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12/11/2020 | FRANCE | N°19-22020

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 novembre 2020, 19-22020


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 830 F-D

Pourvoi n° C 19-22.020

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

1°/ la SAFER Auvergne-Rhône-Alpes, société d'aménagement fonci

er d'établissement rural, dont le siège est [...] ,

2°/ M. D... X..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° C 19-22.020 contre l'arrêt rendu ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 830 F-D

Pourvoi n° C 19-22.020

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020

1°/ la SAFER Auvergne-Rhône-Alpes, société d'aménagement foncier d'établissement rural, dont le siège est [...] ,

2°/ M. D... X..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° C 19-22.020 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. U... A..., domicilié [...] ,

2°/ à M. P... T..., domicilié [...] ,

3°/ à M. C... T..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la SAFER Auvergne-Rhône-Alpes et de M. X..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. A..., après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 30 avril 2019), par acte du 27 juin 2012, MM. T... se sont engagés à vendre à M. A... plusieurs parcelles dont une partie faisait l'objet d'un bail rural en cours jusqu'au 10 décembre 2015.

2. Le 31 août 2012, le preneur n'ayant pas exercé son droit de préemption, le notaire instrumentaire a adressé à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes (la SAFER) une notification valant offre de vente à son profit. Le 26 septembre 2012, ce notaire l'a aussi informée de ce que M. A... s'engageait à maintenir le fermier en place jusqu'à ce que celui-ci ait atteint l'âge de la retraite.

3. Par lettres du 22 octobre 2012, la SAFER a fait connaître au notaire et à M. A... qu'elle exerçait son droit de préemption afin de favoriser l'installation, la réinstallation et le maintien des agriculteurs. Par acte du 21 décembre 2012, elle a acquis les parcelles qui ont été rétrocédées à M. et Mme X... le 19 avril 2013.

4. Par acte du 22 avril 2013, M. A... a assigné la SAFER en annulation de la préemption, ainsi que des actes subséquents et indemnisation. Il a appelé en intervention forcée M. D... X... devenu propriétaire des biens.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La SAFER et M. X... font grief à l'arrêt de prononcer l'annulation de la décision de préemption du 22 octobre 2012 sur le projet de vente intervenu entre MM. T... d'une part, et M. A... d'autre part, de dire que cette annulation redonne son plein effet au compromis de vente signé le 27 juin 2012, de prononcer l'annulation de la vente conclue le 21 décembre 2012 entre MM. T... et la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auvergne, l'annulation de la décision de rétrocession au profit des époux X..., l'annulation de la vente entre la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auvergne et M. et Mme X... en date du 19 avril 2013, et d'ordonner la transcription de la décision à la conservation des hypothèques, alors :

« 1°/ que le contrôle juridictionnel sur les décisions de préemption prises par les Safer se limite à l'appréciation de leur légalité et de leur régularité et ne peut concerner leur opportunité en comparant la situation, l'intérêt, les mérites ou les engagements respectifs des candidats à l'attribution entre eux ou avec l'acquéreur évincé au regard de l'objectif poursuivi par la préemption ; qu'en retenant, pour annuler la décision de préemption prise par la Safer le 22 octobre 2012 que l'acheteur évincé, M. A..., offrant à la date de la préemption des garanties équivalentes aux époux X..., candidats à l'attribution, puis rétrocessionaires, en ce qui concerne le maintien du fermier en place, il appartenait à la Safer d'expliquer pourquoi il serait préférable que ce soit M. X..., plutôt que M. A..., qui maintienne le fermier en place jusqu'à son départ en retraite et qu'aucun motif valable n'est fourni par la Safer pour justifier son choix de rétrocession à M. X..., la cour d'appel, qui s'est prononcée sur l'opportunité de la décision de préemption prise par la Safer en comparant la situation et les engagements de M. A... par rapport à ceux des époux X..., a violé les articles L. 143-2, L. 143-3, L. 143-8 et R 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que la légalité de la décision de préemption prise par une Safer ne s'apprécie pas au regard des motifs justifiant la rétrocession ultérieure du bien préempté ; qu'en annulant la décision de préemption de la Safer du 22 octobre 2012 pour la seule raison qu'aucun motif valable n'était fourni pour justifier son choix de rétrocession à M. X... au regard des dispositions de l'article L. 143-1 1° du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel a violé les articles L. 143-2, L. 143-3, L. 143-8 et R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;

