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30/09/2020 | FRANCE | N°18-26044;18-26113

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 septembre 2020, 18-26044 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 489 F-D

Pourvois n°
F 18-26.044
F 18-26.113 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

I - 1

°/ M. H... T..., domicilié [...] ,

2°/ Le GAEC du Grand Meix, groupement agricole d'exploitation en commun, dont le siège est [...] ,

3°/ M. U... ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 489 F-D

Pourvois n°
F 18-26.044
F 18-26.113 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

I - 1°/ M. H... T..., domicilié [...] ,

2°/ Le GAEC du Grand Meix, groupement agricole d'exploitation en commun, dont le siège est [...] ,

3°/ M. U... T..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° F 18-26.044 contre un arrêt rendu le 16 octobre 2018 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. A... C..., domicilié [...] ,

2°/ à la société de la Courtavaux, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

5°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

6°/ à Mme I... S..., épouse T..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

II - 1°/ La société de la Courtavaux, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée,

2°/ M. A... C...,

ont formé le pourvoi n° F 18-26.113 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la société [...] , société civile professionnelle,

2°/ à la société [...], société civile professionnelle,

3°/ à la société [...], société civile professionnelle,

4°/ à M. H... T...,

5°/ au GAEC du Grand Meix,,

6°/ à M. U... T...,

7°/ à Mme I... S..., épouse T...,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° F 18-26.044 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi n° F18-26.113 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers on été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de MM. T... et du Gaec du Grand Meix, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société de la Courtavaux et de M. C..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [...] , de la société [...], de la société [...], et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. Les pourvois n°F 1826113 et F 1826044, qui attaquent le même arrêt, sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 16 octobre 2018), par acte authentique du 20 juillet 2007, reçu par la SCP A... de Leiris-Xavier Blanquinque-Clément de Leiris, avec l'assistance de la SCP [...] et de la SCP [...], titulaires toutes trois d'un office notarial (les sociétés notariales), l'EARL de la Courtavaux (la société de la Courtavaux) a acquis du groupement agricole d'exploitation en commun du Grand Meix (le GAEC), dont MM. U... et H... T... étaient les associés, divers biens dont du matériel, des droits à paiement unique, des quotas betteraviers et des drainages.

3. Le 28 avril 2009, la société de la Courtavaux et M. C..., son associé gérant, ont assigné le GAEC ainsi que M. H... T..., M. U... T... et Mme T..., épouse de ce dernier, en répétition des sommes payées, selon eux, de façon indue au titre des quotas betteraviers, des drainages et des droits à paiement unique de l'année 2007. Le GAEC et M. H... T... ont appelé en garantie les sociétés notariales intervenues lors de l'établissement de l'acte du 20 juillet 2007.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n°F1826044

Enoncé du moyen

4. Le GAEC et MM. T... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de garantie formée contre les sociétés notariales alors :

« 1°/ que le notaire, qui ne s'assure pas de la validité et de l'efficacité de l'acte qu'il rédige, commet une faute et doit réparer le préjudice qui en résulte pour les parties à l'acte ; qu'en l'espèce, en refusant de condamner les études notariales à garantir le GAEC, condamner à rembourser les sommes indûment versées par la société de la Courtavaux, après avoir pourtant caractérisé la faute des études notariales, co-rédactrices de l'acte de cession d'exploitation agricole du 20 juillet 2007, au motif que les sommes au paiement desquelles le GAEC a été condamné ne constituent pas pour celui-ci un préjudice indemnisable, puisque, s'agissant de la répétition d'un indu, elles correspondent à la restitution de montants au bénéfice desquels le GAEC ne pouvait pas prétendre, bien que la faute des notaires lui avait fait perdre une chance d'être indemnisé des dépenses effectuées pour le fonds, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil, ensemble les articles L.411-69 et L.411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que le notaire, qui ne s'assure pas de la validité et de l'efficacité de l'acte qu'il rédige, méconnaît son obligation de conseil et commet une faute qu'il doit réparer lorsqu'elle a causé un préjudice à l'une des parties à l'acte ; qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel, alors même que la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice ; qu'en l'espèce, en refusant de condamner les études notariales à garantir le GAEC, de sa propre condamnation à rembourser les sommes indûment versées par la société de la Courtavaux, au motif inopérant qu'il n'explicite pas dans quelle mesure il serait désormais dépourvu de tout recours pour obtenir l'indemnisation auprès du bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil, ensemble les articles L.411-69 et L.411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

