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05/11/2020 | FRANCE | N°18-24239

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 novembre 2020, 18-24239


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 787 F-D

Pourvoi n° U 18-24.239

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

La société [...], société par actions simplifiée,

dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 18-24.239 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 novembre 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 787 F-D

Pourvoi n° U 18-24.239

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020

La société [...], société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 18-24.239 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Adhome, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Euromaf, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société [...], de la SCP Boulloche, avocat des sociétés Adhome et Euromaf, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2018), par contrats des 10 mars et 15 avril 2010, la société [...] a confié à la société Adhome une mission d'architecte d'intérieur en vue de la restauration de façades et de l'agencement de divers locaux.

2. Assignée en paiement par la société Adhome, la société [...], reprochant à son cocontractant divers manquements, a demandé reconventionnellement l'indemnisation de son préjudice et appelé en garantie l'assureur de la société Adhome, la société Euromaf.

Examen des moyens

Sur les trois premiers moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société [...] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 40 000 euros au titre des frais d'architecte, alors « qu'il résulte du dispositif de l'arrêt du 18 novembre 2016, tel qu'éclairé par ses motifs, que la réparation allouée portait, et portait exclusivement, sur les sommes acquittées en pure perte par la société [...] entre les mains de la société Cemad, menuisier, en contrepartie de la confection de façades qui ne pouvaient être maintenues dès lors qu'elles avaient été réalisées en contravention avec les règles d'urbanisme ; que par suite, l'arrêt du 18 novembre 2016 ne pouvait faire échec à une demande de dommages-intérêts ayant un objet distinct puisque portant sur des frais d'architectes que la société [...] a dû exposer par suite des manquements imputables à la société Adhome ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien du code civil (1355 nouveau du code civil). »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société Adhome conteste la recevabilité du moyen en raison de sa nouveauté.

6. Cependant, la société [...] ayant soutenu dans ses conclusions d'appel que ses demandes étaient recevables dès lors que la société Adhome avait été condamnée non pas à payer des dommages-intérêts, mais à la garantir du coût des travaux de menuiserie, le moyen n'est pas nouveau.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil :

8. Il résulte de ce texte que, s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

9. Pour rejeter la demande de la société [...], l'arrêt retient que le litige relatif à l'absence de déclaration préalable et ses conséquences a été définitivement tranché par l'arrêt rendu le 18 novembre 2016, qui a retenu que la société Adhome avait manqué à ses obligations contractuelles et à son devoir d'information et de conseil et était responsable du préjudice subi par la société [...], laquelle avait dû s'acquitter auprès de la société Cemad, menuisier, du coût des façades dont elle n'avait plus l'utilité.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la demande visant à obtenir le remboursement des frais d'architecte exposés pour la réalisation de la nouvelle façade n'avait pas le même objet que la demande tendant à la prise en charge du coût des travaux de menuiserie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du quatrième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts au titre de la prise en charge des frais d'architecte aux fins de réalisation de la façade, l'arrêt rendu le 2 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Adhome aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société [...].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a rejeté la demande de résiliation et/ou de résolution du contrat formée par la société [...] ;

AUX MOTIFS QU' " il résulte des pièces produites et des écritures des parties que les relations contractuelles ont cessé de sorte qu'il ne saurait être fait droit aux demandes de résolution du contrat, celles-ci étant sans objet " ;

ALORS QUE, si même les relations ont cessé entre les parties, chaque partie est en droit de demander la résolution ou la résiliation de la convention à raison des manquements imputables à son cocontractant, sachant que la résolution produit normalement un effet rétroactif et qu'il libère les parties de leurs obligations ; qu'en se fondant sur un motif tiré de ce que les rapports entre les parties avaient cessé, quand cette circonstance ne pouvait pas faire obstacle à la demande en résolution ou en résiliation de la société [...], les juge du fond ont violé l'article 1184 ancien du code civil (articles 1217 et 1227 nouveaux du code civil).

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a condamné la société [...] à payer à la société ADHOME une somme de 12.609,76 euros à titre d'honoraires ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE " les sommes dues au titre du contrat sollicitées par la société Adhome ne sont pas contestées par la société [...] autrement que par ses demandes de dommages et intérêts " ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' " au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que la société ADHOME a rempli sa mission pour ce qui est de la phase " étude ", rémunérée sur une base forfaitaire ; que, suite à des difficultés intervenues entre les parties dans la phase d'assistance rémunérée sur une base proportionnelle, celle-ci a été interrompue et n'a donné lieu à aucune facturation ; que la demande de paiement de la société ADHOME, à concurrence de 12.609,76€ TTC, concerne exclusivement 3 factures, lesquelles soldent les honoraires forfaitaires convenus entre les parties ; qu'en conséquence, le tribunal dira la société ADHOME bien fondée en sa demande de paiement des factures litigieuses et condamnera la société [...] à lui payer la somme de 12.609,76 TTC
" ;

