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05/11/2020 | FRANCE | N°19-18636

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 novembre 2020, 19-18636


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 789 F-D

Pourvoi n° Z 19-18.636

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

1°/ la société [...] , société à responsabilité

limitée,

2°/ la société [...], société par actions simplifiée,

toutes deux ayant leur siège [...] ,

ont formé le pourvoi n° Z 19-18.636 contre l'a...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 789 F-D

Pourvoi n° Z 19-18.636

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

1°/ la société [...] , société à responsabilité limitée,

2°/ la société [...], société par actions simplifiée,

toutes deux ayant leur siège [...] ,

ont formé le pourvoi n° Z 19-18.636 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2019 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. N... O..., domicilié [...] ,

2°/ à M. P... G..., domicilié [...] ,

3°/ à Mme F... V..., domiciliée [...] ,

4°/ à M. Y... J..., domicilié [...] ,

5°/ à la société Alençon distribution, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

6°/ à la société Le Point d'Alençon, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

7°/ à la société Alençon ouest, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

8°/ à la société de Haute Eclaire, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

9°/ à M. A... O..., domicilié [...] ,

10°/ à M. R... O..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat des sociétés [...] et [...], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. N... O..., M. G... et de Mme V..., de la SCP L. Poulet-Odent, avocat des sociétés Alençon distribution et Le Point d'Alençon, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat des sociétés Alençon ouest et de Haute Eclaire et de MM. A... et R... O..., après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société [...] et à la société [...] (les sociétés [...]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. J.... Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 23 avril 2019), les sociétés [...] ont obtenu les autorisations administratives nécessaires à la réalisation d'une zone d'activités commerciales, d'habitations et de loisirs.

3. Plusieurs recours ont été introduits contre ces autorisations, lesquels ont, pour la plupart, donné lieu à des désistements, ont été déclarés irrecevables ou ont été rejetés.

4. Estimant que ces recours étaient abusifs, le groupe [...] a assigné MM. N..., A... et R... O..., la société Alençon ouest, la SCI de Haute Eclaire, M. J..., la SCI Alençon distribution, la SCI Le Point d'Alençon, M. G... et Mme V... en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, en ce qu'il est dirigé contre le rejet des demandes formées à l'encontre de MM. A... et R... O..., de Mme V..., de M. G... et des sociétés Alençon distribution et Le point d'Alençon, pris en ses première, deuxième, troisième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

6. Les sociétés [...] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de MM. A... et R... O..., de Mme V..., de M. G... et des sociétés Alençon distribution et Le Point d'Alençon, alors :

« 1°/ que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'en retenant néanmoins que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus et ne peut donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreurs grossières équipollentes au dol, puis en se fondant sur l'absence de démonstration d'une erreur grossière équipollente au dol ou d'une intention de nuire de MM. A... et R... O..., de Mme V..., de M. G..., de la SCI Alençon distribution, et de la SCI Le point d'Alençon, pour rejeter les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive formées à leur encontre par les sociétés [...] et [...] , la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher si, indépendamment de la faute commise par la SCI Alençon ouest dans l'exercice de son droit d'appel, MM. A... et R... O..., anciens co-gérants de la société du Beau voir, n'avaient pas eux-mêmes commis une faute en engageant un recours au nom de la SCI Alençon ouest dont ils avaient perdu le contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ que la faculté ouverte au juge administratif par l'article R. 741-12 du code de justice administrative d'infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende, constitue un pouvoir propre du juge, de sorte que des conclusions présentées par une partie tendant à la condamnation d'une autre partie au versement d'une amende pour recours abusif sont irrecevables ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive des sociétés [...] et [...] , que les dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative auraient autorisé celles-ci à solliciter, dans le cadre des recours administratifs litigieux, la condamnation de leurs auteurs au paiement d'une amende pour recours abusif, mais qu'elles s'étaient abstenues de le faire, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil et R. 741-12 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable en la cause ;

6°/ que les demandes reconventionnelles formées devant le juge administratif, tendant à la condamnation de l'auteur d'un recours pour excès de pouvoir à des dommages-intérêts pour procédure abusive, sont irrecevables ; qu'il n'est fait exception à ce principe, en application de l'article L. 600-7 du code de justice administrative entré en vigueur le 19 août 2013, que lorsque le recours est dirigé contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ; qu'en se fondant néanmoins, pour rejeter les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive formées par les sociétés [...] et [...] contre Mme V..., M. G... et la SCI Alençon distribution, sur la circonstance qu'elles n'avaient pas fait valoir devant la juridiction administrative que les recours qu'ils avaient exercés étaient abusifs, cependant que des conclusions reconventionnelles présentées en ce sens auraient été irrecevables, l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme n'étant pas applicable dans le temps ou en raison de la nature des décisions attaquées, la cour d'appel a violé cette disposition dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

7°/ que le désistement d'une demande au titre des frais irrépétibles ne fait nullement obstacle à la présentation d'une demande indemnitaire pour procédure abusive, qui a un objet distinct ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter les demandes des sociétés [...] et [...] contre Mme V... et la SCI Alençon distribution, que la société [...] s'était désistée des demandes reconventionnelles qu'elle avait formées dans le cadre des recours administratifs exercés par celles-ci et dont elles s'étaient elles-mêmes désistées, cependant que lesdites demandes reconventionnelles tendaient au versement de sommes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de sorte que le désistement de la société [...] de celles-ci ne lui interdisait nullement d'agir devant le juge judiciaire en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive contre les auteurs des recours administratifs litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a relevé que MM. A... et R... O... n'étaient pas les auteurs des recours formés contre le permis d'aménager du 27 juillet 2012, l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013 et l'autorisation d'exploitation commerciale du 23 juillet 2008 et que, si M. A... O... était associé de la société Alençon ouest, auteur des deux premiers recours, et M. R... O... associé gérant de la société de Haute Eclaire, auteur du troisième recours, il n'était pas démontré à leur encontre un acte personnel pouvant constituer une faute délictuelle.

8. Elle a, en outre, constaté que l'activité de Mme V..., auteur de trois recours, recoupait la zone de chalandise concernée par le projet des sociétés [...] et que la requérante ne disposait pas de l'assise financière et logistique pour s'attaquer à un groupe de la taille des sociétés [...].

9. Elle a, encore, retenu que les sociétés [...] n'apportaient aucun élément de preuve de leurs allégations selon lesquelles M. G..., auteur de deux recours, aurait agi en tant qu' « homme de paille » des consorts O... et qu'elles ne démontraient pas l'exercice d'une quelconque pression ou d'une manoeuvre de sa part, pas plus que d'une faute n'était commise par la société Le Point d'Alençon, auteur d'un recours.

10. Elle a, enfin, relevé que l'un des deux recours formés par la société Alençon distribution avait prospéré et que cette société justifiait pour l'autre d'un intérêt à contester une autorisation d'équipement commercial délivrée à l'intérieur de sa zone de chalandise.

11. Procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par le moyen.

Mais sur le premier moyen, en ce qu'il est dirigé contre le rejet des prétentions formées contre les sociétés Alençon ouest et de Haute Eclaire, pris en ses première, quatrième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

12. Les sociétés [...] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre des sociétés Alençon ouest et de Haute Eclaire, alors :

« 1°/ que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'en retenant néanmoins que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus et ne peut donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreurs grossières équipollentes au dol, puis en se fondant sur l'absence de démonstration d'une erreur grossière équipollente au dol ou d'une intention de nuire de la SCI Alençon ouest et de la SCI de Haute éclaire pour rejeter les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive formées à leur encontre par les sociétés [...] et [...] , la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ que les demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de l'auteur d'un recours pour excès de pouvoir à des dommages-intérêts pour procédure abusive sont irrecevables ; qu'il n'est fait exception à ce principe, en application de l'article L. 600-7 du code de justice administrative entré en vigueur le 19 août 2013, que lorsque le recours est dirigé contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ; qu'en se fondant néanmoins, pour rejeter la demande des sociétés [...] et [...] contre la SCI Alençon ouest, sur la circonstance que la société [...] n'avait formé aucune demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive dans le cadre des recours administratifs exercés par la SCI Alençon ouest, cependant que des conclusions reconventionnelles présentées en ce sens auraient été irrecevables dans le cadre du recours contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013, l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme n'étant pas applicable en raison de la nature de la décision attaquée, la cour d'appel a violé cette disposition et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

5°/ que l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction entrée en vigueur le 19 août 2013, qui permet, dans des conditions strictement définies, au bénéficiaire d'un permis de construire de solliciter, devant le juge administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre ce permis, des dommages-intérêts contre l'auteur du recours, n'a ni pour objet ni pour effet d'écarter la compétence de droit commun du juge judiciaire pour indemniser, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, le préjudice subi du fait d'un recours abusif ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande des sociétés [...] et [...] contre la SCI Alençon ouest, que la société [...] n'avait formé aucune demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive dans le cadre des recours administratifs exercés par celle-ci, quand cette circonstance ne faisait nullement obstacle à ce que les sociétés [...] et [...] saisissent ultérieurement le juge judiciaire d'une action tendant à la réparation de leur préjudice résultant de l'abus de procédure commis par la société Alençon ouest, la cour d'appel a violé les articles L. 600-7 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable en la cause, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

6°/ que les demandes reconventionnelles formées devant le juge administratif, tendant à la condamnation de l'auteur d'un recours pour excès de pouvoir à des dommages-intérêts pour procédure abusive, sont irrecevables ; qu'il n'est fait exception à ce principe, en application de l'article L. 600-7 du code de justice administrative entré en vigueur le 19 août 2013, que lorsque le recours est dirigé contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ; qu'en se fondant néanmoins, pour rejeter les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive formées par les sociétés [...] et [...] contre la SCI de Haute éclaire, sur la circonstance qu'elles n'avaient pas fait valoir devant la juridiction administrative que les recours qu'ils avaient exercés étaient abusifs, cependant que des conclusions reconventionnelles présentées en ce sens auraient été irrecevables, l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme n'étant pas applicable dans le temps ou en raison de la nature des décisions attaquées, la cour d'appel a violé cette disposition dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 :

13. En application des dispositions du premier de ces textes, toute faute dans l'exercice des voies de droit, même dépourvue d'intention de nuire, est de nature à engager la responsabilité de son auteur.

14. En application des dispositions combinées de ces textes, si, par dérogation au principe selon lequel des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur soit condamné au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ne sont pas recevables dans une instance en annulation pour excès de pouvoir, le bénéficiaire d'un permis de construire peut solliciter, devant le juge administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre ce permis, des dommages-intérêts contre l'auteur du recours, cette faculté, qui n'est ouverte que dans des conditions strictement définies, ne fait pas obstacle à ce qu'une demande de dommages-intérêts soit ultérieurement formée devant le juge judiciaire sur le fondement du droit commun pour indemniser le préjudice subi du fait d'un recours abusif, sous la seule réserve que ne soit pas indemnisé deux fois le même préjudice.

15. Pour rejeter les demandes des sociétés [...] à l'encontre des sociétés Alençon ouest et de Haute Eclaire, l'arrêt retient que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus et ne peut donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, que l'erreur grossière ou l'intention de nuire de la société Alençon ouest n'est pas caractérisée et qu'aucun élément ne permet de démontrer l'intention malveillante de la société de Haute Eclaire.

16. L'arrêt ajoute que les sociétés [...], dans les instances introduites par la société Alençon ouest, n'ont pas formé de demande reconventionnelle pour procédure abusive devant les juridictions administratives, alors que celles-ci auraient eu toute compétence pour y répondre et que, dans l'instance introduite par la société de Haute Eclaire, la société [...] s'est désistée de sa demande reconventionnelle, de sorte qu'elle ne peut venir arguer d'une procédure abusive alors même qu'elle a choisi de ne pas faire valoir cette argumentation devant la juridiction compétente.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen en ce qu'il est dirigé contre le rejet des demandes formées à l'encontre des sociétés Alençon ouest et de Haute Eclaire, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par les sociétés [...] à l'encontre des sociétés Alençon ouest et de Haute Eclaire, l'arrêt rendu le 23 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne les sociétés Alençon ouest et de Haute Eclaire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour les sociétés [...] et [...].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés [...] et [...] de toutes leurs demandesà l'encontre de M. P... G..., Mme F... V..., M. A... O..., M. R... O..., la SAS Alençon distribution, la SCI Le Point d'Alençon, la SCI Alençon ouest, et la SCI de Haute Eclaire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

«Sur le fond :

Les sociétés [...] et [...] font grief aux intimés d'avoir fait un usage abusif des recours administratifs dans le seul but de leur nuire et d'empêcher leur projet de voir le jour ;

Les consorts O... et M. Y... J... seraient les instigateurs de ces recours abusifs, M. N... O... et son fils R... en particulier, importants entrepreneurs et promoteurs immobiliers d'Alençon n'ayant pas supporté d'avoir été évincés comme promoteurs de la zone ouest en cause, au profit d'un promoteur ?extérieur?, le groupe [...] ;

M. Y... J... quant à lui, ancien exploitant de l'hypermarché K... situé à proximité, aurait formé et fait former plusieurs recours par l'intermédiaire de sociétés qu'il contrôle ;

Ensemble, ils auraient monnayé leur désistement auprès du groupe [...], qui n'auraient eu d'autre solution que d'accepter pour pouvoir poursuivre l'opération, s'agissant de la première tranche ;

Cinq recours auraient ensuite été exercés contre les décisions administratives prises au titre de la seconde tranche de l'opération, par l'intermédiaire d'?hommes de paille? ou de société contrôlée par les susnommés ;

