LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er octobre 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 718 F-D
Pourvoi n° T 19-17.825
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020
M. T... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 19-17.825 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X... L...,
2°/ à Mme D... H..., épouse L...,
domiciliés tous deux [...],
3°/ à Mme W... S..., domiciliée [...] ,
4°/ à M. A... M..., domicilié [...] ,
5°/ à M. O... G..., domicilié [...] ,
6°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [...] ,
7°/ à M. B... R..., domicilié [...] ,
8°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [...] ,
9°/ à la Société d'application de travaux spéciaux, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
10°/ à la société Areas, CMA, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
M. et Mme L... ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
M. G... et la Mutuelle des architectes français ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
M. et Mme L..., demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
M. G... et la Mutuelle des architectes français, demandeurs au pourvoi provoqué invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. F..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la Société d'application de travaux spéciaux et de la société Areas - CMA, de la SCP Boulloche, avocat de M. G... et de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme S... et de M. M..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme L..., après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 décembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 10 décembre 2015, pourvoi n° 14-23.257), M. R... a vendu une maison à M. et Mme M....
2. Des travaux d'agrandissement, conçus et réalisés par le vendeur, étaient alors au stade hors d'eau hors d'air.
3. M. et Mme M... ont poursuivi ces travaux. Ils ont confié la maîtrise d'oeuvre à M. G..., architecte, le lot « démolition-gros oeuvre » à la société Satras et la réalisation de l'étanchéité et de la pose des carrelages extérieurs à M. F....
4. Après achèvement des travaux, M. et Mme M... ont vendu le bien à M. et Mme L....
5. Estimant que la maison était atteinte de désordres majeurs, constitués de fissures et d'infiltrations, M. et Mme L... ont, après expertise, assigné en indemnisation M. et Mme M..., M. G... et son assureur, la Mutuelle des architectes français (la MAF), M. F... et son assureur, la MAAF assurances, ainsi que la société Satras et son assureur, la société Areas-CMA.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche, et le moyen unique du pourvoi incident de M. G... et de la MAF, pris en sa première branche, réunis
Enoncé du moyen
6. MM. F... et G... et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec M. M..., Mme S... divorcée M..., la société Satras, M. F... et la société Areas-CMA, à payer à M. et Mme L... la somme de 411 840 euros TTC, alors « que la cassation qui atteint un chef de dispositif ne laisse subsister aucun des motifs qui l'ont justifié, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi sur la prétention tranchée par le chef de dispositif ayant fait l'objet de la cassation ; que dans son arrêt du 10 décembre 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 11 mars 2014 par la cour d'appel de Grenoble « mais seulement en ce qu'il avait condamné in solidum les époux M..., M. G... et la société Satras à payer aux consorts L..., au titre de la reprise des désordres l'affectant, la somme de 91 250 euros, les époux M... et MM. G... et F... à payer aux consorts L... la somme de 6 230 euros, de sorte que la cour d'appel de renvoi était investie en totalité et sans restriction de la connaissance de la responsabilité des différents intervenants ; qu'en considérant néanmoins que le principe de cette responsabilité était exclu du périmètre de la cassation, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé les articles 480 et 638 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 623, 624, 625, 632 et 638 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ces textes que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, les parties étant remises de ce chef dans l'état où elles se trouvaient avant la décision censurée et ayant la faculté d'invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
8. Pour condamner in solidum M. M..., Mme S..., M. G..., la MAF, la société Satras, M. F... et la société Areas-CMA à payer une certaine somme à M. et Mme L..., l'arrêt retient que la cassation est fondée sur la question de la réparation intégrale du dommage et, plus particulièrement, sur le choix de l'option permettant une reprise optimale des désordres et que l'ensemble des autres points (droit applicable, nature des désordres, responsabilités encourues, appels en garantie, préjudices immatériels et moraux, garantie des assureurs, solidarité entre coresponsables), qui n'a pas été touché par la cassation, est définitif.
9. En statuant ainsi, alors que la cassation de l'arrêt du 11 mars 2014 en ce qu'il condamnait in solidum M. et Mme M..., M. G... et la société Satras à payer aux consorts L..., au titre de la reprise des désordres l'affectant, la somme de 91 250 euros, et M. et Mme M... et MM. F... et G... à payer aux consorts L... la somme de 6 230 euros, ne laissait rien subsister de ce chef de dispositif et qu'en l'absence d'un autre chef de dispositif se rapportant aux responsabilités, cette cassation imposait à la juridiction de renvoi de se prononcer sur les demandes relatives au principe et à l'étendue des responsabilités encourues formées devant elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que en ce qu'il :
Rappelle que la cassation ne concerne que l'indemnisation des travaux de remise en état, les autres points de l'arrêt rendu le 11 mars 2014 par la cour d'appel de Grenoble étant désormais définitifs ;
Condamne in solidum M. A... M..., Mme W... S... divorcée M..., M. O... G..., la société MAF, la SARL Satras, M. T... F... et la société Areas CMA à payer à X... L... et Mme D... L... née H... la somme de 411 840 € TTC (quatre cent onze mille huit cent quarante euros toutes taxes comprises) au titre des travaux de remise en état ;
Dit que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction, en prenant pour valeur de départ l'indice de janvier 2007, l'arrêt rendu le 19 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. F... (demandeur au pourvoi principal).
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné M. T... F... in solidum avec M. A... M..., Mme W... S... divorcée M..., M. O... G..., la société MAF, la société Satras, et la société Areas à payer aux époux L... la somme de 411 840 euros au titre des travaux de remise en état ;
Aux motifs que « sur le périmètre de la saisine, par arrêt du 10 décembre 2015, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 11 mars 2014 par la cour d'appel de Grenoble mais seulement en ce qu'il "condamne in solidum M. et Mme M..., M. G... et la société Satras à payer aux consorts L..., au titre de la reprise des désordres l'affectant, la somme de 91 250 euros, M. et Mme M... et MM. F... et G... à payer aux consorts L... la somme de 6 230 euros" ; que la cassation a été prononcée aux motifs que la cour d'appel n'a pas recherché si seul le mode correspondant à la solution C permettait de supprimer définitivement la cause des désordres constatés, plutôt que d'avoir dit que la solution B ne saurait être écartée au motif que son défaut est la réapparition de désordres et dans la mesure où l'expert précise que cette réapparition est éventuelle et que les désordres seraient minimes, tout en précisant que la mise en oeuvre de la solution C, décrite avec garantie définitive, tend à faire supporter aux vendeurs, au maître d'oeuvre et aux entrepreneurs des travaux supplémentaires à ceux de reprises en sous-oeuvre que les époux L... leur reprochent de ne pas avoir exécutés, et que cette solution donne lieu à un embellissement certain du bâti ; que la cassation est donc fondée sur la question de la réparation intégrale du dommage, et plus particulièrement dans la présente espèce au choix de l'option permettant une reprise optimale des désordres ; l'ensemble des autres points (droit applicable, nature des désordres, responsabilités encourues, appels en garantie, préjudices immatériels et moraux, garantie des assureurs, solidarité entre coresponsables) n'a pas été touché par la cassation et est donc aujourd'hui définitif (
) ; que sur la réparation du préjudice, il s'agit en réalité de la question du choix de l'option de reprise des désordres, étant précisé que les époux L... ne distinguent plus entre les reprises à raison de l'instabilité du bâti et celles des infiltrations en terrasses ; que l'expert judiciaire a proposé, dans son rapport, trois solutions générales pour permettre la remise en état de l'immeuble : - solution A, avec stabilisation du bâti mais certitude de réapparition des désordres, pour une somme de 40 169,13 euros TTC ; - solution B, avec démolition/reconstruction partielle et stabilisation du bâti mais sans garantie définitive de non-réapparition des désordres, pour une somme de 102 841,40 euros TTC, - solution C, avec démolition du bâti et reconstruction, garantissant définitivement la nonréapparition des désordres, pour une somme de 275 483,52 euros TTC ; que l'expert judiciaire reconnaît lui-même que la solution A ne résoudra pas le problème de fissuration en ce que la réapparition de fissures ou de microfissures est certaine ; que quant à la solution B, elle est médiane et propose une démolition et reconstruction du bâtiment en simple rez-de-chaussée et une stabilisation de la partie séjour avec conservation des caves, chambres et salon ; qu'à l'opposé, la solution C est à même de garantir une absence de réapparition de fissures ; que postérieurement aux opérations d'expertise, les fissures constatées à l'époque se sont aggravées et d'autres sont apparues ainsi qu' en témoignent, à l'évidence, les constats d'huissier produits aux débats ; que ces éléments traduisent la nécessité de remédier au plus vite aux désordres afin d'en éviter une nouvelle propagation ; qu'en matière de réparation d'un préjudice, le principe de la réparation intégrale s'impose et tend à remettre la personne lésée dans la situation où elle se serait trouvée si l'immeuble avait été livré sans vices ; que la réparation d'un dommage doit donc être intégrale sans excéder le montant du préjudice ; qu'ainsi, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit ; qu'en matière de désordres liés à des vices de construction, le préjudice indemnisable regroupe tous les travaux nécessaires à la réparation de l'ouvrage ; que la juridiction apprécie souverainement le montant du préjudice et elle en justifie par l'évaluation qu'elle en fait ; qu'il s'ensuit que le maître de l'ouvrage n'a pas à supporter la charge d'une plus-value lorsque les travaux réalisés sont nécessaires soit pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, soit pour empêcher la réapparition des désordres ; qu'en revanche, les améliorations qui ne sont pas nécessaires à la réparation du dommage devraient soit rester à la charge du maître de l'ouvrage, soit ne pas être réalisées ; qu'en l'espèce, il apparaît donc que la solution la plus sage et la plus conforme aux principes énoncés ci-dessus consiste à opter pour une démolition-reconstruction concernant les parties de l'habitation traitées par l'expert V... (164 m²) ; qu'il sera tenu compte d'une évaluation réactualisée en retenant un coût de 1 650 euros TTC/m², étant rappelé en comparaison que le coût moyen de construction au m² des bâtiments locatifs HLM, lesquels comportent a fortiori des prestations bien moindres, se situe néanmoins aux environs de 950 euros HT/m² ; qu'il sera ainsi retenu l'indemnisation suivante : - démolition de l'existant (164 m²) avec évacuation des matériaux, tri et stockage des matériaux à conserver : 25 000 euros HT, - construction de 164 m² à l'identique de l'existant (murs extérieurs en parement pierres, tuiles canal et matériaux de finition, soit 164 m² x 1 650 = 270 600 euros HT, - aménagement de la cuisine identique à l'existante : 9 500 euros HT, soit un total HT de travaux de 305 100 euros HT, somme à laquelle il convient d'ajouter un forfait correspondant aux honoraires de maîtrise d'oeuvre de 12,5 %, soit 38 100 euros HT, soit enfin un total de travaux + maîtrise d'oeuvre de 343 200 euros HT ; que s'agissant d'une reconstruction, l'incidence d'une TVA actuellement à 20 % porte la somme totale (TVA + travaux + honoraires maîtrise d'oeuvre) à 68 640 euros + 343 200 euros = 411 840 euros TTC ; que la somme ainsi déterminée englobe l'ensemble des coûts des reprises, aussi bien au titre de l'instabilité du bâti qu'au titre des infiltrations ; que la responsabilité de M. F..., retenue par la cour d'appel dans son arrêt du 11 mars 2014, n'a pas été critiquée par la Cour de cassation et est donc aujourd'hui définitive ; que M. et Mme M..., M. G..., la société MAF, la SARL Satras, la société Areas CMA et M. T... F... seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme L... cette somme de 411 840 euros TTC qui sera indexée sur l'indice du coût de la construction en prenant pour valeur de départ l'indice de janvier 2007 » (arrêt, p. 12, § 1 et s.) ;
1°) Alors, d'abord, que la cassation qui atteint un chef de dispositif ne laisse subsister aucun des motifs qui l'ont justifié, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi sur la prétention tranchée par le chef de dispositif ayant fait l'objet de la cassation ; que dans son arrêt du 10 décembre 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 11 mars 2014 par la cour d'appel de Grenoble « mais seulement en ce qu'il [avait condamné] in solidum les époux M..., M. G... et la société Satras à payer aux consorts L..., au titre de la reprise des désordres l'affectant, la somme de 91 250 euros, les époux M... et MM. G... et F... à payer aux consorts L... la somme de 6 230 euros » (arrêt, p. 3), de sorte que la cour d'appel de renvoi était investie en totalité et sans restriction de la connaissance de la responsabilité des différents intervenants ; qu'en considérant néanmoins que le principe de cette responsabilité était exclu du périmètre de la cassation, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé les articles 480 et 638 du code de procédure civile ;
2°) Alors, en outre, que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans son arrêt du 11 mars 2014, la cour d'appel de Grenoble avait condamné M. F... au titre des seuls dommages résultant des infiltrations d'eau au niveau de la terrasse, à l'exclusion de ceux affectant le toit et l'instabilité du bâti (voir arrêt, p. 18, § 3) ; qu'en considérant pourtant que la responsabilité de M. F... avait été, aux termes de cet arrêt, définitivement engagée au titre de l'ensemble des dommages subis par les époux L..., la cour d'appel a dénaturé cet arrêt et violé le principe susvisé ;
3°) Alors, en tout état de cause, que la condamnation d'une partie à l'égard d'une victime, in solidum avec des coauteurs, ne peut être prononcée que si cette partie a contribué à la réalisation du même dommage ; que la cour d'appel a constaté que l'immeuble avait subi deux séries distinctes de dommages, les uns liés à l'instabilité du bâti, à la réalisation duquel M. F... était parfaitement étranger et les autres liés à des infiltrations d'eau, au niveau de la terrasse, sur le revêtement de laquelle M. F... était intervenu, et au niveau du toit ; qu'en condamnant M. F..., in solidum avec les autres intimés, à indemniser indistinctement l'ensemble de ces dommages, le condamnant ainsi au titre de dommages à la réalisation desquels il n'avait pas contribué, au motif impropre que les époux L... n'avaient pas distingué chacun des préjudices qu'ils estimaient avoir subis et demandaient une indemnisation globale, la cour d'appel a violé les articles 1231-1 et 1317 du code civil, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum.
