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30/09/2020 | FRANCE | N°19-10363

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-10363


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 788 F-D

Pourvoi n° H 19-10.363

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

Le comité social et économique de la socié

té Amada, dont le siège est [...] , venant aux droits du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Amada, a formé l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 788 F-D

Pourvoi n° H 19-10.363

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

Le comité social et économique de la société Amada, dont le siège est [...] , venant aux droits du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Amada, a formé le pourvoi n° H 19-10.363 contre l'ordonnance de référé rendue le 13 décembre 2018 par le président du tribunal de grande instance de Bobigny (chambre 9, section 3), dans le litige l'opposant à la société Amada, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du comité social et économique de la société Amada, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Amada, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Bobigny, 13 décembre 2018), rendue en la forme des référés, suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Amada (le CHSCT) a décidé de recourir à une expertise en application de l'article L. 4614-12 du code du travail par délibération du 19 septembre 2018.

2. Le 3 octobre 2018 a été transmis à la société le devis relatif au coût prévisionnel de l'expertise, portant sur l'intégralité du personnel de la société.

3. Par acte d'huissier du 15 octobre 2018, la société a fait assigner le CHSCT, aux droits duquel vient le comité social et économique de la société Amada, devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, en contestant le coût prévisionnel, l'étendue et la durée de l'expertise et en sollicitant l'annulation de la délibération du 19 septembre 2018, subsidiairement, la suspension des opérations jusqu'à transmission d'un devis.

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. Le comité social et économique fait grief à l'ordonnance de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion soulevée par le CHSCT, alors :

« 1°/ que, en affirmant, pour rejeter la fin de non-recevoir du CHSCT de la société Amada, que l'employeur contestait le coût et les modalités de l'expertise dont il n'avait été informé que le 2 octobre 2018 en sorte qu'il était recevable à agir jusqu'au 17 octobre inclus, alors qu'il résultait de l'assignation de l'employeur que celui-ci faisait valoir à titre principal que rien ne justifiait que l'expertise porte sur l'ensemble des salariés du personnel et sollicitait l'annulation de la délibération du 19 septembre 2018, ce dont il résultait que la demande principale de la société Amada portait sur la nécessité et le principe même de l'expertise, la vice-présidente du tribunal de grande instance, qui a dénaturé l'assignation de l'employeur en date du 15 octobre 2018 et ce faisant, les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°/ en tout etat de cause qu'en affirmant que l'employeur n'aurait eu connaissance des modalités de l'expertise que par mail en date du 2 octobre 2012 en sorte que l'employeur était fondé à agir jusqu'au 17 octobre 2018 inclus, cependant qu'il résultait des pièces produites par ce dernier et en particulier de la résolution du vote de l'expertise et de la réunion extraordinaire du 19 septembre 2018 à laquelle elle avait participé qu'il avait été précisé que le CHSCT sollicitait une expertise pour faire un point d'ensemble sur la situation psychosociale de l'entreprise et que le cahier des charges de l'expertise précisait expressément que le périmètre devait couvrir tous les salariés concernés, la vice-présidente du tribunal de grande instance, qui n'a pas examiné ces pièces déterminantes du litige, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, alors applicable, les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

5. Il résulte du premier de ces textes que l'employeur qui entend contester la nécessité, l'étendue ou le coût prévisionnel de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Si ce texte ne s'oppose pas à ce que le recours à l'expertise et la fixation de son périmètre ainsi que la désignation de l'expert fassent l'objet de délibérations distinctes du CHSCT, le délai de quinze jours pour contester les modalités de l'expertise ou son étendue ne court qu'à compter du jour de la délibération les ayant fixées . Le délai de quinze jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise ne court qu'à compter du jour où l'employeur en a été informé.

6. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion, le président du tribunal de grande instance retient que la société conteste le coût prévisionnel de l'entreprise et les modalités de mise en oeuvre de celles-ci qui ne figuraient pas dans la délibération du CHSCT du 19 septembre 2018 décidant du recours à l'expertise.

7. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il relevait que l'assignation visait, à titre principal, l'annulation de la délibération du 19 septembre 2018, d'autre part que ladite délibération indiquait que le périmètre de l'expertise devait couvrir les 188 salariés de la société, ce dont il aurait dû déduire que, si la contestation du coût prévisionnel de l'expertise était recevable, l'étendue de l'expertise ne pouvait plus être remise en cause, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. Le comité social et économique fait grief à l'ordonnance de débouter le CHSCT de sa demande tendant à ce que la société Amada soit condamnée à lui payer la somme de 7 680 euros au titre des frais exposés dans le cadre de sa défense et de ses dépens, de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail aux dépens de la procédure de référé, alors : « que, sauf abus, l'employeur doit supporter les frais de contestation de la procédure d'expertise ; qu'en retenant qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 dès lors que ni l'équité, ni la situation respective des parties ne justifient l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et que les dépens de référé seront laissés à la charge du CHSCT, sans caractériser un abus du CHSCT, la vice-présidente du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail, alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, alors applicable :

9. Pour débouter le CHSCT de sa demande de prise en charge des frais exposés dans le cadre de sa défense et de ses dépens, le président du tribunal de grande instance retient que ni l'équité, ni la situation respective des parties ne justifient l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

10. En statuant ainsi, alors que sauf abus, l'employeur doit supporter les frais de contestation de la procédure d'expertise, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif visé par le second moyen

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 13 décembre 2018, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Bobigny ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Créteil ;

Condamne la société Adama aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Adama ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Adama à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 500 euros TTC ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le comité social et économique de la société Amada

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée, d'AVOIR rejeté la fin de non- recevoir tirée de la forclusion soulevée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société AMADA SA ;

AUX MOTIFS QUE : « Selon l'ancien article L4614-13 du code du travail, "Lorsque l'expert a été désigné sur le fondement de l'article L 4614-12-1, toute contestation relative à l'expertise avant transmission de la demande de validation ou d'homologation prévue à l'article L 1233-57-4 est adressée à l'autorité administrative, qui se prononce dans un délai de cinq jours. Cette décision peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L, 1235-7-1. Dans les autres cas, l'employeur qui entend contester la nécessité de 'l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination mentionnée à l'article L 4616-1. Le juge statue, en la forme des référés, en premier et dernier ressort, dans les dix jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l'exécution de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination mentionnée à l'article L, 4616-1, ainsi que les délais dans lesquels ils sont consultés en application de l'article L. 4612-8, Jusqu'à la notification du Jugement. Lorsque le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou l'instance de coordination mentionnée au même article L. 4616-1 ainsi que le comité d'entreprise sont consultés sur un même projet, cette saisine suspend également, jusqu'à la notification du Jugement, les délais dans lesquels le comité d'entreprise est consulté en application de l'article L 2323-3. Les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur. Toutefois, en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier à l'employeur. Le comité d'entreprise peut, à tout moment, décider de les prendre en charge dans les conditions prévues à l'article L 2325-41-1. L'employeur ne peut s'opposer à l'entrée de l'expert dans l'établissement. Il lui fournit les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. L'expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion définies à l'article 1.4614-9". Au visa des art. L. 4614-13 et L. 4614-13-1 interprétés à la lumière de l'art. 6 § 1 de la CEDH, il résulte de ces textes que le délai de 15 jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise ne court qu'à compter du jour où l'employeur en a été informé. (Soc. 28 mars 2018, no 16-28.561'). En l'espèce, il convient de constater que la société AMADA SA conteste le coût prévisionnel de l'expertise et les modalités de mise en oeuvre de celle-ci qui ne figuraient pas dans la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en date du 19 septembre 2018 décidant du recours à l'expertise. Les pièces produites par la société AMADA SA font apparaître qu'elle n'a eu possession du document de la société d'expertise précisant le coût et les modalités que par mail du 2 octobre 2018, de sorte qu'elle avait jusqu'au 17 octobre inclus pour en contester le coût et les modalités. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ne démontre pas que la société AMADA SA en a eu connaissance avant, de sorte que la fin de non-recevoir sera rejetée ».

1) ALORS QUE, en affirmant, pour rejeter la fin de non-recevoir du CHSCT de la Société AMADA, que l'employeur contestait le coût et les modalités de l'expertise dont il n'avait été informé que le 2 octobre 2018 en sorte qu'il était recevable à agir jusqu'au 17 octobre inclus, alors qu'il résultait de l'assignation de l'employeur que celui-ci faisait valoir à titre principal que rien ne justifiait que l'expertise porte sur l'ensemble des salariés du personnel et sollicitait l'annulation de la délibération du 19 septembre 2018, ce dont il résultait que la demande principale de la Société AMADA portait sur la nécessité et le principe même de l'expertise, la Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance, qui a dénaturé l'assignation de l'employeur en date du 15 octobre 2018 et ce faisant, les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2) ALORS EN OUTRE QUE, dans ses écritures, le CHSCT avait soutenu et démontré, que sous couvert d'une contestation du coût et des modalités de l'expertise, l'essentiel de l'argumentation de la Société AMADA visait à contester le principe de l'expertise et en particulier, la nécessité que celle-ci concerne l'ensemble du personnel en sorte que l'ensemble de l'argumentation relative à l'objet, l'étendue et la nécessité de l'expertise était irrecevable ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la fin de non-recevoir du CHSCT de la Société AMADA, que l'employeur contestait le coût et les modalités de l'expertise dont il n'avait été informé que le 2 octobre 2018 en sorte qu'il était recevable à agir jusqu'au 17 octobre inclus, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si la demande principale de la Société AMADA ne visait pas en en réalité à contester le principe et la nécessité de l'expertise, la Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4614-13 du code du travail, alors applicable ;

3) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en affirmant de manière péremptoire que l'employeur contestait le coût et les modalités de l'expertise dont il n'avait été informé que le 2 octobre 2018 en sorte qu'il était recevable à agir jusqu'au 17 octobre inclus sans répondre aux écritures du CHSCT de la Société AMADA lequel avait soutenu et démontré que sous couvert de contester le coût et les modalités de l'expertise, la Société AMADA contestait en réalité son principe, et en particulier, la nécessité que celle-ci concerne l'ensemble du personnel, la Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE en affirmant que l'employeur n'aurait eu connaissance des modalités de l'expertise que par mail en date du 2 octobre 2012 en sorte que l'employeur était fondé à agir jusqu'au 17 octobre 2018 inclus, cependant qu'il résultait des pièces produites par ce dernier et en particulier de la résolution du vote de l'expertise et de la réunion extraordinaire du 19 septembre 2018 à laquelle elle avait participé qu'il avait été précisé que le CHSCT sollicitait une expertise pour faire un point d'ensemble sur la situation psychosociale de l'entreprise et que le cahier des charges de l'expertise précisait expressément que le périmètre devait couvrir tous les salariés concernés, la Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance, qui n'a pas examiné ces pièces déterminantes du litige, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée, d'AVOIR suspendu les opérations d'investigation jusqu'à la transmission à la société AMADA SA par le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail d'un nouveau devis de nature à faire toute la lumière sur les situations particulières de C... B... et de X... S... et prévoyant un coût et une durée compatible avec ces deux situations ;

AUX MOTIFS QUE : « II convient de relever que la mission d'expertise porte sur l'intégralité du personnel de la société AMADA SA alors qu'initialement le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) n'était saisi que des seuls cas de C... B... et d'X... S.... La mission telle que confiée au cabinet "expert Consulting conseil formation" équivaut à un véritable audit de fonctionnement de la société. Selon l'ancien article L4614-I2 du code du travail, "Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé: l) Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans rétablissement; 2) En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article. Les conditions dans lesquelles l'expert est agréé par l'autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglementaire. Or le risque grave propre à justifier le recours à une expertise s'entend d'un risque identifié et actuel Si le principe de l'expertise n'est pas remis en cause par la société AMADA SA, c'est à bon droit que celle-ci en conteste ses contours et son coût car disproportionnés au regard des deux cas particuliers signalés. II convient de constater que tant dans la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 19 septembre 2018 que dans le document rédigé par le cabinet "expert consulting conseil formation", il n'est presque jamais question de X... S..., pourtant l'un des deux salariés se disant harcelé par W... T.... Il est à peine évoqué en page 17/25 du rapport de ce cabinet d ' expert et pas du tout dans le compte rendu de réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 19 septembre 2018. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ne produit aucun document de nature à laisser penser qu'existerait une situation de harcèlement dépassant ces deux salariés. Il convient également de relever que la société AMADA SA a fait réaliser en 2017 une enquête QVT II ne résulte pas du procès-verbal de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 6 avril 2018 l'émergence de cas précis et concret justifiant l'organisation d'une évaluation des KPS. Il est simplement rappelé que cette évaluation est obligatoire et doit être intégrée dans le document unique. Les exemples de risques signalés par le médecin du travail ne sont « pas de clarification de la tâche du salarié et décalage entre ce qui est prescrit et la réalité". Il n'est pas évoqué de phénomène de harcèlement au travail ni de mal être au travail. A l'occasion de cette réunion, le président du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) valide l'idée qu'il faut compléter le projet ÇVT car une analyse des RPS plus formatée et qu'un processus et un questionnaire sera proposé au prochain comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) le 6 juillet". Or, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ne produit rien sur ce point. En conséquence, les opérations d'investigation projetées sont sans lien avec les deux plaintes initiales émanant de C... B... et de X... S.... Sans pour autant annuler la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ordonnant une expertise, puisque le principe même de l'expertise n'a pas été contesté dans les délais par la société AMADA SA, il convient de suspendre les opérations d'investigations jusqu'à la transmission d'un nouveau devis de nature à faire toute la lumière sur les situations particulières de C... B... et de X... S... et prévoyant un coût prévisionnel et une durée compatible avec ces deux situations ».

1) ALORS QUE, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'ordonnance en ce qu'elle a suspendu les opérations d'investigation jusqu'à la transmission à la société AMADA SA par le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail d'un nouveau devis de nature à faire toute la lumière sur les situations particulières de C... B... et de X... S... et prévoyant un coût et une durée compatible avec ces deux situations ;

2) ALORS AU SURPLUS QUE, en affirmant, que l'employeur ne contestait pas le coût de l'expertise, alors qu'il résultait de l'assignation de l'employeur que celui-ci faisait valoir à titre principal que rien ne justifiait que l'expertise porte sur l'ensemble des salariés du personnel et sollicitait l'annulation de la délibération du 19 septembre 2018, ce dont il résultait que la demande principale de la Société AMADA portait sur la nécessité et le principe même de l'expertise, la Vice-Présidente du Tribunal de grande instance, qui a dénaturé l'assignation de l'employeur en date du 15 octobre 2018 et ce faisant, les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3) ALORS EN OUTRE QUE, dans ses écritures, le CHSCT avait soutenu et démontré, que sous couvert d'une contestation du coût et des modalités de l'expertise, l'essentiel de l'argumentation de la Société AMADA visait à contester le principe de l'expertise et en particulier, la nécessité que celle-ci concerne l'ensemble du personnel, en sorte que l'ensemble de l'argumentation sur ce point était irrecevable ; qu'en affirmant de manière péremptoire que la Société AMADA ne contestait pas le principe de l'expertise, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si la demande principale de la Société AMADA ne visait pas, sous couvert d'une contestation du coût et des modalités de mise en oeuvre, à contester le principe et la nécessité de l'expertise, la Vice-Présidente du Tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4614-13 du code du travail, alors applicable ;

4) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en affirmant de manière péremptoire que la Société AMADA ne contestait pas le principe de l'expertise, sans répondre aux écritures du CHSCT de la Société AMADA lequel avait soutenu et démontré que sous couvert de contester le coût et les modalités de l'expertise, la Société AMADA contestait en réalité son principe, la Vice-Présidente du Tribunal de grande instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS AU SURPLUS QUE, en affirmant que la Société AMADA ne contestait pas le principe de l'expertise après avoir relevé qu'était en cause la circonstance que la mission d'expertise porte sur l'intégralité du personnel et considéré que le CHSCT ne démontrait pas qu'il existerait une situation de harcèlement dépassant le cas de Mme B... et de M. S..., la Vice-Présidente du Tribunal de grande instance, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations dont il résultait que la contestation portait nécessairement sur le principe même de l'expertise, a violé l'article L.4614-13 du code du travail, alors applicable;

6) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, en retenant, pour dire que c'est à bon droit que la Société AMADA, qui ne remettait pas en cause le principe de l'expertise, en contestait les contours et le coût car disproportionnés, que la mission d'expertise portait sur l'ensemble du personnel de la Société alors qu'initialement le CHSCT n'était saisi que des cas de Mme B... et de M. S... et que les opérations projetées étaient sans lien avec les deux plaintes initiales émanant de Mme B... et de M. S..., lequel n'était presque jamais évoqué dans la délibération du 19 septembre 2018 ou dans le rapport du cabinet d'expertise, la Vice-Présidente du Tribunal de grande instance, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 4614-12 du code du travail, alors applicable ;

7) ALORS EN OUTRE QUE, en affirmant que le CHSCT ne produisait aucun document de nature à laisser penser qu'il existerait une situation de harcèlement dépassant les cas de Mme B... et de M. S... ou relativement à la réunion du 6 avril 2008 au terme de laquelle le président du CHCST avait validé l'idée qu'il fallait compléter le projet QVT par une analyse plus formatée des RPS, cependant que, à l'appui de ses écritures et tel que cela figurait dans son bordereau de pièces, le CHSCT avait produit aux débats le courrier de l'inspecteur du travail en date du 18 septembre 2018 dans lequel il rappelait à l'employeur que lors de la réunion du CHSCT qui s'est tenue le 6 avril 2008, soit avant que Mme B... et M. S... ne fassent état de leur situation auprès du CHCST et de l'inspection du travail, les élus avaient évoqué une situation de souffrance au travail pour certains salariés et qu'il avait, ainsi que le médecin du travail, préconisé l'évaluation des risques psychosociaux et qu'en dépit d'une courrier en date du 4 mai 2018 dans lequel il avait demandé à l'employeur d'évaluer les risques psychosociaux, il n'avait toujours rien reçu en septembre 2018, la Vice-Présidente du Tribunal de grande instance, qui a dénaturé les écritures et le bordereau de pièces produites par le CHSCT de la Société AMADA, a violé le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause, ensemble les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

8) ALORS AU SURPLUS QUE, dans ses écritures, le CHSCT avait établi, pièces à l'appui, d'une part, que si seuls deux salariés avaient expressément alerté du harcèlement subi, l'inspecteur du travail avait, dans son courrier en date du 18 septembre 2018, rappelé à l'employeur que lors de la réunion du CHSCT qui s'est tenue le 6 avril 2008, les élus avaient évoqué une situation de souffrance au travail pour certains salariés et qu'il avait, ainsi que le médecin du travail, préconisé l'évaluation des risques psychosociaux et qu'en dépit d'une courrier en date du 4 mai 2018 dans lequel il avait demandé à l'employeur d'évaluer les risques psychosociaux, il n'avait toujours rien reçu en septembre 2018, d'autre part, que dans ce même courrier, l'inspecteur du travail avait expressément précisé que s'agissant de l'enquête menée par l'entreprise, il s'interrogeait quant aux acteurs et à leurs prérogatives qui pourraient compliquer la parole des personnes interrogées et qu'un enquêteur indépendant permettrait non seulement de préserver l'anonymat et la confidentialité des témoignages mais aussi de créer un lien de confiance pour libérer la parole et rassurer le personnel interrogé, ce qui avait convaincu le CHSCT de recourir à une expertise concernant l'ensemble du personnel, ce d'autant plus, et tel que cela ressortait de la résolution du vote de l'expertise en date du 19 septembre 2018 et du procès-verbal de la réunion extraordinaire du même jour versés par la Société AMADA aux débats, au regard des nombreux départs et démission depuis 2016, du PV du CHSCT de décembre 2017 visant la pression morale envers les élus, des pressions sur les CHSCT successifs et des récentes situations de harcèlement qui avaient été portées à leur connaissance ; qu'en se bornant à affirmer que le CHSCT ne produisait aucun élément laissant penser qu'existerait une situation de harcèlement dépassant Mme B... et M. S... et que le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 6 avril 2018 ne faisait pas mention de cas précis et concret justifiant l'organisation d'une évaluation des RPS, sans examiner le courrier de l'inspecteur du travail en date du 18 septembre 2018 ainsi que la résolution du vote de l'expertise en date du 19 septembre 2018 et le procès-verbal de la réunion extraordinaire du même jour dont il ressortait une souffrance au travail vécue par de nombreux salariés, la Vice-Présidente du Tribunal de grande instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

9) ALORS ENFIN QUE, à l'appui de ses écritures le CHSCT avait soutenu et démontré, pièce à l'appui, que l'enquête QVT réalisée en 2017 procédait d'une démarche louable mais superficielle qui ne s'était matérialisé que par un questionnaire soumis au personnel lequel ne visait aucunement les mêmes thèmes que l'expertise et n'était ni exhaustif, ni objectif ce qui était confirmé par le bilan des actions menées suite à cette enquête réalisé par la Société AMADA dont il résultait qu'aucune action de fond et aucun résultat tangible et aucun signe d'amélioration de la qualité de vie au travail n'avaient été relevés par l'employeur lui-même; qu'en relevant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que l'employeur avait réalisé une enquête QVT en 2017 sans répondre aux écritures du CHSCT sur ce point, la Vice-Présidente du Tribunal de grande instance a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée, d'AVOIR débouté le CHSCT de sa demande tendant à ce que la Société AMADA soit condamnée à lui payer la somme de 7680 euros au titre des frais exposés dans le cadre de sa défense et de ses dépens, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail aux dépens de la procédure de référé ;

AUX MOTIFS QUE : « Ni l'équité, ni la situation respective des parties ne justifient l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes formées de ce chef seront fond rejetées. Les dépens de référé seront laissés à la charge du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ».

1) ALORS QUE, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier et ou du deuxième moyen emportera par voie de conséquence, la censure de l'ordonnance en ce qu'elle a dit qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

2) ALORS AU SURPLUS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, sauf abus, l'employeur doit supporter les frais de contestation de la procédure d'expertise ; qu'en retenant qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 dès lors que ni l'équité, ni la situation respective des parties ne justifient l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et que les dépens de référé seront laissés à la charge du CHSCT, sans caractériser un abus du CHSCT, la Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance a violé l'article L.4614-13 du code du travail, alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-10363
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bobigny, 13 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°19-10363


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10363
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