LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 novembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 823 F-D
Pourvoi n° A 19-18.269
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 NOVEMBRE 2020
M. D... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-18.269 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme I... Q..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. U... C..., domicilié [...] , agissant en qualité d'héritier de Y... K... Q... , épouse C..., décédée le [...],
3°/ à M. H... Q..., domicilié [...] ,
4°/ à l'association ATM Savoie, dont le siège est [...] , prise en qualité de tutrice de Mme J... G..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. O..., de Me Le Prado, avocat des consorts Q..., après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement
1. Il est donné acte à M. O... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'association ATM Savoie.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 avril 2019), par acte du 23 septembre 2013, M. et Mmes Q..., propriétaires des parcelles n° [...] et [...], ont assigné M. O..., propriétaire de la parcelle contiguë n° [...], en établissement d'une servitude de passage pour cause d'enclave.
3. Le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise qui a donné lieu à un rapport déposé le 21 avril 2016.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. O... fait grief à l'arrêt de constater que les parcelles appartenant aux consorts Q... sont enclavées et de fixer une servitude de passage sur la partie sud de la parcelle lui appartenant, conformément au plan préconisé par l'expert, en fixant l'indemnité qui lui sera due à la somme de 512 euros, et d'ordonner la publication de l'arrêt, alors :
« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les documents versés aux débats ; qu'il résulte du plan cadastral annexé au rapport d'expertise (p. 6) que les parcelles cadastrées section [...] et [...] appartenant aux consorts Q... bénéficient d'un accès direct à la voie publique ; qu'en affirmant que « la propriété des consorts Q... se trouve enclavée puisque les parcelles contiguës ne sont pas desservies par le chemin communal », quand seule une partie réduite du chemin communal était affectée par le caractère privatif des parcelles [...] et [...] appartenant à M. B... W... et que lesdites parcelles bénéficiaient donc d'un accès direct à la voie publique, au besoin par des aménagements, la cour d'appel a dénaturé ce plan en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°/ que n'est pas enclavé le fonds qui bénéficie d'une tolérance de passage permettant un libre accès à la voie publique tant que cet accès est maintenu ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les consorts Q... ne bénéficiaient d'une tolérance de passage sur les parcelles n° [...] et [...] appartenant à M. B... W..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
3°/ qu'un simple souci de commodité ou d'économie ne permet pas de caractériser l'insuffisance de l'issue sur la voie publique ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les travaux d'aménagement sur la parcelle [...] appartenant aux consorts Q... proposés par l'expert ne permettaient pas à ces derniers un accès suffisant à la voie publique, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 682 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, ayant relevé que l'assiette du chemin communal était fondue, en aval, dans celle de deux parcelles appartenant à un particulier et que la commune avait renoncé à acquérir celles-ci pour aménager la voirie, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de retenir l'analyse de l'expert concernant l'issue sur la voie publique, ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire, sans dénaturation du plan, que l'état d'enclave était constitué.
6. En second lieu, ayant retenu, pour la desserte du fonds des consorts Q..., le moyen le plus court et le moins dommageable pour le fonds servant, tel qu'il était proposé par le technicien conformément à la configuration des lieux, elle a souverainement fixé l'assiette et le tracé de la servitude grevant la parcelle de M. O... et l'indemnité due à celui-ci.
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. O... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. O....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif d'AVOIR constaté que les parcelles [...] et [...] sur la commune de [...] appartenant aux consorts Q... sont enclavées et, en conséquence d'AVOIR fixé une servitude de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée [...] , pour une assiette de 39 m², parcelle appartenant à M. O..., lieudit [...] sur la commune de [...] (fonds servant) au profit de la parcelle [...] (fonds dominant), appartenant aux consorts Q..., conformément au plan préconisé par l'expert S... dans son rapport du 18 avril 2016, en page 12 en fixant l'indemnité qui sera due à M. O... à la somme de 512 € et d'AVOIR ordonné la publication de l'arrêt à intervenir à la Conservation des hypothèques ;
AUX MOTIFS QU'au cas d'espèce, l'expert précise que la propriété des consorts Q... est située à l'Est du hameau [...] auquel on accède par un chemin communal carrossable depuis la route départementale N°1090 ; qu'il précise qu'à l'entrée du hameau le chemin communal se divise en deux voies, une qui dessert par le haut le Nord du hameau, et une autre qui dessert par le bas le Sud du hameau et qui se prolonge jusqu'au hameau [...] sur la commune de [...] ;que l'acte de propriété des consorts Q... ne permet pas de consacrer l'existence d'un droit de passage ; que l'expert souligne que l'analyse de l'ancien cadastre fait ressortir que le hameau [...] n'était à l'origine, depuis 1905, desservi depuis la route nationale 90 que par un chemin muletier qui traversait le village et allait jusqu'à l'abreuvoir ; que les chemins communaux tels que décrits ci-dessus ont été réalisés par la commune de [...] en 1975 et 1976 ; que l'expert note que sur la propriété Q... est édifiée une construction ancienne sur trois niveaux à usage d'habitation en bon état d'entretien ; qu'il s'agit d'une ancienne ferme qui a été réaménagée et qui n'a plus de fonction agricole ; qu'il ajoute que la propriété de M. O... n° [...] est un pré à usage agricole ; que l'expert, dans son descriptif des lieux, souligne que :
- le chemin situé au Nord du hameau dont la pente maximum est de 19 % s'arrête à la propriété de M. O... et ne dessert pas la propriété des consorts Q...,
- le chemin situé au Sud du hameau et dont la pente est nulle, dessert la propriété des consorts Q... au niveau de la fontaine,
- il existe aussi un chemin rural piétonnier dit " [...]"
