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21/10/2020 | FRANCE | N°18-24996

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 octobre 2020, 18-24996


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle
sans renvoi

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 948 F-D

Pourvoi n° S 18-24.996

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020

Mme J... Y..., domici

liée [...] , a formé le pourvoi n° S 18-24.996 contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle
sans renvoi

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 948 F-D

Pourvoi n° S 18-24.996

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020

Mme J... Y..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° S 18-24.996 contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Ephigea, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à Pôle emploi Bretagne, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La société Ephigea a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de Mme Y..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ephigea, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 octobre 2018), Mme Y... a été engagée en qualité de vendeuse par la société Ephigea dans le cadre de contrats à durée déterminée à temps partiel du 30 décembre 2010 au 19 février 2011 puis, pour une durée minimale allant du 24 février 2011 au 24 avril 2011, en remplacement partiel d'une salariée bénéficiant d'un congé parental, avec possibilité de prolongation jusqu'à son retour.

2. L'employeur a notifié à la salariée la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave le 8 juin 2012.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 28 février 2014, de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer des sommes au titre de la requalification en temps plein et des congés payés afférents, alors « que tout jugement ou arrêt doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, dans les motifs de sa décision, que le jugement entrepris devait être confirmé ''en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée déterminée à temps complet à compter du 30 décembre 2010 et a condamné la société à payer à la salariée la somme de 5 373,73 euros à titre de rappel de salaire, outre 537,37 euros de congés payés afférents'', puis en décidant dans le dispositif de sa décision d'infirmer le jugement notamment en ses dispositions ayant condamné la société Ephigea à payer à Mme Y... 5 373,73 euros au titre de la requalification en temps plein outre 537,73 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs de sa décision et son dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. La contradiction existant entre les motifs et le dispositif, invoquée par le premier moyen, procède d'une erreur matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déféré l'arrêt et dont la rectification sera ci-après ordonnée.

7. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnité, alors « que l'employeur ne peut être condamné à rembourser les indemnités de chômage qu'en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; qu'en confirmant le jugement qui avait prononcé une telle condamnation à remboursement tout en jugeant que le licenciement pour faute grave de Mme Y... était fondé, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

9. Il résulte de ce texte que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage perçues par le salarié.

10. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnité, l'arrêt retient que les comportements fautifs de la salariée étaient d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise ainsi que celui de son contrat de travail à durée déterminée.

11. En statuant ainsi, alors que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné que dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Rectifie le dispositif de l'arrêt attaqué RG n° 16/04509 en ce sens que le chef de dispositif suivant : « Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a (...) condamné la société à payer à Mme J... Y... les sommes de (...) 5 373,73 euros au titre de la requalification en temps plein, outre 537,73 euros au titre des congés payés y afférents » est supprimé ;

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement d'avoir ordonné le remboursement par la société Ephigea aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme Y..., du jour du licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 3 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi principal, par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Brest du 13 mai 2016 en ce qu'il avait condamné la société Ephigea à payer à Mme J... Y... les sommes de 5.373,73 € au titre de la requalification en temps plein, outre 537,73 € à titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE Mme Y... justifie par les plannings qu'elle produit des modifications dès le début de la relation contractuelle par rapport aux dispositions contractuelles qu'elle allègue, pour lesquelles l'employeur ne justifie pas systématiquement du respect du délai de prévenance, le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée déterminée à temps complet à compter du 30 décembre 2010 et a condamné la société à payer à la salariée la somme de 5.373,73 € à titre de rappel de salaire, outre 537,37 € de congés payés afférents ;

