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14/10/2020 | FRANCE | N°19-10167

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 octobre 2020, 19-10167


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 893 F-D

Pourvoi n° U 19-10.167

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020

Mme V... Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvo

i n° U 19-10.167 contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à la société ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 893 F-D

Pourvoi n° U 19-10.167

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 OCTOBRE 2020

Mme V... Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-10.167 contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à la société Sonepar Sud-Est, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Sonepar Sud-Est a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de Mme Q..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sonepar Sud-Est, après débats en l'audience publique du 2 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 novembre 2018), Mme Q... a été engagée à compter du 1er juillet 2004 par la société Comptoir lyonnais d'électricité, aux droits de laquelle se trouve la société Sonepar Sud-Est, en qualité d'assistante commerciale au sein de l'agence de Bourg-en-Bresse.

2. A compter du 1er septembre 2014, la salariée a occupé l'emploi de vendeur comptoir au sein de l'agence de Mâcon.

3. Le 16 janvier 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, ainsi que pour harcèlement moral.

4. Le 16 février 2015, elle a été licenciée pour motif économique.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée, pris en sa troisième branche, sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en ses trois dernières branches, et sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en ses trois dernières branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes au titre du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral, alors :

«1°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la mutation de Mme Q... au poste de vendeur banque à l'agence de Mâcon à compter du 1er septembre 2014 était le seul fait établi et ne constituait pas un harcèlement dès lors qu'il s'agissait d'un acte isolé et unique ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'étaient matériellement établis l'absence de toute formation professionnelle, les arrêts maladie pour dépression de la salariée pendant douze semaines au total entre le 27 octobre 2014 et le 28 février 2015, ainsi que les deux entretiens qu'elle alléguait avoir eus avec son employeur les 20 novembre et 9 décembre 2014, au cours desquels elle soutenait avoir reçu des pressions pour quitter l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments ainsi matériellement établis et n'a pas recherché si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que lorsque de tels éléments sont établis il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant que Mme Q... n'avait bénéficié d'aucune formation professionnelle mais qu'aucune pièce du dossier ne permettait d'établir que son avenir professionnel aurait été amélioré si elle avait bénéficié d'une formation, quand la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié et qu'il appartenait à la cour d'appel de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, parmi lesquels l'absence de formation professionnelle, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que ces agissements étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, déduit l'absence de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

8. En second lieu, le moyen est inopérant en ce qu'il n'articule aucune critique à l'encontre des motifs de l'arrêt rejetant la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral.

9. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que c'est à celui qui invoque une modification de son contrat de travail de l'établir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur s'était livré à une seconde modification unilatérale du contrat de travail en ce qui concerne l'emploi de la salariée dès lors qu'aucune des pièces du dossier n'était de nature à établir que les emplois de technico-commerciale sédentaire et de vendeur banque étaient similaires ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'il appartenait à la salariée qui prétendait que son contrat avait été modifié d'établir que ses emplois successifs étaient dissemblables, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel ayant, d'une part relevé que selon l'employeur l'affectation de la salariée à l'agence de Mâcon visait à permettre à l'intéressée d'appréhender son nouvel emploi et qu'il avait proposé à celle-ci un avenant à son contrat de travail, d'autre part constaté que les emplois de technico-commercial sédentaire, exercés auparavant par la salariée, et de vendeur banque sur lequel elle avait été ensuite affectée, n'étaient pas similaires, a pu en déduire, sans encourir le grief d'inversion de la charge de la preuve, que l'employeur avait modifié unilatéralement le contrat de travail de la salariée.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs à compter du 16 février 2015, de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner d'office de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnisation, alors « que la cassation à intervenir de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Sonepar Sud-Est à payer à la salariée la somme de 8 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail s'étendra au chef de dispositif ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat sur le fondement des mêmes manquements, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. Le rejet du premier moyen du pourvoi incident prive de portée le moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvoi principal et incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit, au pourvoi principal, par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour Mme Q...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Q... de ses demandes au titre du harcèlement moral, et au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,

