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22/10/2020 | FRANCE | N°19-20766

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 octobre 2020, 19-20766


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1092 F-P+B+I

Pourvoi n° Q 19-20.766

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

M. F... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-

20.766 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale - protection sociale), dans le litige l'opposant :

1...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1092 F-P+B+I

Pourvoi n° Q 19-20.766

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

M. F... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-20.766 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale - protection sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Alpes Provence Agneaux, société anonyme, dont le siège est 1 allée des Chênes, parc d'activités Val de Durance, 04200 Sisteron, anciennement dénommée société Dufour Sisteron,

2°/ à la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse, dont le siège est site de Gap, 25 bis avenue commandant Dumont, BP 79, 05015 Gap cedex,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. J..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Alpes Provence Agneaux, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 juin 2019), M. J... a interjeté appel, le 31 janvier 2017, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Alpes rendu dans un litige l'opposant à la société Dufour Sisteron, aux droits de laquelle se trouve la société Alpes Provence Agneaux, et à la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse, qui lui avait été notifié le 19 janvier 2017.

2. Le 8 mars 2017, M. J... a formé une nouvelle déclaration d'appel, devant la cour d'appel de Grenoble, territorialement compétente, qu'il a réitérée le 23 mars 2017.

3. Par arrêt du 20 octobre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a constaté le désistement d'appel de M. J..., intervenu à l'audience du 7 septembre 2017, son acceptation par les intimées, et le dessaisissement de la cour d'appel.

4. Les déclarations d'appel des 8 mars 2017 et 23 mars 2017 ayant été jointes, la société Alpes Provence Agneaux a soulevé leur irrecevabilité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. J... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les appels des 8 mars 2017 et 23 mars 2017, alors « qu'en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, même formée devant une cour incompétente, interrompt le délai d'appel ; que si cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque le demandeur, notamment, s'est désisté de sa demande, cette disposition ne s'applique pas lorsque le désistement est intervenu en raison de l'incompétence de la première juridiction saisie ; qu'en disant que M. J... ne peut plus de prévaloir de l'effet interruptif attaché à ses déclarations d'appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, tout en constatant que ces déclarations, et donc le désistement, avaient été portés devant cette première juridiction qui était incompétente alors qu'entre-temps, la cour d'appel de Grenoble, qui était compétente, avait été saisie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des textes susvisés, ainsi que de l'article 5 du code de procédure civile, qu'elle a donc violés par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 et 2243 du code civil :

6. Il résulte de ces textes que si une déclaration d'appel formée devant une cour d'appel incompétente interrompt le délai d'appel, cette interruption est non avenue en cas de désistement d'appel, à moins que le désistement n'intervienne en raison de la saisine d'une cour d'appel incompétente.

7. Pour déclarer irrecevables les appels des 8 mars 2017 et 23 mars 2017, l'arrêt retient que dès lors que M. J... s'est désisté de l'appel qu'il avait interjeté devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ce que cette cour d'appel a constaté par arrêt en date du 20 octobre 2017, il ne peut plus se prévaloir de l'effet interruptif attaché aux déclarations d'appel qu'il a adressées à cette cour.

8. En statuant ainsi, tout en constatant que M. J... s'était désisté de l'appel formé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence après avoir régularisé un nouveau recours à l'encontre du même jugement devant la cour d'appel territorialement compétente, ce dont il ressortait que le désistement était motivé par l'incompétence de la première juridiction saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Alpes Provence Agneaux et la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alpes Provence Agneaux et la condamne, ainsi que la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse, à payer à M. J... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. J...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les appels interjetés par M. F... J... à l'encontre du jugement du 16 décembre 2016 prononcé par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Alpes,

AUX MOTIFS QU'

en application des articles 538 du code de procédure civile et R 311-2 du code de l'organisation judiciaire, l'appel doit être formé dans le délai d'un mois, à compter de la notification du jugement entrepris, devant la cour d'appel dont relève la juridiction qui a prononcé la décision ;

Qu'en l'espèce, le jugement attaqué ayant été prononcé par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Alpes, l'appel ne pouvait être porté que devant la cour d'appel de Grenoble, conformément au tableau l annexé au décret 2003-614 du 3 juillet 2003 alors en vigueur, dans le délai d'un mois de la notification ;

Que ces règles ont été précisées à M. F... J... dans l'acte de notification qui mentionne expressément que la décision prise en premier ressort était susceptible d'un appel, interjeté dans le délai d'un mois à compter de la notification, devant la cour d'appel de Grenoble ;

Que le jugement du 16 décembre 2016 ayant été notifié à M. F... J... le 10 janvier 2017, son appel aurait donc dû être porté devant la Cour de céans le 10 février 2017 au plus tard, même si le jugement a fait l'objet d'une rectification matérielle par ordonnance du 8 mars 2017 notifiée le 22 mars 2017 ;