3°/ que le notaire, qui ne s'assure pas de la validité et de l'efficacité de l'acte qu'il rédige, méconnaît son obligation de conseil et commet une faute qu'il doit réparer lorsqu'elle a causé un préjudice à l'une des parties à l'acte ; qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel, alors même que la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice ; qu'en l'espèce, en refusant de condamner les études notariales à garantir le GAEC, de sa propre condamnation à rembourser les sommes indûment versées par la société de la Courtavaux, au motif inopérant qu'il ne saurait imputer aux seuls notaires les conséquences de sa propre carence ayant consisté à ne rechercher l'indemnisation de ses dépenses qu'à l'égard d'une personne qui n'y était pas tenue, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil, ensemble les articles L.411-69 et L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions du GAEC et de MM. T... que ceux-ci aient soutenu devant les juges du fond que le préjudice subi par le GAEC consistait en une perte de chance d'être indemnisé des dépenses effectuées pour le fonds. Le grief de la première branche est donc nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. En second lieu, après avoir jugé qu'en application de diverses dispositions du code rural et de la pêche maritime, les sommes que le GAEC avait reçues en exécution de l'acte du 20 juillet 2007 lui avaient été payées de façon indue, l'arrêt retient que la restitution de ces sommes, au bénéfice desquelles le GAEC ne peut prétendre, ne constitue pas pour celui-ci un préjudice indemnisable et en déduit qu'en dépit des manquements commis, les sociétés notariales ne peuvent être tenues de le garantir à ce titre. En l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

6. Par conséquent, le moyen, pour partie irrecevable, est inopérant pour le surplus.

Sur le premier moyen du pourvoi n° F 18-26.113

Enoncé du moyen

7. La société de la Courtavaux et M. C... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes formées contre Mme T... et MM. T... alors :

« 1°/ qu'en l'absence de toute prorogation expresse, décidée dans les formes légales ou statutaires, un groupement agricole d'exploitation en commun est dissous de plein droit par la survenance du terme ; qu'en l'espèce, il était constant que le terme du GAEC avait été fixé au 30 décembre 2005 et qu'aucune décision expresse de prorogation n'avait été prise par les associés ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de la société de la Courtavaux et de M. C... à l'encontre des associés du GAEC, que le GAEC n'avait pas été dissous de plein droit par l'arrivée du terme, une vente des biens du GAEC étant intervenue entre les parties le 20 juillet 2007, soit plus d'un an après l'expiration de la durée de vie du GAEC de sorte que sa durée aurait manifestement été prolongée, fût-ce de manière implicite, sans constater qu'une décision expresse de prorogation avait été prise dans les formes légales ou statutaires, la cour d'appel a violé les articles 1844-6 et 1844-7 du code civil ;

2°/ que la dissolution d'une société entraîne sa liquidation ; que lorsque les associés d'une société civile l'ont laissée se dissoudre par l'arrivée du terme et ne se sont pas préoccupés de procéder à sa liquidation en bonne et due forme, il leur incombe, afin de pouvoir opposer aux créanciers sociaux la subsidiarité de leurs engagements, de prouver la solvabilité de la société ; qu'en l'espèce, la société de la Courtavaux et M. C... faisaient valoir que MM. U... et H... T..., pour s'opposer à leur condamnation, devraient démontrer que le GAEC détenait encore des fonds pour les désintéresser ; qu'en se bornant à retenir, pour statuer comme elle l'a fait, que la fin de vie d'une personne morale implique nécessairement une phase de liquidation pour les besoins de laquelle la personnalité morale de l'entité subsiste, quand il appartenait aux associés du Gaec de démontrer qu'ils n'avaient pas liquidé la société et qu'elle était encore solvable, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1844-8 du code civil ensemble l'article 1858 du même code. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la société de la Courtavaux et de M. C... que ces derniers aient soutenu devant les juges du fond que les associés du GAEC devaient démontrer qu'ils n'avaient pas liquidé la société et que celle-ci était encore solvable. Le grief de la seconde branche est donc nouveau et mélangé de fait et de droit.

9. En deuxième lieu, après avoir énoncé qu'en application de l'article 1858 du code civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé d'une société civile qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale, l'arrêt retient qu'à supposer que le GAEC ait été dissous par l'arrivée du terme, la fin de vie d'une personne morale implique nécessairement une phase de liquidation, pour les besoins de laquelle la personnalité morale de l'entité subsiste. En cet état, c'est à bon droit que la cour d'appel a, faute pour la société de la Courtavaux et M. C... d'avoir préalablement et vainement poursuivi le GAEC, déclaré irrecevables leurs demandes formées contre MM. T....