3°/ que, lorsqu'une décision de préemption vise l'objectif d'installation, de réinstallation ou de maintien des agriculteurs, l'indication précise d'un investisseur s'engageant à maintenir le fermier en place jusqu'à sa retraite constitue une donnée concrète permettant de vérifier la réalité de l'objectif poursuivi par la préemption, sans qu'il soit besoin de préciser les mérites respectifs des potentiels candidats à l'attribution entre eux ou avec l'acquéreur évincé au regard de cet objectif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la décision de préemption de la Safer d'Auvergne du 22 octobre 2012 était justifiée, d'une part, par l'objectif d'installation, de réinstallation ou de maintien des agriculteurs et, d'autre part, par « l'existence d'un fermier en place et la volonté de l'acquéreur de le maintenir sur l'exploitation jusqu'à son départ en retraite » ; que dès lors, en retenant pour dire que la décision de préemption de la Safer était insuffisamment motivée, qu'elle n'explique pas pourquoi il serait préférable que ce soit M. X..., plutôt que M. A..., qui maintienne le fermier en place jusqu'à son départ en retraite, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 143-2, L. 143-3 et R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;

4° / que le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel , la Safer et M. X... expliquaient que la Safer avait le souhait au moment de sa décision de préemption, de privilégier un attributaire qui permettrait une poursuite de l'activité après la fin du bail au profit d'un descendant du preneur et que M. A... ne remplissait pas cette condition ; que dès lors, en affirmant que la Safer n'explique pas pourquoi il serait préférable que ce soit M. X... plutôt que M. A..., qui maintienne le fermier en place jusqu'à son départ en retraite, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a exactement retenu que la légalité d'une décision de préemption devait s'apprécier au jour où elle avait été prise et que l'office du juge consistait à rechercher si la motivation retenue, en considération des circonstances propres au dossier, comportait des données suffisamment concrètes pour vérifier la réalité de l'objectif allégué.

7. En deuxième lieu, elle a relevé que la décision de préemption avait été prise en réponse à la notification du notaire instrumentaire précisant que M. A... s'engageait à maintenir le fermier en place jusqu'à son départ en retraite et que la SAFER s'était substituée à l'acquéreur en visant le seul objectif d'installation, de réinstallation ou de maintien des agriculteurs et en indiquant que le projet notifié risquait de priver le preneur d'une partie importante de son exploitation.

8. Elle a retenu que la mention, dans la décision de préemption, d'un éventuel investisseur, intéressé par une acquisition des parcelles, n'apportait aucune garantie de maintien d'un agriculteur et qu'aucun élément, ni dans l'énoncé de la décision précitée, ni dans les pièces produites, ne permettait d'établir la consistance de sa motivation et de considérer que la préemption serait plus favorable à la poursuite de l'exploitation existante que l'engagement exprès de M. A... de la maintenir.

9. Elle a pu en déduire que la motivation de la préemption contestée était insuffisante au regard de l'objectif légal énoncé.

10 En troisième lieu, sans confondre l'examen des motifs de la préemption avec l'appréciation de la légalité de la rétrocession ultérieure, ni modifier l'objet du litige, la cour d'appel a, en réponse au moyen de la SAFER faisant état de l'engagement de continuation familiale du bail en cours pris par les rétrocessionnaires des parcelles, constaté que celui-ci était lui-même postérieur à la préemption, et en a exactement déduit que l'examen de la légalité de l'acquisition prioritaire revendiquée par la SAFER faisait obstacle à ce qu'elle fût validée par un motif qui ne lui était pas concomitant.