ALORS QUE tout jugement ou arrêt doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, dans les motifs de sa décision, que le jugement entrepris devait être confirmé « en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée déterminée à temps complet à compter du 30 décembre 2010 et a condamné la société à payer à la salariée la somme de 5373,73 € à titre de rappel de salaire, outre 537,37 € de congés payés afférents » (arrêt attaqué, p. 3 in fine), puis en décidant dans le dispositif de sa décision d'infirmer le jugement notamment en ses dispositions ayant condamné la société Ephigea à payer à Jean-Christophe BALAT Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation [...] Mme Y... 5.373,73 €au titre de la requalification en temps plein outre 537,73 € au titre des congés payés afférents, la cour d'appel qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs de sa décision et son dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme J... Y... de ses demandes indemnitaires fondées sur l'existence d'un harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE Mme Y..., qui évoque les faits suivants dans des courriers adressés à l'employeur, personnellement ou ensuite par le biais d'un conseil, ne produit aucune pièce permettant d'en laisser présumer la réalité : accord de Mme FT... le 7 mars 2011 pour bénéficier des tenues gratuites et demande à Mme Q... refusée par celle-ci de bénéficier de tenues gratuites et de remises en magasin, affirmation que celle-ci se réservait d'examiner la poursuite de son contrat, qu'elle lui a retiré les clefs du magasin et les informations utiles, qu'elle ne l'a pas mise à même de préparer la vitrine le 28 mars 2011, ces faits dont la matérialité n'est pas établie doivent être écartés, de même que l'allégation de pressions pour signer le 1er avril un changement de planning le 30 mars 2011 ; que s'agissant du document soumis à la signature de Mme Y... le 7 octobre 2011, il relate un incident avec une autre vendeuse dont l'existence n'est pas contestée par elle et si elle indique postérieurement par le biais de son conseil être en désaccord avec la version rapportée dans l'écrit elle n'apporte pas d'élément permettant de faire présumer l'existence de pressions l'ayant déterminée à signer, ce fait est également à écarter ; que les attestations produites par Mme Y... sur le fait qu'elle aurait été mise à l'écart et insultée par ses collègues, écartée des fermetures, émanant d'amies ou de personnes opportunément présentes pour attester de faits affirmés ou contestés par Mme Q... par rapport à ses collègues en relation avec chaque incident évoqué par ceux-ci, sont utilement combattues par les attestations circonstanciées des personnes à même de témoigner sur ce qui se passait journellement en boutique, que sont les salariées, et par ailleurs Mme U..., en sa qualité de vendeuse responsable, pouvait être légitimement amenée à donner des consignes et directives en l'absence de la responsable de boutique ; que les témoignages des vendeuses produites par l'employeur attestent d'une animosité de Mme Y... à l'encontre de Mme Q... dès l'arrivée de celle-ci, Mme B..., ex stagiaire, indiquant qu'elle lui avait confié que selon elle, elle aurait dû avoir le poste de responsable car elle était plus compétente que X... (Q...), qu'il y a d'ailleurs lieu d'observer à la lecture de son CV qu'en effet elle avait effectué un stage de management en 2010, ce qui conforte ce témoignage, et que ses collègues relatent l'agressivité de Mme Y... tant envers elles qu'envers la responsable Mme Q... pendant la relation de travail ; que les changements dans ses plannings évoqués par Mme Y... préexistaient à l'arrivée de Mme Q..., qu'ils concernent l'ensemble des salariées de la boutique et que la lecture de ces plannings permet de confirmer qu'ils sont justifiés par les besoins du fonctionnement de la boutique et sont étrangers à du harcèlement ; que les demandes de Mme Q... sur l'âge des enfants et la situation familiale de la salariée, de la part d'une nouvelle responsable de boutique ayant à mettre en place les plannings et les jours de repos, étant notoire que le mercredi est le jour le plus demandé par les salariées mères de famille et en même temps un jour de forte fréquentation pour les activités commerciales, l'absence de demande sur ses expériences antérieures et la demande sur les circonstances de son embauche, de la part d'une responsable hiérarchique normalement en possession de son CV, qui fait apparaître un parcours atypique, dès lors sa demande de lui faire effectuer seule et correctement une vitrine pour juger de son niveau et de ses compétences pour évaluer les tâches à lui confier, son contrat portant sur le remplacement partiel d'une première vendeuse, n'excèdent pas les informations dont la responsable de boutique avait besoin pour l'organisation du travail et s'expliquent par des circonstances étrangères à du harcèlement, d'autant que Mme Y... indique elle-même que Mme Q... a souligné certaines de ses qualités ; que Mme Y... affirme que Mme Q... et le responsable régional lui auraient demandé de quitter la boutique en janvier 2012 et produit l'attestation d'une voisine à elle, qui atteste en 2015 qu'en janvier 2012 elle lui aurait dit que « sa direction » lui aurait demandé de dégager du magasin ; que cependant l'employeur établit pour sa part par des attestations qu'en janvier 2012 a eu lieu un incident en boutique, que Mme Y..., qui avait refusé d'effectuer une tâche demandée, avait adopté une attitude de provocation et qu'il lui avait été demandé, dans ces circonstances, de quitter la surface de vente ; qu'il est donc établi que ce fait s'explique par des circonstances étrangères à du harcèlement moral ; qu'elle produit des pièces et attestations indiquant qu'elle effectuait des tâches de ménage, mais que l'employeur justifie par les attestations des vendeuses et la production du document interne relatif aux missions d'une conseillère de vente qu'il existe une polyvalence de tâches au sein des boutiques, que parmi les tâches des vendeuses figurent le rangement et le nettoyage de la surface de vente et de la réserve, que toutes y participaient et que Mme Y... n'y était pas exclusivement affectée ou affectée plus que d'autres ; que l'employeur justifie donc que ces tâches étaient justifiées par des éléments étrangers à un harcèlement moral ; qu'au vu des pièces et explications des deux parties, les faits invoqués par Mme Y... ne sont pas établis ou s'expliquent par ces circonstances étrangères à du harcèlement moral ; que les pièces médicales produites par Mme Y... ne peuvent donc utilement être mises en relation avec un harcèlement moral dont la réalité n'est pas avérée et que l'employeur, qui a réagi dès que la salariée lui a adressé des courriers, en faisant procéder à des auditions et vérifications, à des tentatives de favoriser un dialogue puis qui a mis en place une enquête par le CHSCT et a saisi le médecin du travail pour que l'ensemble des salariées puisse être vues par lui, n'a pas failli à son obligation de sécurité ni à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, au regard des éléments de fait qu'il a pu vérifier ;

ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que Mme Y... avait produit des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, qui avait d'ailleurs justifié à l'époque l'ouverture d'une enquête par le CHSCT (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 2) ; que pour la débouter toutefois de ses demandes, la cour d'appel a considéré, abstraitement, que les éléments qu'elle produisait n'étaient pas établis ou s'expliquaient par des circonstances étrangères à un harcèlement moral (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 2) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher concrètement si, pris dans leur ensemble, les faits invoqués par la salariée ne permettaient pas de présumer l'existence du harcèlement moral invoqué et si l'employeur pouvait justifier objectivement chacune des décisions prises par des éléments étranger à toute discrimination, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur la salariée, violant ainsi l'article 1353 du code civil et les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme J... Y... de ses demandes tendant à voir constater l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE si un fait fautif ne peut donner lieu à sanction au-delà du délai de deux mois, l'employeur peut effectivement invoquer une faute au-delà de ce délai lorsqu'il constate un fait nouveau de même nature ou une persistance du salarié dans le comportement reproché ; qu'en l'espèce, la société appelante produit sur les faits reprochés le 14 avril 2012 deux attestations, celles de Mme U... et de Mme Q..., sur les faits du 10 janvier 2012 trois attestations celles de Mmes Q..., U..., A..., sur ceux du 9 juillet 2011, 23 septembre 2011, 3 février 2012, les attestations de Mme U... appuyées par une main courante déposée au commissariat en septembre 2011 ; que s'agissant des faits du 11 octobre 2011, ils sont également appuyés par deux attestations et qu'il résulte de l'attestation produite par Mme Y... que la réalité de la fermeture du casier avait été constatée également par Mme I... T... mais que Mme V... avait affirmé à celle-ci qu'il fallait une convention signée, argument qui n'est pas repris par Mme Y..., laquelle ne critique pas utilement les attestations produites par l'employeur faisant ressortir qu'elle connaissait l'existence de consignes mais en faisait fi ; que l'ensemble de ces faits présentent un lien en ce qu'ils se rapportent à une attitude d'insubordination de Mme Y... à l'égard de sa hiérarchie et d'agressivité à l'encontre de ses collègues ; qu'ils ne sont donc pas prescrits ; que le fait que les attestations produites émanent de salariées engagées dans un lien de subordination n'entache pas de ce seul fait leur crédibilité dans la mesure où elles sont extrêmement précises et circonstanciées, concordantes et où l'une d'elles émane d'ailleurs d'une personne qui n'était plus salariée de la société au moment où elle l'a rédigée, P... B... ; que le seul fait que Mme KF... ait travaillé avec Mme Q... dans un autre magasin du groupe et s'entende bien avec elle ne suffit pas pour en conclure qu'elles sont personnellement amies, relation dont la réalité n'est pas étayée dans l'attestation de Mme S... produite par Mme Y..., laquelle ne critique donc pas utilement le témoignage de sa collègue Mme KF... ; que s'agissant de l'attestation de Mme B..., si celle-ci y indique qu'elle n'a pas tout compris de ce que lui a raconté un jour Mme Y..., qui l'avait entreprise ainsi qu'il ressort de l'attestation, étant précisé que l'attestante est sénégalaise, pour autant l'intimée ne peut en inférer comme elle le fait que son attestation lui a été dictée ; qu'en effet il ressort de celle-ci qu'elle maîtrise parfaitement le français écrit et tant l'expression que le contenu rédigés dans un style très personnel montrent qu'il s'agit d'une attestation spontanée ; que les attestations produites par Mme Y... faisant état de bonnes relations avec Mme U..., voire d'une prise de position en sa faveur, ne sont pas nécessairement contradictoires avec celles produites par la salariée elle-même, puisqu'elles se rapportent aux débuts de la collaboration et que Mme U... a très bien pu, au fil du temps, se distancier de Mme Y... et se forger une opinion personnelle et différente sur les véritables ressorts d'une situation dont les apparences ont pu initialement l'abuser, et sur les personnalités de l'une et de l'autre, les difficultés signalées par Mme U... avec sa collègue Mme Y... ayant débuté à compter de juin 2011 ; que pour tenter de faire brèche à l'unanimité des attestations de salariées, par nature témoins privilégiés de ce qui se passait dans la boutique, produites par l'employeur, Mme Y... produit celle de O... H..., qui n'a côtoyé les deux salariées ensemble, Mme Q... et Mme Y..., que jusque fin mars 2011, de l'analyse de laquelle ressort la demande de la première d'effectuer seule et correctement une vitrine, y compris en recommençant jusqu'à un résultat satisfaisant, et le reproche de lenteur dans l'exécution d'une tâche ; que plusieurs collègues de Mme Y... soulignent qu'effectivement celle-ci employait un temps anormalement long pour effectuer certaines tâches ; qu'elle produit également celle de Mme L... D..., qui affirme que Mme Q... lui avait dit qu'elle avait des problèmes avec J... et mise en garde contre elle, ce qui peut s'expliquer si l'on considère que la réalité d'une situation conflictuelle ne pouvait en tout état de cause échapper à la connaissance d'une personne amenée à travailler dans une petite boutique et que, selon ce que rapporte Mme U..., Mme Y... essayait de monter les salariées contre la responsable, et que selon ce que rapporte Mme B... elle n'avait, dès le premier jour de stage de cette dernière, fait que critiquer X... (Q...), son équipe et la société ; que l'autre précision apportée par cette attestation de Mme D..., à savoir que Mme Y..., très professionnelle, l'a beaucoup aidée pendant sa période passée à la boutique, est d'une portée très relative, au regard des plannings produits par ailleurs aux débats, puisqu'il ressort de ceux-ci que Mme D... devait travailler en août 2011 mais qu'elle a été déplanifiée, sa période d'essai, selon les explications des parties, n'ayant pas été jugée concluante, et que donc sa présence dans la boutique n'a été que particulièrement brève ; que l'intimée produit des attestations faisant état de ses qualités à l'égard de la clientèle, qui n'ont jamais été remises en cause ; que quand bien même il ne peut être exclu, au vu de quelques attestations produites par Mme Y... (K..., R..., M...), que l'exaspération générée par son comportement ait pu conduire la responsable de boutique à s'épancher hors boutique sur une situation devenue invivable ou l'une ou l'autre collègue ou ex-collègue à exprimer ponctuellement leur agacement à son encontre, encore qu'il résulte plutôt de l'ensemble des témoignages de salariées que l'agressivité de Mme Y..., qui avait pour habitude de se rapprocher très près de ses interlocutrices en les pointant du doigt de manière très violente et impressionnante produisait plutôt chez elles un effet anxiogène, l'unanimité contre elle de ses collègues montre qu'elle était bien la source de l'ambiance délétère ; que s'agissant du fait du 14 avril 2012, l'attestation de Mme G..., qui d'ailleurs, simple cliente, est néanmoins si on l'en croit, en mesure de nommer une vendeuse par son prénom et patronyme (C... U...), n'emporte pas la conviction et ne contrebalance pas utilement, pour contester la réalité d'une insubordination à l'égard de la première vendeuse responsable, celle de Mme U..., qui rapporte textuellement les propos de Mme Y..., l'impact de cet incident étant corroboré par l'attestation de Mme Q... qui a reçu son appel téléphonique après la scène, et par l'analyse des dynamiques de comportement ressortant de l'ensemble des attestations des salariées ; que l'employeur rapporte donc la preuve de ce que, du fait de comportements fautifs récurrents imputables à Mme Y..., graves en ce qu'ils avaient une incidence sur le fonctionnement d'une petite boutique, la présence de celle-ci ne pouvait plus y être maintenue ni son contrat à durée déterminée ; qu'il y a lieu en conséquence de débouter Mme Y... de ses demandes au titre de la rupture ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués ; qu'en considérant que le licenciement de Mme Y... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur rapportait « la preuve de ce que, du fait de comportements fautifs récurrents imputables à Mme Y..., graves en ce qu'ils avaient une incidence sur le fonctionnement d'une petite boutique, la présence de celle-ci ne pouvait plus y être maintenue ni son contrat à durée déterminée »
(arrêt attaqué, p 10, ligne 50), tout en constatant que « la société appelante produit sur les faits reprochés le 14 avril 2012 deux attestations, celles de Mme U... et de Mme Q..., sur les faits du 10 janvier 2012 trois attestations celles de Mmes Q..., U..., A..., sur ceux du 9 juillet 2011, 23 septembre 2011, 3 février 2012, les attestations de Mme U... appuyées par une main courante déposée au commissariat en septembre 2011 » (arrêt attaqué, p. 9, alinéa 5), ce dont il résultait que l'employeur avait toléré les comportements prétendument fautifs de Mme Y... pendant plus d'un an, ce qui l'empêchait de les invoquer pour justifier un licenciement pour faute grave, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU' en tout état de cause, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant, pour considérer que le licenciement de Mme Y... était justifié par l'existence d'une faute grave, à retenir que la salariée entretenait des relations conflictuelles avec sa hiérarchie et ses collègues de travail et que ces conflits « avaient une incidence sur le fonctionnement d'une petite boutique » (arrêt attaqué, p. 10, ligne 50), sans expliquer en quoi cette « incidence » rendait impossible le maintien de Mme Y... dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Ephigea

