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07/10/2020 | FRANCE | N°19-13135

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 octobre 2020, 19-13135


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 octobre 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 514 F-D

Pourvoi n° V 19-13.135

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020

M. K... M..., domicilié [...] , a form

é le pourvoi n° V 19-13.135 contre l'arrêt rendu le 31 décembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le lit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 octobre 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 514 F-D

Pourvoi n° V 19-13.135

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020

M. K... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-13.135 contre l'arrêt rendu le 31 décembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. M..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 31 décembre 2018), par un acte du 28 octobre 2011, la société Crédit agricole Alsace Vosges (la banque) a consenti à la société pharmacie Coislin (la société) un prêt de 825 000 euros, en garantie duquel, son gérant, M. M..., s'est rendu caution à concurrence de 260 000 euros.

2. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, M. M... a assigné la banque afin d'obtenir d'être déchargé de son engagement, en raison de sa disproportion manifeste à ses biens et revenus. Reconventionnellement, la banque a demandé l'exécution de son engagement.

3. Devant la cour d'appel, M. M... a réclamé, en outre, des dommages-intérêts à la banque en lui reprochant un manquement à son devoir de mise en garde et le caractère abusif de sa procédure.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'ya pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. M... fait grief à l'arrêt de juger que la banque pouvait se prévaloir du cautionnement litigieux et de le condamner, en conséquence, à payer à la banque une certaine somme, alors « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que, dans le cas où la caution garantit un prêt souscrit par la société dont elle est associée, les parts sociales faisant ainsi partie de son patrimoine doivent être valorisées en tenant compte du passif social, qui comprend le prêt cautionné ; qu'en l'espèce, pour dire qu'il n'apparaissait pas que M. M... était dans l'impossibilité manifeste de faire face, avec ses biens et revenus, à l'engagement de caution qu'il avait souscrit envers la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Lorraine, la cour d'appel a retenu que si la prise en compte du patrimoine net de la caution s'imposait pour les immeubles détenus en propre, il n'en allait pas de même pour les parts sociales de la société qu'elle garantissait, les parts sociales détenues par M. M... au sein de la société Pharmacie Coislin et de la SCI [...] devant être valorisées selon la valeur des biens détenus par ces deux sociétés ; qu'en refusant ainsi de tenir compte du passif social constitué par les prêts que les deux sociétés avaient souscrits pour financer leurs acquisitions, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable :

6. Aux termes de ce texte, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

7. Il résulte de ce texte que la disproportion de l'engagement de la caution, personne physique, telle que prévue par l'article précité, doit être appréciée en prenant en compte de la valeur nette de son patrimoine.

8. Pour juger que l'engagement de M. M... n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus et le condamner, en conséquence, à payer à la banque la somme de 260 000 euros, l'arrêt, après avoir énoncé que la valeur des parts détenues par ce dernier dans le capital des sociétés [...] et [...] devait être prise en considération pour apprécier la proportionnalité de son engagement, retient que, contrairement à ce que la caution soutient, si la prise en compte du patrimoine net de la caution s'impose pour ses immeubles détenus en propre, il n'en va pas de même pour les parts sociales de la société qu'elle garantit.

9. En statuant ainsi, sans tenir compte du passif social pour évaluer les parts sociales de la société garantie détenues par la caution, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. M. M... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme nouvelle en appel, sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « qu'en cause d'appel, les parties peuvent ajouter aux demandes et défenses soumises au premier juge toutes les demandes qui en sont l'accessoire ; que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive constitue l'accessoire des autres demandes soumises au juge ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande de M. M... tendant à voir condamner la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Lorraine à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel a retenu que cette demande était formulée pour la première fois devant la cour d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 566 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

12. Pour déclarer irrecevable la demande de M. M..., l'arrêt retient que l'article 564 du code de procédure civile rend irrecevable la demande présentée pour la première fois en appel.

