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30/09/2020 | FRANCE | N°19-10173

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-10173


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MY2

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 787 F-D

Pourvoi n° A 19-10.173

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ Mme U... C..., domiciliée [...] ,

2

°/ le syndicat national CGT du personnel du Groupe Apave, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° A 19-10.173 contre l'arrêt rendu le 6 nove...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MY2

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 787 F-D

Pourvoi n° A 19-10.173

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ Mme U... C..., domiciliée [...] ,

2°/ le syndicat national CGT du personnel du Groupe Apave, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° A 19-10.173 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2018 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige les opposant à la société Apave Sudeurope, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Apave Sudeurope a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation, également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme C... et du syndicat national CGT du personnel du Groupe Apave, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Apave Sudeurope, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 novembre 2018), Mme C... a été engagée par la société Apave Sudeurope à compter du 25 juillet 2005 selon contrat à durée indéterminée en qualité d'employé administratif. Elle a été élue déléguée du personnel de l'agence de Clermont-Ferrand le 1er octobre 2013, membre titulaire du comité d'établissement le 15 octobre 2013, membre suppléant du comité central d'entreprise le 7 novembre 2013 et désignée déléguée syndicale de l'UES Apave par le syndicat CGT le 5 octobre 2013. En raison de ses mandats, la salariée effectuait de nombreux déplacements avec son véhicule personnel et bénéficiait du remboursement des frais exposés.

2. Par lettre du 3 septembre 2014, l'employeur a informé la salariée qu'elle devrait désormais effectuer ces déplacements avec un véhicule de service. La salariée a contesté cette mesure par lettre du 12 septembre 2014, l'estimant discriminatoire, a mis en demeure son employeur de « cesser ce projet de mise à disposition d'un véhicule de société » le 12 février 2015 et déclenché une procédure d'alerte en application de l'article L. 2313-2 du code du travail le 6 mars 2015. L'employeur a maintenu sa décision.

3. Par requête du 1er décembre 2016, la salariée et le syndicat national CGT du personnel du groupe Apave (le syndicat) ont saisi, sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail, le bureau de jugement de la juridiction prud'homale d'une contestation de cette décision.

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur et le moyen du pourvoi principal de la salariée et du syndicat, pris en ses deux premières branches, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal de la salariée et du syndicat, pris en ses trois dernières branches

Enoncé du moyen

La salariée et le syndicat font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, alors :

« 1°/ que si un délégué du personnel constate qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur et, en cas de carence de celui-ci ou de divergence sur la réalité de cette atteinte et à défaut de solution trouvée avec lui, il saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte ; que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec d'autres salariés ; qu'en retenant dès lors qu' '' il n'y aurait de discrimination que si seule Mme C... se voyait soumise à un tel système de prise en charge de ses frais professionnels sans justification objective de la part de l'employeur'', pour la débouter de ses demandes, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2313-2 du code du travail ;

2°/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en retenant que l'employeur justifiait la mise en oeuvre du nouveau système de prise en charge des frais professionnels par le nombre de kilomètres parcourus, et non par les fonctions, des salariés concernés, sans constater que ce système spécifique de prise en charge des frais de déplacement aurait été imposé à d'autres salariés que les trois salariés protégés, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une raison objective et étrangère à toute discrimination, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2313-2 du code du travail ;

3°/ qu'en retenant, pour écarter toute discrimination, que « lors des réunions du comité d'établissement du 29 janvier et 26 février 2015, [la SAS Apave Sudeurope] a rappelé que : ''la direction (
) précise que tout le personnel sédentaire et les IRP seront traités sur le même pied d'égalité
'' et que dans son courrier du 26 mars 2015, faisant suite au droit d'alerte déclenché par Mme C..., elle précisait, à nouveau, que : ''par ailleurs, nous vous avons rappelé que cette politique d'affectation de véhicule de société était la même pour tous les salariés de l'entreprise dont les dispositions de leur contrat de travail le permettaient
'' » et qu'''il n'est pas démontré le contraire'', quand il appartenait à l'employeur de démontrer la mise en oeuvre uniforme de ce système à l'ensemble des salariés concernés, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2313-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel ayant constaté que les fonctions de la salariée sont demeurées inchangées, que les déplacements effectués par Mme C... le sont dans le cadre de ses mandats syndicaux et sans rapport avec son activité professionnelle et que tout le personnel sédentaire et les représentants du personnel sont traités de la même façon en ce qui concerne la prise en charge des frais de déplacement, a pu en déduire que la salariée n'établissait pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale et que, dès lors, l'exercice du droit d'alerte n'était pas fondé.

6. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois, tant principal, qu'incident ;

Condamne Mme C... et le syndicat national CGT du personnel du groupe Apave aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour C... et le syndicat national CGT du personnel du Groupe Apave, demandeurs au pourvoi principal.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme C... et le syndicat national CGT du personnel du groupe Apave de l'ensemble de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QU'il constant qu'aucune modification de son contrat de travail ni aucun changement de ses conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié protégé sans son accord préalable, toutefois la décision de l'employeur de remplacer l'indemnité de voiture personnelle du salarié par la mise à sa disposition d'un véhicule de société constitue un changement portant seulement sur une modalité de prise en charge des frais professionnels et non une modification de ses conditions de travail qui ne pouvait lui être imposée sans son accord préalable ; que, comme l'indique l'employeur, les déplacements s'effectuent toujours en véhicule et Mme C... ajoute elle-même que « l'APAVE fixe le point de départ de Mme C... à son domicile » en sorte que « ses frais de trajet domicile/agence sont à la charge de l'entreprise » ce qui confère indéniablement un avantage supplémentaire à la salariée ; qu'il n'y a donc pas d'atteinte au statut de salarié protégé du seul fait de cette décision et l'employeur n'était donc pas tenu de recueillir au préalable son consentement ; qu'en aucun cas l'employeur a estimé que Mme C... ne relevait plus du régime des salariés sédentaires ; qu'il ne peut être soutenu que l'employeur aurait modifié unilatéralement le contrat de travail de la salariée au seul motif qu'il alignait le système de prise en charge des frais de remboursement de Mme C... sur celui applicable aux salariés non sédentaires ; que nul ne conteste que les fonctions de la salariée sont demeurées inchangées ; que par ailleurs les déplacements effectués par Mme C... le sont dans le cadre de ses mandats syndicaux et sans rapport avec son activité professionnelle ; que la société pave Sudeurope fait par ailleurs observer que « le remboursement de frais n'est pas un droit ou un avantage consenti au salarié mais une obligation pesant sur l'employeur ne créant pas un avantage au salarié » en sorte qu'il ne peut être invoqué l'existence d'un usage en l'espèce alors que la société soutient sans être utilement contredite qu'elle « met gracieusement à disposition de son personnel, pour les besoins du service, plus de 2000 véhicules de service » ; que par contre, il n'y aurait de discrimination que si seule Mme C... se voyait soumise à un tel système de prise en charge de ses frais professionnels sans justification objective de la part de l'employeur ; qu'or l'intimée indique que ce régime « a donc été créé de toute pièce pour Mme C... et les deux autres représentantes du personnel sédentaires administratives » en sorte qu'elle n'est pas la seule concernée d'une part et l'employeur précise sans être utilement démenti que « Mme C... n'est donc pas la seule salariée, ni la seule élue, à qui il est imposé ces nouvelles modalités » d'autre part ; que l'employeur avance une justification objective, à savoir le très grand nombre de kilomètres parcourus par la salariée (20.834 Km en 2014), et rappelle que lors des réunions du «
groupe de travail véhicules
» des 31 octobre et 12 décembre 2014, le compte rendu fait expressément apparaître que : «
les questions suivantes sont posées par les syndicats : Quels salariés sont concernés, y a-t-il des emplois type, qu'en est-il pour les IRP ? Réponse : les actions mises en oeuvre concernent les salariés dont les missions nécessitent de nombreux déplacements, indépendamment de leur fonction, ou de leur mandat représentatif
» ; qu'aussi, le système de prise en charge des frais de déplacements est déterminé non par les fonctions des salariés mais par le nombre de kilomètres parcourus ; qu'enfin, la société Apave Sudeurope ajoute que lors des réunions du comité d'établissement du 29 janvier et 26 février 2015, elle a rappelé que : « la direction (
) précise que tout le personnel sédentaire et les IRP seront traités sur le même pied d'égalité
» et que dans son courrier du 26 mars 2015, faisant suite au droit d'alerte déclenché par Mme C..., elle précisait, à nouveau, que : « par ailleurs, nous vous avons rappelé que cette politique d'affectation de véhicule de société était la même pour tous les salariés de l'entreprise dont les dispositions de leur contrat de travail le permettaient
» ; qu'il n'est pas démontré le contraire ; qu'ainsi donc, et si cette nouvelle mesure a pu engendrer des inconvénients sur l'organisation personnelle de la salariée, elle ne présente aucun caractère discriminatoire ; que la décision sera réformée et les intimés déboutés de l'ensemble de leurs prétentions ;