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnité ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la rupture du contrat
La lettre de rupture, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
'Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 26/04/2012, vous avez été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à une rupture anticipée de votre contrat à durée déterminée pour faute grave.
Lors de cette entrevue qui s'est déroulée le mercredi 16/05/2012 au sein du magasin de [...], M. F..., accompagné de MLLE N..., Juriste Droit Social, vous a exposé les griefs repris ci-après et a entendu vos explications sur ces derniers.
Nous vous rappelons que vous vous êtes présentée en magasin accompagnée d'un représentant de la CGT de Brest, ce que nous n'avons pu admettre, d'autant plus que nous vous avions informée de la possibilité de vous faire assister pendant cet entretien préalable soit par les représentants du personnel de l'entreprise, soit par toute autre personne appartenant au personnel de l'entreprise. Vous avez été engagée en tant que Vendeuse au sein du magasin de [...] dans le cadre de deux contrats à durée déterminée successifs en date des 30/12/2010 et 21/02/2011, au cours desquels nous avons pu relever de très nombreux manquements de votre part.
Nous avons déjà eu l'occasion de soulever un problème comportemental en magasin, qui se manifeste à la fois par un refus d'exécuter les consignes et directives de votre hiérarchie, et par un comportement irrespectueux, impoli voire agressif qui aboutit notamment à de très nombreuses altercations.
Nous sommes contraints de constater que, bien souvent, vous ne respectez pas les consignes de votre hiérarchie, qu'il s'agisse de la Responsable du magasin, votre N+1, de la Conseillère de vente qui la seconde, voire même de M. F..., votre responsable régional et N+2.
Notamment, il avait été acté au cours d'une réunion d'équipe le 21/O9/2011 que les casiers situés en réserve doivent être verrouillés lorsque les salariées sont en surface de vente, et laissés ouverts à leur départ. Or, le 11/10/2011, en présence de collaboratrices venues du Siège (I... W... et JN... PD..., membres élues du CHSCT, et TB... UP... et MLLE N..., Juristes Droit Social), et alors que cette consigne venait d'être évoquée au cours d'un échange, vous avez délibérément verrouillé le casier à votre départ, marquant clairement votre insubordination, devant témoins.

