La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2020 | FRANCE | N°19-16852

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-16852


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 851 F-D

Pourvoi n° K 19-16.852

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

Mme R... T..., domiciliée [...] ,

a formé le pourvoi n° K 19-16.852 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 851 F-D

Pourvoi n° K 19-16.852

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

Mme R... T..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° K 19-16.852 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Eram interservices, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme T..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Eram interservices, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 21 mars 2019), Mme T... a été engagée par la société Eram en qualité d'assistante responsable ressources humaines (statut cadre de la convention collective nationale de l'industrie de la chaussure et des articles chaussants du 31 mai 1968), par contrat à durée indéterminée du 21 février 2007 prévoyant une prise de poste au 19 mars 2007. À compter du 1er janvier 2010, son contrat de travail a été transféré à la société Eram interservices (la société) et elle a été nommée responsable des ressources humaines pour les marques Heyraud et TBS. Le 23 août 2012, la salariée a reçu en outre la responsabilité des enseignes Bocage et France Arno. Le 4 octobre 2012, les sociétés du groupe Eram ont signé avec les partenaires sociaux un accord relatif notamment à la réduction du temps de travail qui a institué un forfait jours au bénéfice des cadres autonomes. La salariée a signé le 15 octobre 2012 un avenant instituant le forfait jours.

2. Le 9 juillet 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour que soit ordonnée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et prononcée la nullité du forfait jours.

3. A l'issue de plusieurs arrêts de travail, la salariée a, le 13 octobre 2015, été déclarée par le médecin du travail inapte à tout poste dans l'entreprise en une seule visite au visa de l'article R. 4624-31 du code du travail. Après le refus, le 25 novembre 2015, de deux postes de reclassement proposés par la société, elle a été licenciée le 17 décembre 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de ne pas s'être prononcé sur sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors « que selon les dispositions de l'article 53 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017, les dispositions de l'article 34 du décret du 6 mai 2017, et notamment celles figurant à l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile suivant lesquelles la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, s'appliquent aux appels formés à compter du 1er septembre 2017 ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers que la société Eram interservices a interjeté appel le 11 juillet 2017 du jugement rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes d'Angers le 5 juillet 2017, si bien que l'exigence d'une énonciation des prétentions dans le dispositif des dernières écritures n'était pas applicable à la cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile issu des dispositions de l'article 34 du décret n° 2017- 891 du 6 mai 2017 et l'article 53 dudit décret, dans sa rédaction résultant de l'article 1 du décret n° 2017-1227 du 2 août 2017. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 applicable en la cause, dans les procédures avec représentation obligatoire les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il résulte en outre de l'article R. 1461-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, qui est applicable aux instances et appels introduits à compter du 1er août 2016, que l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire.

7. La cour d'appel, qui a constaté que si la salariée sollicitait, dans le corps de ses conclusions d'appel, la reconnaissance de faits de harcèlement moral et une indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi à ce titre, ces chefs de demandes n'étaient pas repris dans le dispositif de ses conclusions, en a exactement déduit qu'elle n'avait pas à statuer sur ces prétentions.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités de congés payés afférents, alors « qu'en énonçant, pour dire que la salariée n'avait pas fourni au juge des éléments de nature à étayer sa demande, qu'elle ne fournissait pas de précisions sur le volume et l'amplitude horaire réalisés, ni même l'indication des heures de début et de fin de journée, alors qu'elle précisait dans ses conclusions qu'elle commençait quotidiennement avant 9 heures et terminait quotidiennement après 19 heures 30, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige tel que déterminé par lesdites conclusions, et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est nouvelle et mélangée de fait.

11. Cependant ce moyen, qui invoque un vice qui ne pouvait être décelé avant que l'arrêt ne soit rendu, n'est pas susceptible d'être argué de nouveauté.

12. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense.

14. Pour débouter la salariée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités de congés payés afférents, l'arrêt retient que la salariée se borne à solliciter un rappel de salaire à hauteur de 239 935 euros en indiquant qu'elle travaillait soixante heures par semaine durant les cinq dernières années de la relation de travail, sans précisions sur le volume et l'amplitude horaire réalisés, ni même d'indication des heures de début et de fin de journée, qu'elle ne fournit aucun document ni décompte précis et détaillé ou agendas auquel l'employeur puisse répondre, que, partant, la salariée n'étaye pas sa demande.

15. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la salariée soutenait qu'il suffisait de regarder les heures auxquelles elle utilisait son ordinateur à titre professionnel pour constater l'amplitude horaire de ses journées et qu'elle commençait quotidiennement avant 9 heures et terminait quotidiennement après 19 heures 30, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme T... de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 21 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Eram interservices aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eram interservices et la condamne à payer à Mme T... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme T...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué de ne pas s'être prononcé sur la demande de Madame T... de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE, à titre liminaire, la cour constate à la lecture des conclusions de Madame T..., que cette dernière, dans le corps desdites écritures, sollicite la reconnaissance de faits de harcèlement moral et une indemnisation du préjudice découlant de ce harcèlement moral qu'elle estime avoir subi à hauteur de 26 180 € ; que toutefois ces chefs de demandes ne sont pas repris dans le dispositif de ses conclusions ; que dès lors la cour n'étant tenue que des demandes présentes au dispositif des conclusions des parties en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne se prononce pas sur ces prétentions tendant à la reconnaissance d'un harcèlement moral et à l'allocation de dommages et intérêts subséquents ;

ALORS QUE selon les dispositions de l'article 53 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017, les dispositions de l'article 34 du décret du 6 mai 2017, et notamment celles figurant à l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile suivant lesquelles la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, s'appliquent aux appels formés à compter du 1er septembre 2017 ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers que la société Eram Interservices a interjeté appel le 11 juillet 2017 du jugement rendu entre les parties par le Conseil de prud'hommes d'Angers le 5 juillet 2017, si bien que l'exigence d'une énonciation des prétentions dans le dispositif des dernières écritures n'était pas applicable à la cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile issu des dispositions de l'article 34 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et l'article 53 dudit décret, dans sa rédaction résultant de l'article 1 du décret n° 2017-1227 du 2 août 2017.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur, de ce qu'il soit dit que cette résiliation s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamnation de l'employeur à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et d'indemnité de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est sûrement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ;

QUE lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ;

QU'un salarié peut demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles, conformément aux dispositions des articles 1184 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable à l'espèce ; que les manquements de l'employeur doivent être d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire et il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire ;

QU'en l'espèce, la salariée allègue des mêmes faits et produit les mêmes pièces qu'au soutien de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et à l'obligation de loyauté, dont la cour la déboute ;

QUE, partant elle sera également déboutée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes au titre d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par voie d'infirmation du jugement déféré ; qu'en conséquence, elle devra procéder au remboursement des sommes qu'elle a reçues de la SARL Eram Interservices dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 5 juillet 2017, sans qu'il soit besoin d'ordonner ce remboursement le présent arrêt rendu en dernier ressort constituant un titre exécutoire ;

ET AUX MOTIFS QU'à titre liminaire, la cour constate, à la lecture des conclusions de Madame T..., que cette dernière, dans le corps desdites écritures, sollicite la reconnaissance de faits de harcèlement moral et une indemnisation du préjudice découlant de ce harcèlement moral qu'elle estime avoir subi à hauteur de 26 180 € ; que toutefois ces chefs de demandes ne sont pas repris dans le dispositif de ses conclusions ;

QUE dès lors, la cour n'étant tenue que des demandes présentes au dispositif des conclusions des parties en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne se prononce pas sur ces prétentions tendant à la reconnaissance d'un harcèlement moral et à l'allocation de dommages et intérêts subséquents ;

ALORS, d'une part, QU'il ressort de ses conclusions devant la cour d'appel que Madame T... fondait sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et en versement d'indemnités subséquentes non pas seulement sur un manquement de l'employeur à ses obligations de sécurité et de loyauté, mais également sur le harcèlement moral dont elle soutenait avoir été l'objet de la part de sa supérieure hiérarchique ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen des conclusions de la salariée fondé sur le harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part et subsidiairement, QU'en s'abstenant d'examiner le moyen de la salariée fondé sur le harcèlement moral dont elle disait avoir été l'objet sur le fondement de ce que ses prétentions tendant à la reconnaissance d'un harcèlement moral et à l'allocation de dommages et intérêts subséquents n'étaient pas reprises dans le dispositif de ses conclusions, alors que l'exigence d'une énonciation des prétentions dans le dispositif des conclusions n'était pas applicable, dès lors que l'appel avait été formé le 11 juillet 2017 antérieurement à l'entrée en application de cette disposition fixée au 1er septembre 2017, la cour d'appel a violé l'article 53 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dans sa rédaction du décret n° 2017-1227 du 2 août 2017 ;

ET ALORS, enfin, très subsidiairement, QUE les dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile prévoyant que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, si elles impliquent que le moyen énoncé à l'appui d'une prétention ne figurant pas dans le dispositif des conclusions n'a pas à être examiné avec celle-ci, ne dispensent pas la cour d'appel d'examiner le même moyen lorsqu'il est invoqué à l'appui d'une autre prétention énoncée au dispositif des conclusions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 954 alinéas 1, 2 et 3 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame T... de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités de congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur n'a donc pas satisfait aux exigences de l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce ; qu'aucune mesure de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée n'a été manifestement mise en place par l'employeur, en conséquence de quoi la convention de forfait en jours de Madame T... doit lui être déclarée inopposable et le jugement déféré infirmé sur ce point ;

QUE selon l'article L. 3121-48 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, les salariés soumis à une convention de forfait en jours ne sont pas soumis à la durée légale hebdomadaire, à la durée maximale quotidienne et travail et aux durées hebdomadaires maximales de travail ;

QUE toutefois l'inobservations par l'employeur des règles légales en matière de convention de forfait en jours, dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, prive d'effet la convention de forfait en jours, ce qui permet au salarié de prétendre au paiement d'heures supplémentaires ;

QUE la cour jugeant que la convention de forfait en jours de Madame T... lui est inopposable, cette dernière est en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'elle estime avoir réalisées ;

QU'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

QUE si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

QU'en l'espèce, Madame T... se borne à solliciter un rappel de salaire à hauteur de 239 935 € en indiquant qu'elle travaillait 60 heures par semaine durant les cinq dernières années de la relation de travail, sans précisions sur le volume et l'amplitude horaire réalisés, ni même d'indication des heures de début et de fin de journée ; qu'elle ne fournit aucun document, ni décompte précis et détaillé ou agendas auquel l'employeur puisse répondre ;

QUE, partant Madame T... n'étayant pas sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires elle en sera déboutée par voie de confirmation du jugement déféré ;

ALORS, d'une part, QU'en énonçant, pour dire que Madame T... n'avait pas fourni au juge des éléments de nature à étayer sa demande, qu'elle ne fournissait pas de précisions sur le volume et l'amplitude horaire réalisés, ni même l'indication des heures de début et de fin de journée, alors qu'elle précisait dans ses conclusions qu'elle commençait quotidiennement avant 9 heures et terminait quotidiennement après 19 h 30, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige tel que déterminé par lesdites conclusions, et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

ET ALORS QU'il résulte des conclusions de Madame T... ainsi que de l'arrêt attaqué lui-même que l'employeur n'avait mis en place aucune mesure de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail de Madame T... restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressée, et que Madame T... avait fait état à l'appui de sa demande de relevés d'ordinateur qu'elle produisait ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces éléments n'étaient pas de nature à étayer sa demande, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 3171-4 du Code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à la cour d'appel d'avoir débouté Madame T... de sa demande de rappel de salaire sur classification conventionnelle ;

AUX MOTIFS QU'il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique ;

QUE Madame T... fait valoir qu'aurait dû lui être attribuée la position III indice 200 du niveau cadre prévu par l'annexe III « classification des cadres » de la convention collective nationale de l'industrie de la chaussure et des articles chaussant du 31 mai 1968 ;