1°) ALORS QU'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé ; que Mme C..., qui rappelait que son contrat de travail prévoyait uniquement l'allocation d'une indemnité mensuelle de transport, en déduisait que la substitution par l'employeur d'un véhicule de service à l'indemnité kilométrique s'analysait en une modification du contrat de travail nécessitant son accord exprès (cf. conclusions d'appel p. 3 § 2 ; p. 14 et suiv.) ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette substitution n'était pas constitutive d'une modification du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil en sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS, subsidiairement, QU'en décidant que cette substitution « constitue un changement portant seulement sur une modalité de prise en charge des frais professionnels et non une modification de ses conditions de travail », la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2313-2 du code du travail ;

3°) ALORS QUE si un délégué du personnel constate qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur et, en cas de carence de celui-ci ou de divergence sur la réalité de cette atteinte et à défaut de solution trouvée avec lui, il saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte ; que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec d'autres salariés ; qu'en retenant dès lors qu'« il n'y aurait de discrimination que si seule Mme C... se voyait soumise à un tel système de prise en charge de ses frais professionnels sans justification objective de la part de l'employeur », pour la débouter de ses demandes, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2313-2 du code du travail ;

4°) ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en retenant que l'employeur justifiait la mise en oeuvre du nouveau système de prise en charge des frais professionnels par le nombre de kilomètres parcourus, et non par les fonctions, des salariés concernés, sans constater que ce système spécifique de prise en charge des frais de déplacement aurait été imposé à d'autres salariés que les trois salariés protégés, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une raison objective et étrangère à toute discrimination, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2313-2 du code du travail ;

5°) ET ALORS QU'en retenant, pour écarter toute discrimination, que « lors des réunions du comité d'établissement du 29 janvier et 26 février 2015, [la SAS Apave Sudeurope] a rappelé que : « la direction (
) précise que tout le personnel sédentaire et les IRP seront traités sur le même pied d'égalité
» et que dans son courrier du 26 mars 2015, faisant suite au droit d'alerte déclenché par Mme C..., elle précisait, à nouveau, que : « par ailleurs, nous vous avons rappelé que cette politique d'affectation de véhicule de société était la même pour tous les salariés de l'entreprise dont les dispositions de leur contrat de travail le permettaient
» » et qu'« il n'est pas démontré le contraire », quand il appartenait à l'employeur de démontrer la mise en oeuvre uniforme de ce système à l'ensemble des salariés concernés, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2313-2 du code du travail. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Apave Sudeurope, demanderesse au pourvoi incident éventuel.