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme L... (demandeurs au pourvoi incident).
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné, in solidum, les vendeurs d'un bien immobilier (les consorts M... S...) ainsi que les constructeurs (M. F..., M. G... et la Mutuelle des Architectes Français, la société Satras et la mutuelle Areas) à payer aux acquéreurs finals de l'immeuble (M. et Mme L..., les exposants) la somme de 411 840 € au titre des travaux de remise en état ;
AUX MOTIFS QUE l'expert judiciaire avait proposé, dans son rapport, trois solutions générales pour permettre la remise en état de l'immeuble : - solution A, avec stabilisation du bâti mais certitude de réapparition des désordres, pour une somme de 40 169,13 € TTC, - solution B, avec démolition/reconstruction partielle et stabilisation du bâti mais sans garantie définitive de non-réapparition des désordres, pour une somme de 102 841,40 € TTC, - solution C, avec démolition du bâti et reconstruction, garantissant définitivement la non-réapparition des désordres, pour une somme de 275 483,52 € TTC ; que l'expert judiciaire reconnaissait lui-même que la solution A ne résoudrait pas le problème de fissuration en ce que la réapparition de fissures ou de micro-fissures était certaine ; que, quant à la solution B, elle était médiane et proposait une démolition et reconstruction du bâtiment en simple rez-de-chaussée et une stabilisation de la partie séjour avec conservation des caves, chambres et salon ; qu'à l'opposé, la solution C était à même de garantir une absence de réapparition de fissures ; que, postérieurement aux opérations d'expertise, les fissures constatées à l'époque s'étaient aggravées et d'autres étaient apparues ainsi qu'en témoignaient, à l'évidence, les constats d'huissier produits aux débats ; que ces éléments traduisaient la nécessité de remédier au plus vite aux désordres afin d'en éviter une nouvelle propagation ; qu'en matière de réparation d'un préjudice, le principe de la réparation intégrale s'imposait ; qu'en matière de désordres liés à des vices de construction, le préjudice indemnisable regroupait tous les travaux nécessaires à la réparation de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, il apparaissait donc que la solution la plus sage et la plus conforme aux principes consistait à opter pour une démolition-reconstruction concernant les parties de l'habitation traitées par l'expert V... (164 m²) ; qu'il serait tenu compte d'une évaluation réactualisée en retenant un coût de 1 650 € HT/m², étant rappelé en comparaison que le coût moyen de construction au m² des bâtiments locatifs HLM, lesquels comportent a fortiori des prestations bien moindres, se situait néanmoins aux environs de 950 € HT/m² ; qu'il serait ainsi retenu l'indemnisation suivante : - démolition de l'existant (164 m²) avec évacuation des matériaux, tri et stockage des matériaux à conserver : 25 000 € HT, - construction de 164 m² à l'identique de l'existant (murs extérieurs en parement pierres, tuiles canal et matériaux de finition, soit 164 m² x 1 650 = 270 600 € HT, - aménagement de la cuisine identique à l'existante : 9 500 € HT, soit un total HT de travaux de 305 100 € HT, somme à laquelle il convenait d'ajouter un forfait correspondant aux honoraires de maîtrise d'oeuvre de 12,5 %, soit 38 100 € HT, soit enfin un total de travaux + maîtrise d'oeuvre de 343 200 € HT ; que, s'agissant d'une reconstruction, l'incidence d'une TVA actuellement à 20 % portait la somme totale (TVA + travaux + honoraires maîtrise d'oeuvre) à 68 640 € + 343 200 € = 411 840 € TTC ; que la somme ainsi déterminée englobait l'ensemble des coûts des reprises, aussi bien au titre de l'instabilité du bâti qu'au titre des infiltrations (arrêt attaqué, pp. 12-14) ;
ALORS QUE, d'une part, en cas de dommage évolutif, la juridiction saisie doit réévaluer le préjudice à la date de sa décision ; qu'en l'espèce, tout en relevant que, postérieurement aux opérations d'expertise, les fissures constatées à l'époque s'étaient aggravées et que d'autres étaient apparues comme en témoignaient à l'évidence les constats d'huissiers produits par les propriétaires du bien immobilier, l'arrêt attaqué a alloué à ceux-ci la somme totale de 411 480 € TTC au titre des travaux de remise en état, soit le montant correspondant à la solution C préconisée par l'homme de l'art ; qu'en limitant ainsi leur indemnisation, quand ce montant ne tenait pas compte des aggravations survenues postérieurement aux opérations d'expertise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 1149 devenu 1231-2 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, les exposants faisaient valoir (v. leurs conclusions d'appel, pp. 14-18) que l'expert n'avait formulé aucune préconisation dans son rapport quant au secteur des caves et chambres de la partie de l'immeuble constituée d'un corps de bâtiment à deux niveaux et avait écarté tous travaux de confortement sur ces espaces, car il n'y avait constaté que quelques fissures verticales mais que, depuis la fin des opérations d'expertise, cette zone était affectée de désordres sérieux dont l'aggravation imposait une réévaluation du préjudice ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. G... et la société Mutuelle des architectes français (demandeurs au pourvoi provoqué).
