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12/11/2020 | FRANCE | N°19-22304

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 novembre 2020, 19-22304


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 859 F-D

Pourvoi n° M 19-22.304

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

La société Francelot, dont le siège est [...] , venant aux d

roits de la société Khor immobilier, a formé le pourvoi n° M 19-22.304 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 859 F-D

Pourvoi n° M 19-22.304

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

La société Francelot, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Khor immobilier, a formé le pourvoi n° M 19-22.304 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [...], dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Francelot, de Me Occhipinti, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 11 juin 2019), la société Khor immobilier, aux droits de laquelle vient la société Francelot, a confié, à l'occasion d'un programme immobilier de vente en l'état futur d'achèvement, des travaux de charpente et de menuiseries extérieures à la société [...] (la société [...]).

2. La livraison des lots est intervenue en novembre 2012.

3. Les acquéreurs s'étant plaints auprès du vendeur de désordres affectant notamment les volets des habitations, la société [...] a réalisé des travaux de reprise aux mois d'avril, juin et octobre 2013.

4. Après avoir mis en demeure, par lettre du 28 novembre 2013, la société [...] de reprendre les malfaçons persistantes, la société Francelot a fait remplacer les volets par une société tierce et a assigné la société [...] en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en ses cinquième et sixième branches

6. La société Francelot fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 5°/ le régime de la responsabilité contractuelle de droit commun des entrepreneurs est distinct de celui de la garantie légale de parfait achèvement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a parfaitement relevé que la société Francelot faisait état de désordres intermédiaires de nature à mettre en cause la responsabilité contractuelle de la société [...] ; qu'en relevant, pour faire échec à ses demandes, que la société Francelot n'avait pas dénoncé à la société [...] les désordres qui lui avaient été signalés par les acquéreurs dans le délai de parfait achèvement, ni ne lui avait demandé, dans ce même délai, le remplacement de l'intégralité des volets posés au regard de leur non-conformité, la cour d'appel, qui a statué au regard de la garantie légale de parfait achèvement, a statué à la faveur d'une motivation inopérante à écarter la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entrepreneur et ainsi privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;

6°/ que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est constitutive d'une faute contractuelle ; que la cour d'appel a expressément relevé que les volets posés par la société [...] étaient défectueux, ce qui était constitutif d'une faute contractuelle, et que la société O... avait procédé à leur remplacement ; qu'en retenant, pour faire échec aux demandes de l'exposante, qu'elle ne démontrait pas que les travaux réalisés par la société O... correspondaient aux reprises défectueuses de la société [...], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

7. En application de ce texte, hors les garanties légales prévues aux articles 1792 et suivants du code civil, l'inexécution par l'entrepreneur de ses obligations à l'égard du maître de l'ouvrage engage sa responsabilité contractuelle de droit commun, laquelle subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement, même si la mise en oeuvre de la responsabilité n'est pas intervenue dans le délai de cette garantie.

8. Pour rejeter les demandes de la société Francelot, l'arrêt retient que celle-ci ne justifie pas avoir mis en demeure la société [...] de reprendre ses prestations défectueuses dans l'année qui a suivi la réception et qu'elle ne démontre pas que les travaux réalisés par l'entreprise tierce à laquelle elle a fait appel correspondent aux reprises défectueuses de la société [...].

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Francelot avait été saisie de plusieurs réclamations relatives notamment à des malfaçons affectant les volets en bois posés par la société [...], que les reprises réalisées par celle-ci durant le délai de parfait achèvement étaient défectueuses, que la société Francelot l'avait ultérieurement mise en demeure de reprendre les malfaçons persistantes avant de confier la réalisation des travaux à une entreprise tierce, laquelle avait remplacé les volets posés par la société [...], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Francelot.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Francelot de l'intégralité de ses demandes, d'avoir laissé à chacune des parties les frais irrépétibles exposés par elle en première instance et en appel, et d'avoir condamné la société Francelot aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Clerc ;

