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21/10/2020 | FRANCE | N°18-14330

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 octobre 2020, 18-14330


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 950 F-D

Pourvoi n° Y 18-14.330

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020

M. B... C..., domicilié [...] , a f

ormé le pourvoi n° Y 18-14.330 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2018 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 octobre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 950 F-D

Pourvoi n° Y 18-14.330

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020

M. B... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-14.330 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2018 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant à la société Roche diagnostics France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. C..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Roche diagnostics France, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 23 janvier 2018), M. C... a été engagé le 23 août 2011 par la société Roche diagnostics France, en qualité d'ingénieur d'affaires et soumis à une convention individuelle de forfait en jours.

2. Le 22 mai 2014, le salarié a envoyé une lettre de démission qu'il a fait suivre d'une lettre de rétraction réceptionnée par l'employeur le 27 mai 2014 après que l'employeur lui eut notifié, le 23 mai 2014, une mesure de mise à pied à titre conservatoire.

3. L'employeur ayant, par lettre du 20 juin 2014, notifié la rupture anticipée du préavis pour faute grave, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée, ni sur le deuxième moyen, irrecevable en ses deux premières branches, ni sur le même moyen, pris en ses quatre dernières branches, et sur le troisième moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies par le salarié, il appartient seulement à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre a l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; que le salarié étaye suffisamment sa demande en produisant un décompte détaillé, même établi par ses soins, des heures supplémentaires revendiquées ; que cette demande est d'autant plus étayée que le décompte est corroboré par d'autres éléments de nature à établir la réalisation d'heures supplémentaires ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande du salarié qu'il n'établissait pas d'élément de nature à étayer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, quand elle avait constaté que le salarié versait aux débats un décompte détaillé des heures supplémentaires ainsi que son agenda des rendez-vous, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de litige relatif a l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies par le salarié, il appartient seulement à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en estimant que les horaires revendiqués par le salarié étaient contredits par la société qui faisait observer que les tableaux manuscrits du salarié, établis selon elle pour les besoins de la cause, étaient en contradiction avec les tableaux d'activité renseignés par le salarié lui-même pendant l'exécution du contrat de travail, ce qui résultait de l'examen de ces documents produits par la société quand les éléments fournis par l'employeur n'établissaient pas les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié produit, à l'appui de ses prétentions pour toute la période, un décompte journalier des horaires qu'il aurait effectués, établi à partir d'un agenda qu'il verse aux débats, et un tableau récapitulatif détaillant les heures supplémentaires au taux majoré.

10. Il ajoute qu'il apparaît ainsi que le salarié ne communique pas d'éléments pertinents de nature à étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires dont il doit être débouté.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief a l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé, alors « que la censure qui s'attachera au chef de dispositif de l'arrêt ayant confirmé la décision des premiers juges en ce qu'elle a débouté le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies, entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant débouté le salarié de sa demande en paiement au titre du travail dissimulé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. La cassation à intervenir sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif relatif à la demande au titre du travail dissimulé qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. C... de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de sa demande au titre du travail dissimulé, l'arrêt rendu le 23 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Roche diagnostics France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Roche diagnostics France et la condamne à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Monge, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur B... C... de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de sa demande ne paiement d'une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE la convention de forfait en jours doit ainsi être annulée ; que le salarié est dès lors fondé à solliciter la rémunération de son temps de travail sur la base de la durée légale du travail et à formuler une demande au titre des heures supplémentaires ; que le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point ; qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail « en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature aÌ justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié aÌ l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ; que s'il résulte de ces dispositions que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, Monsieur C... formule une demande de rappel de salaire au titre de l'année 2014 pour un montant de 6 333,89 euros, correspondant selon lui à 187 heures supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées ; qu'il produit à l'appui de ses prétentions pour toute la période un décompte journalier des horaires qu'il aurait effectués, établi à partir d'un agenda qu'il verse aux débats, et un tableau récapitulatif détaillant les heures supplémentaires au taux majoré ; que la société ROCHE DIAGNOSTICS FRANCE fait observer que ces tableaux manuscrits, selon elle établis pour les besoins de la cause, sont en contradiction avec les tableaux d'activité renseignés par le salarié lui-même pendant l'exécution du contrat de travail, ce qui résulte effectivement de l'examen de ces documents produits par la société ; que Monsieur C... ne livre aucune explication sur les incohérences constatées ce qui prive de toute fiabilité et de toute crédibilité les décomptes censés justifier des horaires de travail réellement effectués ; qu'il apparaît ainsi que Monsieur C... ne communique pas d'éléments pertinents de nature à étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires dont il doit être débouté ;

1° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies par le salarié, il appartient seulement à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; que le salarié étaye suffisamment sa demande en produisant un décompte détaillé, même établi par ses soins, des heures supplémentaires revendiquées ; que cette demande est d'autant plus étayée que le décompte est corroboré par d'autres éléments de nature à établir la réalisation d'heures supplémentaires ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de Monsieur C... qu'il n'établissait pas d'élément de nature à étayer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, quand elle avait constaté que le salarié versait aux débats un décompte détaillé des heures supplémentaires ainsi que son agenda des rendez-vous, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies par le salarié, il appartient seulement à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en estimant que les horaires revendiqués par le salarié étaient contredits par la société ROCHE DIAGNOSTICS FRANCE qui faisait observer que les tableaux manuscrits du salarié, établis selon elle pour les besoins de la cause, étaient en contradiction avec les tableaux d'activité renseignés par le salarié lui-même pendant l'exécution du contrat de travail, ce qui résultait de l'examen de ces documents produits par la société quand les éléments fournis par l'employeur n'établissaient pas les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

3° ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que la société ROCHE DIAGNOSTICS FRANCE faisait observer que ces tableaux manuscrits, selon elle établis pour les besoins de la cause, étaient en contradiction avec les tableaux d'activité renseignés par le salarié lui-même pendant l'exécution du contrat de travail, ce qui résultait effectivement de l'examen de ces documents produits par la société et que Monsieur C... ne livrait aucune explication sur les incohérences constatées ce qui privait de toute fiabilité et de toute crédibilité les décomptes censés justifier des horaires de travail réellement effectués cependant qu'il résultait de la lecture des écritures d'appel de Monsieur C... qu'il expliquait que la pièce n° 22 produite aux débats par l'employeur, qui constituait une compilation des rapports d'activité de visites de client réalisées par le salarié, indiquait la date et l'heure de la rédaction du rapport mais pas la date et l'heure du rendez-vous client, ce dont il résultait qu'il n'établissait pas les heures effectivement réalisées par le salarié, la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel claires et précises de Monsieur C... en violation du principe selon lequel il est interdit de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

4° ALORS QUE la censure qui s'attachera au chef de dispositif de l'arrêt ayant confirmé la décision des premiers juges en ce qu'elle a débouté M. B... C... de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies, entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant débouté le salarié de sa demande en paiement au titre du travail dissimulé ;