Autre exemple, le 10/01/2012, à la fermeture du point de vente, la Responsable vous a demandé de passer l'aspirateur en magasin ; vous étiez alors la seule disponible pour réaliser cette tâche. Vous avez délibérément refusé, rétorquant « Il est hors de question que je passe l 'aspirateur ce soir, c'est toujours moi qui le fais '', « Vous n'avez pas d'ordres à me donner ! ''.
Reformulant sa consigne, la Responsable a essuyé un nouveau refus, en réponse à quoi elle vous a demandé de vous rendre dans la réserve du magasin. Dépassée par votre comportement, la Responsable a contacté son supérieur hiérarchique, M. F..., afin qu'il vous fasse entendre raison.
Lorsque ce dernier vous a demandé le motif de votre refus, vous lui avez répondu que vous aviez déjà passé l'aspirateur plusieurs fois la semaine précédente. Face a votre entêtement, il vous a demandé d'exécuter sans délai la consigne de votre Responsable ou de quitter le magasin sur le champ.
Loin d'obtempérer, vous êtes restée en magasin sans rien faire, narguant ouvertement vos collègues, vous promenant les mains dans les poches.
Ce jour, vous avez manqué à vos obligations contractuelles, votre contrat prévoyant en effet que vous êtes tenue d' « assurer régulièrement les services qu'implique le bon fonctionnement du magasin ((...) nettoyage du sol (...))'', attitude qui a grandement choqué vos collègues.
Néanmoins, bien que susceptible de justifier à minima une sanction disciplinaire, et au regard des négociations qui étaient alors en cours, nous avions pris la décision de ne rien intenter à votre encontre.
Il nous a également été rapporté, à de maintes reprises, que vous faites preuve d'un comportement irrespectueux, impoli voire agressif en magasin (en réserve et sur la surface de vente), tant vis-à-vis de la Responsable que de vos collègues de travail.
Ainsi, en mars 2011, vous vous êtes permis de dire à la Responsable du magasin, nouvellement embauchée, « Attention à vous, vous êtes encore en période d'essai ! ''.
Dans le même ordre d'idées, l'une de vos collègues nous a fait part de propos que vous lui avez tenus à l'arrivée en magasin de votre nouvelle Responsable. A plusieurs reprises, vous lui avez dit que cette dernière devait se droguer pour venir au travail, car elle était un peu fatiguée, mais qu'elle restait dynamique quand même. Votre collègue a été choquée par vos paroles et gênée car celles-ci ont été dites devant des clientes.
Autre exemple, le 09/07/2011, et alors que vous vous étiez déjà exprimée à de nombreuses reprises à propos de votre Responsable auprès de C... U..., l'une de vos collègues de travail, vous l'avez contactée sur son téléphone personnel afin de la rencontrer en dehors du magasin. Celle-ci, se doutant de l'objet de la rencontre, a refusé. Vous l'avez alors prise à parti, et lui avez dit qu'elle se devait de vous soutenir, d'être à vos côtés.

Nous ont également été rapportées de multiples altercations, dont vous êtes a l'initiative.
Notamment, le 03/09/2011, étaient présentes en magasin C... U..., OU... HN..., et vous- même. Suite à une discussion sur les pauses en magasin, vous vous êtes emportée contre l'une de vos collègues, OU... HN..., qui vous demandait simplement si vous aviez informé la Responsable d'un changement. Vous l'avez apostrophée « De quoi tu te mêles''', et ce devant des clientes. Le ton est monté, vous l'avez pointée du doigt.
Votre collègue, très perturbée par cette altercation, en a immédiatement informé la Responsable.
Elle lui a déclaré s'être sentie agressée, menacée.
La Responsable du magasin, qui avait terminé sa journée, est d'ailleurs repassée en magasin pour recueillir vos explications, et vous signifier qu'elle n'accepterait plus un tel comportement de votre part. Vous n'avez rien nié.
De nouveau, le 23/09/2011, une altercation avec l'une de vos collègues, C... U....
Cette dernière nous a rapporté que vous l'avez agressée verbalement en sortant du magasin, alors que vous vous rendiez toutes deux à vos véhicules respectifs. Dans la discussion, C... U... vous avait précisé qu'elle n'avait pas apprécié la façon dont vous aviez parlé à OU...
HN... le 03/09/2011, ce à quoi vous aviez répondu que la Direction avait demandé à OU... de vous surveiller. C... U... vous avait rétorqué que c'était faux, et que vous aviez tout simplement un problème avec la Responsable. Et, pour clôre le débat, elle vous a demandé d'arrêter de la suivre. Vous vous êtes alors emportée, et l'avez suivie jusqu'à sa voiture, en criant dans la rue.
Lorsque C... U... est montée dans sa voiture, vous l'avez empêchée de fermer sa portière, et vous êtes rapprochée d'elle. Vous l'avez pointée du doigt. C... U..., tremblante devant votre attitude agressive, a dû se lever de son siège pour vous repousser afin de pouvoir partir. Choquée, elle a déposé dès le lendemain une main courante à votre encontre. Y a été stipulé le fait que d'autres collègues de travail avaient déjà rencontré des difficultés de ce genre avec vous.
Pire encore, nous avons appris récemment, que le 03/02/2012, suite à un échange avec C... U... sur des écarts de caisse, et alors que cette dernière était partie en réserve pour couper court à la conversation, à son retour en magasin, vous l'avez traitée de «
malhonnête, fouteuse de merde, faux blédard '' (Pour information, le terme blédard est revendiqué comme synonyme de «issu de l'immigration'', et son utilisation est donc totalement inappropriée à l'encontre de l'une de vos collègues).
Votre comportement, inadmissible, a d'ailleurs entrainé de nombreux disfonctionnements au sein du point de vente, et a notamment contribué au départ de certaines de nos salariées.