AUX MOTIFS QUE « V... Q... sollicite des dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral, et en outre pour la première fois en cause d'appel des dommages et intérêts pour manquement de la société Sonepar Sud-Est à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral.
S'agissant de la demande à titre de dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral, V... Q... invoque des faits qui constituent selon elle un harcèlement moral et qui sont survenus sur son lieu de travail comme suit :
- l'annonce brutale le 9 décembre 2014 par la société Sonepar Sud-Est du départ de la salariée de l'entreprise dont le directeur lui a dit: "on ne veut plus de toi dans la société ";
- la mutation de V... Q... au poste de vendeur banque au sein de l'agence de Mâcon sans formation préalable alors que cette salariée occupait jusqu'alors un emploi qui consistait à animer le showroom au sein de l'agence de Bourg-en-Bresse ;
- les nombreuses rencontres de V... Q... avec la direction qui ont toutes eu pour but de faire pression sur la salariée pour qu'elle quitte l'entreprise;
- la risée dont elle a été victime de la part de ses collègues de l'agence de Mâcon et l'impossibilité de renseigner les clients du fait de l'absence de compétences nécessaires pour exercer son emploi de vendeur banque au sein de cette agence au surplus dirigée par son époux ;
- l'absence de toute formation professionnelle au bénéfice de V... Q... durant sa relation de travail qui a porté préjudice à cette salariée quant à son avenir professionnel.
La cour constate que V... Q... procède par affirmations et ne verse aux débats aucun élément justificatif en ce qui concerne les faits reposant sur l'annonce brutale du départ de la salariée de l'entreprise, sur les pressions exercées par l'employeur pour la forcer à quitter l'entreprise et sur ses relations avec ses collègues et les clients de l'agence de Mâcon.
Sur les faits reposant sur l'avenir professionnel, la cour retient que la salariée n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle ;
En effet, la seule pièce versée aux débats par l'employeur concernant la formation de V... Q... est écartée dès lors qu'elle correspond à un extrait de logiciel qui n'est qu'un document interne à l'entreprise dépourvu de tout caractère contradictoire et qui est au surplus totalement inexploitable par la cour faute de lisibilité du document ;
Pour autant, aucune autre pièce du dossier ne permet d'établir que l'avenir professionnel de V... Q... aurait été amélioré si cette salariée avait bénéficié d'une formation, étant précisé au surplus que l'appelante admet qu'elle n'a formulé aucune demande de formation professionnelle durant sa relation de travail avec la société Sonepar Sud-Est ; il s'ensuit que le fait reposant sur l'avenir professionnel de la salariée n'est pas établi.
Enfin, la mutation de la salariée au poste de vendeur banque au sein de l'agence de Mâcon, qui est réel et qui reste le seul fait à examiner à l'appui de la demande, ne constitue pas un harcèlement dès lors qu'il s'agit d'un acte isolé et unique, peu importe que cet acte se soit maintenu dans le temps.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que V... Q... n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble soient de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale.
La demande à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral n'est donc pas fondée de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté V... Q... de ce chef.
Sur la demande présentée pour la première fois en cause d'appel à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société Sonepar Sud-Est à son obligation de prévention du harcèlement moral, force est de constater que V... Q... ne justifie d'aucun élément dès lors que l'appelante se borne à insérer en page 13 de ses écritures, dans le paragraphe consacré à la demande de dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral, que la circonstance que la société Sonepar Sud-Est a affecté V... Q... dans une agence dirigée par son mari "
ne peut permettre de dédouaner l'employeur de ses fautes et de ses obligations en termes de prévention du harcèlement moral";
En l'état, la cour dit que la demande n'est pas fondée » (arrêt p. 5),