5° ALORS QUE l'absence de convention individuelle de forfait suffit à caractériser le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié prévu par l'article L. 8221-5 du code du travail en cas de mention volontaire sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu'en déboutant, par motifs adoptés des premiers juges, le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé quand il résultait de ses propres constatations que la convention de forfait jours était inopposable à Monsieur C..., la cour d'appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8221-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur B... C... de sa demande en rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le contrat de travail de Monsieur C... prévoyait qu'en rémunération de son activité, celui-ci percevrait un salaire annuel forfaitaire brut de base de 43 500 euros ; qu'il était également précisé : « De plus, il bénéficiera du système de primes sur objectifs en vigueur dans notre société et applicable au personnel appartenant à sa catégorie » ; qu'il convient d'observer que Monsieur C..., tout en citant une jurisprudence relative à l'inopposabilité des conditions d'octroi de la partie variable de la rémunération liée à la réalisation d'objectifs ayant pas été portés à un moment ou à un autre à la connaissance des salariés et vérifiables par ceux-ci, ne formule aucune demande à titre de rappel de salaire, mais réclame l'indemnisation du préjudice qui résulterait selon lui du caractère discrétionnaire de l'allocation de la prime, à l'origine d'une rupture d'égalité avec des salariés placés dans la même situation que lui ; qu'il ressort toutefois des éléments produits par l'employeur (pièces n° 1 à 7) que, contrairement à ce que soutient le salarié, ses objectifs lui étaient communiqués à l'occasion de chaque entretien annuel, et que ses observations sur leur réalisation et la valorisation de sa performance par un système de points étaient recueillies pour chaque secteur concerné ; qu'en outre, les modalités précises du calcul des primes sur objectifs étaient abordées dans le cadre des négociations annuelles avec les organisations syndicales et synthétisées dans des documents destinés à être présentés aux salariés de la force commerciale, de sorte que le manque de transparence dont fait état Monsieur C... n'est nullement caractérisé ; que par ailleurs, la société justifie que Monsieur C... a perçu en février 2014, au titre de l'exercice 2013, la prime la plus élevée de tous les ingénieurs d'affaires de la société ; qu'en considération de ces explications, Monsieur C... a justement été débouté de sa demande indemnitaire alors qu'il ne démontre nullement que, comme il le soutient, il n'existait pas de calcul officiel de la prime dont la fixation aurait ainsi été laissée au bon vouloir de l'employeur ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur B... C... fait valoir : qu'il a reçu une prime d'objectifs de 24 400 euros au titre de l'année 2014 ; que la société ROCHE DIAGNOSTICS ne justifie pas de la formule de calcul permettant de la calculer ; qu'à ce titre l'égalité de traitement avec les autres salariés n'est pas assurée ; que l'absence de calcul officiel est donc clandestin, et fait présumer que cette prime est versée au bon vouloir de l'entreprise ; que la société ROCHE DIAGNOSTICS soutient pour sa part : que la prime de Monsieur B... C... a été la plus importante versée à l'ensemble des ingénieurs d'affaires et qu'elle s'élève à 24 477 euros pour l'exercice 2013 versée en février 2014 ; que ses objectifs lui sont présentés lors d'un entretien annuel, et que la formule de calcul est rappelée à tous dans un document appelé « Systèmes de primes terrain » ; qu'après analyse des pièces et tout particulièrement du document « Systèmes de primes terrain » il est indéniable que le calcul est complexe ; que compte tenu que ce document s'adresse à des ingénieurs d'affaires et des spécialistes, et qu'il n'a pas été remis en cause par le demandeur lors de l'exécution de son contrat, cette formule peut donc être appliquée ; que le conseil déboute Monsieur B... C... de sa demande ;

1° ALORS QUE lorsque le calcul de la rémunération d'un salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire devant les juges, en cas de contestation du salarié, en vue d'une discussion contradictoire ; qu'en énonçant que les modalités précises du calcul des primes sur objectifs étaient abordées dans le cadre des négociations annuelles avec les organisations syndicales et synthétisées dans des documents destinés à être présentés aux salariés de la force commerciale, de sorte que le manque de transparence dont faisait état Monsieur C... n'était nullement caractérisé cependant que le document produit aux débats par l'employeur n'avait aucun caractère contractuel, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu l'article 1382 du code civil ;

2° ALORS QUE lorsque le calcul de la rémunération d'un salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire devant les juges, en cas de contestation du salarié, en vue d'une discussion contradictoire ; qu'en se bornant à énoncer que les modalités précises du calcul des primes sur objectifs étaient abordées dans le cadre des négociations annuelles avec les organisations syndicales et synthétisées dans des documents destinés à être présentés aux salariés de la force commerciale, de sorte que le manque de transparence dont faisait état Monsieur C... n'était nullement caractérisé sans même s'expliquer sur le fait que les documents versés aux débats par l'employeur justifiant du détail de calcul de la prime ne faisaient référence qu'à des points sans mention du montant du point en euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu l'article 1382 du code civil ;

3° ALORS QUE par des écritures demeurées sans réponse, Monsieur C... faisait valoir qu'il était impossible à quiconque de calculer le montant de la prime et que d'ailleurs l'employeur ne se risquait pas à en faire la démonstration au regard des bulletins de paye du salarié et de son chiffre d'affaires (cf. prod n° 3, p. 18) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen déterminant des écritures d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4° ALORS QU'il appartient au salarié qui se prétend victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de la caractériser et qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve que la disparité constatée est justifiée par des éléments objectifs ; qu'en déboutant le salarié de sa demande sans même vérifier si l'employeur rapportait la preuve qu'il n'existait aucune disparité de traitement par des éléments objectifs exclusifs de toute discrimination, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » ;