QU'il résulte des textes conventionnels applicables, que le salarié au niveau cadre position III est « un cadre administratif technique ou commercial, qui a à diriger ou à coordonner les travaux dont il a la responsabilité. La place hiérarchique de ce cadre le situe au dessus des cadres ingénieurs et agent de maîtrise placés éventuellement sous son autorité et appartenant aux positions précédentes [I et II]. Cette position comprend 3 classes A, B et C. Etant donné la diversité de la structure des entreprises, la classification des cadres dans cette position sera adaptée à l'intérieur de chacune de ces classes. Exemples : chef de comptabilité ; chef de service commercial ; chef de fabrication [
] » ; que cette position III comprend, selon un tableau annexé à la convention collective susvisée, les coefficients 133 à 200 ; que selon ce tableau, la position I englobe les coefficients 100 à 110 et la position II ceux allant de 120 à 130 ;

QUE le contrat de travail à durée déterminée signé entre la société Eram Interservice et Madame T..., en date du 21 février 2017, produit devant la cour, mentionne en page 1 que la salariée exerce la fonction « d'assistante responsable ressources humaines » ; que ledit contrat prévoit également qu'elle se voit confier les tâches suivantes : « d'assister messieurs X... et P..., respectivement DRH réseau pour les enseignes centre-ville et DRH Réseau pour les enseignes périphéries » ; qu'elle était positionnée au niveau I et bénéficiait d'un coefficient de 100 ;

QUE les parties s'accordent sur le fait que suite à de nombreuses promotions, qui n'ont pas fait l'objet d'avenants, Madame T... a été placée au coefficient 105, puis 110, avant d'être nommée « responsable des ressources humaines des magasins TBS et Heyraud » à la position II coefficient 120 ; qu'enfin en 2012, elle a atteint le coefficient 130 de la position II ; qu'en outre, ses bulletins de salaire, retracent et confirment cette évolution conventionnelle et salariale ;

QUE Madame T... qui sollicite un rappel de salaire à hauteur de 28 642 €, ne détaille ni ses fonctions, ni ses tâches au sein de l'entreprise, se limitant à indiquer qu'elle siégeait au comité de direction des sociétés du groupe dont elle était la responsable des ressources humaines et qu'elle occupait cette fonction pour les sociétés France Arno, TBS, Heyraud et Bocage, cela étant effectivement confirmé par un organigramme versé devant la cour ;

QUE toutefois, ces éléments ne correspondent pas et ne font pas la preuve de l'exercice d'une activité de direction et de coordination de travaux, ni à un management d'agents de maîtrise et ingénieurs des catégories I et II ; qu'il s'évince d'autre part des débats que les fonctions de Madame T... correspondent au travail « d'un agent souvent autodidacte, occupant une fonction de cadre pour lequel cette position constitue généralement l'aboutissement de sa carrière, sans commandement, telles que prévues par la convention collective applicable à la relation de travail » ; de sorte que les tâches de Madame T... relèvent bien de la classification qui lui a été appliquée ; qu'il s'ensuit que Madame T... qui sollicite le coefficient 200 du niveau III, tel que défini ci-dessus, ne pouvait pas y prétendre ;

QU'en conséquence de ce qui précède, cette dernière sera déboutée de ses demandes de rappels de salaires et congés payés afférents et le jugement entrepris infirmé de ces chefs ;

ALORS, d'une part, QU'en énonçant que les parties s'accordaient sur le fait que Madame T... avait été nommée responsable des ressources humaines, alors que dans ses conclusions, Madame T... soutenait qu'elle avait été nommée DRH, et que cette qualification de DRH figurait également dans les conclusions de la société Eram, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

ET ALORS, d'autre part, QU'en énonçant qu'il s'évinçait des débats que les fonctions de Madame T... correspondaient au travail d'un « agent souvent autodidacte, occupant une fonction de cadre pour lequel cette position constitue généralement l'aboutissement de sa carrière, sans commandement, telles que prévues par la convention collective applicable à la relation de travail », sans préciser quelle était la nature des éléments du débat dont elle déduisait cette assertion relative aux fonctions exercées par Madame T..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en regard de l'annexe III « Classification des cadres » de la convention collective nationale de l'industrie de la chaussure et des articles chaussants du 31 mai 1968.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-16852
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 21 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°19-16852


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.16852
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award