L'une de nos salariées, en contrat a durée déterminée de remplacement, nous a avoué avoir commencé à postuler ailleurs suite à l'altercation que vous aviez eue avec OU... HN... en septembre 2011, et donc être partie notamment à cause de la mauvaise ambiance que vous faisiez régner en magasin.
De même, C... U... nous a avoué que si elle n'était pas en contrat à durée indéterminée, vu le climat en magasin, elle aurait cherché un poste dans une autre enseigne.
Et, plus récemment, une jeune stagiaire nous a informés que dès son 1er jour de travail, vous vous étiez rapprochée d'elle pour critiquer la Responsable du magasin et son équipe. Votre attitude inadaptée l'a même découragée à revenir en magasin pour sa 2ème période de stage.
Enfin, lorsqu'elle a démissionné, OU... HN... a indiqué que depuis 2 ans et demi qu'elle travaillait au sein de notre entreprise, elle n'avait jamais eu une collègue qui lui parle sur ce ton, avec autant d'irrespect et de colère.
Au regard du contexte en magasin votre Conseil nous a fait part de ce qu'il apparaissait « urgent dans ce dossier de trouver une solution amiable '' par correspondance du 02/12/2011.
Après de multiples échanges entre avocats interposés, et alors que vous aviez donné votre accord quant à une rupture anticipée de votre contrat à durée déterminée, vous vous êtes subitement rétractée.
Votre décision nous a naturellement laissé penser que la collaboration se poursuivrait entre vous et nous, en préservant un minimum de respect et de savoir être professionnel.
Or, le 14/04/2012, et bien que nous avions déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous les manquements précités, est survenu un nouvel incident en magasin, qui est venu s'ajouter à vos nombreux antécédents. C'est bel et bien cet incident du 14/04/2012 qui nous a amené à vous rencontrer le 16/05 dernier, puisque vous avez démontré que, malgré nos nombreuses mises en garde, vous n'êtes manifestement pas prête a modifier votre attitude.
Le samedi 14/04/2012, à 18H30, étaient présentes en magasin C... U..., vousmême et deux clientes. C... U..., qui seconde la Responsable du magasin, vous a demandé de vous organiser afin de commencer à passer l'aspirateur vers 19H40/19H45, ce à quoi vous avez répondu :
« Non, je ne passerai pas l'aspirateur, à toi l'honneur. C'est quoi ton problème C... ' Tu as peur de te casser un ongle' Franchement C..., t'es une mal polie, une mal élevée ! C'est de la discrimination que tu fais ! ''. Vous avez tenu ces paroles en la montrant du doigt, de façon virulente, et en haussant fortement le ton.
C... U... s'apprêtait à faire les poussières. Surprise, une fois encore de votre réaction, elle a pris sur elle pour ne pas pleurer devant les clientes, et vous a demandé calmement : « Pourquoi me parles- tu comme ça ' ''.