Les sociétés [...] et [...] font valoir que l'urbanisme est un domaine propice à l'exercice abusif du droit d'agir en justice, dans le but de paralyser le projet d'un concurrent et non pas de faire respecter un intérêt légitime ;

Il n'est pas contesté qu'une faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ;

Aux termes de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, devenu article 1240, tout fait dommageable doit être réparé par celui qu'il a causé ;

Il appartient toutefois au demandeur à la réparation, d'établir la réalité de la faute alléguée, du préjudice et du lien de causalité ;

Le tribunal a exactement rappelé en outre que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus et ne peut donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreurs grossières équipollente au dol ; La possibilité d'exercer un recours en justice constitue en effet un droit fondamental consacré par la constitution et en particulier par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens, comme par l'article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;

C'est encore pertinemment que les premiers juges ont rappelé que le contentieux en matière d'urbanisme commercial est marqué notamment par la nécessité de l'existence d'un intérêt concurrentiel ;

C'est tout aussi pertinemment, enfin, qu'il a entendu examiner l'éventuelle responsabilité de chacune des parties attraites à la procédure, la société [...] et la société [...] ayant pour leur part proposé une présentation globale des faits incriminés et des responsabilités encourues, à l'instar de leurs réclamations formées in solidum contre les défendeurs, aujourd'hui intimés, quelle qu'ait pu être en particulier la responsabilité de tel ou tel au regard du droit fondamental d'agir en justice, et des intérêts propres qui étaient défendus ;

[
]

2° - sur [la] mise en cause de la responsabilité de M. A... O... et de M. R... O... :

les sociétés [...] et [...] soutiennent que les susnommés seraient les instigateurs de quatre recours, exercés respectivement contre l'autorisation d'exploitation commerciale du 2 février 2010, contre les délibérations approuvant la vente, contre l'autorisation d'exploitation commerciale du 23 janvier 2008 et contre le permis de construire ;

Force est de constater qu'à aucun moment ils n'apparaissent comme requérants eux-mêmes ;

Si ces recours ont finalement donné lieu à des désistements intervenus peu de temps après la signature de la convention du 18 mai 2010, il s'avère qu'aucun membre de la famille O... n'en est signataire, à l'inverse de M. L... ;

M. A... O... est ensuite associé de la société Alençon Ouest, auteur d'un recours devant le tribunal administratif de Caen le 27 septembre 2012 contre le permis d'aménager du 27 juillet 2012, qui s'est soldé par un rejet pour irrecevabilité, puis d'un recours en date du 11 juillet 2013 devant la commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivré le 6 juin 2013, qui s'est terminé par un rejet, puis enfin d'un recours exercé le 20 mars 2014 devant le tribunal administratif de Caen contre le permis de construire du complexe cinématographique délivré le 21 janvier 2014, qui s'est soldé par un rejet et un désistement de l'appel subséquent ;

Pour autant, la seule considération de la situation d'associé de M. A... O... ne permet pas de retenir l'existence d'une faute de sa part ;

De manière générale, la cour relève que les sociétés [...] et [...] n'ont jamais sollicité dans le cadre des recours administratifs ayant donné lieu à désistement ou à rejet, la condamnation de leurs auteurs au paiement d'une amende pour recours abusif, comme les y autorisait l'article R 741-12 du code de justice administrative ;

M. R... O... est pour sa part associé-gérant de la SCI de Haute Eclaire, qui a initié un recours devant le tribunal administratif de Caen le 6 septembre 2008 contre l'autorisation d'exploitation commerciale du 23 juillet 2008, qui s'est soldé par un désistement ; Il est également associé au sein de la société Alençon Ouest, auteur d'un recours contre le permis d'aménager du 22 juillet 2012, qui s'est soldé par un rejet pour irrecevabilité, d'un recours exercé le 11 juillet 2013 devant la commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique, soldé par un rejet, et d'un recours en date du 20 mars 2014 contre le permis de construire le complexe cinématographique, soldé également par un rejet puis par un désistement de l'appel subséquent ; Pas davantage toutefois n'est démontré le concernant un acte personnel laissant indiquer une intention de nuire à l'égard du groupe [...] ;

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés [...] et [...] de leurs demandes dirigées contre M. A... O... et M. R... O... ;

3° - sur la mise en cause de la responsabilité de la SCI Alençon Ouest :

cette dernière est l'auteur de trois recours administratifs dirigés respectivement contre le permis d'aménager du 27 juillet 2012, qui s'est soldé par un rejet pour irrecevabilité le 17 juin 2014, contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique, qui s'est terminée par un rejet le 8 octobre 2013, et contre le permis de construire du complexe cinématographique, qui s'est également soldée par un rejet le 31 décembre 2014 suivi d'un désistement de l'appel formé contre cette décision ;

Il est constant que cet appel a été formé par la SCI Alençon Ouest se disant de manière erronée représentée par son associé gérant, la SARL du Beau Voir, alors même que cette société n'était plus la gérante de la SCI, depuis le 27 janvier 2015, date à laquelle a été conclu un traité d'apport entre la SARL et la société Patrimoine et Commerce, devenue détentrice de la totalité des parts de la SCI ; La Sarl du Beau Voir a logiquement donné sa démission de ses fonctions de gérant de la SCI, fonction dans lesquelles a été nommé pour la remplacer M. H... C... ;

II s'ensuit que la SARL du Beau Voir [avait] perdu sa qualité à agir, de même que M. A... O... et M. R... O..., anciens co-gérants, lorsqu'a été formalisé l'appel devant la cour administrative d'appel de Nantes ;

Toutefois la quasi concomitance entre la cession et l'engagement du recours interdit de considérer que l'erreur commise s'analyserait en une erreur grossière équipollente au dol, étant rappelé que le désistement est intervenu très peu de temps après (14 avril 2015) ; L'intention de nuire n'est pas davantage caractérisée et le jugement doit être confirmé de ce chef ;

4° - sur la mise en cause de la responsabilité de la SCI de Haute Eclaire :

La SCI de Haute Eclaire est l'auteur d'un recours exercé devant le tribunal administratif de Caen contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 23 juillet 2008 ;

Il ne peut être sérieusement contesté que cette société a des intérêts importants dans la région, étant propriétaire de biens immobiliers donnés à bail à des enseignes nationales ;

Son recours s'est soldé par un désistement le 29 juillet 2010 ; Pour autant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il n'est produit aucun élément permettant de démontrer une intention malveillante de la part de ladite société, dont l'intérêt à agir n'a pas été soulevé mais dont le défaut même serait insuffisant à caractériser un abus de droit ; Il s'avère en outre que la société [...] accepté, par mémoire enregistré le 1er avril 2010, le désistement de la requête, se désistant elle-même de sa demande reconventionnelle, ce qui lui interdit d'arguer a posteriori d'une procédure abusive dont elle ne s['est] pas prévalue devant la juridiction administrative ;

Le jugement est également confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées à l'encontre de la SCI de Haute Eclaire ;