10. En dernier lieu, les motifs critiqués par le moyen ne sont pas le soutien du chef de dispositif qui a déclaré irrecevables les demandes formées par la société de la Courtavaux et M. C... à l'encontre de Mme T.... Le moyen, en ce qu'il critique ce chef de dispositif, est donc inopérant.

11. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.

Mais sur le second moyen du pourvoi n° F 18-26.113

Enoncé du moyen

12. La société de la Courtavaux et M. C... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes formées à l'encontre des sociétés notariales alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent ; qu'en jugeant nouvelle, et partant irrecevable, la demande formée par la société de la Courtavaux et M. C... en cause d'appel de voir condamner les sociétés notariales à réparer leur préjudice du fait du manquement au devoir de conseil du notaire, quand elle tendait aux mêmes fins que celle présentée en première instance de voir ces sociétés condamnées, pour manquement à leur devoir de conseil, à garantir les consorts T... et le GAEC de toute condamnation pouvant intervenir à leur encontre au profit de la société de la Courtavaux et de M. C..., ces deux demandes tendant à voir la responsabilité des sociétés notariales engagée pour manquement au devoir de conseil afin que la société de la Courtavaux et M. C... obtiennent réparation de leur préjudice, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 565 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

14. Pour déclarer irrecevable la demande formée par la société de la Courtavaux et M. C... de condamnation des sociétés notariales à payer à la société de la Courtavaux les sommes mises à la charge du GAEC in solidum avec celui-ci, l'arrêt retient que la société de la Courtavaux a demandé devant le tribunal de grande instance qu'il soit dit que les sociétés notariales « seront tenues de garantir les consorts T... et le GAEC de toute condamnation pouvant intervenir à leur encontre, dans le cadre de la procédure engagée par M. A... J... C... et l'EARL de la Courtavaux », et que cette prétention tendait pour la société de la Courtavaux à obtenir la garantie des notaires non pas à son profit, comme elle le réclame devant la cour, mais à celui du GAEC et des consorts T.... Il en déduit que la demande formée à hauteur d'appel par la société de la Courtavaux n'avait donc pas été soumise à la juridiction de première instance, et qu'elle n'était pas virtuellement comprise dans les prétentions formées devant celle-ci.

15. En statuant ainsi, alors que ces deux demandes tendaient à voir la responsabilité des sociétés notariales engagée pour manquement au devoir de conseil afin que la société de la Courtavaux et M. C... obtiennent réparation de leur préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° F 18-26.044 ;

Et sur le pourvoi n° F 18-26.113 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de garantie formée par l'EARL de la Courtavaux et M. C... contre la SCP Echinard-Segaut-Parry-Avril, la SCP de Leiris-Blanquinque-de Leiris et la SCP Lamour-Séraphin, l'arrêt rendu le 16 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la SCP Echinard-Segaut-Parry-Avril, la SCP de Leiris-Blanquinque-de Leiris et la SCP [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP Echinard-Segaut-Parry-Avril, la SCP de Leiris-Blanquinque-de Leiris et la SCP [...] à payer à l'EARL de la Courtavaux et à M. C... la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° F 18-26.044 par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour MM. T... et le GAEC du Grand Meix

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de garantie formée par le GAEC du Grand Meix à l'encontre de la SCP [...], de la SCP [...] et de la SCP [...] ;

AUX MOTIFS QUE Sur la garantie sollicitée par le GAEC du Grand Meix : les trois SCP de notaires ont incontestablement commis un manquement à leurs obligations professionnelles en permettant l'établissement d'un acte authentique dont l'efficacité juridique n'est pas assurée, puisqu'il contrevient aux dispositions de l'article L 411-74 du code rural et de la pêche maritime ; toutefois, les sommes au paiement desquelles le GAEC du Grand Meix a été condamné ne constituent pas pour celui-ci un préjudice indemnisable, puisque, s'agissant de la répétition d'un indu, elles correspondent à la restitution de montants au bénéfice desquels le GAEC ne pouvait pas prétendre ; en dépit des manquements commis, les notaires ne peuvent donc être tenus de garantir le GAEC du Grand Meix du paiement de ces sommes ; c'est vainement que le GAEC soutient qu'il existe néanmoins pour lui un préjudice indemnisable, dans la mesure où, du fait de la faute des notaires, il ne serait désormais plus en mesure d'obtenir le paiement des sommes concernées par leur véritable débiteur ; or, d'une part, il n'explicite pas dans quelle mesure il serait désormais dépourvu de tout recours, d'autre part, et en tout état de cause, il ne saurait imputer aux seuls notaires les conséquences de sa propre carence ayant consisté à ne rechercher l'indemnisation de ses dépenses qu'à l'égard d'une personne qui n'y était pas tenue ; le jugement querellé, qui a retenu la garantie des notaires en se bornant à caractériser l'existence d'une faute, sans aucunement caractériser le préjudice, sera donc infirmé, la demandes de garantie du GAEC du Grand Meix étant rejetée ;