13. En statuant ainsi, alors que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive n'était que la conséquence de la demande de M. M... tendant au rejet de la demande reconventionnelle en paiement de la banque, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts fondée sur un manquement au devoir de mise en garde, l'arrêt rendu le 31 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges et la condamne à payer à M. M... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. M....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le cautionnement consenti par M. K... M... au profit de la société Pharmacie Coislin dans le cadre du prêt accordé le 28 octobre 2011 par la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges pour une somme de 825 000 euros était valable, et d'AVOIR condamné M. K... M... à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges la somme de 260 000 euros outre une indemnité au titrre de l'article 700 du CPC ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE pour solliciter l'inopposabilité de l'acte de cautionnement, M. M... soutient qu'il était disproportionné à ses capacités financières ; qu'à titre liminaire, il est souligné que la décision rendue par le tribunal de grande instance de Metz, dans une affaire analogue opposant M. M... à la société CRCA Lorraine sur un autre prêt relatif à la même opération ne lie en rien la cour ; qu'aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que ce texte est applicable à l'égard d'une caution personne physique, qu'elle soit ou non commerçante ou dirigeante de société ; que la sanction de la disproportion réside dans l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement ; qu'il incombe à la caution qui s'en prévaut de démontrer le caractère manifestement disproportionné de son engagement ; ce caractère suppose qu'au moment de la conclusion de l'engagement, la caution se trouve dans l'impossibilité manifeste d'y faire face avec ses biens et revenus ; que la situation financière de la caution s'apprécie telle qu'elle est déclarée et présentée par elle, l'établissement de crédit n'étant pas tenu de vérifier l'exactitude de ces déclarations ; que M. M... fait valoir la nécessité, pour apprécier la proportionnalité de son engagement, de prendre en compte son endettement global, soit non seulement le cautionnement litigieux, pour la somme de 260 000 euros, mais également les autres cautionnements conclus concomitamment, pour l'opération de rachat de la pharmacie, et qui s'élèvent au total à la somme de 1 204 000 euros ; qu'il soutient que ses revenus et patrimoine n'étaient pas, au moment de l'engagement, de nature à lui permettre de faire face à cet engagement ; qu'il estime qu'il ne peut être tenu compte de ses parts sociales dans les sociétés qu'il détenait, dont la valeur était selon lui nulle, compte tenu de l'important passif social ; qu'en réplique, la société CRCA Alsace Vosges rappelle qu'il appartient à la caution de démontrer que l'engagement était non seulement disproportionné, mais encore manifestement disproportionné ; qu'elle considère qu'il y a lieu de tenir compte des salaires mais aussi et surtout du patrimoine de M. M... ; qu'elle estime que ce patrimoine comprend notamment les parts sociales dans la société [...] , qu'il convient de valoriser à hauteur du prix d'acquisition du fonds de commerce ; qu'elle ajoute qu'il détenait également la quasi-totalité des parts de la SCI [...], laquelle était propriétaire d'un immeuble ; qu'elle soutient qu'il ne doit pas être tenu compte du passif social pour la valorisation des parts sociales détenues par M. M... dans les deux sociétés ; qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'au titre de ses ressources, M. M... disposait au moment de l'engagement d'un revenu annuel d'environ 80 000 euros, dont il était admis entre les parties qu'il ne serait pas maintenu, l'intéressé quittant son emploi pour débuter une activité de pharmacien indépendant ; que les revenus qu'il pouvait escompter de l'opération ne peuvent être pris en compte dans l'évaluation de ses ressources ; qu'il convient qu'inclure dans l'évaluation du patrimoine de M. M... les parts sociales qu'il détenait, étant associé unique de la société [...] et associé à hauteur de 99,99 % de la SCI [...] ; que la valeur de ces parts sociales doit être prise en compte dans l'évaluation de la proportionnalité de l'engagement ; qu'il n'est pas contesté que la société [...] avait acquis un fonds de commerce d'une valeur de 2 200 000 euros, tandis que la SCI s'était portée acquéreuse des murs commerciaux, pour la somme de 650 000 euros ; que M. M... rétorque que la valeur nette de ses parts sociales ne peut être fixée à la valeur d'acquisition du fonds de commerce et de l'immeuble, car il convient de tenir compte des dettes contractées par les sociétés pour leur acquisition ; qu'il souligne que, par exemple, si la société [...] avait dû vendre le fonds de commerce en 2011, elle en aurait retiré 2 200 000 euros qui auraient dû servir à désintéresser ses créanciers, ne laissant aucun actif ; qu'en pratiquant le même raisonnement pour l'immeuble détenu par la SCI [...], et tenant compte de ses autres emprunts, il en déduit que son patrimoine net était négatif, ou subsidiairement faiblement positif à hauteur de 24 370 euros, en tout cas largement disproportionné par rapport à son engagement de caution ; que l'appelant invoque à l'appui de sa position un arrêt de la cour d'appel de Colmar, ainsi que plusieurs autres décisions de justice, qui selon lui prennent toutes en compte le patrimoine net de la caution ; que cependant, contrairement à ce qu'avance M. M..., si la prise en compte du patrimoine net de la caution s'impose pour les immeubles détenus en propre, il n'en va pas de même pour les parts sociales de la société qu'elle garantit ; qu'en effet, la société CRCA répond pertinemment que le raisonnement de M. M... n'est pas cohérent, car si la société [...] avait revendu son patrimoine pour la somme de 2 200 000 euros, elle aurait pu désintéresser ses créanciers et sa caution n'aurait alors logiquement pas été appelée ; que le même raisonnement peut être tenu à propos de la SCI [...] et de l'immeuble qu'elle détenait ; qu'il convient alors de retenir la valorisation des parts sociales détenues par M. M... à la valeur des biens détenus par les deux sociétés dont il est associé, correspondant à environ 2 850 000 euros ; qu'il importe encore de constater que M. M... était propriétaire d'un appartement dont la valeur nette, déduction faite des emprunts en cours, était de 81 000 euros selon ses propres affirmations ; qu'il se déduit de ces constatations que M. M... disposait, lors de son engagement de caution, d'un patrimoine important, principalement composé des parts sociales dans les sociétés [...] et SCI [...] ; qu'il n'apparaît dès lors pas que l'appelant était dans l'impossibilité manifeste de faire face, avec ses biens et revenus, à l'engagement souscrit pour la somme de 260 000 euros, y compris compte tenu des autres engagements, pour une somme totale de 1 204 000 euros ; qu'ainsi, il ressort de cet examen que l'intéressé n'apporte pas la preuve, alors qu'il en a la charge, que ses engagements étaient manifestement disproportionnés au sens de l'article L.341-4 du code de la consommation, au moment de leur conclusion ; que le jugement sera confirmé sur ce point et M. M... débouté de sa demande visant à faire déclarer inopposable l'acte de cautionnement ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le demandeur est le gérant et actionnaire unique de la société Pharmacie Coislin à Metz ; que cette société a, le 28/10/2011, contracté auprès de la Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges un prêt de 825 000 euros remboursable sur 144 mois avec un taux d'intérêts de 4,48 % (ramené à 3,4 % suite à un avenant signé le 10/01/2013), ce prêt étant destiné à l'acquisition du fonds de commerce de la Pharmacie D... d'une valeur de 2,2 millions d'euros ; que M. M... s'est porté caution à hauteur de 260 000 euros de ce prêt ; qu'à l'occasion de l'instruction de la demande de ce prêt formulée par la société représentée par son gérant, la Caisse de crédit agricole Alsace Vosges s'est fait communiquer différentes pièces portant tant sur le profil et le patrimoine du gérant que sur le projet lui-même ; qu'ainsi, il apparaissait que M. M... avait bénéficié de revenus issus de son travail de pharmacien en Suisse de 83 351 euros en 2010 et 80 173 euros en 2011 ; que par contre pour l'année 2013, ses revenus déclarés n'étaient plus que de 35 855 euros ; que M. M... a également produit un prévisionnel qui estimait que le chiffre d'affaire de la pharmacie de 2,67 millions d'euros à l'acquisition, passerait à 2,95 millions d'euros l'année suivante et progresserait de 10 % par la suite ; qu'il y était notamment indiqué que l'acquisition était financée par des apports propres (400 000 euros de capital et 560 000 euros d'obligations convertibles) ce qui laisse à penser que M. M... était à même de mobiliser une partie des fonds nécessaires à l'acquisition ; qu'en outre, l'étude du compte prévisionnel, laissait à penser que le projet était particulièrement viable, en ce sens que les charges financières représentant au départ 97 279 euros par an (et diminuant au fur et à mesure du temps qui passait) et n'étaient pas de nature à compromettre la marge bénéficiaire ou encore le prélèvement d'une rémunération annuelle pour le gérant au minimum de 60 000 euros ; qu'enfin, il y a lieu de noter qu'il est constant que M. M... était également propriétaire d'un bien immobilier ; que dans ces conditions le requérant ne peut aujourd'hui affirmer que la banque aurait accepté un cautionnement disproportionné ; que le fait que M. M... ne disposait plus que d'un revenu de 35 000 euros au moment de la réalisation de son projet, n'est pas de nature à démontrer une disproportion entre ses ressources et le projet ; qu'en effet il est évident que la baisse de ses revenus s'expliquait par le fait qu'il avait quitté un emploi bien rémunéré en Suisse pour lancer son propre projet en France ; que dans l'attente de la réalisation de celui-ci, il a très certainement pris un emploi d'attente moins rémunérateur ; que cet état de fait conjoncturel n'est pas de nature à démontrer la disproportion entre ses ressources et sa situation de richesse et son cautionnement ;

