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30/09/2020 | FRANCE | N°19-14738

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-14738


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 809 F-D

Pourvoi n° N 19-14.738

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Y....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 février 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________

_________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. X.....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 809 F-D

Pourvoi n° N 19-14.738

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Y....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 février 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. X... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-14.738 contre l'arrêt rendu le 13 février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Théatre de la Michodière, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. Y..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Théatre de la Michodière, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 février 2018), M. Y... a été engagé le 1er septembre 2009 en qualité de chef contrôleur/inspecteur de salle par la société Théâtre de la Michodière.

2. Il a été licencié pour faute le 10 octobre 2014, et a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et à condamner la société Théâtre de la Michodière à payer les indemnités dues sur ce fondement, alors « que l'exercice d'une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; que pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ; qu'en retenant que M. Y... avait fait preuve de déloyauté justifiant son licenciement, en étant présent, le 28 août 2014, sur un tournage au théâtre de Paris qui appartient à la même société que la société Le Théâtre de la Michodière, pendant une période de suspension de son contrat de travail consécutive à un arrêt maladie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'acte commis par le salarié durant la suspension du contrat de travail avait causé préjudice à l'employeur ou à l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1222-1 et L. 1232-1 du code du travail :

4. Selon ces textes, le contrat de travail est exécuté de bonne foi, et tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

5. Pour débouter le salarié de sa demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'un salarié ne peut prétendre être en arrêt maladie et, dans la même journée, exercer une activité salariée, que l'huissier, dans son constat, mentionne que l'intéressé est en pleine activité professionnelle, en phase de tournage d'un spectacle dans les locaux du théâtre de Paris alors qu'à cet horaire il est censé exercer ses fonctions de contrôleur au théâtre de la Michodière, et que cette situation est contraire à l'obligation de loyauté qui subsiste vis-à-vis de l'employeur pendant un arrêt de travail.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'acte commis par le salarié durant la suspension du contrat de travail avait causé préjudice à l'employeur ou à l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Y... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 13 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Théâtre de la Michodière aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Théâtre de la Michodière à payer à la SCP Boutet et Hourdeaux la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... Y... de ses demandes tendant à dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et à condamner la société Le Théâtre de la Michodière à payer les indemnités dues sur ce fondement ;