1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la mutation de Mme Q... au poste de vendeur banque à l'agence de Mâcon à compter du 1er septembre 2014 était le seul fait établi et ne constituait pas un harcèlement dès lors qu'il s'agissait d'un acte isolé et unique ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant qu'étaient matériellement établis l'absence de toute formation professionnelle, les arrêts maladie pour dépression de la salariée pendant douze semaines au total entre le 27 octobre 2014 et le 28 février 2015, ainsi que les deux entretiens qu'elle alléguait avoir eus avec son employeur les 20 novembre et 9 décembre 2014, au cours desquels elle soutenait avoir reçu des pressions pour quitter l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments ainsi matériellement établis et n'a pas recherché si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que lorsque de tels éléments sont établis il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant que Mme Q... n'avait bénéficié d'aucune formation professionnelle mais qu'aucune pièce du dossier ne permettait d'établir que son avenir professionnel aurait été amélioré si elle avait bénéficié d'une formation, quand la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié et qu'il appartenait à la cour d'appel de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, parmi lesquels l'absence de formation professionnelle, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que ces agissements étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que lorsque de tels éléments sont établis il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant en l'espèce que Mme Q... avait eu deux entretiens avec sa direction les 20 novembre et 9 décembre 2014, mais que les pressions exercées sur elle au cours de ces entretiens pour qu'elle quitte l'entreprise n'étaient pas démontrées, quand la charge de la preuve du harcèlement moral n'incombait pas à Mme Q... et qu'il appartenait à la cour d'appel de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont l'existence de ces deux entretiens avec la direction à quelques semaines d'intervalle, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que ces agissements étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Sonepar Sud-Est

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Sonepar Sud-Est à payer à Mme Q... la somme de 8 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, d'AVOIR condamné la société Sonepar Sud-est aux dépens de première instance et d'appel et d'AVOIR l'employeur condamné à payer à la salariée la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Par ses dernières conclusions régulièrement signifiées, V... Q... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et:
- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Sonepar Sud-Est et à titre subsidiaire de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de condamner en tout état de cause la société Sonepar Sud-Est au paiement des sommes suivantes:
* 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral,
* 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 10 935.82 € à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires, * 1 762.32 € au titre du repos compensateur,
* 1 269.81 au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires et au repos compensateur,
* 11 100 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
* 2 380.09 € au titre de la garantie d'ancienneté,
* 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions régulièrement signifiées, la société Sonepar Sud-Est demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter V... Q... de l'intégralité de ses demandes.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 27 juin 2018.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont expressément maintenues et soutenues lors de l'audience de plaidoiries du 14 septembre 2018.
MOTIFS
1 - sur le harcèlement moral
Il résulte des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet des dégradations de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale.
Un acte isolé et unique ne peut pas constituer un harcèlement, quand bien même cet acte se serait maintenu dans le temps.
En vertu de l'article L 1152-4 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
L'indemnisation du salarié au titre des agissements de harcèlement moral résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité pour des faits de harcèlement moral se cumule avec l'indemnisation au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral.
En cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement; qu'il appartient ensuite au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, V... Q... sollicite des dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral, et en outre pour la première fois en cause d'appel des dommages et intérêts pour manquement de la société Sonepar Sud-Est à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral.
S'agissant de la demande à titre de dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral, V... Q... invoque des faits qui constituent selon elle un harcèlement moral et qui sont survenus sur son lieu de travail comme suit:
-l'annonce brutale le 9 décembre 2014 par la société Sonepar Sud-Est du départ de la salariée de l'entreprise dont le directeur lui a dit: « on ne veut plus de toi dans la société »
- la mutation de V... Q... au poste de vendeur banque au sein de l'agence de Mâcon sans formation préalable alors que cette salariée occupait jusqu'alors un emploi qui consistait à animer le showroom au sein de l'agence de Bourg-en-Bresse;
-les nombreuses rencontres de V... Q... avec la direction qui ont toutes eu pour but de faire pression sur la salariée pour qu'elle quitte l'entreprise;
- la risée dont elle a été victime de la part de ses collègues de l'agence de Mâcon et l'impossibilité de renseigner les clients du fait de l'absence de compétences nécessaires pour exercer son emploi de vendeur banque au sein de cette agence au surplus dirigée par son époux;