Dans l'hypothèse où la Cour de cassation envisagerait de censurer l'arrêt sur le fondement du pourvoi principal, il serait fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit recevables les demandes de Madame C... et du syndicat national CGT du groupe APAVE ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'exercice du droit d'alerte ; Aux termes de l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement. L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. En l'espèce, Madame C... a, par courrier du 6 mars 2015, saisi l'employeur d'une situation la "concernant ainsi que certains salariés sédentaires d'Apave Sud Europe qui est de nature à caractériser une atteinte au droit des personnes, en particulier une discrimination prohibée concernant les conditions et modalités d'attribution d'un véhicule de société". Aussi, non seulement Madame C... agissait dans l'intérêt d'autres salariés mais encore l'exercice du droit d'alerte ne saurait lui être dénié au seul motif qu'elle était concernée par les agissements qu'elle dénonçait. Dès lors Madame C... était recevable à saisir le conseil de prud'hommes suite à la décision de l'employeur de ne procéder à aucune mesure en vue de faire cesser la situation exposée par la salariée étant rappelé que Madame C... s'estimait discriminée par la mesure prise par l'employeur. Aussi, indépendamment du bien-fondé de la demande, la saisine du conseil de prud'hommes en la forme des référés (et encore que ledit conseil ait siégé à quatre consei1lers) justifiait l'absence de saisine préalable du bureau de conciliation et d'orientation » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la SAS APAVE SUDEUROPE soulève l'irrecevabilité des demandes au motif que l'exercice du droit d'alerte des délégués du personnel ne saurait avoir pour objet d'annuler une mesure individuelle pour laquelle le salarié dispose d'une voie de recours spécifique et qu'en vertu de l'absence d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles ou tout autre mesure discriminatoire relative notamment au mandat du salarié, les conditions de mise en oeuvre de la procédure d'alerte n'étaient pas réunies. Elle rappelle que le préliminaire de conciliation constitue une formalité substantielle dans l'Institution Prud'homale dont l'omission entraîne la nullité d'ordre public du jugement. Après étude du dossier, le Conseil constate que c'est à bon droit que Madame C... a adressé en sa qualité de déléguée du personnel un courrier recommandé déclenchant ainsi une procédure d'alerte. Par conséquent, le Conseil déclare recevables les demandes formulées par Madame C... » ;

1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction applicable, si un délégué du personnel constate une atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur ; qu'en cas de carence de ce dernier ou de divergence sur la réalité de cette atteinte et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le délégué du personnel saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui, statuant en la forme des référés, peut ordonner toute mesure propre à faire cesser cette atteinte ; que cette action n'a pas vocation à se substituer aux voies de recours spécifiques dont disposent les salariés, qu'ils soient ou non titulaires d'un mandat ; qu'en l'espèce, au soutien du droit d'alerte exercé sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail, Madame C... avait fait valoir, notamment, que la modification de la prise en charge des frais professionnels aurait modifié son contrat ou à tout le moins ses conditions de travail et sollicitait, à son seul bénéfice, le maintien des anciennes conditions de prise en charge des frais professionnels ; qu'en disant son action recevable au seul motif que le droit d'alerte ne pouvait lui être dénié dès lors qu'elle était concernée par les agissements qu'elle dénonçait, alors qu'il s'inférait de ses constatations qu'elle agissait au titre des relations individuelles de travail et ne sollicitait le retrait de la mesure dénoncée que pour son seul compte, sans pour autant prétendre être la seule concernée, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction applicable ;

2. ET ALORS QUE l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction applicable, permet d'ordonner les mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise ; qu'il ne substitue pas aux actions au titre desquelles le salarié dispose de voies de recours spécifiques et ne permet pas d'obtenir la nullité d'une mesure décidée par l'employeur ; qu'en l'espèce, l'action engagée par la salariée tendait à ce que soit constatée de l'illégalité des nouvelles modalités de prise en charge des frais professionnels et à ce que soit ordonné le maintien des anciennes conditions de prise en charge desdits frais à son profit, ce qui revenait à solliciter l'annulation de cette mesure ; qu'en disant néanmoins la demande recevable, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail dans sa rédaction applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-10173
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 06 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°19-10173


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10173
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