Il s'agissait là d'attaques personnelles : «Tu as peur de te casser un ongle'', «T'es une mal polie '', « Une mal élevée ''. Vous avez, encore une fois, utilisé un langage inapproprié, agressif et irrespectueux envers votre collègue de travail, qui plus est devant nos clientes.
A ce sujet, nous ne pouvons admettre que vous preniez à partie notre clientèle. En effet, vous vous êtes permis de dire à une cliente en cabines que C... U... était « mal élevée, comme le sont toutes les jeunes maintenant '', qu'elle vous avait demandé de faire un travail que vous aviez déjà fourni la veille, et que « vous estimiez que c'était à chacun votre tour de le faire ''. Nos deux clientes, gênées et choquées, se sont d'ailleurs fait mutuellement part de la « très mauvaise ambiance en magasin ''. L'une d'elles ne l'a pas du tout apprécié, et a très vite quitté le magasin. Une nouvelle fois, C... U... a contacté la Responsable du magasin en pleurs afin de lui faire part de cet incident.
Le 16/05/2012, lorsque vous vous êtes exprimée à ce sujet, en guise de défense, vous avez précisé que vous aviez déjà passé l'aspirateur toute la semaine. Apres vérification, il s'avère que cela est inexact. En effet, même si sur la semaine 15, cela vous avait déjà été demandé a deux reprises, en semaine 14, vous n'aviez passé l'aspirateur qu'une fois, et pas du tout en semaine 13. Vous n'êtes donc pas légitime à prétendre que vous êtes toujours en charge de cette mission. D'autant plus que pendant qu'une salariée passe l'aspirateur, les autres ont en charge les poussières et le nettoyage des miroirs en cabines et en surface de vente. Les missions de ménage sont donc bien réparties entre tous les membres de l'équipe.
C... U... vous avait précisé se charger des poussières et miroirs.
Vous avez également affirmé que vous ne pouviez pas passer l'aspirateur en magasin car vous étiez occupée de faire un ourlet à une cliente, et que C... U... vous l'aurait demandé de manière agressive. Ici aussi, c'est totalement faux. C... U... ne vous a jamais ordonné de laisser votre cliente afin de passer l'aspirateur dans la minute. Elle vous a simplement informé de cette mission ; d'ailleurs, à ce moment-là, vous n'étiez même pas dans l'espace cabines, ce que nous a confirmé une cliente.
Enfin, lorsque vous aviez la parole, vous avez ajouté subir de la pression, un véritable acharnement de la part de la Responsable et de son équipe, ce que nous contestons fermement. Selon vous, la société PHILDAR est responsable de la situation en magasin, et vous niez tous les griefs que nous vous reprochons.
Votre comportement est inadmissible, surtout que ce n'est pas le premier incident dont vous êtes l'auteur.
L'incident du 14/04/2012 met en avant la récurrence de vos manquements : insubordination, insolence, résistance, provocation, dénigrements et comportement inadapté, irrespectueux voire agressif et belliqueux. Ces manquements ont d'ailleurs pu s'exprimer tant vis-à-vis de votre M. F..., de votre Responsable de magasin, que de vos collègues de travail, et même des stagiaires présentes temporairement en magasin.
Nous ne pouvons admettre une telle répétition d'actes inappropriée à I‘égard des autres salariées du point de vente, de votre hiérarchie, et de la société.
Par ailleurs, votre comportement nuit au bon équilibre des autres salariées du magasin. Il a en effet des conséquences sur leur bien-être, ces dernières s'étant exprimées à plusieurs reprises, tant auprès de nous qu'auprès du Médecin du Travail, faisant état de difficultés, de l'état de tension en magasin dû à ce dernier, et des impacts sur leurs conditions de travail. Les membres du magasin se sont ainsi indignées auprès de nous, faisant état de constats qui convergent : comportement agressif, propos irrespectueux, impolis, injures, non-respect des consignes, etc. Cette situation empiète sur la vie privée des salariées, qui nous ont avoué en discuter régulièrement avec leurs conjoints, révélant ainsi leur mal-être au quotidien.
Enfin, votre comportement est également préjudiciable à l'image de notre société. En effet, de nombreux propos ont été tenus sur la surface de vente, en présence de clientes, qui ont pu s'exprimer auprès de nous, choquées par vos réactions et vos propos.
Pour toutes ces raisons et parce que nous attendons de nos vendeuses qu'elles exécutent loyalement leur contrat de travail, ce qui n'est pas le cas en l`espèce, nous ne pouvons plus envisager la poursuite de nos relations contractuelles.
Nous vous notifions donc par la présente la rupture anticipée de votre contrat à durée déterminée pour faute grave, laquelle prendra effet à la date d'envoi de cette lettre, sans préavis ni indemnité de rupture.'
La société critique le conseil en ce que, saisi d'une demande d'appréciation de la validité d'une rupture anticipée de CDD, il a statué sur l'existence d'un licenciement, et a, en outre, considéré que les faits reprochés à la salariée, hormis l'un d'eux, étaient prescrits alors même que s'il est exact qu'un fait fautif ne peut à lui seul donner lieu à une sanction au-delà du délai de 2 mois, l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les 2 fautes procèdent d'un comportement identique ou que le comportement du salarié a persisté dans ce délai, et elle souligne que le conseil n'a pas remis en cause la matérialité des faits, elle-même ayant mis en avant des arguments confortés par des pièces qui justifiaient à ses yeux le bien-fondé de la rupture du contrat à durée déterminée de MME Y... pour faute grave, du fait de son comportement le 14 avril 2012 et de la réitération de son attitude inadmissible depuis des mois en dépit de rappels à l'ordre incessants, attitude ayant des répercussions sur les autres salariées. Elle ajoute que les arguments de MME Y... pour tenter de se dédouaner sont infondés et inopérants. MME Y... réplique que le conseil a à juste titre retenu le seul élément qui pouvait être pris en compte, les autres étant prescrits, et que l'employeur ne démontre nullement la faute qu'il lui reproche, qu'elle conteste, ajoutant qu'en tout état de cause si elle avait eu le comportement reproché ce 14 avril 2012, comme d'autres jours, ce ne serait que la conséquence du comportement de l'employeur. Elle critique les attestations produites, en faisant valoir notamment l'existence d'un lien de subordination des salariées envers l'employeur et le fait que MME KF... serait amie avec MME Q....
Sur ce :
Si un fait fautif ne peut donner lieu à sanction au-delà du délai de 2 mois, l'employeur peut effectivement invoquer une faute au-delà de ce délai lorsqu'il constate un fait nouveau de même nature ou une persistance du salarié dans le comportement reproché.
En l'espèce, la société appelante produit sur les faits reprochés le 14 avril 2012 deux attestations, celles de U... et de MME Q..., sur les faits du 10 janvier 2012 trois attestations celles de Mmes MME Q..., U..., A..., sur ceux du 9 juillet 2011, 23 septembre 2011, 3 février 2012, les attestations de U... appuyées par une main courante déposée au commissariat en septembre 2011. S'agissant des faits du 11 octobre 2011 ils sont également appuyés par deux attestations et il résulte de l'attestation de MME V... produite par MME Y... que la réalité de la fermeture du casier avait été constatée également par MME TW..., mais que MME V... avait affirmé à celle-ci qu'il fallait une convention signée, argument qui n'est pas repris par MME Y..., laquelle ne critique pas utilement les attestations produites par l'employeur faisant ressortir qu'elle connaissait l'existence de consignes, mais en faisait fi.
L'ensemble de ces faits présentent un lien en ce qu'ils se rapportent à une attitude d'insubordination de MME Y... à l'égard de sa hiérarchie et d'agressivité à l'encontre de ses collègues, ils ne sont donc pas prescrits.
Le fait que les attestations produites émanent de salariées engagées dans un lien de subordination n'entâche pas de ce seul fait leur crédibilité dans la mesure où elles sont extrêmement précises et circonstanciées, concordantes et où l'une d'elles émane d'ailleurs d'une personne qui n'était plus salariée de la société au moment où elle l'a rédigée, P... MME B.... Le seul fait que MME KF... ait travaillé avec MME Q... dans un autre magasin du groupe et s'entende bien avec elle ne suffit pas pour en conclure qu'elles sont personnellement amies, relation dont la réalité n'est pas étayée dans l'attestation de MME S... produite par MME Y..., laquelle ne critique donc pas utilement le témoignage de sa collègue MME KF... . Quant à l'attestation de MME B..., si celle-ci y indique qu'elle n'a pas tout compris de ce que lui a raconté un jour MME Y..., qui l'avait entreprise ainsi qu'il ressort de l'attestation, étant précisé que l'attestante est sénégalaise, pour autant l'intimée ne peut en inférer comme elle le fait que son attestation lui a été dictée, en effet il ressort de celle-ci qu'elle maîtrise parfaitement le français écrit et tant l'expression que le contenu rédigés dans un style très personnel montrent qu'il s'agit d'une attestation spontanée. Les attestations produites par MME Y... faisant état de bonnes relations avec U..., voire d'une prise de position en sa faveur, ne sont pas nécessairement contradictoires avec celles produites par la salariée elle-même, puisqu'elles se rapportent aux débuts de la collaboration et que U... a très bien pu, au fil du temps, se distancier de MME Y... et se forger une opinion personnelle et différente sur les véritables ressorts d'une situation dont les apparences ont pu initialement l'abuser, et sur les personnalités de l'une et de l'autre, les difficultés signalées par U... avec sa collègue MME Y... ayant débuté à compter de juin 2011. Pour tenter de faire brèche à l'unanimité des attestations de salariées, par nature témoins privilégiés de ce qui se passait dans la boutique, produites par l'employeur, MME Y... produit celle de O... H..., qui n'a cotoyé les deux salariées ensemble, MME Q... et MME Y..., que jusque fin mars 2011, de l'analyse de laquelle ressort la demande de la première d'effectuer seule et correctement une vitrine, y compris en recommençant jusqu'à un résultat satisfaisant, et le reproche de lenteur dans l'exécution d'une tâche, or plusieurs collègues de MME Y... soulignent qu'effectivement celle-ci employait un temps anormalement long pour effectuer certaines tâches ; elle produit également celle de Mme D..., qui affirme que MME Q... lui avait dit qu'elle avait des problèmes avec J... et mise en garde contre elle, ce qui peut s'expliquer si l'on considère que la réalité d'une situation conflictuelle ne pouvait en tout état de cause échapper à la connaissance d'une personne amenée à travailler dans une petite boutique et que, selon ce que rapporte U..., MME Y... essayait de monter les salariées contre la responsable, et que selon ce que rapporte MME B... elle n'avait, dès le premier jour de stage de cette dernière, fait que critiquer X... (MME Q...), son équipe et la société. L'autre précision apportée par cette attestation de MME D..., à savoir que MME Y..., très professionnelle, l'a beaucoup aidée pendant sa période passée à la boutique, est d'une portée très relative, au regard des plannings produits par ailleurs aux débats, puisqu'il ressort de ceux-ci que MME D... devait travailler en août 2011, mais qu'elle a été déplanifiée, sa période d'essai, selon les explications des parties, n'ayant pas été jugée concluante, et que donc sa présence dans la boutique n'a été que particulièrement brève. L'intimée produit des attestations faisant état de ses qualités à l'égard de la clientèle, qui n'ont jamais été remises en cause. Quand bien même il ne peut être exclu, au vu de quelques attestations produites par MME Y... (K..., R..., M...), que l'exaspération générée par son comportement ait pu conduire la responsable de boutique à s'épancher hors boutique sur une situation devenue invivable ou l'une ou l'autre collègue ou ex collègue à exprimer ponctuellement leur agacement à son encontre, encore qu'il résulte plutôt de l'ensemble des témoignages de salariées que l'agressivité de MME Y..., qui avait pour habitude de se rapprocher très près de ses interlocutrices en les pointant du doigt de manière très violente et impressionnante produisait plutôt chez elles un effet anxiogène, l'unanimité contre elle de ses collègues montre qu'elle était bien la source de l'ambiance délétère. S'agissant du fait du 14 avril 2012, l'attestation de Mme G..., qui d'ailleurs, simple cliente, est néanmoins si on l'en croit, en mesure de nommer une vendeuse par son prénom et patronyme (C... U...), n'emporte pas la conviction et ne contrebalance pas utilement, pour contester la réalité d'une insubordination à l'égard de la première vendeuse responsable, celle de U..., qui rapporte textuellement les propos de MME Y..., l'impact de cet incident étant corroboré par l'attestation de MME Q... qui a reçu son appel téléphonique après la scène, et par l'analyse des dynamiques de comportement ressortant de l'ensemble des attestations des salariées.
L'employeur rapporte donc la preuve de ce que, du fait de comportements fautifs récurrents imputables à MME Y..., graves en ce qu'ils avaient une incidence sur le fonctionnement d'une petite boutique, la présence de celle-ci ne pouvait plus y être maintenue ni son contrat à durée déterminée. Il y a lieu en conséquence de débouter MME Y... de ses demandes au titre de la rupture : paiement de la mise à pied, de l'indemnité de précarité, 'dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse' correspondant en réalité à la demande de paiement des salaires qui lui auraient été payés jusqu'à la fin du contrat à durée déterminée, le jugement qui a fait droit à ses demandes devant être infirmé sur ces chefs, dommages et intérêts pour préjudice financier, perte d'avantages (primes tenues vestimentaires, primes de vacances, avantages tickets restaurant)
et remise de documents de fin de contrat rectifiés. Elle doit également être déboutée de sa demande au titre de primes de tenue pendant l'année 2012, ne justifiant pas de demandes à ce titre qui auraient été refusées alors qu'elle remplissait pour le mois considéré la condition de présence le mois entier d'attribution de la tenue. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces demandes.
Le premier juge a fait une juste application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance, l'application de l'article 700 du Code de procédure civile n'est pas justifiée en cause d'appel. La société, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens d'appel » ;

ALORS QUE l'employeur ne peut être condamné à rembourser les indemnités de chômage qu'en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; qu'en confirmant le jugement qui avait prononcé une telle condamnation à remboursement tout en jugeant que le licenciement pour faute grave de Mme Y... était fondé, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-24996
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 03 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 oct. 2020, pourvoi n°18-24996


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24996
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