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05/11/2020 | FRANCE | N°19-20728

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 novembre 2020, 19-20728


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1149 F-D

Pourvoi n° Y 19-20.728

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

M. G... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-20.7

28 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1149 F-D

Pourvoi n° Y 19-20.728

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

M. G... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-20.728 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

2°/ à la société Mutuelles du Mans assurances IARD, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. B..., de Me Le Prado, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et Mutuelles du Mans assurances IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 2 mai 2019), le 3 mars 1983, M. B... a souscrit auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles (l'assureur) un contrat de prévoyance, dont une garantie comportait le versement d'une rente en cas d'invalidité.

2. Ayant découvert, plusieurs années plus tard, qu'il avait été contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) lors d'une transfusion sanguine en 1985, il a obtenu le bénéfice de la garantie souscrite.

3. Toutefois, par lettre du 5 mars 2015, l'assureur lui a indiqué que la rente invalidité cesserait de lui être versée le 3 mars 2017, en vertu d'une clause du contrat stipulant que les garanties « cessent de produire leurs effets à la fin de l'année d'assurance au cours de laquelle l'assuré atteint l'âge de soixante-cinq ans ».

4. Contestant l'opposabilité de cette clause, M. B... a assigné l'assureur afin d'obtenir la poursuite de la garantie jusqu'au terme du contrat, fixé au 1er mars 2060.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. B... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à lui déclarer inopposables les conditions spéciales et générales du contrat d'assurance en date du 3 mars 1983 et à dire que le versement de la rente invalidité due par la société MMA IARD au titre de ce contrat se poursuivra jusqu'au 1er mars 2060, alors « que l'assureur ne peut opposer à l'assuré une clause du contrat d'assurance qu'à la condition que ce dernier en ait eu connaissance et ait été mis en mesure de l'accepter ; que la clause de renvoi à des documents non signés par l'assuré ne peut établir que ces documents ont été portés à la connaissance de l'assuré lors de la souscription du contrat qu'à la condition de stipuler que ces écrits lui ont été remis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les conventions spéciales n° 484 avaient nécessairement été remises à M. B... lors de la signature des conditions personnelles n° 192, du fait du renvoi par ce document à ces conventions spéciales, que M. B... ne pouvait ignorer (...) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que, selon les propres constatations de l'arrêt, la clause de renvoi se bornait à rappeler la composition du contrat, sans indiquer que l'assuré avait eu communication des conventions spéciales ou que ce document lui avait été remis lors de la souscription, la cour d'appel a violé l'article L. 112-2 du code des assurances et l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, devenu l'article 1103 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1103 du même code :

6. Il se déduit de ce texte qu'une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.

7. Pour dire opposable à M. B... la clause limitant la durée de la garantie souscrite et le débouter de sa demande tendant à la poursuite de cette garantie au-delà du 3 mars 2017, l'arrêt relève qu'en signant les conditions personnelles n° 192 du contrat d'assurance dénommé « plan évolutif d'assurances corporelles », l'intéressé a coché la mention par laquelle il proposait à l'assureur de contracter une assurance conformément au contrat dont la composition, indiquée en regard, mentionnait, outre les conditions générales, les conventions spéciales n° 484, au sein desquelles figure la clause de limitation de garantie litigieuse.

8. L'arrêt en déduit que ces conventions spéciales n° 484, dont M. B... ne pouvait ignorer qu'elles sont une partie intégrante du contrat compte tenu du renvoi qui y est fait, lui ont été nécessairement remises lors de la signature des conditions personnelles n° 192 et que, par conséquent, les stipulations qui y figurent lui sont opposables.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que le contenu desdites conventions spéciales n° 484 avait été porté à la connaissance de M. B..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société MMA IARD assurances mutuelles et la société MMA IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MMA IARD assurances mutuelles et la société MMA IARD et les condamne in solidum à payer à M. B... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. B...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. B... de ses demandes tendant à lui déclarer inopposables les conditions spéciales et générales du contrat d'assurance en date du 3 mars 1983 et à dire que le versement de la rente invalidité due par la société MMA IARD à M. B... au titre de ce contrat se poursuivra jusqu'au 1er mars 2060 ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, il est établi et non contesté que le seul document revêtu de la signature de M. B... est le document intitulé « plan évolutif d'assurances corporelles Adhésion-Avenant Conditions personnelles nº192 » ; que la signature figurant en page 1 est précédée des mentions suivantes :« Le souscripteur soussigné :
- reconnaît avoir été informé (conformément à l'article 27 de la loi du 06.01.78) du caractère obligatoire des réponses faites aux présentes Conditions personnelles, ainsi que des sanctions prévues par les articles L. 13-8 (nullité des contrats) et L.113-9 (réduction des indemnités) du code des assurances, en cas de réticence, fausse déclaration intentionnelle, omission ou déclaration inexacte,
- certifie que les réponses faites par lui sont, à sa connaissance, exactes,
- déclaré adhérer aux statuts de la Mutuelle générale française accidents et de la Mutuelle Générale Française Vie dont un exemplaire du texte entier lui a été remis,
./...
- propose à la Mutuelle générale française accidents et à la Mutuelle Générale Française Vie de contracter une assurance conformément aux présentes conditions personnelles ainsi qu'au contrat dont la composition est indiquée ci-contre,
./...
Le présent contrat est souscrit pour la durée actuelle de la société, soit jusqu'au 1er mars 2060, avec possibilité, après une première année d'assurance, de le résilier, chaque année, à la date de l'échéance anniversaire de la cotisation. » ; que sur cette première page figurent également à gauche du paragraphe énoncé ci-dessus les mentions suivantes :
« Conditions générales nº 192
Conventions spéciales et clauses particulières
Référence
CP 488
CS 484 » ;
que le document signé par M. B... que sont les conditions personnelles nº192 prévoit expressément que le contrat est souscrit jusqu'au 1er mars 2060 ; qu'il est admis que la clause qui prévoit que la fin de garantie du contrat dans l'année suivant le 65ème anniversaire figure dans les conventions spéciales nº484 a, page 17, article I 22, dans les termes suivants : « Les garanties et le service des prestations, à l'exception de la faculté de transformation du capital 'invalidité permanente consécutive à un accident' en rente qui ne peut intervenir au-delà de 60 ans, cessent de produire leurs effets à la fin de l'année d'assurance au cours de laquelle l'assuré atteint l'âge de soixante-cinq ans. » ; qu'il est mentionné sur la première page des conventions spéciales que ce document constitue une annexe à un contrat nº192 ; que lors de la signature des conditions personnelles du contrat nº192, M. B... a coché la case par laquelle il proposait à l'assureur de contracter une assurance conformément aux présentes conditions personnelles ainsi qu'au contrat dont la composition est indiquée ci-contre, laquelle comprenait le renvoi à la mention composition du contrat portant référence notamment des Conditions générales nº192 et des conventions spéciales nº484 a ; que le document intitulé « conditions personnelles » énoncent les déclarations de la personne à assurer, les conditions diverses, les garanties souscrites ; qu'il se déduit de ces éléments que les conventions spéciales nº484 qui font partie intégrante du contrat, ce que M. B... ne pouvait ignorer du fait du renvoi cidessus évoqué, lui ont été nécessairement remises lors de la signature des conditions personnelles nº192 ; que dès lors, M. B... a eu connaissance des conditions particulières contenues dans les conventions spéciales 484 , dès la souscription du contrat, prévoyant la cessation de la garantie la clause de limitation de durée de la garantie à la fin de l'année d'assurance au cours de laquelle il a atteint l'âge de soixante-cinq ans ; que les stipulations figurant aux conventions spéciales sont par conséquent opposables à M. B... qui doit être débouté, en conséquence, de sa demande de poursuite de la garantie due par les Mutuelles du Mans Assurances IARD relative au versement d'une rente invalidité, qui a cessé au 3 mars 2017 (arrêt, p. 4 et 5) ;

1°) ALORS QUE l'assureur ne peut opposer à l'assuré une clause du contrat d'assurance qu'à la condition que ce dernier en ait eu connaissance et ait été mis en mesure de l'accepter ; que la clause de renvoi à des documents non signés par l'assuré ne peut établir que ces documents ont été portés à la connaissance de l'assuré lors de la souscription du contrat qu'à la condition de stipuler que ces écrits lui ont été remis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les conventions spéciales n°484 avaient nécessairement été remises à M. B... lors de la signature des conditions personnelles n°192, du fait du renvoi par ce document à ces conventions spéciales, que M. B... ne pouvait ignorer (arrêt, p. 5) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que, selon les propres constatations de l'arrêt, la clause de renvoi se bornait à rappeler la composition du contrat, sans indiquer que l'assuré avait eu communication des conventions spéciales ou que ce document lui avait été remis lors de la souscription, la cour d'appel a violé l'article L. 112-2 du code des assurances et l'article 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, devenu l'article 1103 du même code ;

2°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, l'assureur ne peut opposer à l'assuré une clause du contrat d'assurance qu'à la condition que ce dernier en ait eu connaissance et ait été mis en mesure de l'accepter ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. B... avait sollicité, par lettre du 12 octobre 2006 la communication des exemplaires originaux des contrats souscrits auprès de la compagnie MMA ainsi que de leurs conditions particulières, et s'il en résultait qu'il n'avait pas eu connaissance des documents mentionnés dans le seul écrit signé de sa main lors de la souscription, à savoir les conditions personnelles n°192 du contrat « Plan évolutif d'assurances corporelles », lors de la souscription du contrat ou même avant la réalisation du sinistre, de sorte qu'ils lui étaient inopposables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-2 du code des assurances et l'article 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, devenu l'article 1103 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-20728
Date de la décision : 05/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 02 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 nov. 2020, pourvoi n°19-20728


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20728
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