Que toutefois, M. F... J... n'a interjeté appel devant la Cour de céans que par un acte adressé le 8 mars 2017 ; que sa seconde déclaration d'appel, adressée le 23 mars 2017 après notification de l'ordonnance rectificative du 8 mars 2017, ne contient aucune critique de la rectification matérielle que M. F... J... a obtenue, et elle vise strictement les mêmes fins que celles mentionnées dans l'acte d'appel du 8 mars 2017 ;

Que pour soutenir néanmoins la recevabilité de son appel devant la Cour de céans, interjeté dans des termes identiques par deux actes successifs, M. F... J... invoque les dispositions de l'article 2241 du code civil selon lesquelles une demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ;

Qu'il tente de se prévaloir de l'appel qu'il a cru pouvoir interjeter devant la Cour d'Aix-en-Provence le 31 janvier 2017, complété par un acte du 17 février 2017, ainsi que du désistement que cette Cour a constaté par arrêt du 20 octobre 2017 ;

Que toutefois si, d'une manière générale, en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, seraitelle formée devant une cour d'appel incompétente, interrompt le délai d'appel, cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque l'appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir (cass civ 2ème 21 mars 2019 n° 17-10663) ;

Qu'en particulier, l'article 2243 du code civil dispose précisément que l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ;

Que dès lors que M. F... J... s'est désisté de l'appel qu'il avait interjeté devant la Cour d'appel d'Aix- en-Provence, ce que cette Cour a constaté par arrêt de sa 14ème chambre en date du 20 octobre 2017, il ne peut plus se prévaloir de l'effet interruptif attaché aux déclarations d'appel qu'il a adressées à cette Cour ;

Que faute pour lui d'avoir régulièrement saisi la Cour de céans d'un appel formé dans le mois de la notification du jugement critiqué, M. F... J... est irrecevable en ses recours ;

Que pour autant, il n'est pas contraire à l'équité de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'en application de l'article 696 du même code, il s'impose néanmoins de mettre les dépens à la charge de M. F... J... ;

1° ALORS QU'en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, même formée devant une cour incompétente, interrompt le délai d'appel ; que si cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque le demandeur, notamment, s'est désisté de sa demande, cette disposition ne s'applique pas lorsque le désistement est intervenu en raison de l'incompétence de la première juridiction saisie ; qu'en disant que M. J... ne peut plus de prévaloir de l'effet interruptif attaché à ses déclarations d'appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, tout en constatant que ces déclarations, et donc le désistement, avaient été portés devant cette première juridiction qui était incompétente alors qu'entre temps, la cour d'appel de Grenoble, qui était compétente, avait été saisie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des textes susvisés, ainsi que de l'article 5 du code de procédure civile, qu'elle a donc violés par fausse application,

2° ALORS QUE le désistement ne permet de regarder l'interruption de la prescription comme non avenue que lorsqu'il s'agit d'un désistement d'instance pur et simple ; que quand il est motivé par l'incompétence de la juridiction devant laquelle il est formulé et qu'il fait suite à la saisine d'une autre juridiction compétente pour connaître de la demande, le désistement maintient l'effet interruptif de la demande en justice ; qu'en disant que M. J... ne pouvait plus de prévaloir de l'effet interruptif attaché à ses déclarations d'appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sans rechercher si, comme le soutenait M. J..., celui-ci ne s'était pas désisté de ses appels devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence en raison précisément de l'incompétence territoriale de cette première juridiction saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2241 et 2243 du code civil, ensemble l'article 5 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-20766
Date de la décision : 22/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Acte d'appel - Prescription - Interruption par une déclaration d'appel devant une cour incompétente - Désistement d'instance en raison de l'incompétence - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Action en justice - Déclaration d'appel devant une cour incompétente - Désistement d'instance en raison de l'incompétence - Portée

Il résulte des articles 2241 et 2243 du code civil que si une déclaration d'appel formée devant une cour d'appel incompétente interrompt le délai d'appel, cette interruption est non avenue en cas de désistement d'appel, à moins que le désistement n'intervienne en raison de la saisine d'une cour d'appel incompétente. Dès lors, en l'état d'un premier appel formé à tort devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence dont l'appelant s'est désisté après avoir régularisé un nouvel appel devant la cour d'appel de Grenoble territorialement compétente, ce dont il ressortait que le désistement était motivé par l'incompétence de la première juridiction saisie, encourt la censure l'arrêt qui prononce l'irrecevabilité du second appel motif pris de ce que, s'étant désisté, l'appelant ne pourrait plus se prévaloir de l'effet interruptif du délai d'appel de la première déclaration d'appel


Références :

articles 2241 et 2243 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 04 juin 2019

A rapprocher : 1re Civ., 12 décembre 1995, pourvoi n° 93-15492, Bull. 1995, I, n° 456 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 oct. 2020, pourvoi n°19-20766, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20766
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