui fixe la date de cessation des paiements a autorité de chose jugée erga omnes ; qu'en l'espèce, en considérant que la date de cessation des paiements fixée par les jugements du tribunal de commerce de Compiègne du 26 juin 2013 ayant reporté la date de cessation des paiements des société Ambulances Pater et Ambulances Modernes au 30 avril 2011 ne s'imposait pas à elle, la cour d'appel a violé les articles 1351 devenu 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 631-1 et L. 631-8 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-19766
Date de la décision : 18/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 17 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 nov. 2020, pourvoi n°18-19766


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Marc Lévis, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.19766
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