ALORS QUE, la cassation à intervenir du chef relatif à la résolution ne peut manquer d'entraîner par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile, l'anéantissement du chef relatif aux honoraires dès lors que la condamnation à paiement suppose le maintien de la convention et postule qu'il n'y ait pas anéantissement rétroactif du contrat.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par la société [...] ;

AUX MOTIFS TOUT D'ABORD QUE " ceci étant exposé et ainsi que le relèvent les sociétés Adhome et Euromaf, le litige relatif à l'absence de déclaration préalable et ses conséquences a été définitivement-tranché par l'arrêt rendu par la cour de céans par arrêt du 18 novembre 2016 ; que la cour a estimé que la société Adhome avait manqué à ses obligations contractuelles en ce qu'elle devait s'assurer que son projet relatif aux devantures et façades étaient compatibles avec les règles d'urbanisme de la ville de Paris et à son devoir d'information et de conseil et qu'elle était responsable du préjudice subi par la société [...] qui avait dû s'acquitter auprès de la société Cemad, menuisier, du coût des façades dont elle n'avait plus l'utilité ; que la société [...] sera dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la prise en charge des frais d'architecte aux fins de réalisation de la façade " ;

ET AUX MOTIFS ENCORE QUE " la société [...] ne saurait reprocher à la société Adhome de ne pas avoir averti son bailleur des travaux envisagés, une telle obligation incombant au seul locataire ; que la société [...] ne justifie pas "des difficultés à tenir le budget " qu'aurait rencontrées la société Adhome ni le fait que cette dernière lui aurait imposé des sous-traitants extrêmement chers, étant précisé qu'elle seule avait le pouvoir d'agréer les entreprises proposées par la société Adhome ni que la société Adhome aurait eu recours à des entreprises sans son aval ni qu'elle n'aurait pas ainsi respecté le cahier des charges ; qu'il convient de souligner que la société [...] indique dans ses écritures qu'elle même a imposé certains sous-traitants ; que le contrat liant les parties n'étant pas un contrat de maîtrise d'oeuvre, la société Adhome ne saurait être tenue des malfaçons alléguées dont au surplus, la société [...] ne prouve pas le lien de causalité avec une faute qu'aurait commise la société Adhome " ;

ALORS QUE, les demandes de dommages et intérêts que peut formuler un cocontractant obéissent à des règles distinctes selon que le contrat est maintenu ou qu'il est résolu avec effet rétroactif ; que la cassation à intervenir du chef relatif à la résolution ne peut dès lors manquer d'entraîner par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt relatif aux dommages et intérêts sollicités par la société [...].

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a rejeté la demande de dommages et intérêts chiffrée à 40.000 euros et visant à mettre à la charge de la société ADHOME et de son assureur les frais d'architecte qu'elle a assumés aux fins de réalisation de la façade ;

AUX MOTIFS QUE " ceci étant exposé et ainsi que le relèvent les sociétés Adhome et Euromaf, le litige relatif à l'absence de déclaration préalable et ses conséquences a été définitivement-tranché par l'arrêt rendu par la cour de céans par arrêt du 18 novembre 2016 ; que la cour a estimé que la société Adhome avait manqué à ses obligations contractuelles en ce qu'elle devait s'assurer que son projet relatif aux devantures et façades étaient compatibles avec les règles d'urbanisme de la ville de Paris et à son devoir d'information et de conseil et qu'elle était responsable du préjudice subi par la société [...] qui avait dû s'acquitter auprès de la société Cemad, menuisier, du coût des façades dont elle n'avait plus l'utilité ; que la société [...] sera dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la prise en charge des frais d'architecte aux fins de réalisation de la façade " ;

ALORS QUE, premièrement, il résulte du dispositif de l'arrêt du 18 novembre 2016, tel qu'éclairé par ses motifs (p. 7, § 3), que la réparation allouée portait, et portait exclusivement, sur les sommes acquittées en pure perte par la société [...] entre les mains de la société CEMAD, menuisier, en contrepartie de la confection de façades qui ne pouvaient être maintenues dès lors qu'elles avaient été réalisées en contravention avec les règles d'urbanisme ; que par suite, l'arrêt du 18 novembre 2016 ne pouvait faire échec à une demande de dommages et intérêts ayant un objet distinct puisque portant sur des frais d'architectes que la société [...] a dû exposer par suite des manquements imputables à la société ADHOME ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1351 ancien du code civil (1355 nouveau du code civil) ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en opposant l'arrêt du 18 novembre 2016 sans s'expliquer sur l'objet de la réparation qui avait été allouée, pour déterminer si la demande présentée dans la seconde procédure avait le même objet que la demande satisfaite dans le cadre de la première, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l'article 1351 ancien du code civil (1355 nouveau du code civil).


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-24239
Date de la décision : 05/11/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 nov. 2020, pourvoi n°18-24239


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24239
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