LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 octobre 2020
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 546 F-P+B
Pourvoi n° K 19-11.700
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020
La société financière Antilles Guyane (SOFIAG), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.700 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme M... C..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. R... C..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société financière Antilles Guyane, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme M... C..., et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 novembre 2018), par un acte sous seing privé du 7 juin 2004, la société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la SODEGA) a consenti à la société Compagnie Générale de Torréfaction (la société) un prêt d'un montant de 100 000 euros. Par un acte du même jour, Mme M... C..., épouse X..., et M. R... C... se rendus cautions de ce prêt.
2. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 27 juillet et 23 novembre 2006, la société financière Antilles Guyane (la SOFIAG), venant aux droits de la SODEGA, a assigné Mme M... C... et M. R... C..., en exécution de leurs engagements. Les cautions ont demandé, reconventionnellement, l'annulation de ceux-ci sur le fondement des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La SOFIAG fait grief à l'arrêt d'annuler l'acte de cautionnement du 7 juin 2014, alors :
« 1° / que les erreurs qui n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par le code de la consommation ni n'en rendent la compréhension plus difficile pour la caution n'affectent pas la validité du cautionnement ; qu'en jugeant au contraire que la mention "Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 €) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents" était nulle pour ne pas correspondre pas aux mentions manuscrites exigées par le code de la consommation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les erreurs affectaient le sens, la
portée ou la compréhension de la mention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause ;
2°/ que la nullité automatique du cautionnement pour non-respect du formalisme cause une atteinte disproportionnée au droit de propriété du créancier bénéficiaire de la sûreté ; qu'en jugeant que le cautionnement était nul au motif que " le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation n'a pas été respecté", quand cette nullité n'était pas justifiée par la protection de l'intégrité du consentement des cautions, la cour
d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
4. D'une part, après avoir relevé que Mme M... C... et M. R... C... ont, dans l'acte de cautionnement du 7 juin 2004, fait précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante : « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents », l'arrêt en déduit exactement que le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, n'a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l'identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l'engagement, ni n'indique ce que signifie son caractère « solidaire ». L'arrêt retient, en outre, que l'adjectif « indivise » contribue à la confusion et à l'imprécision en ce qu'il constitue un ajout par rapport à la mention légale, et que, de plus, il est impropre, et, en tout état de cause, non défini. En l'état de ces éléments, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
5. D'autre part, la sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n'est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société financière Antilles Guyane (SOFIAG) aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société financière Antilles Guyane (SOFIAG) et la condamne à payer à Mme M... C... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société société financière Antilles Guyane (SOFIAG).
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait prononcé la nullité de l'acte du 7 juin 2014 par lequel Mme M... C... et M. R... C... se sont portés cautions solidaires auprès de la Sodega (devenue la Sofiag) de la SAS Compagnie générale de torréfaction pour le remboursement à la Sodega d'un emprunt de 100 000 euros et d'AVOIR en conséquence rejeté l'ensemble des demandes de la Sofiag ;
AUX MOTIFS QUE Sur la nullité du cautionnement ; qu'aux termes de l'article L 341-2 du code de la consommation, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." ; que selon l'article L 341-3 de ce code, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X..." ; qu'en l'espèce Mme M... C... et M. R... C... ont, dans l'acte de cautionnement du 7 juin 2004, fait précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante : "Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents" ; qu'il s'ensuit que le formalisme des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation n'a pas été respecté ; que ce formalisme est prescrit à peine de nullité ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a notamment prononcé la nullité de l'acte de cautionnement du 7 juin 2014 par lequel Mme M... C... et M. R... C... se sont portés cautions solidaires de la SAS Compagnie Générale de Torréfaction pour le remboursement à la SA SODEGA d'un emprunt de 100 000 euros et rejeté l'ensemble des demandes de la SAS SOFIAG ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Sur la nullité des cautionnements ; que selon l'article L. 341-2 du code de la consommation, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X— n'y satisfait pas lui-même." ; que selon l'article L. 341-3 du même code, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X..." ; qu'en l'espèce, dans l'acte de cautionnement du 7 juin 2004, les consorts C... ont écrit les mentions suivantes : "Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 €) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents" ; qu'or ces mentions manuscrites ne correspondent aucunement aux mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; que de fait, ces articles ne prévoient pas de marge de manoeuvre dans la rédaction, que ce soit pour l'une ou l'autre des mentions ;
que dès lors, l'engagement de caution des consorts C... encourt la nullité ; qu'étant nul, il ne saurait servir de commencement de preuve par écrit pour démontrer un engagement ; que l'engagement de caution des consorts C... étant annulé, l'ensemble des demandes de la Sofiag fondées sur cet engagement seront rejetées ;
1°) ALORS QUE les erreurs qui n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par le code de la consommation ni n'en rendent la compréhension plus difficile pour la caution n'affectent pas la validité du cautionnement ; qu'en jugeant au contraire que la mention « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 €) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents » était nulle pour ne pas correspondre pas aux mentions manuscrites exigées par le code de la consommation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les erreurs affectaient le sens, la portée ou la compréhension de la mention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause ;
2°) ALORS QUE la nullité automatique du cautionnement pour non-respect du formalisme cause une atteinte disproportionnée au droit de propriété du créancier bénéficiaire de la sûreté ; qu'en jugeant que le cautionnement était nul au motif que « le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation n'a pas été respecté », quand cette nullité n'était pas justifiée par la protection de l'intégrité du consentement des cautions, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause.