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06/10/2020 | FRANCE | N°20-83314

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 octobre 2020, 20-83314


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 20-83.314 F-D

N° 2253

CG10
6 OCTOBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 OCTOBRE 2020

M. Q... B... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 26 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lu

i des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 20-83.314 F-D

N° 2253

CG10
6 OCTOBRE 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 OCTOBRE 2020

M. Q... B... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 26 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. Q... B..., et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. Q... B... a été mis en examen des chefs susvisés le 16 novembre 2019 et placé le même jour en détention provisoire.

3. Sur appel du mis en examen de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a, le 3 mars 2020, prolongé cette détention provisoire, la chambre de l'instruction a convoqué l'intéressé et son avocat à son audience du 20 mars 2020 tenue par le moyen de la visioconférence.

4. A l'audience, M. B... a sollicité sa comparution physique et demandé le renvoi de l'affaire à cette fin.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 137 à 144, 194, 199, 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale.

6. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a « rejeté la demande de renvoi et confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire entreprise, en passant outre le refus, opposé par le mis en examen, de l'utilisation de la visioconférence, alors :

« 1°/ que dans le contentieux relatif à la prolongation de la détention provisoire, toute personne détenue peut refuser l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle ; que la possibilité de passer outre un tel refus, n'est admise, à titre exceptionnel, qu'en présence de risques graves de trouble à l'ordre public, d'évasion du détenu ou de circonstances imprévisibles et insurmontables ; que dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la circulaire du 14 mars 2020 relative à l'adaptation de l'activité pénale et civile des juridictions n'admettait la possibilité de refuser l'extraction d'un détenu pour des raisons sanitaires, lorsque celui-ci demandait à comparaître physiquement, qu'après qu'il ait été établi par un médecin que l'état de santé de ce détenu ne permettait pas, sauf à créer un risque élevé de contamination, de procéder à son extraction ; qu'en l'espèce, en passant outre le refus opposé par la personne mise en examen de comparaître par visioconférence et en rejetant sa demande de renvoi formulée lors de son audition du 20 mars 2020, date à laquelle la circulaire précitée était en vigueur, la chambre de l'instruction, qui n'a fait mention d'aucune vérification de l'état de santé du détenu, a méconnu ce texte ainsi que les articles susvisés et n'a pas permis à la chambre criminelle d'exercer un contrôle utile ;

2°/ qu'en tout état de cause, dans le contentieux relatif à la prolongation de la détention provisoire, toute personne détenue peut refuser l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle ; que la possibilité de passer outre un tel refus, n'est admise, à titre exceptionnel, qu'en présence de risques graves de trouble à l'ordre public, d'évasion du détenu ou de circonstances imprévisibles et insurmontables ; que dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la circulaire du 14 mars 2020 relative à l'adaptation de l'activité pénale et civile des juridictions admettait en ultime recours la possibilité de refuser l'extraction du détenu, lorsque celui-ci demandait à comparaître physiquement, en cas de fragilisation des services de l'administration pénitentiaire consécutive à la mise en oeuvre d'un plan de continuation d'activité et rendant cette extraction impossible ; que cette même circulaire précisait que, dans une telle hypothèse, les juges du fond devaient s'assurer de la suffisance des vérifications effectuées pour justifier du caractère insurmontable des circonstances invoquées ; qu'en l'espèce, en passant outre le refus opposé par la personne mise en examen de comparaître par visioconférence et en rejetant sa demande de renvoi, la chambre de l'instruction, qui ne s'est aucunement assurée d'une quelconque fragilisation des services d'extraction concernés, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des exigences précitées ainsi que des articles susvisés et n'a pas mis la chambre criminelle en mesure d'exercer son contrôle. »

Réponse de la Cour

7. Pour passer outre au refus opposé par la personne mise en examen de comparaître par visio-conférence et rejeter sa demande de renvoi formulée, l'arrêt attaqué énonce qu'en l'état d'un appel d'une ordonnance de prolongation de détention provisoire interjeté le 10 mars 2020 avec demande de comparution personnelle, la chambre de l'instruction doit statuer avant le 30 mars 2020, à défaut de quoi M. B... devrait automatiquement recouvrer la liberté.

8. Les juges ajoutent que la comparution physique de M. B..., accompagné de personnels d'escorte, ferait, dans la situation actuelle d'épidémie du virus Covid-19, peser sur les fonctionnaires concernés et le détenu, et le cas échéant, sur les divers intervenants judiciaires à l'audience, un risque gravissime d'atteinte à leur santé dès lors qu'ils seraient mis de fait, à l'occasion des déplacements indispensables, de l'attente ou des débats, en situation de se côtoyer dans une proximité physique qui serait en totale contradiction avec, et le bon sens, et les recommandations appuyées et renouvelées des autorités administratives et de santé.

9. Ils poursuivent en indiquant que les circonstances exceptionnelles liées au risque sanitaire majeur que fait peser le virus Covid 19 sur l'ensemble des personnes directement concernées est de nature à constituer un élément de force majeure et une circonstance insurmontable extérieure au service de la justice et que les mesures actuelles de confinement et la nécessité impérieuse des "gestes-barrières" parmi lesquels le respect d'une distance minimale entre les personnes, destinées à éviter la propagation du virus Covid 19, seront encore en vigueur à la date avant laquelle la chambre de l'instruction devra statuer.

10. En se déterminant ainsi et dès lors que l'épidémie de Covid-19 était le 20 mars 2020 constitutive d'une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, permettant d'écarter les dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale et de passer outre au refus du mis en examen de comparaître par le moyen de la visioconférence, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

11. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a « rejeté la demande de renvoi et confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire entreprise, en passant outre le refus, formulé par le mis en examen, de l'utilisation de la visioconférence alors que, dans le contentieux relatif à la prolongation de la détention provisoire, toute personne détenue peut refuser l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle ; que la possibilité de passer outre un tel refus, n'est admise, à titre exceptionnel, qu'en présence de risques graves de trouble à l'ordre public, d'évasion du détenu ou de circonstances imprévisibles et insurmontables ; que les juges du fond, dans une telle hypothèse, doivent s'assurer de la réalité des motifs invoqués jusqu'à la date d'expiration du délai légal durant lequel ils sont tenus de statuer ; qu'en l'espèce, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 et 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, préliminaire, 137 à 144, 194, 199, 706-71, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui, pour refuser de renvoyer l'affaire en vue d'une comparution physique sans visioconférence, s'est bornée à indiquer que les circonstances sanitaires liées au virus Covid-19, constitutives d'une circonstance insurmontable extérieure au service de la justice, seraient encore en vigueur le 30 mars 2020, quand cette juridiction disposait pour se prononcer, en application des articles 15 et 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, applicables s'agissant d'une détention provisoire en cours le 26 mars 2020, d'un délai d'un mois et vingt jours qui s'étendait jusqu'au 30 avril 2020. »

Réponse de la Cour

13. Il résulte de l'arrêt attaqué que tant M. B... que son conseil ont été régulièrement convoqués à l'audience qui s'est tenue aux fins d'examen de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire et qu'alors que M. B... comparaissait par le moyen de la visio-conférence depuis l'établissement pénitentiaire où il était détenu, son conseil, présent à l'audience, a sollicité la possibilité de s'entretenir confidentiellement avec son client, ce qui lui a été accordé durant une suspension d'audience.

14. Il est ensuite fait mention de ce qu'une demande de renvoi de l'affaire à une date ultérieure a été présentée oralement par le conseil du mis en examen, à seule fin que son client puisse être extrait pour pouvoir comparaître devant la chambre de l'instruction, et que cette demande a été immédiatement débattue. Après avoir entendu l'ensemble des parties en leurs observations et donné la parole en dernier à M. B..., la chambre de l'instruction s'est retirée pour délibérer sur la demande de renvoi, conformément à l'article 200 du code de procédure pénale.

15. L'arrêt poursuit en indiquant qu'à la reprise de l'audience, la chambre de l'instruction a rejeté la demande de renvoi, retenant qu'en l'état d'un appel d'une ordonnance de prolongation de détention provisoire interjeté le 10 mars 2020 avec demande de comparution personnelle, celle-ci devait statuer avant le 30 mars 2020, à défaut de quoi M. B... devrait automatiquement recouvrer la liberté.

16. Les juges ont par ailleurs exposé que les mesures de confinement et la nécessité impérieuse des "gestes-barrières" parmi lesquels le respect d'une distance minimale entre les personnes, destinée à éviter la propagation du virus Covid 19, seraient encore en vigueur à la date avant laquelle la chambre de l'instruction devrait statuer et que la situation inchangée ne permettrait pas plus l'extraction de M. B....

17. L'arrêt relève, après que le président eut fait connaître la décision de pas faire droit au renvoi, que l'audience s'est poursuivie en l'absence du mis en examen et de son conseil qui ont alors fait le choix de se retirer, la décision sur le fond ayant été, à l'issue des débats, mise en délibéré au 26 mars 2020.

18. En prononçant ainsi, et dès lors que d'une part la décision de ne pas accorder de renvoi a été prise à l'audience tenue le 20 mars 2020, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 25 mars 2020 et d'autre part l'intéressé n'a pas sollicité la réouverture des débats, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

19. En effet, si les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 25 mars 2020, adoptées postérieurement à ces débats et entrées en vigueur à compter du 26 mars 2020 pour toutes les détentions en cours ou débutant à cette dernière date, ont augmenté d'un mois les délais impartis pour statuer sur les recours en matière de détention provisoire, celles-ci n'étaient constitutives que d'une simple faculté pour la chambre de l'instruction.

20. D'où il suit que le moyen sera écarté.

21. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six octobre deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 20-83314
Date de la décision : 06/10/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 26 mars 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 oct. 2020, pourvoi n°20-83314


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:20.83314
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