11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SAFER Auvergne-Rhône-Alpes et M. X... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SAFER Auvergne-Rhône-Alpes et de M. X... et les condamne à payer à M. A... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la SAFER Auvergne-Rhône-Alpes et M. X....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation de la décision du 22 octobre 2012 par laquelle la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auvergne a fait usage de son droit de préemption sur le projet de vente intervenu entre MM. S... et C... T... d'une part, et M. U... A... d'autre part, d'AVOIR rappelé que cette annulation redonne son plein effet au compromis de vente signé le 27 juin 2012, d'AVOIR prononcé en conséquence l'annulation de la vente conclue le 21 décembre 2012 entre MM. P... et C... T... et la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auvergne, l'annulation de la décision de rétrocession au profit des époux X..., l'annulation de la vente entre la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auvergne et les époux X... en date du 19 avril 2013, d'AVOIR ordonné la transcription de la décision à la conservation des hypothèques d'Aurillac (Cantal) et sa transcription au registre du cadastre et d'AVOIR débouté les parties de leurs autres demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le fond, selon l'article L. 143-1 1° du code rural et de la pêche maritime, l'exercice du droit de préemption des Safer a notamment pour objet, dans le cadre des objectifs définis à l'article L. 1, « L'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs » ; que si le juge judiciaire n'est pas le juge de l'opportunité de l'opération de préemption, il contrôle néanmoins le respect par la Safer des objectifs légaux qui définissent le périmètre de son intervention visant notamment à améliorer les structures foncières par l'installation ou le maintien d'exploitants agricoles ; que le notaire chargé de la vente [...] l'a notifiée à la Safer, par lettre RAR reçue le 4 septembre 2012, en précisant qu'un bail rural était en cours au bénéfice de M. E... B... pour une durée de neuf ans à compter du 11 décembre 2006 ; que dans les mêmes formes le notaire a écrit ensuite à la Safer, le 28 septembre 2012 : « M. A... me demande de porter à votre connaissance qu'il s'engage à maintenir le fermier en place jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de la retraite » ; que c'est en visant expressément le motif défini à l'article L. 143-1 1° que la Safer a notifié au notaire et à M. A... le 22 octobre 2012 l'exercice de son droit de préemption ; que la Safer a pris sa décision sur la base des éléments qui lui ont été transmis par le notaire, à savoir l'existence d'un fermier en place et la volonté de l'acquéreur de le maintenir sur l'exploitation jusqu'à son départ en retraite ; que par l'effet de sa préemption la Safer s'est substituée à M. A... dans les mêmes conditions ; qu'elle n'explique pas cependant pourquoi il serait préférable que ce soit M. D... X..., plutôt que M. U... A..., qui maintienne le fermier en place jusqu'à son départ en retraite ; que l'on ne saurait tirer argument du compte rendu du comité technique départemental du Cantal le 27 novembre 2012, retenant la candidature de M. X... au motif qu'il s'engageait à maintenir le fermier en place jusqu'à sa retraite « et à accepter une cession de bail en faveur de la descendance du fermier », alors que cette nouveauté est postérieure à la décision de préemption de la Safer où elle ne figurait pas ; qu'aucun motif valable n'est donc fourni par la Safer pour justifier son choix de rétrocession à M. D... X... au regard des dispositions de l'article L. 143-1 1° du code rural et de la pêche maritime ; que dans ces conditions, par motifs adoptés en tant que de besoin, le jugement doit être confirmé ; que sur la restitution sollicitée par la Safer, que l'annulation d'une vente entraîne automatiquement les restitutions réciproques sans qu'il soit nécessaire de prononcer condamnation de ce chef ; au demeurant l' « attestation de signature d'acquisition » produite au dossier n'est pas suffisante, faute de document bancaire ou comptable plus probant, pour justifier le prix payé par la Safer aux consorts T..., et en outre les conclusions de la Safer devant le premier juge ne contenaient pas cette demande ;

ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE sur la régularité substantielle de la décision ; qu'en application des articles L. 143-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime, il est institué au profit des Safer un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de terrains nus à vocation agricole. L'exercice de ce droit doit répondre à l'un des sept objectifs définis par la loi : qu'à peine de nullité, la Safer doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs de ces objectifs, et la porter à la connaissance des intéressés ; qu'il est constant que le juge judiciaire n'est pas le juge de l'opportunité de l'opération de préemption, mais uniquement de celui par la Safer de ses objectifs légaux consistant, notamment, à améliorer les structures foncières par l'installation ou le maintien d'exploitants agricoles. L'office du juge consiste donc à rechercher si la motivation retenue comporte des données suffisamment concrètes pour vérifier la réalité de l'objectif allégué. Ainsi, la motivation doit être circonstanciée et justifiée par des considérations de fait propres au dossier en cause ; qu'en outre, la légalité de la préemption doit s'apprécier au jour où elle a été décidée ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier que le notaire chargé de la vente a adressé à la Safer d'Auvergne, le 31 août 2012 une notification valant offre de vente des parcelles litigieuses à son profit. Cette notification a ensuite été complété par courrier du 26 septembre 2012, aux termes duquel il était précisé que M. A... s'engageait à maintenir le fermier en place jusqu'à ce que celui-ci ait atteint l'âge de la retraite ; que c'est sur la base de ces éléments qu'a été prise la décision de préempter les parcelles proposées à la vente ; qu'il résulte de la motivation ci-avant reproduite que la Safer s'est substituée à M. A... dans la vente en ne visant qu'un seul des sept objectifs légaux, celui tenant à l'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs. Elle indique en effet que le projet de vente risquait de priver le fermier en place de 40 % de son exploitation ; que M. A... s'était engagé, préalablement à la décision prise par la Safer, à « maintenir le fermier en place jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de la retraite ». Bien que les pièces concernant le projet de rachat par la époux X... n'aient pas été versées aux débats, il se déduit de la motivation de préemption retenue par la Safer que ces derniers se seraient également engagés « à maintenir le fermier en place jusqu'à sa retraite » ; que les engagements pris par M. A... et les époux X... seraient par conséquent strictement identiques sur ce point ; que pour autant, dans la motivation la Safer indique qu'elle « se doit d'intervenir afin de favoriser l'installation, la réinstallation et le maintien des agriculteurs ». Elle laisse donc entendre qu'après comparaison des deux offres, celle des époux X... serait plus favorable au maintien du fermier en place jusqu'à son départ en retraite ; qu'elle n'apporte toutefois aucun élément, ni dans la motivation de sa décision, ni dans les pièces versées aux débats, permettant de démontrer la réalité de sa motivation et, en particulier, de considérer que l'offre d'acquisition présentée par les époux X... serait plus favorable à la poursuite de l'exploitation de M. B... que celle émanant de M. A... ; que la Safer indique cependant dans ses conclusions que les époux X... se sont engagés, non seulement à maintenir le preneur en place, mais également à autoriser d'ores et déjà la cession du bail en cours au profit de son fils si celui-ci entendait reprendre l'exploitation familiale ; que le tribunal observe sur ce point qu'en l'état des pièces versées au dossier, l'engagement supplémentaire des époux X... n'apparait que devant le comité technique de la Safer, statuant sur la rétrocession des parcelles, c'est-à-dire postérieurement à la décision de préemption litigieuse. En effet, le procès-verbal de ce comité technique en date du 2 novembre 2012 indique, s'agissant des époux X..., « rétrocession d'une propriété agricole à un propriétaire bailleur s'engageant à maintenir le fermier en place jusqu'à sa retraite et à accepter une cession de bail en faveur de la descendance du fermier » ; qu'or, l'examen de la légalité de la décision de préemption doit se faire au jour où celle-ci est intervenue. A titre surabondant, il sera également observé que M. A... avait pris un engagement similaire devant le comité technique par courrier du 5 décembre 2012 ; que l'acheteur évincé offrant à la date de la préemption des garanties équivalentes aux époux X... en ce qui concerne le maintien du fermier en place, il appartenait à la Safer dans sa motivation de préemption d'invoquer des éléments complémentaires justifiant l'intérêt ou la nécessité de son intervention au regard de l'objectif visé. En l'absence de tels éléments, elle ne pouvait se contenter de la référence à un « investisseur » n'apportant qu'une garantie indirecte en faveur du maintien ou de l'installation d'un agriculteur ; que dans ces conditions la motivation retenue par la Safer est insuffisante eu égard aux objectifs légaux. Sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la motivation de la rétrocession des parcelles, il sera donc fait droit à la demande d'annulation de la préemption ;