5° - sur la mise en cause de la responsabilité de Mme F... V... et de M. P... G... :

Les sociétés [...] et [...] soutiennent que Mme F... V... et M. P... G... auraient fait partie des commerçants ayant agi sous le contrôle des consorts O... pour attaquer les autorisations administratives obtenues par le groupe [...] ;

Précisément, Mme F... V... a formé un recours en date du 19 septembre 2008, contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 23 juillet 2008, pour lequel elle s'est désistée le 29 juillet 2010, d'un autre recours, en date du 24 février 2010, contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 2 février 2010, qui s'est également terminé par un désistement le 21 mai 2010, et enfin d'un recours en date du 12 juillet 2013, contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013, qui s'est terminé par un rejet ;

Pour les deux premiers, elle était associée à un collectif de commerçants appelés Association Alençon Groupe Centre, dont, curieusement, tous les membres n'ont pas été attraits à la procédure par les sociétés [...] et [...] , sans que ces dernières aient fourni des éléments d'explication sur ce point ;

II n'est pas contesté que le désistement ayant mis un terme au premier de ces recours sont la résultante de l'entremise de M. N... O... conformément au contrat de négociation conclu avec la société [...] mais là encore, la lecture de l'ordonnance du 29 juillet 2010 du tribunal administratif de Caen met en évidence que [...] a renoncé à ses demandes reconventionnelles dont elle est mal venue de tenter de se prévaloir a posteriori devant la juridiction de l'ordre judiciaire ;

Les premiers juges, après avoir relevé que l'intention de nuire de Mme F... V... était d'autant moins caractérisée que son activité recoupait la zone de chalandise impactée par le projet L..., et qu'elle ne disposait pas, seule, de l'assise financière et logistique pour prétendre à attaquer indûment et tous azimuts un groupe de la taille des sociétés [...], n'ont pertinemment retenu aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de l'intéressée, le jugement étant confirmé de ce chef ;

M. P... G... est quant à lui l'auteur de deux recours administratifs respectivement exercés pour le premier le 24 février 2010, contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 2 février 2010, qui s'est terminé par un désistement, et le 12 juillet 2013 pour le second, contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivré le 6 juin 2013, qui a donné lieu à un rejet le 8 octobre 2013 ;

Les sociétés appelantes qualifient M. P... G... d' ‘'homme de paille'‘ ou ‘'homme de main'‘ des consorts O..., exposant notamment qu'il s'est engagé auprès d'un cabinet d'avocats à payer personnellement les frais inhérents à un recours contre le permis de construire au nom de Y... S... et I... M..., lesquels ont été les premiers surpris d'apprendre qu'ils auraient initié lesdits recours alors que tel n'était pas le cas, ce dont ils ont avisé aussitôt le tribunal ;

Concernant les deux recours exercés par M. P... G..., ils s'inscrivent dans le cadre de l'action collective de l'association précitée, et les mêmes observations doivent être formulées à cet égard que précédemment, concernant Mme F... V... ;

Les sociétés appelantes produisent ensuite deux documents (pièces 17.1 et 17.2) pour partie dactylographiés et pour partie manuscrits, en date du 17 août 2009, dans lesquels (partie dactylographiée) M. P... G... s'engage à prendre en charge tous les frais inhérents à la contestation des permis de construire (...), précisant : ?ce cabinet d'avocats GENESIS portera la contestation des permis de construire au bénéfice de?, suivent dans chaque document la mention manuscrite des personnes concernées, à savoir M. I... M... et M. Y... S... ;

Après la signature de M. P... G..., suivent à chaque fois une mention manuscrite prétendument de la main des intéressés indiquant n'avoir jamais souhaité agir contre le permis de construire en cause, et souhaiter se désengager de ce contentieux ; La formulation est strictement la même dans les deux cas, avec mention de la même date, soit le 28 septembre 2009 ;

Ces documents ne peuvent être assimilés à des attestations en l'absence de respect du formalisme requis par la loi ; il est au demeurant curieux que ce que le tribunal a qualifié de ‘'reconnaissances de dette'‘ portent également leur démenti, les sociétés [...] n'expliquant pas dans quelles circonstances elles sont entrées en leur possession ; Ils ne démontrent pas en tout état de cause l'exercice d'une pression sur les susnommés, voire, d'une manœuvre malhonnête, étant observé qu'aucune plainte n'a été déposée contre M. P... G... de ce chef ;

Le jugement est confirmé en conséquence en ce qu'il a également mis hors de cause M. P... G... ;

6° - sur la mise en cause de la responsabilité de la SCI Alençon Distribution :

la SCI Alençon Distribution a exercé deux recours, à savoir, le premier, le 10 septembre 2008 contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 23 juillet 2008, qui a donné lieu à un désistement, le second, le 4 avril 2015 contre la décision du 27 décembre 2014 ayant autorisé l'extension de l'ensemble commercial, qui a donné lieu à une annulation ;

Il est constant que le désistement sur le premier recours est intervenu après l'entremise de M. N... O... dans le cadre du contrat de négociation conclue avec la société [...] , que ce désistement a été accepté par la susnommée, qui a renoncé à ses demandes reconventionnelles, de sorte que les sociétés appelantes sont mal fondées à relever un abus d'ester en justice qu'elles n'ont pas fait valoir devant les juridictions administratives ; Au demeurant, s'il est exact qu'un intérêt concurrentiel ne peut fonder un recours contre un permis de construire, force est de constater qu'en l'espèce, ce n'est pas un permis de construire qui était attaqué, mais une autorisation d'équipement commercial que précisément seul un concurrent peut contester ; Or la société la SCI Alençon Distribution avait bien à tout le moins un intérêt à contester une autorisation d'équipement commercial délivrée à l'intérieur de sa zone de chalandise ;

De surcroît, le deuxième recours introduit par la société précitée a quant à lui abouti, interdisant de plus fort de considérer qu'il présentait un caractère abusif ;

Le jugement est confirmé de ce chef ;

7° - sur la mise en cause de la responsabilité de la SCI Le Point d'Alençon :

Cette société a exercé un recours devant le tribunal administratif de Caen le 1er octobre 2012 puis devant la cour administrative d'appel de Nantes le 12 décembre 2012, contre le permis d'aménager délivrer le 27 juillet 2012 par le président de la communauté urbaine d'Alençon ; Ce recours s'est soldé par un rejet motivé par l'irrecevabilité manifeste de la requête, à raison toutefois et seulement de l'absence de respect d'une formalité et non pas de l'absence d'intérêt à agir ; L'échec de la procédure engagée dans ces conditions ne suffit pas à caractériser la faute et l'intention de nuire alléguées ;