ALORS QU' un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que, dans le cas où la caution garantit un prêt souscrit par la société dont elle est associée, les parts sociales faisant ainsi partie de son patrimoine doivent être valorisées en tenant compte du passif social, qui comprend le prêt cautionné ; qu'en l'espèce, pour dire qu'il n'apparaissait pas que M. M... était dans l'impossibilité manifeste de faire face, avec ses biens et revenus, à l'engagement de caution qu'il avait souscrit envers la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Lorraine, la cour d'appel a retenu que si la prise en compte du patrimoine net de la caution s'imposait pour les immeubles détenus en propre, il n'en allait pas de même pour les parts sociales de la société qu'elle garantissait, les parts sociales détenues par M. M... au sein de la société Pharmacie Coislin et de la SCI [...] devant être valorisées selon la valeur des biens détenus par ces deux sociétés ; qu'en refusant ainsi de tenir compte du passif social constitué par les prêts que les deux sociétés avaient souscrits pour financer leurs acquisitions, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable, car nouvelle en cause d'appel, la demande de M. K... M... tendant à voir condamner la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges à lui payer la somme de 260 000 euros de dommages-intérêts, et, par suite, d'AVOIR condamné M. K... M... à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Lorraine la somme de 260 000 euros outre une indemnité au titre de l'article 700 du CPC.