- l'absence de toute formation professionnelle au bénéfice de V... Q... durant sa relation de travail qui a porté préjudice à cette salariée quant à son avenir professionnel.
La cour constate que V... Q... procède par affirmations et ne verse aux débats aucun élément justificatif en ce qui concerne les faits reposant sur l'annonce brutale du départ de la salariée de l'entreprise, sur les pressions exercées par l'employeur pour la forcer à quitter l'entreprise et sur ses relations avec ses collègues et les clients de l'agence de Mâcon.
Sur les faits reposant sur l'avenir professionnel, la cour retient que la salarié n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle;
En effet, la seule pièce versée aux débats par l'employeur concernant la formation de V... Q... est écartée dès lors qu'elle correspond à un extrait de logiciel qui n'est qu'un document interne à l'entreprise dépourvu de tout caractère contradictoire et qui est au surplus totalement inexploitable par la cour faute de lisibilité du document;
Pour autant, aucune autre pièce du dossier ne permet d'établir que l'avenir professionnel de V... Q... aurait été amélioré si cette salariée avait bénéficié d'une formation, étant précisé au surplus que l'appelante admet qu'elle n'a formulé aucune demande de formation professionnelle durant sa relation de travail avec la société Sonepar Sud-Est;
Il s'ensuit que le fait reposant sur l'avenir professionnel de la salariée n'est pas établi.
Enfin, la mutation de la salariée au poste de vendeur banque au sein de l'agence de Mâcon, qui est réel et qui reste le seul fait à examiner à l'appui de la demande, ne constitue pas un harcèlement dès lors qu'il s'agit d'un acte isolé et unique, peu importe que cet acte se soit maintenu dans le temps.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que V... Q... n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble soient de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale.
La demande à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral n'est donc pas fondée de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté V... Q... de ce chef.
Sur la demande présentée pour la première fois en cause d'appel à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société Sonepar Sud-Est à son obligation de prévention du harcèlement moral, force est de constater que V... Q... ne justifie d'aucun élément dès lors que l'appelante se borne à insérer en page 13 de ses écritures, dans le paragraphe consacré à la demande de dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral, que la circonstance que la société Sonepar Sud-Est a affecté V... Q... dans une agence dirigée par son mari « ne peut permettre de dédouaner l'employeur de ses fautes et de ses obligations en termes de prévention du harcèlement moral »;

En l'état, la cour dit que la demande n'est pas fondée.
Ajoutant au jugement déféré, la cour déboute V... Q... de sa demande à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société Sonepar Sud-Est à son obligation de prévention du harcèlement moral.
2 - sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de bonne foi.
En l'espèce, V... Q... soutient à l'appui de sa demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail que la société Sonepar Sud-Est:
- a modifié le contrat de travail de V... Q... unilatéralement en ce qu'il a affecté cette salariée sans son accord à un emploi de vendeur banque au sein de l'agence de Mâcon;
- n'a pas permis à V... Q... de bénéficier de la moindre formation professionnelle.
Pour contester la demande, la société Sonepar Sud-Est invoque les élément suivants:
- il a été convenu que l'affectation de V... Q... à l'agence de Mâcon à compter du 1er septembre 2014 n'était pas définitive et qu'elle visait à permettre à cette salariée d'appréhender son nouvel emploi mais aussi d'exprimer son accord en toute connaissance de cause;
- l'employeur a ainsi attendu le début du mois d'octobre 2014 pour proposer à V... Q... un avenant à son contrat de travail;
- le fait que l'époux de V... Q... a été directeur de l'agence de Mâcon a permis à cette salariée d'une part d'appréhender le périmètre de sa nouvelle activité et d'autre part de bénéficier d'une formation professionnelle tout au long de sa collaboration.
2.1. sur la double modification du contrat de travail
La modification du contrat de travail s'entend d'une mesure portant sur la matière du contrat, telle la rémunération, la durée du travail, le lieu de travail, la qualification du salarié ou l'économie fonctionnelle du contrat de travail.
Toute modification du contrat de travail est subordonnée à l'accord clair et non équivoque du salarié concerné.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le 1er septembre 2014, V... Q... a été affectée au poste de vendeur banque au sein de l'agence de Mâcon alors que selon les stipulations de son contrat de travail cette salariée occupait un emploi de technico-commerciale sédentaire au sein de l'agence de Bourg-en-Bresse.
La société Sonepar Sud-Est ne conteste pas que la modification du contrat de travail portant sur le lieu de travail de la salariée ne pouvait intervenir qu'après accord de la salariée.
Force est de constater que sans attendre la signature d'un avenant, la société Sonepar Sud-Est a décidé d'affecter V... Q... à l'agence de Mâcon, et d'avoir ainsi procédé à une modification unilatérale du contrat de travail en ce qui concerne le lieu de travail de la salariée.