La SCI Le Point d'Alençon rappelle à juste titre qu'elle est intervenue en qualité de propriétaire foncier, acquéreur de locaux commerciaux, à l'encontre d'un permis d'aménager correspondant à la deuxième tranche, dont les locaux dont elle est propriétaire étaient immédiatement voisins ; Elle fait valoir ensuite que si elle avait effectivement accepté dans le cadre des accords de 2010 le principe de la deuxième tranche de l'opération, elle a considéré que le groupe [...] n'avait pas respecté ses propres engagements, ce qui, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l'autorisait parfaitement à exercer un recours, et comme l'a exactement jugé le tribunal, l'acquisition de bâtiments commerciaux par la SCI Le Point d'Alençon dans le cadre de l'accord du 18 mai 2010 ne pouvait pas s'analyser en une acceptation tacite et définitive des aménagements â venir sur la zone ;

En l'absence de démonstration d'une faute, le jugement est confirmé également de ce chef» ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

«Sur l'abus d'ester en Justice

L'article 1382 du code civil prévoit que tout fait dommageable doit être réparé par celui qui l'a causé ;

Pour qu'une responsabilité délictuelle soit retenue, il convient de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité ;

Par ailleurs, le droit d'agir en Justice ne dégénère en abus et ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ;

Il est en effet rappelé que la possibilité d'exercer un recours en Justice constitue un droit fondamental, socle de l'Etat de droit, et auquel il est reconnu une valeur constitutionnelle, notamment par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et des Citoyens, et une portée internationale, notamment via l'article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;

En outre, en matière d'urbanisme commercial, l'intérêt à agir de sociétés commerciales, contre un projet d'aménagement commercial de l'un de leurs concurrents, situé à proximité de leurs implantations, est rapporté si elles démontrent que les caractéristiques particulières de ce projet urbanistique sont de nature à affecter par elles-mêmes leurs conditions d'exploitation ; Plus précisément, seuls les commerçants qui exploitent une surface commerciale dans la zone de chalandise du projet autorisé justifient d'un intérêt à agir à l'encontre des autorisations administratives ; Ainsi, le contentieux en matière d'urbanisme commercial est marqué, notamment, par la nécessité de l'existence d'un intérêt concurrentiel ;

Sur la responsabilité de Monsieur A... O...

En l'espèce, il est constant que Monsieur A... O... est associé de la SCI ALENCON OUEST, elle-même auteur d'un recours devant le tribunal administratif de CAEN le 27septembre 2012 contre le permis d'aménager du 27 juillet 2012 et qui s'est soldé par un rejet pour irrecevabilité le 17 juin 2014, d'un recours du 11 juillet 2013 devant la commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013 par la commission départementale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique et qui s'est terminé par un rejet le 3octobre 2013 et d'un recours du 20 mars 2014 devant le tribunal administratif de CAEN contre le permis de construire du complexe cinématographique délivré le 21 janvier2014 par le président de la communauté urbaine d'ALENCON et qui s'est soldé par un rejet par le tribunal administratif le 31 décembre 2014 et un désistement de l'appel subséquent ; Néanmoins, les demanderesses ne démontrent aucun acte personnel de la part de Monsieur A... O... laissant indiquer une intention de nuire à l'égard du groupe [...] et pouvant constituer une faute délictuelle dans le cadre d'un abus du droit d'agir en Justice ; Une telle preuve ne peut être déduite de la simple position d'associé de l'intéressé au sein de l'entreprise requérante ;

Dès lors, les sociétés [...] et [...] seront déboutées de leurs demandes à l'égard de Monsieur A... O... ;

Sur la responsabilité de Monsieur R... O...

En l'espèce, il est constant que Monsieur R... O... est associé-gérant de la SCI DE HAUTE ECLAIRE, auteure d'un recours devant le tribunal administratif de CAEN le 6 septembre 2008 contre l'autorisation d'exploitation commerciale du 23 juillet 2008 délivrée par la commission départementale d'équipement commercial et qui s'est terminé par un désistement le 29 juillet 2010 ; Il est également prouvé que Monsieur R... O... est associé de la SCI ALENCON OUEST, elle-même auteur d'un recours devant le tribunal administratif de CAEN le 27 septembre 2012 contre le permis d'aménager du 27 juillet 2012 et qui s'est soldé par un rejet pour irrecevabilité le 17 juin 2014, d'un recours du 11 juillet 2013 devant la commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013 par la commission départementale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique et qui s'est terminé par un rejet le 8 octobre 2013 et d'un recours du 20 mars 2014 devant le tribunal administratif de CAEN contre le permis de construire du complexe cinématographique délivré le 21 janvier 2014 par le président de la communauté urbaine d'ALENCON et qui s'est soldé par un rejet par le tribunal administratif le 31 décembre 2014 et un désistement de l'appel subséquent ; Néanmoins, les demanderesses ne démontrent aucun acte personnel de la part de Monsieur R... O... laissant indiquer une intention de nuire à l'égard du groupe [...] et pouvant constituer une faute délictuelle dans le cadre d'un abus du droit d'agir en Justice ; Une telle preuve ne peut être déduite de la simple position d'associé de l'intéressé au sein des entreprises requérantes ; Par ailleurs, les coupures de presse versées au dossier ne peuvent constituer une preuve recevable de l'implication personnelle de Monsieur R... O... dans les différents recours, ses propos rapportés à ce sujet ne pouvant s'entendre comme une déclaration véridique et exhaustive de sa part, ceci d'autant moins que, contrairement à ce qui était indiqué dans l'article de presse visé, aucun recours n'a été porté devant le conseil d'Etat ;

Dès lors, les sociétés [...] et [...] seront déboutées de leurs demandes à l'égard de Monsieur R... O... ;

Sur la responsabilité de la SCI ALENCON OUEST

En l'espèce, il est constant que la SCI ALENCON OUEST est l'auteur de trois recours administratifs : un recours devant le tribunal administratif de CAEN le 27 septembre 2012 contre le permis d'aménager du 27 juillet 2012 et qui s'est soldé par un rejet pour irrecevabilité le 17 juin 2014, un recours du 11 juillet 2013 devant la commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013 par la commission départementale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique et qui s'est terminé par un rejet le 8 octobre 2013 et un recours du 20 mars 2014 devant le tribunal administratif de CAEN contre le permis de construire du complexe cinématographique délivré le 21 janvier 2014 par le président de la communauté urbaine d'ALENCON et qui s'est soldé par un rejet par le tribunal administratif le 31 décembre 2014 et un désistement de l'appel subséquent ; Si l'étude des différentes décisions judiciaires suite à ces recours montre que parfois mais pas systématiquement, l'intérêt à agir a manqué de la part de la requérante, il n'a été aucunement soutenu une demande reconventionnelle de la part des demanderesses sur le fondement de la procédure abusive, demande à laquelle les juridictions administratives auraient eu toute compétence pour y répondre ; Le fait que celle-ci ait formé appel le 9 mars 2015 de la décision du tribunal administratif de CAEN du 31 décembre 2014 par l'intermédiaire de son associé-gérant la SARL DU BEAUVOIR alors qu'il est constant que cette dernière n'avait plus aucun lien avec la SCI ALENCON OUEST depuis sa cession à la société PATRIMOINE ET COMMERCE publiée légalement le 2 mars 2015, montre une erreur qui ne pourrait cependant recevoir la qualification d'erreur grossière équipollente au dol dans la mesure où le désistement en appel est intervenu peu de temps après, le 14 avril 2015 ; Les demanderesses ne démontrent ainsi aucune intention de nuire caractérisée de la part de la SCI ALENCON OUEST et par cela, aucune faute pouvant engager sa responsabilité ;