AUX MOTIFS QUE considérant que la lettre de licenciement, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est ainsi motivée :
« Vous nous avez transmis un arrêt de travail pour maladie pour la période du 25 août au 8 septembre 2014 inclus. Un arrêt de travail pour maladie suppose par définition que son bénéficiaire soit dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle, qu'elle soit rémunérée ou non.
Comme vous le savez le Théâtre de la Michodière a changé d'actionnaire et son nouvel actionnaire majoritaire est le même que celui du Théâtre de Paris.
L'attaché de presse du théâtre de Paris a proposé que les extraits vidéo du spectacle « Les nuits romantiques de Nohant » soit réalisée par la société Célébrités On Line. Les sociétés qui réalisent habituellement ces captations pour le Théâtre de Paris n'étant pas disponibles, ce dernier a accepté la proposition de l'attaché de presse. Or quelle ne fut pas la surprise de son Directeur général de constater que le 28 août 2014, vous étiez en pleine activité professionnelle au sein du Théâtre de Paris en assurant vous-même la captation de ce spectacle.
Outre le fait que cette situation démontre le caractère purement abusif et injustifié de votre arrêt maladie, votre comportement est manifestement provocateur puisque vous n'êtes pas sans ignorer les liens entre les deux théâtres.
En tout état de cause, l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie constitue un manquement à votre obligation de loyauté et est particulièrement inadmissible.
Dans ce contexte, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Votre préavis d'une durée de deux mois que nous vous dispensons d'exécuter, débutera à la date de la première présentation de cette lettre. A l'expiration de votre contrat de travail, votre certificat de travail votre solde de tout compte et votre attestation Pôle Emploi seront mis à votre disposition.
Par ailleurs, nous vous informons que vous avez acquis 85 heures au titre du droit individuel à la formation.
Vous pouvez donc demander à utiliser ces heures pour bénéficier notamment d'une action de formation, de bilan de compétence ou de validation des acquis de l'expérience, à condition de nous faire part de votre demande avant la fin de votre préavis.
Nous vous joignons à la présente un courrier relatif à la portabilité des droits relatifs aux régimes de protection sociale complémentaires frais de santé
»
Considérant que l'article L 1232-2 du Code du Travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse ;
Qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs contenus dans la lettre de licenciement ;
Que, selon l'article L 1235-1 du Code du travail, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il juge utile ;
Que ce même article dispose que le doute profite au salarié ;
Considérant aux termes de l'article 1134 du code civil que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ;
Qu'aucune circonstance n'établit que l'employeur, auquel appartient par ailleurs le Théâtre de Paris, ait eu un comportement déloyal à l'encontre du salarié orchestrant un guet-apens à son encontre ;
Qu'un salarié ne peut ainsi prétendre être en arrêt maladie et, dans la même journée, exercer une activité salariée ;
Que contrairement à ce que soutient Monsieur X... Y... les sorties étaient autorisées pour raison médicale dûment justifiées, ce qui ne correspond pas, en toute hypothèse, aux raisons de sa présence au Théâtre de Paris ;
Que l'huissier, dans son constat, mentionne que Monsieur X... Y... est " en pleine activité professionnelle, en phase de tournage d'un spectacle dans les locaux de Théâtre de Paris à 19h20 alors qu'à cet horaire Monsieur X... Y... était censé exercer ses fonctions de contrôleur au Théâtre de la Michodière ; Que cette situation est contraire à l'obligation de loyauté qui subsiste vis à vis de l'employeur pendant un arrêt de travail ;
Que dès lors, le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la lettre de licenciement du 10 octobre 2014 est motivée comme suit :
« Vous nous avez transmis un arrêt de travail pour maladie pour la période du 25 août au 8 septembre 2014 inclus. Un arrêt de travail pour maladie suppose par définition que son bénéficiaire soit dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle, qu'elle soit rémunérée ou non.
Comme vous le savez le Théâtre de la Michodière a changé d'actionnaire et son nouvel actionnaire majoritaire est le même que celui du Théâtre de Paris.
L'attaché de presse du théâtre de Paris a proposé que les extraits vidéo du spectacle « Les nuits romantiques de Nohant » soit réalisée par la société Célébrités on Line. Les sociétés qui réalisent habituellement ces captations pour le Théâtre de Paris n'étant pas disponibles, ce dernier a accepté la proposition de l'attaché de presse. Or quelle ne fut pas la surprise de son Directeur général de constater que le 28 août 2014, vous étiez en pleine activité professionnelle au sein du Théâtre de Paris en assurant vous-même la captation de ce spectacle.
Outre le fait que cette situation démontre le caractère purement abusif et injustifié de votre arrêt maladie, votre comportement est manifestement provocateur puisque vous n'êtes pas sans ignorer les liens entre les deux théâtres.
En tout état de cause, l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie constitue un manquement à votre obligation de loyauté et est particulièrement inadmissible.
Dans ce contexte, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Dans le cadre de son droit disciplinaire et selon l'article L. 1232-1 du Code du Travail l'employeur peut sanctionner une faute du salarié en rompant le contrat de travail pour une cause réelle et sérieuse, celle-ci rendant difficile le maintien du salarié dans l'entreprise sans dommages pour cette dernière.
En l'espèce, il est avéré que pendant son arrêt de travail pour raison de santé, Monsieur Y... a assisté aux prises de vue du spectacle « Les nuits romantiques de Nohant » se déroulant au Théâtre de Paris en qualité de Président de l'association CELEBRITES ONLINE. Cette prestation a fait l'objet d'un devis au nom de l'association, adressé par Monsieur Y... par télécopie le 28 août 2014 pour un montant de 900 euros.
Par ailleurs, selon sa propre pièce remise à la barre, un article du Figaro daté d'avril 2014, le salarié ne pouvait ignorer que les deux théâtres appartenaient à la société VENTES PRIVEES.COM.
Le Conseil n'écarte pas la possibilité d'un accord entre les responsables des deux théâtres pour organiser un stratagème constituant à commander une prestation de la part du théâtre Parisien à l'association CELEBRITES ONLINE et en prévoyant l'intervention d'un huissier afin de constater la présence de Monsieur Y... sur le lieu de tournage pendant son arrêt de travail. En effet, l'employeur ne pouvait ignorer le lien du salarié avec l'association.
Cependant, pour contester son licenciement, Monsieur Y... explique sa présence au Théâtre Parisien comme simple observateur ayant la possibilité, selon la prescription médicale de son arrêt de travail, de sortir de chez lui librement.
Le Conseil ne retient pas cette affirmation. En effet, en sa qualité de Président de l'association, il avait de fait un rôle de donneur d'ordre auprès des techniciens en charge de la captation audiovisuelle du spectacle, engagés par l'association, soit en qualité de salarié, soit en qualité de prestataire. L'association ayant facturé la prestation, en sa qualité de Président, il avait de fait un intérêt économique, même si le paiement n'était pas effectué à son nom propre.
En conséquence, le salarié ne pouvant ignorer le lien juridique entre les deux théâtres, l'employeur ayant constaté les faits par un huissier de justice et même dans l'hypothèse où il les aurait suscités, le Conseil dit qu'en sa qualité de Président de l'association, Monsieur Y... avait la responsabilité de la prestation effectuée par l'association au Théâtre de Paris. Cette prestation étant payante, il avait un intérêt économique même indirect. Ce fait se déroulant pendant un arrêt de travail lié à sa santé, l'employeur, le théâtre de la Michodière, était en droit de considérer qu'il relevait d'une éventuelle provocation et que le salarié faisait preuve de déloyauté justifiant le licenciement.
Ainsi, le Conseil dit le licenciement pour une cause réelle et sérieuse et déboute Monsieur Y... de toutes ses demandes afférentes.

ALORS DE PREMIERE PART QUE l'exercice d'une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; que pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ; qu'en retenant que M. Y... avait fait preuve de déloyauté justifiant son licenciement, en étant présent, le 28 août 2014, sur un tournage au théâtre de Paris qui appartient à la même société que la société Le Théâtre de la Michodière, pendant une période de suspension de son contrat de travail consécutive à un arrêt maladie, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de l'exposant, p. 7, § 6 et s.), si l'acte commis par le salarié durant la suspension du contrat de travail avait causé préjudice à l'employeur ou à l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1232-1 du code du travail.

ALORS DE SECONDE PART QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux moyens opérants développés par les parties dans leurs écritures et repris oralement à l'audience ; qu'en retenant que M. Y... avait fait preuve de déloyauté justifiant son licenciement, en étant présent, le 28 août 2014, sur un tournage au théâtre de Paris qui appartient à la même société que la société Le Théâtre de la Michodière, pendant une période de suspension de son contrat de travail consécutive à un arrêt maladie, sans répondre au moyen de l'exposant (conclusions d'appel de l'exposant, p. 7, § 6 et s.), alléguant que l'acte commis par le salarié durant la suspension du contrat de travail doit avoir causé préjudice à l'employeur ou à l'entreprise pour fonder un licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-14738
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°19-14738


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14738
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