Aux motifs que, la société Francelot reproche à la société [...] d'avoir réalisé des prestations non-conformes à la commande passée, de n'avoir pas réalisé ou mal réalisé certaines prestations, de n'avoir pas ou mal effectué les travaux de reprise qui lui avaient été demandés ; qu'elle fonde ses demandes sur la responsabilité contractuelle de droit commun qui suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice, un lien de causalité avec ce préjudice ; que contrairement à ce qui est soutenu par la société [...], dès lors que le promoteur fait état de désordres intermédiaires, critique la non-réalisation des travaux de reprise, il peut engager la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entreprise ; qu'il est constant que l'entreprise engage cette responsabilité si elle n'exécute pas les travaux commandés ou les exécute mal, si elle n'exécute pas ou exécute mal les travaux de reprise des désordres, désordres signalés lors de la réception ou au plus tard dans le délai de parfait achèvement, soit une année à compter de la réception des travaux ; qu'il ressort des pièces produites que les travaux litigieux ont fait l'objet d'une réception écrite le 18 octobre 2012 ; que l'existence de cette réception n'est pas contestée ; qu'en revanche, les parties ne produisent ni l'une ni l'autre le procès-verbal de réception ; que contrairement à ce qui est soutenu par la société [...], les procès-verbaux de livraison signés des acquéreurs et du promoteur ne sont pas les procès-verbaux de réception signés de l'entreprise et du maître d'ouvrage ; que faute de produire cette pièce, la cour ne sait pas si des réserves ont ou non été émises étant rappelé que les vices et désordres apparents, les défauts de conformité apparents doivent faire l'objet de réserves ; qu'à défaut de réserves, ils sont réputés acceptés par le maître de l'ouvrage qui ne peut ensuite se plaindre d'une non-conformité apparente ; que la société Francelot ne peut en conséquence faire grief à la société [...] de ne pas avoir respecté le contrat en posant des volets en bois plutôt que des volets roulants en PVC alors qu'elle ne démontre pas que cette non-conformité apparente ait fait l'objet d'une réserve expresse lors de la réception ou dans un délai rapide ; que s'agissant de la non-réalisation des travaux de reprise demandés, la société Francelot ne démontre pas non plus avoir dénoncé dans le délai de parfait achèvement expirant le 18 octobre 2013 les désordres, malfaçons, défauts d'ouvrage qui lui ont pourtant été signalés par les acquéreurs ; qu'il convient de rappeler que le maître de l'ouvrage a été destinataire : - le 19 novembre 2012 de réclamations émanant des consorts C... qui signalaient des non-conformités caractérisées par l'absence de volets roulants et de porche, des malfaçons, une demande de réparation, divers désordres apparents, - le 14 décembre 2012 d'un courrier des époux W... qui signalaient les nombreuses malfaçons affectant les volets en bois, des non-finitions ; que force est de relever que la société Francelot a attendu le 28 novembre 2013 alors que la réception est du octobre 2012 pour mettre en demeure la société [...] d'intervenir faisant référence à des courriers du 20 octobre et 13 novembre 2013 se prévalant alors d'une garantie de bon fonctionnement ; que la société [...], de son côté, produit des attestations dites de SAV correspondant à des interventions réalisées chez Mme C... les 9 et 25 avril 2013, Mme H... le 25 juin 2013, les époux W... le 3 octobre 2013, soit avant le 18 octobre 2013 dans le délai de garantie de parfait achèvement ; que ces attestations sont signées des acquéreurs, non du promoteur ; que si ces pièces établissent que la société [...] est intervenue, la société Francelot n'établit pas l'objet, la nature des reprises qui étaient demandées ; qu'elle ne produit pas le tableau des interventions demandées, tableau qui était pourtant annexé à la mise en demeure du 28 novembre 2013, privant la cour de comparer les prestations demandées et celles réalisées ; qu'enfin, la société Francelot estime qu'elle a dû confier la réalisation des travaux de reprise à la société O... du fait de la défaillance de la société [...], société qui n'a pas ou mal réalisé les travaux de reprise demandés ; qu'il ressort de la facture émise par la société [...] le 23 octobre 2014 qu'elle porte exclusivement sur la fourniture et pose de volets en bois exotique rouge, nullement sur la pose des volets électriques ou PCV ; que les volets défectueux posés par la société [...] ont donc été remplacés par d'autres volets en bois sans que la société Francelot justifie avoir émis des réserves sur les volets lors de la réception, demandé le remplacement de l'intégralité des volets posés au regard de leur non-conformité dans le délai de garantie de parfait achèvement ; qu'il convient en conséquence de débouter la société Francelot de ses demandes dans la mesure où celle-ci ne justifie pas avoir refusé les non-conformités apparentes, ne justifie pas non plus avoir mis en demeure la société [...] de reprendre ses prestations défectueuses dans l'année qui a suivi la réception, ne démontre pas que les travaux réalisés par la société O... correspondent aux reprises défectueuses de la société [...] ;

