La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2020 | FRANCE | N°19-22240

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 novembre 2020, 19-22240


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 780 F-D

Pourvoi n° S 19-22.240

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

Mme E... P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° S 19-22.24

0 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. B... N..., entrepreneur ind...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 780 F-D

Pourvoi n° S 19-22.240

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

Mme E... P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° S 19-22.240 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. B... N..., entrepreneur individuel, domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de Mme P..., de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. N..., après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 6 juin 2019), Mme P... a confié la maîtrise d'oeuvre complète de la construction d'une maison d'habitation à M. N....

2. Se plaignant de désordres, après réception, Mme P... a, après expertise, assigné M. N... en indemnisation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme P... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre M. N..., alors :

« 1°/ qu'en écartant la responsabilité contractuelle de M. N..., architecte, cependant qu'elle constatait qu'il assistait Mme P..., maître de l'ouvrage, lors de la réception de l'ouvrage et que des désordres et malfaçons apparents n'avaient pas fait l'objet de réserves lors de la réception, motif pris que précisément, en l'absence de réserves, les désordres et malfaçons apparents étaient couverts par la réception et ne pouvaient donc relever que des garanties légales dues par les constructeurs, leurs conditions d'application n'étant toutefois pas réunies en l'espèce, en l'absence d'atteinte au bon fonctionnement des éléments d'équipement et à la solidité ou à la destination de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 dudit code ;

2°/ qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si M. N..., architecte, tenu d'assister et de conseiller le maître de l'ouvrage lors de la réception, avait informé ce dernier des conséquences d'une réception sans réserves, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 dudit code ;

3°/ qu'en écartant la responsabilité contractuelle de M. N..., architecte, dont elle relevait qu'il avait commis une faute en indiquant à Mme P... qu'il convenait de lever des réserves et payer les entrepreneurs devant reprendre les désordres réservés, sans s'assurer de ladite reprise, au seul motif qu'il n'était pas démontré que ce conseil inadapté fût à l'origine du retard dans l'exécution des travaux de reprise des désordres réservés, « dont certains ont été exécutés en cours d'expertise », étant rappelé que la garantie de parfait achèvement n'est due que par les entreprises, quand Mme P... se prévalait du préjudice de jouissance qu'elle allait subir non pas au titre d'un retard mais à raison même de l'exécution des travaux restant à effectuer (6 jours pour la plomberie, 7 jours pour l'enduit de la murette et 15 jours pour la réfaction du carrelage du balcon), la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter le bien-fondé de la demande dont elle était saisie, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 dudit code. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a constaté que les désordres des appuis de fenêtres, du receveur de douche et l'absence de « goutte d'eau » sur le carrelage du balcon étaient apparents et n'avaient pas fait l'objet de réserves au moment de la réception et que l'enduit d'un muret extérieur avait été dégradé accidentellement par un électricien.

5. Elle a relevé que Mme P... invoquait les fautes contractuelles du maître d'œuvre pour avoir manqué à son obligation de surveillance des travaux et donné des conseils erronés pour la levée des réserves.

6. Elle a souverainement retenu que Mme P... ne démontrait pas que les conseils inadaptés du maître d'oeuvre étaient à l'origine du retard dans l'exécution des travaux de reprise des désordres.

7. Elle a pu retenir, sans être tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, que la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre ne pouvait pas être engagée.

8. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme P...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Madame P... de ses demandes dirigées contre Monsieur N... ;

