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21/10/2020 | FRANCE | N°19-83673

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 octobre 2020, 19-83673


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° S 19-83.673 F-D

N° 1866

EB2
21 OCTOBRE 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 OCTOBRE 2020

M. C... L..., M. H... R... et M. D... W... ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 8 mars 20

19, qui les a condamnés, le premier, du chef d'escroquerie en bande organisée, à trente mois d'emprisonnement dont douze mo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° S 19-83.673 F-D

N° 1866

EB2
21 OCTOBRE 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 OCTOBRE 2020

M. C... L..., M. H... R... et M. D... W... ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 8 mars 2019, qui les a condamnés, le premier, du chef d'escroquerie en bande organisée, à trente mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis, à cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé une mesure de confiscation, le deuxième du chef de recel, à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, à cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé une mesure de confiscation, le troisième du chef de recel à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, 600 000 euros d'amende et à cinq ans d'interdiction professionnelle.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. D... W... et de M. C... L..., les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. H... R..., les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. I... F..., assisté de son curateur, M. V... Y... et de Mme P... A..., épouse E..., les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. N... S... et de Mme G... Q..., épouse S..., les observations de de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. K... X... et de Mme B... T... et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A l'issue de l'information ouverte des chefs d'escroquerie en bande organisée, tentative d'escroquerie en bande organisée, abus de faiblesse et recel à l'encontre, notamment, des demandeurs, le juge d'instruction a ordonné le renvoi, notamment, de M. L... des chefs d'escroquerie et tentatives d'escroquerie en bande organisée, et de MM. R... et W... du chef de recel aggravé.

3. Par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal correctionnel de Strasbourg a déclaré M. L... coupable du délit d'escroquerie en bande organisée après l'avoir relaxé du chef de tentative de ce délit, et l'a condamné à trente mois d'emprisonnement dont quinze mois avec sursis, à cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé une mesure de confiscation, a déclaré M. R... coupable du délit de recel d'escroquerie en bande organisée après avoir écarté la circonstance aggravante de vulnérabilité des victimes et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, à cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé une mesure de confiscation, et a déclaré M. W... coupable du délit de recel d'escroquerie en bande organisée après avoir écarté la circonstance de vulnérabilité des victimes, et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, à cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé la confiscation des scellés.

4. Sur l'action civile, le tribunal, après avoir constaté l'existence d'un lien de connexité entre tous les faits d'escroquerie en bande organisée et ceux de recel, a condamné solidairement tous les prévenus à indemniser l'ensemble des parties civiles.

Examen des moyens

Sur les trois moyens proposés par la SCP Spinosi et Sureau pour M. W..., les deuxième et troisième moyens proposés par la SCP Spinosi et Sureau pour M. L... et les trois moyens proposés par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle Hannotin pour M. R...

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen de cassation proposé par la SCP Spinosi et Sureau pour M. L...

Enoncé du moyen

6. Le premier moyen critique l'arrêt en ce qu'il a condamné M. C... L... à trente mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis, à la confiscation de plusieurs de ses biens et à cinq ans d'interdiction de gérer, alors :

« 1°/ que, d'une part, ne saurait constituer un motif de nature à justifier la sévérité de la sanction pénale le fait que le prévenu ne reconnaisse pas sa culpabilité ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance tirée de ce que M. L... persistait à nier les faits qui lui étaient reprochés pour lui infliger les peines par elle décidées, la cour d'appel a méconnu son droit de ne pas contribuer à son autoincrimination, en violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

2°/ que, d'autre part, en énonçant que les éléments dont elle disposait sur la situation de M. L... ne permettaient pas de décider, à ce stade, de l'aménagement qui se révélerait pertinent, quand, pourtant, le prévenu, présent à l'audience, pouvait répondre à toutes les questions des juges leur permettant d'apprécier la faisabilité d'une mesure d'aménagement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 132-19 du code pénal dans sa rédaction alors en vigueur :

7. Il résulte de ce texte que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction. Si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale.

8. Pour prononcer les peines susvisées à l'encontre de M. L..., l'arrêt attaqué, après avoir rappelé la situation matérielle, familiale et personnelle du prévenu ainsi que l'état de son patrimoine, relève que le tribunal correctionnel a à juste titre constaté qu'il a joué un rôle important de pivot local du réseau, qu'il a activement veillé au fonctionnement de la société AHF 67 dans des conditions permettant, grâce à l'utilisation de divers mécanismes frauduleux cumulés, qu'il enseignait à ses collaborateurs et leur demandait fermement d'utiliser, d'en tirer de larges profits au détriment de victimes délibérément trompées et conduites à s'engager financièrement de manière d'autant plus importante qu'elles se voyaient régulièrement proposer de nouveaux travaux dans les conditions précédemment dépeintes.

9. Les juges ajoutent qu'associé dans maintes entités, très proche des actionnaires initiaux en particulier de M. R..., son parcours professionnel tendant alors à se calquer sur celui de l'intéressé, M. L... s'est de la sorte assuré des revenus très élevés et que la ligne de défense dont il n'entend pas se départir, qui consiste dans la négation de son implication dans les faits et son incompréhension vis à vis des doléances des plaignants conduit à craindre le renouvellement du même comportement et la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant cinq ans prononcée par les premiers juges s'avère indispensable pour l'en empêcher et sera donc confirmée.

10. Les juges, après avoir confirmé la peine de confiscation de biens immobiliers prononcée par le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article 131-21, alinéa 5, du code pénal, relèvent ensuite, notamment, qu'en l'état de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu, telles qu'elles ressortent des éléments ci-dessus énoncés, et nonobstant sa situation familiale, seule une peine comportant un emprisonnement ferme significatif est adaptée en répression et que si un quantum global de trente mois retenu par le tribunal correctionnel est adéquat, il convient en revanche d'augmenter la partie ferme de la peine et de prononcer à I'encontre de M. L... une peine de trente mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis, les éléments dont la cour dispose sur la situation du prévenu ne permettant pas de décider à ce stade de l'aménagement qui se révélera pertinent.

11. En se déterminant ainsi, alors que M. L..., présent à l'audience, pouvait répondre à toutes les questions des juges leur permettant d'apprécier la faisabilité d'une mesure d'aménagement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

12. La cassation est encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de M. L..., dès lors que la déclaration de culpabilité et les dispositions civiles n'encourent pas la censure.

14. L'affaire sera renvoyée devant une cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué dans les limites de la cassation ainsi prononcée, conformément à la loi, et, le cas échéant, aux dispositions des articles 132-19 et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, applicables à partir du 24 mars 2020.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 8 mars 2019, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. L..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un octobre deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-83673
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 08 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 oct. 2020, pourvoi n°19-83673


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gouz-Fitoussi, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Spinosi et Sureau, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.83673
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