L'employeur s'est livré à une seconde modification unilatérale du contrat de travail en ce qui concerne l'emploi de la salariée dès lors qu'aucune des pièces du dossier n'est de nature à établir que les emplois de technico-commerciale sédentaire et de vendeur banque seraient similaires.
Le cour relève que la société Sonepar Sud-Est ne justifie par aucun élément de la réalité d'un accord des parties sur l'existence d'un essai qui aurait été offert à la salariée avant toute signature d'un avenant.
Il y a donc lieu de dire que la réalité de l'accord clair et non équivoque de V... Q... à la double modification de son contrat de travail n'est pas établie.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le manquement reposant sur la double modification unilatérale du contrat de travail est justifié.
2.2. sur l'absence de formation professionnelle
L'article L6321-1 du code du travail dans sa rédaction applicable dispose que:
« L ‘employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
1/ veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations (. .. ) .
En l'espèce, il résulte de ce qui précède qu'il est établi que V... Q... n'a bénéficié durant sa relation de travail d'aucune formation professionnelle.
Le manquement de l'employeur est donc établi, peu importe que V... Q... n'a pas demandé a bénéficier d'une action de formation.
Ainsi, V... Q... rapporte la preuve des manquements qu'elle invoque à l'appui de sa demande au tire de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Au vu des pièces du dossier, la cour est en mesure de fixer le préjudice subi par V... Q... du fait de ces manquements à la somme de 8 000 €.
Infirmant le jugement déféré, la cour condamne donc la société Sonepar Sud-Est à payer à V... Q... la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;
Cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l'article 1153-1 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
(
) 9 - sur les demandes accessoires
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société Sonepar Sud-Est.
L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif. » ;

1°) ALORS QUE c'est à celui qui invoque une modification de son contrat de travail de l'établir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'employeur s'était livré à une seconde modification unilatérale du contrat de travail en ce qui concerne l'emploi de la salariée dès lors qu'aucune des pièces du dossier n'était de nature à établir que les emplois de technico-commerciale sédentaire et de vendeur banque étaient similaires ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'il appartenait à la salariée qui prétendait que son contrat avait été modifié d'établir que ses emplois successifs étaient dissemblables, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil ;