5° ALORS QU'il appartient au salarié qui se prétend victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de la caractériser et qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve que la disparité constatée est justifiée par des éléments objectifs ; qu'en déboutant le salarié de sa demande au motif qu'il ne démontrait pas qu'il n'existait pas de calcul officiel de la prime dont la fixation aurait ainsi été laissée au bon vouloir de l'employeur, la cour d'appel a méconnu les principes régissant l'administration de la preuve en matière d'inégalité de traitement et le principe « à travail égal, salaire égal » ;

6° ALORS QU'il appartient au salarié qui se prétend victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de la caractériser et qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve que la disparité constatée est justifiée par des éléments objectifs ; qu'en énonçant que la société justifiait que Monsieur C... avait perçu en février 2014, au titre de l'exercice 2013, la prime la plus élevée de tous les ingénieurs d'affaires de la société pour en déduire l'absence de toute inégalité de traitement et débouter le salarié sa demande indemnitaire, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé le principe « à travail égal, salaire égal ».

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué dit que la démission de Monsieur B... C... avait été donnée de manière claire et non équivoque et d'avoir, par conséquent, débouté Monsieur C... de sa demande tendant à faire requalifier sa démission en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires en découlant ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci, en alléguant des faits ou manquements imputables à l'employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines à la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, analyser la rupture en une prise d'acte qui produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission ; qu'il convient en premier lieu d'observer que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est nécessairement sans objet alors que celui-ci a nécessairement été rompu à la date de la démission donnée par Monsieur C..., quelle que soit l'interprétation de cet acte ; qu'il sera rappelé que par courrier du 22 mai 2014, reçu par l'employeur le 26 mai 2014, Monsieur C... a présenté sa démission en ces termes ; que « par ce présent courrier, je vous fais part de ma démission de mon poste d'ingénieur d'affaires ROCHE DIAGNOSTICS, fonction que j'occupe au sein de votre entreprise depuis le 1er septembre 2010. Je me tiens aÌ votre disposition afin de finaliser les modalités de mon départ » ; que cette lettre est ainsi formulée sans réserve et sans aucune référence à d'éventuels manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles ; qu'il convient toutefois de vérifier la réalité de la volonté non équivoque du salarié de démissionner, en recherchant si le caractère équivoque de la démission résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de celle-ci ; que Monsieur C... soutient dans ses écritures qu'il « avait en mémoire la discussion avec son supérieur hiérarchique qui lui avait exposé qu'il n'y aurait pas d'amélioration dans ses conditions de travail aÌ la suite d'un stage d‘entreprise » et encore qu'il était victime d'une exécution fautive du contrat de travail par son employeur et que c'est dans un climat conflictuel qu'il a choisi dans un premier temps de rompre son contrat ; que toutefois, Monsieur C... ne produit aucune pièce permettant de démontrer l'existence d'un différend qui l'opposait à l'employeur avant sa démission, ou au moment où il a donné celle-ci, et la chronologie des évènements établit au contraire que c'est après la démission de Monsieur C... que la situation s'est envenimée, alors que l'employeur a découvert que celui-ci avait téléchargé frauduleusement 670 fichiers confidentiels, ce qui a d'ailleurs entraîné la condamnation du salarié par le tribunal correctionnel, aux termes d'un jugement devenu définitif ; qu'il résulte de ces explications que Monsieur C... doit être débouté de sa demande de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat dc travail devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et des demandes financières en découlant (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), étant observé que la rupture anticipée du préavis à l'initiative de l'employeur pour faute grave ne fait l'objet d'aucune contestation par le salarié ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur B... C... fait valoir : que la société ROCHE DIAGNOSTICS n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail au regard du forfait jours, du rappel de salaire et du versement de la prime d'objectifs ; que la société ROCHE DIAGNOSTICS soutient pour sa part : que Monsieur B... C... ne peut se prévaloir d'aucun manquement de la société, et que de surcroit il a démissionné le 22 mai 2014 par courrier précisant : « je vous fais art de ma démission en tant qu'ingénieur d'affaires, fonction que j'occupe depuis le 1er septembre 2010. Je me tiens à votre disposition afin de finaliser les modalités de mon départ » ; que Monsieur B... C... a fait l'annonce de son départ pour la concurrence à ses collègues dès le début du mois de mai 2014, et l'a confirmé oralement à son supérieur hiérarchique Monsieur A... Y... le 21 mai 2014 ; que pendant l'exécution de son préavis de démission, elle a constaté que Monsieur B... C... s'est approprié 670 fichiers confidentiels sur l'activité commerciale de l'entreprise ; qu'une mise à pied conservatoire du salarié a été mise en oeuvre dès le 23 mai 2014 avant de le convoquer à un entretien préalable, puis d'interrompre son préavis de démission pour faute grave ; que c'est seulement le 2 mai 2014 que Monsieur B... C... remet en cause sa démission en évoquant un « coup de colère » sans donner les raisons de cette colère ; qu'il ne fait aucun doute que, d'un point de vue juridique, le contrat de travail de Monsieur B... C... a pris fin suite à sa démission ; que la lettre de démission du 22 mai 2014 ne comprend aucune réserve sur le comportement fautif de l'entreprise ; que Monsieur B... C... a fait l'annonce à ses collègues dès le début mai 2014 de son départ pour la concurrence, et l'a confirmé oralement à son supérieur hiérarchique le 21 mai 2014 ; que lors de l'exécution de son préavis une mise à pied conservatoire a été mise en oeuvre dès le 23 mai 2014 pour ensuite, après convocation à un entretien préalable, prononcer la fin de celui-ci pour faute grave ; que le courrier du 26 mai 2014 de Monsieur B... C... invoquant un coup de colère non caractérisé, est tardif ; que de plus il intervient après une mise à pied conservatoire ; que le conseil décide que la démission de Monsieur B... C... est retenue et le déboute de ses demandes afférentes, 1° ALORS QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié exprime sa volonté claire et non équivoque de démissionner ; qu'après avoir retenu que Monsieur C... avait présenté sa démission sans réserve par courrier du 22 mai 2014 et qu'il s'en était rétracté dès le 27 mai suivant, la cour d'appel, qui a retenu, tant par motifs propres que par motifs adoptés, que la volonté de Monsieur C... n'était pas viciée et qu'il avait manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner, sans même prendre en compte l'incidence que pouvait avoir cette rétractation sur la volonté claire et non équivoque du salarié, a violé les articles les articles L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1237-2 et L. 1235-3 du code du travail ;