Le pourvoi provoqué fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. G... et la Mutuelle des Architectes Français, in solidum avec M. F..., M. M..., Mme S... divorcée M..., la société Satras et la société Areas, à payer aux époux L... la somme de 411 840 euros au titre des travaux de remise en état ;
Aux motifs que « par arrêt du 10 décembre 2015, la 3è chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 11 mars 2014 par la cour d'appel de Grenoble mais seulement en ce qu'il "condamne in solidum M. et Mme M..., M. G... et la société Satras à payer aux consorts L..., au titre de la reprise des désordres l'affectant, la somme de 91 250 euros, M. et Mme M... et MM. F... et G... à payer aux consorts L... la somme de 6 230 euros" ;
que la cassation a été prononcée aux motifs que la cour d'appel n'a pas recherché si seul le mode correspondant à la solution C permettait de supprimer définitivement la cause des désordres constatés, plutôt que d'avoir dit que la solution B ne saurait être écartée au motif que son défaut est la réapparition de désordres et dans la mesure où l'expert précise que cette réapparition est éventuelle et que les désordres seraient minimes, tout en précisant que la mise en oeuvre de la solution C, décrite avec garantie définitive, tend à faire supporter aux vendeurs, au maître d'oeuvre et aux entrepreneurs des travaux supplémentaires à ceux de reprises en sous-oeuvre que les époux L... leur reprochent de ne pas avoir exécutés, et que cette solution donne lieu un embellissement certain du bâti ;
que la cassation est donc fondée sur la question de la réparation intégrale du dommage, et plus particulièrement dans la présente espèce au choix de l'option permettant une reprise optimale des désordres ;
que l'ensemble des autres points (droit applicable, nature des désordres, responsabilités encourues, appels en garantie, préjudices immatériels et moraux, garantie des assureurs, solidarité entre coresponsables) n'a pas été touché par la cassation et est donc aujourd'hui définitif » (arrêt p .12, § 1er à 4) ;
1/ Alors que la cassation qui atteint un chef de dispositif ne laisse subsister aucun des motifs qui l'ont justifié, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi sur la prétention tranchée par le chef de dispositif ayant fait l'objet de la cassation ; que dans son arrêt du 10 décembre 2015, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 11 mars 2014 par la cour d'appel de Grenoble « mais seulement en ce qu'il [avait condamné] in solidum les époux M..., M. G... et la société Satras à payer aux consorts L..., au titre de la reprise des désordres l'affectant, la somme de 91 250 euros, les époux M... et MM. G... et F... à payer aux consorts L... la somme de 6 230 euros » (arrêt, p. 3) ; que la cour d'appel de renvoi était donc investie en totalité et sans restriction de la connaissance de la responsabilité des différents intervenants ; qu'en considérant néanmoins que le principe de cette responsabilité était exclu du périmètre de la cassation, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé les articles 480, 624, 625 et 638 du code de procédure civile ;
2/ Alors que le juge doit répondre aux conclusions des parties demandant à être garanties par d'autres parties au litige ; que dans leurs conclusions d'appel (p. 16 et 17), M. G... et la Maf ont demandé à être garantis par la société Satras, la compagnie Areas et M. F... des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ; qu'en rejetant ces appels en garantie sans motiver son arrêt sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.