En conséquence, les sociétés [...] et [...] seront déboutées de leurs demandes à l'égard de la SCI ALENCON OUEST ;

Sur la responsabilité de la SCI DE HAUTE ECLAIRE

En l'espèce, il est constant que la SCI DE HAUTE ECLAIRE est auteur d'un recours devant le tribunal administratif de CAEN le 6 septembre 2008 contre l'autorisation d'exploitation commerciale du 23 juillet 2008 délivrée par la commission départementale d'équipement commercial et qui s'est terminé par un désistement le 29 juillet 2010 ; Il n'est produit aucune pièce permettant de démontrer une intention malveillante de la défenderesse dans le cadre de ce recours ni même un simple défaut d'intérêt à agir qui, de toutes façons, aurait été insuffisant à caractériser un abus du droit d'ester en Justice ; Par ailleurs, la lecture de l'ordonnance du tribunal administratif de CAEN du 4 mai 2010 montre que la société [...] a accepté, par mémoire enregistré le 1er avril 2010, le désistement de la requête et de se désister elle-même de sa demande reconventionnelle ; Elle ne peut dès lors, venir arguer d'une procédure abusive alors même qu'elle a choisi de ne pas faire valoir cette même argumentation devant la juridiction compétente ; Les demanderesses ne démontrent ainsi aucune intention de nuire caractérisée de la part de la SCI DE HAUTE ECLAIRE et par cela, aucune faute pouvant engager sa responsabilité ;

En conséquence, les sociétés [...] et [...] seront déboutées de leurs demandes à l'égard de la SCI DE HAUTE ECLAIRE ;

Sur la responsabilité de Madame F... V...

En l'espèce, Madame F... V... est l'auteur des recours suivants : le 19 septembre 2008 devant le tribunal administratif de CAEN contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 23 juillet 2008 par la commission départementale d'équipement commercial et ayant fait l'objet d'un désistement constaté par ordonnance du 29 juillet 2010, le 24 février 2010 devant la CNAC contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 2 février 2010 par la CDAC et ayant fait l'objet d'un désistement le 21 mai 2010, et le 12 juillet 2013 devant la CNAC statuant en matière cinématographique contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013 par la CDAC statuant en matière cinématographique et s'étant terminé par un rejet par décision du 8 octobre 2013 ; Il est constant que les deux premiers recours ont été déposés dans le cadre d'un collectif de commerçants appelé Association Alençon Groupe Centre dont tous les membres n'ont pas été attraits devant la présente juridiction ; Il n'est pas non plus contestable que les désistements sur ces deux recours sont intervenus après l'entremise de Monsieur N... O..., conformément au contrat de négociation conclu avec la société [...] et ayant donné lieu à deux factures les 17 mars et 17 mai 2010 ; Toutefois, il est constaté, à la lecture de l'ordonnance du 29 juillet 2010 du tribunal administratif de CAEN que la société [...] a accepté le désistement de la requérante et a renoncé à ses demandes reconventionnelles ; Dès lors, les demanderesses sont mal fondées à relever un abus d'ester en Justice alors qu'elles n'ont aucunement fait valoir ce moyen devant les juridictions administratives et que les recours, censés être abusifs, étaient encore pendants ; L'intention de nuire de Madame F... V... apparaît d'autant moins caractérisée que son activité recoupe la zone de chalandise impactée par le projet L... et qu'elle ne dispose pas de l'assise financière et logistique pour prétendre à attaquer indument et tous azimuts un groupe de la taille des sociétés [...] ; Ainsi, aucune faute de la part de Madame F... V... n'est démontrée dans le cadre de son exercice du droit au recours ;

En conséquence, les sociétés [...] et [...] seront déboutées de leurs demandes à l'égard de Madame F... V.... ;

Sur la responsabilité de Monsieur P... G...

En l'espèce, Monsieur P... G... est l'auteur de deux recours administratifs : le 24 février 2010 devant la CNAC contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 2 février 2010 par la CDAC et s'étant terminé par un désistement le 21 mai 2010 et le 12 juillet 2013 devant la CNAC statuant en matière cinématographique contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013 par la CDAC statuant en matière cinématographique et s'étant terminé par un rejet par décision du 8 octobre 2013 ; En qualifiant Monsieur P... G... d'‘'homme de paille'‘ des consorts O..., les demanderesses ne font que procéder par allégations et n'apporte aucun élément de preuve ; Le fait qu'il ait éventuellement financé l'intervention d'un conseil juridique au profit de deux tierces personnes, Messieurs S... et M..., ayant exercé des recours en leur nom propre, ne vient pas caractériser une faute à l'égard des demanderesses ; Les mentions portées de façon manuscrite sur les reconnaissances de dette au profit de Messieurs S... et M... ne peuvent recevoir qu'une force probante amoindrie compte-tenu de l'absence de respect des formes légales des attestations de témoin ; Ces mentions ne viennent en tout état de cause aucunement démontrer une pression insidieuse ou une action téléguidée de Monsieur P... G... dans le cadre de ces deux recours ;

Par ailleurs, il est constant que les deux recours déposés en nom propre par Monsieur P... G... l'ont été dans le cadre d'un collectif de commerçants appelé Association Alençon Groupe Centre dont tous les membres n'ont pas été attraits devant la présente juridiction ; Il n'est pas non plus contestable que le désistement sur le premier recours est intervenu après l'entremise de Monsieur N... O..., conformément au contrat de négociation conclu avec la société [...] et ayant donné lieu à deux factures les 17 mars et 17 mai 2010 ; Toutefois, il est constaté que la société [...] a accepté le désistement du requérant et a renoncé à ses demandes reconventionnelles ; Dès lors, les demanderesses sont mal fondées à relever un abus d'ester en Justice alors qu'elles n'ont aucunement fait valoir ce moyen devant les juridictions administratives et que les recours, censés être abusifs, étaient encore pendants ; De surcroît, l'intention de nuire de Monsieur P... G... apparaît d'autant moins caractérisée que la société [...] a fait appel à ses services pour une mission de ?rapprochement de clients? ayant donné lieu à deux factures émises les 26 mai et 15 juin 2010, factures honorées par la demanderesse et aucunement contestées par la suite ; Dès lors, les sociétés [...] ne peuvent venir utiliser ce moyen pour démontrer une faute de la part de Monsieur P... G... dans le cadre de son exercice du droit au recours ;

