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30/09/2020 | FRANCE | N°19-10139;19-10140;19-10141;19-10142;19-10143;19-10144;19-10145;19-10146;19-10147

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-10139 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 841 F-D

Pourvois n°
P 19-10.139
Q 19-10.140
R 19-10.141
S 19-10.142
T 19-10.143
U 19-10.144
V 19-10.145
W 19-10.146
X 19-10.147 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________

________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ Mme I... Y..., domiciliée [...] ,

2°/ M. A... H..., domicilié [....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 841 F-D

Pourvois n°
P 19-10.139
Q 19-10.140
R 19-10.141
S 19-10.142
T 19-10.143
U 19-10.144
V 19-10.145
W 19-10.146
X 19-10.147 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ Mme I... Y..., domiciliée [...] ,

2°/ M. A... H..., domicilié [...] ,

3°/ Mme I... K..., domiciliée [...] ,

4°/ M. L... R..., domicilié [...] ,

5°/ M. E... M..., domicilié [...] ,

6°/ M. D... U..., domicilié [...] ,

7°/ M. S... N..., domicilié [...] ,

8°/ M. F... J..., domicilié [...] ,

9°/ le Syndicat national des transports urbains CFDT, dont le siège est [...] ,

ont formé respectivement les pourvois n° P 19-10.139, Q 19-10.140, R 19-10.141, S 19-10.142, T 19-10.143, U 19-10.144, V 19-10.145, W 19-10.146 et X 19-10.147 contre neuf jugements rendus le 16 octobre 2018 par le conseil de prud'hommes d'Abbeville (section commerce), dans les litiges les opposant à la société Keolis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs aux pourvois invoquent, à l'appui de leurs recours, trois moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme Y..., des sept autres salariés et du Syndicat national des transports urbains CFDT, et de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Keolis, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller rapporteur référendaire, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-10.139 à X 19-10.147 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les jugements attaqués (conseil des prud'hommes d'Abbeville, 16 octobre 2018), rendus en dernier ressort, statuant sur renvoi après cassation (Soc., 18 octobre 2017, pourvoi n° 16-12.862), Mme Y... et sept autres salariés de la société Keolis, exerçant les fonctions de conducteur, ainsi que le Syndicat national des transports urbains CFDT (le syndicat) ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. Les salariés font grief aux jugements de les débouter de leurs demandes tendant au remboursement des frais exposés au titre de l'entretien de leur tenue de travail pour la période du 27 novembre 2011 au 1er décembre 2013, alors « que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que dès lors que le port d'une tenue de travail est obligatoire pour le salarié et inhérent à son emploi, son entretien doit être intégralement pris en charge par l'employeur ; que le conseil de prud'hommes a débouté les salariés, au motif que l'article 12 du règlement intérieur de la société Keolis leur attribuait chaque mois une prime en dépit d'une quelconque obligation légale ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si l'employeur justifiait de ce que la prime perçue par les salariés couvrait les coûts effectivement exposés par les salariés pour l'entretien de la tenue de travail pour le besoin de leur activité et dans l'intérêt de leur employeur, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1135 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1194 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

5. Pour débouter les salariés de leurs demandes tendant au remboursement des frais exposés au titre de l'entretien de leur tenue de travail pour la période du 27 novembre 2011 au 1er décembre 2013, les jugements retiennent qu'au vu de l'article 12 du règlement intérieur en vigueur au sein de la société Keolis, celle-ci attribue une prime aux salariés chaque mois en dépit d'une quelconque obligation légale.

6. En statuant ainsi, par des motifs ne permettant pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si l'employeur avait assuré l'entretien des tenues de travail dont il avait imposé le port à ses salariés pour la période du 27 novembre 2011 au 1er décembre 2013, le conseil de prud'hommes a méconnu les exigences du texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Les salariés font grief aux jugements de les débouter de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « que la résistance à l'application de règles d'ordre public constitue un manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail causant au salarié un préjudice dont il est en droit d'obtenir réparation ; que la cassation sur le premier moyen du chef des frais d'entretien de la tenue de travail entraînera la censure par voie de conséquence du chef ici querellé, en application des articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu 1232-1 du code civil, ensemble les articles 624 et 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

8. La cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi entraîne la cassation, par voie de conséquence, des jugements en ce qu'ils rejettent les demandes de dommages-intérêts des salariés pour résistance abusive.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. Le syndicat fait grief au jugement de le débouter de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession, alors « que l'absence de prise en charge des frais d'entretien des tenues de travail cause un préjudice à l'intérêt collectif des salariés que le syndicat représente et dont il est bien-fondé à demander réparation ; que la cassation sur le premier moyen du chef des frais d'entretien de la tenue de travail entraînera la censure par voie de conséquence du chef ici querellé, en application des articles L. 1221-1, L. 2131-1 et L. 2132-3 du code du travail et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu 1232-1 du code civil, ensemble les articles 624 et 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. La cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi entraîne la cassation, par voie de conséquence, du jugement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts présentée par le syndicat en réparation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements rendus le 16 octobre 2018, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Abbeville ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Péronne ;

Condamne la société Keolis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Keolis et la condamne à payer à Mme Y..., M. H..., Mme K..., MM. R..., M..., U..., N..., J... et au Syndicat national des transports urbains CFDT la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs produits, aux pourvois n° P 19-10.139, Q 19-10.140, R 19-10.141, S 19-10.142, T 19-10.143, U 19-10.144, V 19-10.145, W 19-10.146 et X 19-10.147, par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., M. H..., Mme K..., MM. R..., M..., U..., N..., J... et le Syndicat national des transports urbains CFDT

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes tendant au remboursement des frais exposés au titre de l'entretien de leur tenue de travail pour la période du 27 novembre 2011 au 1er décembre 2013.