2° ALORS QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ; que caractérise l'existence d'un différend antérieur ou concomitant à la démission du salarié rendant celle-ci équivoque, la cour d'appel qui constate que par lettre adressée quelques temps après la démission, le salarié avait expliqué les raisons de sa démission en invoquant les manquements de l'employeur ; qu'en affirmant que M. C... ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un différend antérieur ou contemporain de la démission quand elle avait relevé que le salarié avait, dans une lettre du 27 mai 2014 adressée à l'employeur peu de temps après celle faisant état de sa démission, les raisons qui l'avaient conduit à rompre son contrat de travail et qui résultaient notamment des manquements de l'employeur concernant ses conditions de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1237-2 et L. 1235-3 du code du travail ;

3° ALORS QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ; que le salarié qui entend obtenir la requalification de sa démission doit démontrer l'existence d'un différend antérieur ou concomitant à la démission ; que la persistance des manquements de l'employeur caractérise l'existence d'un différend ou d'un litige antérieur ou contemporain de la démission ; qu'en estimant que Monsieur C... ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un différend antérieur ou contemporain de la démission quand elle avait constaté que la lettre de rétractation faisait état d'une plainte du salarié quant à ses conditions de travail et que la clause de forfait stipulée au contrat de travail était entachée de nullité, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire l'existence d'un manquement persistant de l'employeur à ses obligations contractuelles, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1232-1, L. 1237-1, L. 1237-2 et L. 1235-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-14330
Date de la décision : 21/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 23 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 oct. 2020, pourvoi n°18-14330


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.14330
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