AUX MOTIFS QUE Madame P... recherche la responsabilité de Monsieur N... sur le fondement contractuel en lui reprochant d'avoir manqué à ses obligations de maître d'oeuvre en ne surveillant pas le chantier de manière satisfaisante et en lui ayant prodigué des conseils erronés ; qu'il est constant que Monsieur N... a reçu de Madame P... une mission de maîtrise d'oeuvre complète incluant la surveillance des travaux et la vérification de leur conformité avec le permis de construire; que Monsieur N... s'est acquitté de cette mission puisqu'il a, pour chacune des entreprises concernées par le chantier, assisté Madame P... lors des opérations de réception du 5 décembre 2011 en dressant, pour chacune d'elles, un procès-verbal listant de manière précise les désordres à reprendre dans le cadre de leur garantie de parfait achèvement tout en leur fixant un délai pour exécuter ces reprises; que l'expert a constaté que ces réserves portaient essentiellement sur des finitions et qu'aucun des désordres en cause ne portait atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à sa destination (rapport p. 7) ; qu'avant la levée des réserves, la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement, laquelle n'est due que par le seul entrepreneur ; qu'en l'occurrence, l'expert a constaté que la plupart des désordres objets des réserves avait été repris en cours d'expertise et que ne subsistaient que les malfaçons suivantes : en premier lieu, les appuis de fenêtres différents d'une fenêtre à l'autre, en deuxième lieu, deux « chevelus » anormaux affectant le receveur de douche, en troisième lieu, l'enduit de murette dégradé et, en quatrième lieu, l'absence de « goutte d'eau » sur le carrelage du balcon; qu'il convient d'examiner successivement chacun de ces désordres ; qu'en premier lieu, s'agissant des appuis de fenêtres, l'expert a constaté (rapport p. 7) que ces appuis sont différents d'une fenêtre à l'autre, les uns ayant des bords arrondis d'autres des bords droits, ce qui n'est pas esthétique visuellement ; que ce désordre, qui était apparent à la réception, ne figure pas au rang des réserves sur le procès-verbal de réception du lot maçonnerie; que, dès lors et en l'état de la réception intervenue, les conséquences matérielles de ce désordres ne sont susceptibles de relever que de la garantie décennale du constructeur, à l'exclusion du régime de la responsabilité contractuelle; que, s'agissant d'un désordre purement esthétique ne compromettant ni la solidité de l'ouvrage ni sa destination, la garantie décennale n'a pas vocation à être mobilisée ; qu'en deuxième lieu, s'agissant du receveur de douche, il s'agit là d'un mobilier sanitaire dont l'expert a relevé qu'il était affecté de deux « chevelus » anormaux dans la faïence (rapport p. 6 et 7); que ce désordre n'est pas mentionné au rang des réserves sur le procès-verbal de réception du 5 décembre 2011 relatif au lot sanitaire; que, dès lors, ce désordre se trouve couvert par la réception et ses conséquences matérielles ne peuvent que relever de la garantie du constructeur, à l'exclusion du régime de la responsabilité contractuelle; que l'expert a relevé que ce désordre ne compromet ni le bon fonctionnement de cet élément d'équipement ni sa solidité; qu'il s'ensuit que la garantie biennale de l'article 1792-3 du code civil pas plus que la garantie décennale de l'article 1792 du même code n'ont vocation à s'appliquer ; qu'en troisième lieu, s'agissant de la dégradation de l'enduit d'un muret extérieur, l'expert explique (rapport p. 7) que cet enduit a été dégradé accidentellement par un électricien; que Mme P... admet, dans son courrier du 11 janvier 2014 adressé à Monsieur N..., que ce désordre n'entre pas dans le cadre du marché de travaux; que la responsabilité contractuelle de Monsieur N... ne saurait s'étendre aux conséquences d'une dégradation accidentelle imputable à une entreprise intervenant sur le chantier ; qu'en quatrième lieu, s'agissant de l'absence de « goutte d'eau » sur le carrelage du balcon, l'expert a considéré que ce désordres était imputable à parts égales à Monsieur N... (défaut de conception) et au carreleur (malfaçon) ; que toutefois ce désordre n'a pas fait l'objet d'une réserve et se trouve donc couvert par la réception du 5 décembre 2011 ; que ne compromettant ni la solidité de l'ouvrage, ni sa destination, ses conséquences matérielles ne sont pas susceptibles de relever de la garantie décennale du constructeur ; qu'il s'ensuit que Madame P... ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice matériel au titre des désordres précités sur le fondement de la responsabilité contractuelle de Monsieur N... ; que Monsieur N... a prodigué des conseils inadaptés à Madame P... en lui expliquant à tort (courrier du 12 janvier 2013) que les réserves devaient obligatoirement être levées dans l'année de la garantie de parfait achèvement ; que celle-ci a levé les réserves dès le 24 août 2012 et payé l'ensemble des travaux, alors même que certains désordres réservés n'avaient pas été repris; que, pour autant, il n'est pas démontré que ce conseil inadapté soit à l'origine du retard dans l'exécution des travaux de reprise des désordres réservés, dont certains ont été exécutés en cours d'expertise, étant ici rappelé que la garantie de parfait achèvement n'est due que par les entreprises; que Madame P... ne peut prétendre à l'indemnisation par Monsieur N... d'un préjudice de jouissance à ce titre sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que la responsabilité contractuelle de Monsieur N... n'étant pas engagée pour les motifs précités, Madame P... ne peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral ;

1°) ALORS QU'en écartant la responsabilité contractuelle de Monsieur N..., architecte, cependant qu'elle constatait qu'il assistait Madame P..., maître de l'ouvrage, lors de la réception de l'ouvrage et que des désordres et malfaçons apparents n'avaient pas fait l'objet de réserves lors de la réception, motif pris que précisément, en l'absence de réserves, les désordres et malfaçons apparents étaient couverts par la réception et ne pouvaient donc relever que des garanties légales dues par les constructeurs, leurs conditions d'application n'étant toutefois pas réunies en l'espèce, en l'absence d'atteinte au bon fonctionnement des éléments d'équipement et à la solidité ou à la destination de l'ouvrage, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1147 du Code civil, devenu l'article 1231-1 dudit Code ;

2°) ALORS QU'en statuant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si Monsieur N..., architecte, tenu d'assister et de conseiller le maître de l'ouvrage lors de la réception, avait informé ce dernier des conséquences d'une réception sans réserves, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, devenu l'article 1231-1 dudit Code ;

3°) ALORS QU'en écartant la responsabilité contractuelle de Monsieur N..., architecte, dont elle relevait qu'il avait commis une faute en indiquant à Madame P... qu'il convenait de lever des réserves et payer les entrepreneurs devant reprendre les désordres réservés, sans s'assurer de ladite reprise, au seul motif qu'il n'était pas démontré que ce conseil inadapté fût à l'origine du retard dans l'exécution des travaux de reprise des désordres réservés, « dont certains ont été exécutés en cours d'expertise », étant rappelé que la garantie de parfait achèvement n'est due que par les entreprises, quand Madame P... se prévalait du préjudice de jouissance qu'elle allait subir non pas au titre d'un retard mais à raison même de l'exécution des travaux restant à effectuer (6 jours pour la plomberie, 7 jours pour l'enduit de la murette et 15 jours pour la réfaction du carrelage du balcon), la Cour, qui a statué par des motifs impropres à écarter le bien-fondé de la demande dont elle était saisie, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, devenu l'article 1231-1 dudit Code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-22240
Date de la décision : 05/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 06 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 nov. 2020, pourvoi n°19-22240


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.22240
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award