Alors 1°) que, les juges du fond doivent motiver leur décision ; qu'en affirmant qu'il ressortait des pièces produites que les travaux litigieux avaient fait l'objet d'une réception écrite le 18 octobre 2012 entre la société Francelot et la société [...], sans préciser sur quelle pièce elle se fondait pour retenir ce fait juridique, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que, les termes du litige sont déterminés par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant que les parties ne contestaient pas que les travaux litigieux avaient fait l'objet d'une réception écrite le 18 octobre 2012, quand ni la société Francelot ni la société [...] n'invoquaient l'existence d'une réception intervenue entre elles à cette date, cette dernière se prévalant exclusivement des procès-verbaux de livraisons établis entre les acquéreurs des lots et la société Francelot en novembre 2012, lesquels n'équivalaient pas, ainsi qu'expressément reconnu par la cour, à une réception intervenue au contradictoire du maitre de l'ouvrage et de l'entrepreneur, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que, les juges du fond doivent respecter le principe du contradictoire ; qu'en retenant, pour débouter la société Francelot de ses demandes, qu'elle avait réceptionné les travaux le 18 octobre 2012, quand la société [...] n'invoquait nullement l'existence d'une telle réception, la cour d'appel, qui a relevé d'office ce moyen sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors 4°) que, en toute hypothèse, nonobstant l'existence d'une réception avec ou sans réserve, les dommages intermédiaires peuvent fonder la mise en cause de la responsabilité contractuelle de droit commun des entrepreneurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a parfaitement relevé que contrairement à ce que soutenait la société [...], dès lors que la société Francelot faisait état de désordres intermédiaires, elle pouvait engager sa responsabilité contractuelle ; qu'en retenant, pour y faire échec, qu'une réception sans réserve était intervenue entre la société Francelot et société [...], la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;

Alors 5°) que, le régime de la responsabilité contractuelle de droit commun des entrepreneurs est distinct de celui de la garantie légale de parfait achèvement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a parfaitement relevé que la société Francelot faisait état de désordres intermédiaires de nature à mettre en cause la responsabilité contractuelle de la société [...] ; qu'en relevant, pour faire échec à ses demandes, que la société Francelot n'avait pas dénoncé à la société [...] les désordres qui lui avaient été signalés par les acquéreurs dans le délai de parfait achèvement, ni ne lui avait demandé, dans ce même délai, le remplacement de l'intégralité des volets posés au regard de leur non-conformité, la cour d'appel, qui a statué au regard de la garantie légale de parfait achèvement, a statué à la faveur d'une motivation inopérante à écarter la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entrepreneur et ainsi privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;

Alors 6°) que, l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est constitutive d'une faute contractuelle ; que la cour d'appel a expressément relevé que les volets posés par la société [...] étaient défectueux, ce qui était constitutif d'une faute contractuelle, et que la société O... avait procédé à leur remplacement ; qu'en retenant, pour faire échec aux demandes de l'exposante, qu'elle ne démontrait pas que les travaux réalisés par la société O... correspondaient aux reprises défectueuses de la société [...], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-22304
Date de la décision : 12/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 11 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 nov. 2020, pourvoi n°19-22304


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.22304
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