qui dessert le bas du hameau et qui longe la propriété des consorts Q... ;
que l'expert conclut que la propriété des consorts Q... possède un accès direct à la voie publique au niveau de la fontaine sur la parcelle [...] et tout le long du chemin de [...] et que le chemin communal situé en contrebas est parfaitement carrossable ; que l'expert soutient que le passage en aval qu'il décrit correspond à un chemin communal qui traverse les parcelles [...] et [...] ; Qu'il note que M. W..., propriétaire de ces parcelles les aurait vendues à la commune mais qu'une erreur affectant l'acte serait en cours de régularisation ; que l'information transmise à l'expert n'est plus d'actualité ; Qu'en effet, suivant courrier en date du 27 juin 2016, M. P..., maire de [...] précise qu'après vérifications des matrices cadastrales, les parcelles [...] et [...] appartiennent à M. B... W... et que, par conséquent, la commune ne peut pas envisager de travaux sur ces parcelles ; Que par courrier du 12 février 2018, le maire indique que la commune n'a pas le projet d'acquérir les parcelles [...] et [...] appartenant à M. W... qui n'est pas vendeur ; que l'analyse de l'expert qui soutient que le chemin communal du bas dessert la propriété Q... ne peut être retenue, le chemin étant amputé de deux parcelles appartenant à un particulier ; qu'en conséquence, la propriété des consorts Q... se trouve enclavée puisque les parcelles contiguës ne sont pas desservies par le chemin communal contrairement aux conclusions de l'expert, une partie du chemin appartenant à un particulier ; que le jugement sera réformé sur ce point et que l'état d'enclave sera retenu ; que l'expert ajoute dans son rapport que « s'il est exact que le chemin communal qui dessert l'amont du village se poursuit et permet la desserte de la propriété des Consorts Q... à travers la parcelle [...], il est évident que si la propriété des Consorts Q... n'était pas desservie par ailleurs, ce serait le moyen le plus court et le moins dommageable pour sa desserte»; qu'il s'agit du moyen le plus court, le moins dommageable et le moins onéreux pour desservir la propriété Q... ; qu'en conséquence, il y a lieu de créer une servitude de passage sur la parcelle [...] appartenant à M. O... qui occupera une surface de 39 m² ; que l'indemnité qui sera due à M. O... sera fixée à la somme de 512 €, la Cour adoptant le calcul fait par l'expert selon la méthode Bottinni ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents versés aux débats ; qu'il résulte du plan cadastral annexé au rapport d'expertise (p. 6) que les parcelles cadastrées section [...] et [...] appartenant aux consorts Q... bénéficient d'un accès direct à la voie publique ; qu'en affirmant que « la propriété des consorts Q... se trouve enclavée puisque les parcelles contiguës ne sont pas desservies par le chemin communal », quand seule une partie réduite du chemin communal était affectée par le caractère privatif des parcelles [...] et [...] appartenant à M. B... W... et que lesdites parcelles bénéficiaient donc d'un accès direct à la voie publique, au besoin par des aménagements, la cour d'appel a dénaturé ce plan en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°) ALORS QUE n'est pas enclavé le fonds qui bénéficie d'une tolérance de passage permettant un libre accès à la voie publique tant que cet accès est maintenu ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les consorts Q... ne bénéficiaient d'une tolérance de passage sur les parcelles n° [...] et [...] appartenant à M. B... W..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
3°) ALORS QU'un simple souci de commodité ou d'économie ne permet pas de caractériser l'insuffisance de l'issue sur la voie publique ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les travaux d'aménagement sur la parcelle [...] appartenant aux consorts Q... proposés par l'expert ne permettaient pas à ces derniers un accès suffisant à la voie publique, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 682 du code civil.