En conséquence, les sociétés [...] et [...] seront déboutées de leurs demandes à l'égard de Monsieur P... G... ;

Sur la responsabilité de la société ALENCON DISTRIBUTION

En l'espèce, il est constant que la société ALENCON DISTRIBUTION est l'auteur de deux recours : l'un le 10 septembre 2008 devant le tribunal administratif de CAEN contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 23 juillet 2008 par la commission départementale d'équipement commercial et qui a donné lieu à une ordonnance du 29 juillet 2010 donnant acte au requérant de son désistement, l'autre le 4 avril 2015 devant la CNAC contre la décision de la CDAC délivrée le 27 décembre 2014 autorisant l'extension de l'ensemble commercial et qui a donné lieu à une annulation ; Il n'est pas contestable que le désistement sur le premier recours est intervenu après l'entremise de Monsieur N... O..., conformément au contrat de négociation conclu avec la société [...] et ayant donné lieu à deux factures les 17 mars et 17 mai 2010 ; Toutefois, il est constaté, à la lecture de l'ordonnance du 29 juillet 2010 du tribunal administratif de CAEN que la société [...] a accepté le désistement de la requérante et a renoncé à ses demandes reconventionnelles ; Dès lors, les demanderesses sont mal fondées à relever un abus d'ester en Justice alors qu'elles n'ont aucunement fait valoir ce moyen devant les juridictions administratives et que les recours, censés être abusifs, étaient encore pendants ; Par ailleurs, il est constaté que le deuxième recours introduit par la société ALENCON DISTRIBUTION a prospéré puisque le projet d'extension de l'ensemble commercial déposé par la société [...] a été refusé ; Il est donc malvenu pour les demanderesses d'invoquer un abus d'ester en Justice de la part de la défenderesse alors qu'un recours a finalement abouti ; L'intention de nuire de la société ALENCON DISTRIBUTION n'apparaît ainsi pas caractérisée et aucune faute de sa part n'est démontrée dans le cadre de son exercice du droit au recours ;

En conséquence, les sociétés [...] et [...] seront déboutées de leurs demandes à l'égard de la société ALENCON DISTRIBUTION ;

Sur la responsabilité de la SCI LE POINT D'ALENCON

En l'espèce, la SCI LE POINT D'ALENCON est auteur d'un recours devant le tribunal administratif de CAEN le 1er octobre 2012 puis devant la cour administrative d'appel de NANTES le 12 décembre 2012 contre le permis d'aménager délivré le 27 juillet 2012 par le président de la communauté urbaine d'ALENCON et qui s'est soldé par un rejet de la cour administrative le 19 février 2014 ; S'il est vrai que la requête de la SCI LE POINT D'ALENÇON a été rejetée pour irrecevabilité manifeste, l'analyse de la dernière décision montre qu'elle a été motivée par l'absence de respect d'une formalité du recours et non en raison de l'absence d'intérêt à agir ; Dès lors, les demanderesses ne peuvent arguer d'une volonté d'entraver l'exécution de la seconde tranche des travaux de la part de la SCI LE POINT D'AI.ENCON sans apporter la preuve d'une intention de nuire manifeste ; L'exercice du recours en Justice et de ses suites procédurales. comme l'appel, ne peut caractériser en lui-même une faute ; De la même manière, l'acquisition de bâtiments commerciaux par la SCI LE POINT D'ALENCON via l'accord du 18 mai 2010 ne constitue pas une acceptation tacite et définitive des aménagements à venir sur la zone ; Les allégations des demanderesses sur l'instrumentalisation de la requérante ne sont pas plus étayées ; Ainsi, aucune faute de la part de la SCI LE POINT D'ALENCON n'est démontrée ;

En conséquence, les sociétés [...] et [...] seront déboutées de leurs demandes à l'égard de la SCI LE POINT D'ALENCON» ;

1°) ALORS QUE toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'en retenant néanmoins que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus et ne peut donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreurs grossières équipollentes au dol, puis en se fondant sur l'absence de démonstration d'une erreur grossière équipollente au dol ou d'une intention de nuire de MM. A... et R... O..., de la SCI Alençon ouest, de la SCI de Haute éclaire, de Mme V..., de M. G..., de la SCI Alençon distribution, et de la SCI Le point d'Alençon, pour rejeter les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive formées à leur encontre par les sociétés [...] et [...] , la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°) ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si, indépendamment de la faute commise par la SCI Alençon ouest dans l'exercice de son droit d'appel, MM. A... et R... O..., anciens co-gérants de la société du Beau voir, n'avaient pas eux-mêmes commis une faute en engageant un recours au nom de la SCI Alençon ouest dont ils avaient perdu le contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil,

3°) ALORS QUE la faculté ouverte au juge administratif par l'article R. 741-12 du code de justice administrative d'infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende, constitue un pouvoir propre du juge, de sorte que des conclusions présentées par une partie tendant à la condamnation d'une autre partie au versement d'une amende pour recours abusif sont irrecevables ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive des sociétés [...] et [...] , que les dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative auraient autorisé celles-ci à solliciter, dans le cadre des recours administratifs litigieux, la condamnation de leurs auteurs au paiement d'une amende pour recours abusif, mais qu'elles s'étaient abstenues de le faire, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil et R. 741-12 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable en la cause ;

4°) ALORS QUE les demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de l'auteur d'un recours pour excès de pouvoir à des dommages-intérêts pour procédure abusive sont irrecevables ; qu'il n'est fait exception à ce principe, en application de l'article L. 600-7 du code de justice administrative entré en vigueur le 19 août 2013, que lorsque le recours est dirigé contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ; qu'en se fondant néanmoins, pour rejeter la demande des sociétés [...] et [...] contre la SCI Alençon ouest, sur la circonstance que la société [...] n'avait formé aucune demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive dans le cadre des recours administratifs exercés par la SCI Alençon ouest, cependant que des conclusions reconventionnelles présentées en ce sens auraient été irrecevables dans le cadre du recours contre l'autorisation d'exploitation d'un équipement cinématographique délivrée le 6 juin 2013, l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme n'étant pas applicable en raison de la nature de la décision attaquée, la cour d'appel a violé cette disposition et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

5°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction entrée en vigueur le 19 août 2013, qui permet, dans des conditions strictement définies, au bénéficiaire d'un permis de construire de solliciter, devant le juge administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre ce permis, des dommages-intérêts contre l'auteur du recours, n'a ni pour objet ni pour effet d'écarter la compétence de droit commun du juge judiciaire pour indemniser, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, le préjudice subi du fait d'un recours abusif ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande des sociétés [...] et [...] contre la SCI Alençon ouest, que la société [...] n'avait formé aucune demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive dans le cadre des recours administratifs exercés par celle-ci, quand cette circonstance ne faisait nullement obstacle à ce que les sociétés [...] et [...] saisissent ultérieurement le juge judiciaire d'une action tendant à la réparation de leur préjudice résultant de l'abus de procédure commis par la société Alençon ouest, la cour d'appel a violé les articles L. 600-7 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable en la cause, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

