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30/09/2020 | FRANCE | N°19-20018

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 septembre 2020, 19-20018


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 587 F-D

Pourvoi n° B 19-20.018

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ M. W... O..., domicilié [...] ,

2°/ Mme G... R..., agi

ssant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de F... U...,

3°/ F... U..., représenté par sa représentante légale, Mme G... R....

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 587 F-D

Pourvoi n° B 19-20.018

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ M. W... O..., domicilié [...] ,

2°/ Mme G... R..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de F... U...,

3°/ F... U..., représenté par sa représentante légale, Mme G... R...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° B 19-20.018 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2019 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige les opposant à l'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. O..., Mme R... et F... U..., représenté par sa représentante légale, Mme R..., de la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 20 mai 2019), le 15 octobre 2015, M. T... a agressé dans la rue le jeune P... O..., âgé de sept ans, lui portant sept coups de couteau qui ont causé son décès. Par arrêt du 8 février 2019, la chambre de l'instruction a reconnu M. T... coupable d'homicide volontaire avec la circonstance que la victime était un mineur de moins de quinze ans, l'a déclaré irresponsable pénalement de ces faits en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, et ordonné qu'il soit hospitalisé dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique. Au cours de cette procédure, M. T... a fait état d'une précédente agression avec arme pour laquelle il avait été condamné, par jugement du 26 novembre 2013, à une peine de quatre mois d'emprisonnement assorti du sursis avec mise à l'épreuve.

2. Le 20 septembre 2016, invoquant un fonctionnement défectueux du service public de la justice à l'occasion de la procédure de 2013, les parents de P... O..., M. O... et Mme R..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de son fils, F... U... (les consorts O... R... U...), ont assigné l'Agent judiciaire de l'Etat aux fins d'indemnisation de leur préjudice, sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les consorts O... R... U... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande, alors :

« 1°/ que les parents d'un enfant tué par une personne déjà condamnée au pénal pour des faits de violence avec usage d'une arme sont recevables à invoquer la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice ; qu'en jugeant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ que, pour justifier sa décision, la cour d'appel s'est réfugiée derrière la circonstance que le recours en responsabilité contre l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice fondé sur l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire est reconnu comme un recours effectif par la Cour européenne des droits de l'homme ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à déterminer si les consorts O... R... U... étaient recevables à invoquer l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, ensemble les articles 6, § 1, 13 et 35, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. L'action en responsabilité pour faute lourde ou déni de justice prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire n'est ouverte qu'aux usagers de la justice qui critiquent, au regard de la mission dont est investi le service public de la justice, et en leur qualité de victime directe ou par ricochet de son fonctionnement, une procédure déterminée dans laquelle ils sont ou ont été impliqués.

5. Ayant constaté que les consorts O... R... U... n'étaient pas impliqués dans la première instance qu'ils critiquaient, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire qu'ils n'agissaient pas en qualité d'usagers du service public de la justice, de sorte que leurs demandes étaient irrecevables sur le fondement de l'article L. 141-1 précité.

6. Le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. O..., Mme R... et F... U..., représenté par sa représentante légale, Mme R...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes présentées par Monsieur W... O... et Madame G... R..., cette dernière prise à la fois à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de F... U..., sur le fondement de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire, et de les avoir déboutés de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que : « L'article 141-1 du code de l'organisation judiciaire dispose : « L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice » ; qu'il résulte de l'interprétation qui en est donnée que le principe de responsabilité posé par cet article ne peut être utilement invoqué que par l'usager qui a été, soit directement, soit par ricochet, victime du fonctionnement du service public de la justice ; que cette responsabilité ne peut donc pas être mise en oeuvre par un tiers pour une faute commise dans une procédure à laquelle il n'était pas partie ; qu'en l'espèce, les consorts O... R... U... reprochent aux services de la police et aux magistrats du tribunal correctionnel d'avoir commis des négligences dans le cadre de la procédure pénale conduite en 2013 à rencontre de Monsieur T..., ayant donné lieu au jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Carpentras le 26 novembre 2013 ; qu'ils soutiennent notamment que l'absence d'expertise psychiatrique de Monsieur T... a créé les conditions de la réalisation du meurtre de P... O... deux années plus tard, le 15 octobre 2015, et leur a fait perdre une chance d'éviter son décès ; que, cependant, il résulte du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Carpentras le 26 novembre 2013 qu'aucun des consorts O... R... U... n'était partie à cette instance ; qu'en conséquence, ils ne sont pas recevables à invoquer les dispositions de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire pour demander réparation de leur préjudice ; que les consorts O... R... U... soutiennent que cette solution n'est pas conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui ne pose pas comme condition de recevabilité de sa saisine le fait d'avoir été partie à une procédure à l'origine du dommage allégué ; que, cependant, les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme invoquées par les consorts O... R... U... ne traitent pas de la question de la recevabilité des recours en responsabilité contre l'État ; qu'en outre, ce recours en responsabilité contre l'État pour fonctionnement défectueux du service de la justice est reconnu comme un recours effectif par la Cour européenne des droits de l'Homme ; qu'il ne peut donc être considéré que les conditions de recevabilité de cette action constituent une violation des articles 2 et 34 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes présentées par les consorts O... R... U... sur le fondement des dispositions de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Aux motifs éventuellement adoptés qu' ; « est regardée comme faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service de la justice à remplir la mission dont il est investi ; que ce principe de responsabilité ne peut être utilement invoqué que par l'usager qui est, soit directement, soit par ricochet, victime du fonctionnement défectueux du service public de la justice ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que, le 10 août 2013, alors qu'il était en état d'ivresse, Monsieur T... agressait son voisin avec un marteau et détériorait sa porte d'entrée et que, pour ces faits, il était condamné à 4 mois d'emprisonnement, avec sursis pour violences avec crime ayant entraîné une ITT inférieur à 8 jours, en l'espèce un jour, par jugement du Tribunal de grande instance de CARPENTRAS du 26 novembre 2013 ; que, dans ces conditions, les consorts O... R... reprochent au service public de la justice le fait de ne pas avoir ordonné, dans cette affaire, une expertise psychologique ou psychiatrique de Monsieur T..., soutenant que l'absence de prise en charge psychiatrique de l'intéressé a créé les conditions de réalisation du dommage criminel causé à P... O... ; qu'il apparaît néanmoins que Monsieur W... O... et Madame G... R... n'étaient ni parties à cette procédure, ni même concernés par celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'ils ne sont pas fondés à invoquer les dispositions de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire pour demander réparation de leur préjudice » ;

Alors, d'une part, que les parents d'un enfant tué par une personne déjà condamnée au pénal pour des faits de violence avec usage d'une arme sont recevables à invoquer la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice ; qu'en jugeant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Alors, d'autre part et en tout état de cause, que, pour justifier sa décision, la cour d'appel s'est réfugiée derrière la circonstance que le recours en responsabilité contre l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice fondé sur l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire est reconnu comme un recours effectif par la Cour européenne des droits de l'homme ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à déterminer si les consorts O... R... U... étaient recevables à invoquer l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte, ensemble les articles 6§1, 13 et 35 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-20018
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 20 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 sep. 2020, pourvoi n°19-20018


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20018
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