AUX MOTIFS QUE l'appelant, à titre subsidiaire, sollicite la condamnation de la société CRCA Alsace Vosges à lui verser la somme de 260 000 euros, correspondant au montant du cautionnement litigieux, au titre de dommages-intérêts ; qu'il estime que la banque a commis plusieurs fautes, en méconnaissant ses obligations de mise en garde et de conseil ; que l'intimé réplique principalement que cette demande est irrecevable, car nouvelle à hauteur de cour, ceci en vertu de l'article 564 du code de procédure civile ; que M. M... affirme que sa demande n'est pas nouvelle, et étaye son allégation en soutenant que la demande de dommages-intérêts a déjà été débattue en première instance ; qu'il en veut pour preuve un extrait du jugement entrepris (p. 4), qui évoque l'absence de « faute [de la banque] en méconnaissance de ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde des emprunteurs » ; que la société CRCA Alsace Vosges répond à cet argument, à bon droit, que ce n'est pas la motivation du jugement qui fixe l'étendue du litige mais les demandes des parties devant le premier juge ; qu'or il apparaît, à l'examen, d'une part, des conclusions de première instance de M. M..., et, d'autre part, de l'exposé des demandes des parties fait par le jugement entrepris, que l'appelant n'avait formé en première instance aucune demande de dommages-intérêts sur le fondement d'une faute de la banque ; que dès lors, M. M... ne saurait prendre prétexte d'un motif surabondant du jugement pour prétendre avoir formulé sa demande devant le premier juge ; qu'en conséquence, il convient de constater que la demande en dommages-intérêts pour faute, soumise pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable ;

ALORS QUE la demande tendant à faire écarter la prétention adverse et à opposer la compensation est recevable devant la cour d'appel ; qu'en l'espèce, M. M... sollicitait, dans l'hypothèse où le cautionnement litigieux n'était déclaré ni invalide, ni disproportionné, ni caduc, que la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges soit condamnée à lui payer la somme de 260 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de conseil et de mise en garde, correspondant au montant du cautionnement litigieux, et qu'il soit procédé à la compensation entre les créances réciproques des parties ; qu'en déclarant cette demande irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel bien qu'elle avait pour objet une compensation avec la demande principale l'adversaire, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable, car nouvelle en cause d'appel, la demande de M. K... M... tendant à voir condamner la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, au titre de laquelle M. M... sollicite l'indemnisation de son préjudice moral est elle aussi formulée pour la première fois devant la cour, et donc pareillement irrecevable ;

ALORS QU' en cause d'appel, les parties peuvent ajouter aux demandes et défenses soumises au premier juge toutes les demandes qui en sont l'accessoire ; que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive constitue l'accessoire des autres demandes soumises au juge ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande de M. M... tendant à voir condamner la société Caisse régionale de crédit agricole Alsace Lorraine à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel a retenu que cette demande était formulée pour la première fois devant la cour d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-13135
Date de la décision : 07/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 31 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 oct. 2020, pourvoi n°19-13135


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13135
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