2°) ALORS QUE la preuve étant libre en matière prud'homale, elle peut être rapportée par tout moyen ; qu'en écartant par principe la pièce produite par l'employeur quant aux formations dispensées à la salariée (cf. production n°5), au prétexte qu'elle correspondait à un extrait de logiciel, c'est-à-dire à un document interne à l'entreprise dépourvu de tout caractère contradictoire, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaitre les termes du litige tels qu'ils ressortent des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour démontrer qu'il s'était acquitté de ses obligations en matière de formation, l'employeur produisait un document listant l'ensemble des formations reçues par la salariée (cf. production n°5), document dont cette dernière ne contestait pas la lisibilité ; qu'en relevant, pour écarter cette pièce, qu'elle était inexploitable compte tenu de son illisibilité, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE devant, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant, pour écarter le document produit par l'employeur quant aux formations dispensées à la salariée (cf. production n°5), qu'il était totalement inexploitable du fait de son illisibilité, cependant que la lisibilité de cette pièce n'était pas discutée par les parties, la cour d'appel qui a relevé ce moyen d'office, sans provoquer les observations des parties, a violé l'article 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Sonepar Sud-Est à compter du 16 février 2015, d'AVOIR condamné la société Sonepar Sud-est à payer à la salariée la somme de 16 000 euros avec intérêts légaux à compter de l'arrêt à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR dit que le sommes supportaient, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale, d'AVOIR ordonné d'office à la société Sonepar Sud-est le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. Q... dans la limite de trois mois d'indemnisation, d'AVOIR condamné la société Sonepar Sud-est aux dépens de première instance et d'appel et d'AVOIR condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « sur la résiliation judiciaire
Sur le fondement de l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.
Le manquement suffisamment grave de l'employeur est de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par le juge produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
La prise d'effet de la résiliation est fixée en principe au jour du jugement qui la prononce dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de l'employeur.
Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement, de la prise d'acte de rupture, ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur.
En l'espèce, V... Q... a introduit son action en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Sonepar Sud-Est le 16 janvier 2015 et la salariée a ensuite fait l'objet d'un licenciement pour motif économique notifié le 16 février 2015.
Il convient donc d'examiner en premier lieu la demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail.
V... Q... invoque à l'encontre de la société Sonepar Sud-Est des manquements reposant sur:
- des faits de harcèlement moral,
- une exécution déloyale du contrat de travail liée à une double modification du contrat de travail et à l'absence de formation professionnelle,
- le non-paiement des heures supplémentaires,
- le non-paiement du rappel de la garantie d'ancienneté.
Il résulte de ce qui précède que seul le manquement reposant sur une exécution déloyale du contrat de travail est établi, le surplus des manquements n'étant pas justifié.
Ce manquement, en ce qu'il repose sur une double modification unilatérale du contrat de travail, est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier en conséquence sa résiliation aux torts exclusifs de l'employeur.
Infirmant le jugement déféré, la cour prononce la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Sonepar Sud-Est à compter du 16 février 2015.
Il n'y a en conséquence pas à lieu à statuer sur la demande au titre du licenciement pour motif économique.
6 - sur les conséquences financières de la rupture
La résiliation judiciaire du contrat à durée indéterminée prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il résulte de la combinaison des articles L 1235-3 et L 1235-5 du code du travail que si le licenciement d'un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié avec maintien de ses avantages acquis; si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnitè au salarié; cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois; elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail.
En l'espèce, il y a lieu de dire que le licenciement de V... Q... produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'absence de demande de V... Q... en vue de sa réintégration au sein de la société Sonepar Sud-Est, il y a lieu de statuer sur sa demande indemnitaire.
En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à V... Q..., de son âge au jour de son licenciement, de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 1 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Infirmant le jugement déféré, la condamne la société Sonepar Sud-Est à payer à V... Q... la somme de 16 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l'article 1153-1 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
7 - sur le remboursement des indemnités de chômage
En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office en ajoutant au jugement déféré le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à V... Q..., du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.
(
) 9 - sur les demandes accessoires
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société Sonepar Sud-Est.
L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif. » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Sonepar Sud-Est à payer à la salariée la somme de 8 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail s'étendra au chef de dispositif ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat sur le fondement des mêmes manquements, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la résiliation judiciaire du contrat du travail ne peut être prononcée qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, il était constant qu'au jour où la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, son employeur avait déjà tiré les conséquences de son refus d'être mutée auprès de l'agence de Mâcon en la convoquant à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique (cf. conclusions de l'employeur p. 15 et ses pièces d'appel n°4 et 5 ; non contestées par la salarié) ; qu'en se fondant sur cette modification du contrat de travail, pour en prononcer la résiliation, lorsque ce manquement éventuel de l'employeur, qui avait cessé au jour de la demande de résiliation, ne pouvait faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, devenu les articles 1224 à 1230 du code civil ;

3 °) ALORS subsidiairement QUE la résiliation judiciaire du contrat du travail ne peut être prononcée qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; que le gravité du manquement s'apprécie in concreto au regard des circonstances particulières du litige ; qu'en l'espèce, la société Sonepar Sud-Est faisait valoir, preuves à l'appui (cf. productions n° 6 à 10), que du fait de la réorganisation de l'animation du show-room qui avait emporté la suppression du poste de la salariée, sa mutation au poste de vendeur banque au sein de l'agence de Mâcon était destinée à éviter son licenciement, cette affectation qui devait donner lieu à un avenant le mois suivant, après une expérience in situ, étant au surplus largement profitable à l'intéressée qui rejoignait ainsi son époux qui était directeur de cette agence ; qu'en retenant que l'exécution déloyale du contrat par l'employeur était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail dès lors qu'elle reposait sur une double modification unilatérale du contrat de travail, la cour d'appel qui a statué in abstracto, a violé l'article 1184 du code civil, devenu les articles 1224 à 1230 du code civil;

4°) ALORS en tout état de cause QUE le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que la résiliation judiciaire du contrat sollicitée par la salariée était purement opportuniste en ce qu'elle avait été introduite à un moment où l'intéressée se savait sous le coup d'une procédure de licenciement pour motif économique dont l'issue était inévitable ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat, sans rechercher si celle-ci n'avait été sollicitée par le salariée à des fins déloyales et opportunistes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, devenu les articles 1103, 1104, 1193 du code civil, 1224 à 1230 du code civil.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-10167
Date de la décision : 14/10/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 02 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 oct. 2020, pourvoi n°19-10167


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Isabelle Galy, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10167
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