6°) ALORS QUE les demandes reconventionnelles formées devant le juge administratif, tendant à la condamnation de l'auteur d'un recours pour excès de pouvoir à des dommages-intérêts pour procédure abusive, sont irrecevables ; qu'il n'est fait exception à ce principe, en application de l'article L. 600-7 du code de justice administrative entré en vigueur le 19 août 2013, que lorsque le recours est dirigé contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ; qu'en se fondant néanmoins, pour rejeter les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive formées par les sociétés [...] et [...] contre la SCI de Haute éclaire, Mme V..., M. G... et la SCI Alençon distribution, sur la circonstance qu'elles n'avaient pas fait valoir devant la juridiction administrative que les recours qu'ils avaient exercés étaient abusifs, cependant que des conclusions reconventionnelles présentées en ce sens auraient été irrecevables, l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme n'étant pas applicable dans le temps ou en raison de la nature des décisions attaquées, la cour d'appel a violé cette disposition dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

7°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le désistement d'une demande au titre des frais irrépétibles ne fait nullement obstacle à la présentation d'une demande indemnitaire pour procédure abusive, qui a un objet distinct ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter les demandes des sociétés [...] et [...] contre la SCI de Haute éclaire, Mme V... et la SCI Alençon distribution, que la société [...] s'était désistée des demandes reconventionnelles qu'elle avait formées dans le cadre des recours administratifs exercés par celles-ci et dont elles s'étaient elles-mêmes désistées, cependant que lesdites demandes reconventionnelles tendaient au versement de sommes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de sorte que le désistement de la société [...] de celles-ci ne lui interdisait nullement d'agir devant le juge judiciaire en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive contre les auteurs des recours administratifs litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes formulées à l'encontre de Monsieur N... O... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE
«1°- sur la mise en cause de M. N... O... et M. Y... J... :

Les premiers juges, relevant que les intéressés n'avaient personnellement exercé aucun recours contre les sociétés [...] et [...] , lesquelles ne démontraient pas de surcroît l'existence d'un lien de droit entre eux et les différents requérants aux recours administratifs, sans établir davantage qu'ils auraient de fait dirigé ou contrôlé l'exercice par les autres parties de ces différents recours, les ont mis hors de cause ;

Les sociétés [...] et [...] considèrent cependant que M. N... O... est le principal instigateur ?de cette affaire?, ayant fait appel à des tiers pour contourner les règles de recevabilité applicable devant la juridiction administrative ;

Elles font valoir que le 25 mai 2010, [...] lui a versé deux chèques de respectivement 114816 euros et 64584 euros en contrepartie des désistements des différents requérants, ainsi qu'il l'a lui-même reconnu ;

Il n'est pas contesté par ailleurs que ces versements ont suivi immédiatement la signature le 18 mai 2010 d'une convention prévoyant la cession à une société du groupe Z... et à M. Y... J... des bâtiments commerciaux à construire ; De même l'Association Groupement Alençon Centre, Mme F... V... et M. P... G..., commerçants, se sont-ils désistés le 21 mai 2010 de leurs recours contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 2 février 2010, suivis le 1er juin 2010 par M. U..., auteur d'un recours contre les délibérations approuvant la vente, le 8 juin 2010, de l'association précitée, de Mme F... V... et de Mme W... B..., auteurs d'un recours contre l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée le 23 juillet 2008, et le 10 juin 2010, de messieurs X... et Q..., auteur d'un recours contre le permis de construire.

Le tribunal a toutefois justement considéré que la concomitance entre les transactions financières dont s'agit et les désistements n'établit pas la réalité du contrôle de fait allégué : rien n'interdisait en effet que la société [...] ait recours à M. N... O... dans le cadre d'une mission de négociation rémunérée ; La première facture est ainsi libellée ‘'honoraires et assistance dans la négociation avec le groupe Alençon Distribution d'Arçonnay sur troisième trimestre 2009 et premier trimestre 2010'', or il n'est pas démontré que ce groupe aurait un lien quelconque, juridique ou familial, avec M. N... O..., tandis que la deuxième facture porte en tête : ?honoraires et assistance dans la négociation avec le groupe Du Beau Voir?, gérée par messieurs A... et R... O..., respectivement frères et fils de M. N... O..., mais non pas par ce dernier lui-même ;

Par ailleurs, il est constant que les sociétés [...] et [...] constituent des structures économiques solides, dotées de services juridiques compétents rompues aux affaires, elles ne peuvent sérieusement prétendre avoir été abusées, la cour relevant alors même que le terme de ?maître chanteur? est employé, qu'aucune plainte n'a jamais été déposée par les intéressées ;

Le tribunal a encore pertinemment relevé que contrairement à ce qui était soutenu par les sociétés du groupe [...], les recours jugés abusifs avaient été présentés dans des termes différents, par des conseils également différents, des argumentations très diverses selon les réclamations ayant été développées, de sorte qu'il ne pouvait en être tiré aucune conclusion quant à la manipulation alléguée, imputée à M. N... O... ;

[
]

Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a mis hors de cause M. N... O... et M. Y... J...» ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «selon l'article 122 du code de procédure civile, le défaut d'intérêt à agir constitue une fin de non-recevoir. En l'espèce, il est constant que Monsieur N... O... et Monsieur Y... J... n'ont exercé aucun recours en nom propre contre les sociétés [...] et [...] . Par ailleurs, les demanderesses ne démontrent aucun lien de droit entre les différents requérants aux recours administratifs et Monsieur N... O... et Monsieur Y... J.... De la même manière, il n'est prouvé aucune direction ou contrôle de fait la part de ces derniers. En effet, les coupures de presse versées au dossier, s'agissant de Monsieur N... O..., ne peuvent constituer une preuve recevable de l'implication de ce dernier dans les différents recours, ses propos rapportés à ce sujet ne pouvant s'entendre comme une déclaration véridique et exhaustive de sa part. (

1°) ALORS QU'en énonçant, par motifs adoptés, que les coupures de presse versées au dossier, s'agissant de M. N... O..., ne peuvent constituer une preuve «recevable» de l'implication de ce dernier dans les différents recours, ses propos rapportés à ce sujet ne pouvant s'entendre comme une déclaration véridique et exhaustive de sa part, quand ces coupures de presses, régulièrement versées au débat et soumises à la libre discussion des parties, valaient à titre de preuve et étaient recevables, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en retenant, par motifs adoptés, que les propos exprimés par M. N... O... aux journalistes ne pouvaient s'entendre comme une déclaration véridique et exhaustive de sa part, du fait qu'ils étaient rapportés dans un article de presse, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-18636
Date de la décision : 05/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 23 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 nov. 2020, pourvoi n°19-18636


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Foussard et Froger, SCP L. Poulet-Odent, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.18636
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