AUX MOTIFS QU'ainsi, l'article R.4323-95 du code du travail prévoit que l'employeur est tenu d'assurer, par des entretiens, réparations et remplacements nécessaires, le bon fonctionnement et le maintien dans un état hygiénique satisfaisant des équipements de protection individuelle et des vêtements de travail qu'il fournit gratuitement ; que par extension, il a été admis que l'employeur qui impose plus généralement à ses salariés le port d'une tenue de travail doit supporter les coûts d'entretien de ces vêtements ; que cette prise en charge est obligatoire dès lors que le port de la tenue est exigée par l'employeur et inhérent à l'emploi (Cass. Soc. 21 mai 2008, n°06-44.044, Bull, civ, V, n°108.) ; que l'employeur définit alors, dans l'exercice de son pouvoir de direction, les modalités de prise en charge de cet entretien ; que les juges ne peuvent pas imposer à l'employeur de mettre un système de ramassage, de lavage et de repassage chaque semaine, des tenues sales et de remise à disposition, la semaine suivante, des tenues propres dans des casiers prévus à cet effet (Cass. Soc. 12 décembre 2012, n° 11-26585, Bull. Civ, V n° 331) ; qu'en outre, ni le législateur, ni la jurisprudence ne prévoit de mécanisme privilégié, les employeurs disposant d'une certaine liberté, pourvu que les salariés bénéficient d'une indemnisation ; qu'au vu de l'article 12 du règlement intérieur en vigueur au sein de la Société KEOLIS, celle-ci attribue une prime aux salariés chaque mois en dépit d'une quelconque obligation légale.

1° ALORS QUE les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que dès lors que le port d'une tenue de travail est obligatoire pour le salarié et inhérent à son emploi, son entretien doit être intégralement pris en charge par l'employeur ; qu'en déboutant les salariés, au motif que l'article 12 du règlement intérieur de la société Keolis leur attribuait chaque mois une prime en dépit d'une quelconque obligation légale, quand le caractère obligatoire et inhérent à l'emploi du port de la tenue de travail n'était pas contesté et donc tenu pour acquis, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 1135 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1194 du code civil, ensemble l'article L.1221-1 du code du travail.

2° ALORS QUE les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que dès lors que le port d'une tenue de travail est obligatoire pour le salarié et inhérent à son emploi, son entretien doit être intégralement pris en charge par l'employeur ; que le conseil de prud'hommes a débouté les salariés, au motif que l'article 12 du règlement intérieur de la société Keolis leur attribuait chaque mois une prime en dépit d'une quelconque obligation légale ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si l'employeur justifiait de ce que la prime perçue par les salariés couvrait les coûts effectivement exposés par les salariés pour l'entretien de la tenue de travail pour le besoin de leur activité et dans l'intérêt de leur employeur, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1135 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1194 du code civil, ensemble l'article L.1221-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR débouté les salariés de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

AUX MOTIFS QUE les salariés de la société KEOLIS ne démontrent pas le préjudice subi du fait de sa résistance abusive ; dès le mois de mai 2013, la société KEOLIS a accepté d'examiner les revendications portées par les délégués du personnel ; qu'en juillet 2013, la société KEOLIS a rencontré la société Clean Way afin d'envisager la possibilité d'instituer des tickets Clean Way permettant d'assurer des bons prépayés auprès de pressings au bénéfice des salariés.

ALORS QUE la résistance à l'application de règles d'ordre public constitue un manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail causant au salarié un préjudice dont il est en droit d'obtenir réparation ; que la cassation sur le premier moyen du chef des frais d'entretien de la tenue de travail entraînera la censure par voie de conséquence du chef ici querellé, en application des article L.1221-1 et L.1222-1 du code du travail et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu 1232-1 du code civil, ensemble les articles 624 et 625 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR débouté le syndicat de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession.

AUX MOTIFS QU'au vu des pièces fournies du dossier, la Société KEOLIS n'a nullement opposé de résistance abusive, dès le mois de mai 2013, la société KEOLIS a accepté d'examiner les revendications portées par les délégués du personnel ; que le Syndicat National des Transports Urbains CFDT ne démontre pas le préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt de la profession qu'il représente.

ALORS QUE l'absence de prise en charge des frais d'entretien des tenues de travail cause un préjudice à l'intérêt collectif des salariés que le syndicat représente et dont il est bien-fondé à demander réparation ; que la cassation sur le premier moyen du chef des frais d'entretien de la tenue de travail entraînera la censure par voie de conséquence du chef ici querellé, en application des articles L.1221-1, L.2131-1 et L.2132-3 du code du travail et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 devenu 1232-1 du code civil, ensemble les articles 624 et 625 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-10139;19-10140;19-10141;19-10142;19-10143;19-10144;19-10145;19-10146;19-10147
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Abbeville, 16 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2020, pourvoi n°19-10139;19-10140;19-10141;19-10142;19-10143;19-10144;19-10145;19-10146;19-10147


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10139
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