1) ALORS QUE le contrôle juridictionnel sur les décisions de préemption prises par les Safer se limite à l'appréciation de leur légalité et de leur régularité et ne peut concerner leur opportunité en comparant la situation, l'intérêt, les mérites ou les engagements respectifs des candidats à l'attribution entre eux ou avec l'acquéreur évincé au regard de l'objectif poursuivi par la préemption ; qu'en retenant, pour annuler la décision de préemption prise par la Safer le 22 octobre 2012 que l'acheteur évincé, M. A..., offrant à la date de la préemption des garanties équivalentes aux époux X..., candidats à l'attribution, puis rétrocessionaires, en ce qui concerne le maintien du fermier en place, il appartenait à la Safer d'expliquer pourquoi il serait préférable que ce soit M. X..., plutôt que M. A..., qui maintienne le fermier en place jusqu'à son départ en retraite et qu'aucun motif valable n'est fourni par la Safer pour justifier son choix de rétrocession à M. X..., la cour d'appel, qui s'est prononcée sur l'opportunité de la décision de préemption prise par la Safer en comparant la situation et les engagements de M. A... par rapport à ceux des époux X..., a violé les articles L. 143-2, L. 143-3, L. 143-8 et R 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE la légalité de la décision de préemption prise par une Safer ne s'apprécie pas au regard des motifs justifiant la rétrocession ultérieure du bien préempté ; qu'en annulant la décision de préemption de la Safer du 22 octobre 2012 pour la seule raison qu'aucun motif valable n'était fourni pour justifier son choix de rétrocession à M. X... au regard des dispositions de l'article L. 143-1 1° du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel a violé les articles L. 143-2, L. 143-3, L. 143-8 et R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;

3) ALORS QUE lorsqu'une décision de préemption vise l'objectif d'installation, de réinstallation ou de maintien des agriculteurs, l'indication précise d'un investisseur s'engageant à maintenir le fermier en place jusqu'à sa retraite constitue une donnée concrète permettant de vérifier la réalité de l'objectif poursuivi par la préemption, sans qu'il soit besoin de préciser les mérites respectifs des potentiels candidats à l'attribution entre eux ou avec l'acquéreur évincé au regard de cet objectif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la décision de préemption de la Safer d'Auvergne du 22 octobre 2012 était justifiée, d'une part, par l'objectif d'installation, de réinstallation ou de maintien des agriculteurs et, d'autre part, par « l'existence d'un fermier en place et la volonté de l'acquéreur de le maintenir sur l'exploitation jusqu'à son départ en retraite » ; que dès lors, en retenant pour dire que la décision de préemption de la Safer était insuffisamment motivée, qu'elle n'explique pas pourquoi il serait préférable que ce soit M. X..., plutôt que M. A..., qui maintienne le fermier en place jusqu'à son départ en retraite, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 143-2, L. 143-3 et R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime ;

4) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel (cf. p. 25), la Safer et M. X... expliquaient que la Safer avait le souhait au moment de sa décision de préemption, de privilégier un attributaire qui permettrait une poursuite de l'activité après la fin du bail au profit d'un descendant du preneur et que M. A... ne remplissait pas cette condition ; que dès lors, en affirmant que la Safer n'explique pas pourquoi il serait préférable que ce soit M. X... plutôt que M. A..., qui maintienne le fermier en place jusqu'à son départ en retraite, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-22020
Date de la décision : 12/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 30 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 nov. 2020, pourvoi n°19-22020


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.22020
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