1°) ALORS QUE le notaire, qui ne s'assure pas de la validité et de l'efficacité de l'acte qu'il rédige, commet une faute et doit réparer le préjudice qui en résulte pour les parties à l'acte ; qu'en l'espèce, en refusant de condamner les études notariales à garantir le GAEC du Grand Meix, condamner à rembourser les sommes indûment versées par l'EARL de la Courtavaux, après avoir pourtant caractérisé la faute des études notariales, co-rédactrices de l'acte de cession d'exploitation agricole du 20 juillet 2007, au motif que les sommes au paiement desquelles le GAEC du Grand Meix a été condamné ne constituent pas pour celui-ci un préjudice indemnisable, puisque, s'agissant de la répétition d'un indu, elles correspondent à la restitution de montants au bénéfice desquels le GAEC ne pouvait pas prétendre, bien que la faute des notaires lui avait fait perdre une chance d'être indemnisé des dépenses effectuées pour le fonds, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil, ensemble les articles L.411-69 et L.411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) ALORS QUE le notaire, qui ne s'assure pas de la validité et de l'efficacité de l'acte qu'il rédige, méconnaît son obligation de conseil et commet une faute qu'il doit réparer lorsqu'elle a causé un préjudice à l'une des parties à l'acte ; qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel, alors même que la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice ; qu'en l'espèce, en refusant de condamner les études notariales à garantir le GAEC du Grand Meix, de sa propre condamnation à rembourser les sommes indûment versées par l'EARL de la Courtavaux, au motif inopérant qu'il n'explicite pas dans quelle mesure il serait désormais dépourvu de tout recours pour obtenir l'indemnisation auprès du bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil, ensemble les articles L.411-69 et L.411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

3°) ALORS QUE le notaire, qui ne s'assure pas de la validité et de l'efficacité de l'acte qu'il rédige, méconnaît son obligation de conseil et commet une faute qu'il doit réparer lorsqu'elle a causé un préjudice à l'une des parties à l'acte ; qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel, alors même que la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice ; qu'en l'espèce, en refusant de condamner les études notariales à garantir le GAEC du Grand Meix, de sa propre condamnation à rembourser les sommes indûment versées par l'EARL de la Courtavaux, au motif inopérant qu'il ne saurait imputer aux seuls notaires les conséquences de sa propre carence ayant consisté à ne rechercher l'indemnisation de ses dépenses qu'à l'égard d'une personne qui n'y était pas tenue, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil, ensemble les articles L.411-69 et L.411-74 du code rural et de la pêche maritime.
Moyens produits au pourvoi n° F 18-26.113 par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Courtavaux et M. C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré les demandes de l'Earl de la Courtavaux et de M. C... irrecevables en tant qu'elles sont formées à l'encontre de Mme I... S..., épouse T..., de M. H... T... et de M. U... T... ;

AUX MOTIFS QUE

« S'agissant de MM H... et U... T..., leurs qualités de gérants et associés du GAEC du Grand Meix ne suffisent pas à les rendre solidairement débiteurs des dettes de la personne morale, dès lors qu'ils sont intervenus à l'acte de vente non pas à titre personnel, mais en qualités de représentants légaux du GAEC, et qu'en application de l'article 1858 du code civil les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

L'EARL de la Courtavaux et M. C... font valoir à cet égard, en se fondant sur un extrait Kbis du 9 mars 2017, que l'obligation à paiement de MM H... et U... T... résulte du fait que le GAEC du Grand Meix n'a plus d'existence légale comme ayant été créé le 26 mars 1974 pour une durée expirant le 30 décembre 2005, laquelle n'avait pas donné lieu à prolongation. Ils en concluent que la société étant dissoute, il appartient aux associés de désintéresser personnellement ses créanciers.

Il doit être relevé que cette argumentation est contradictoire avec le fait pour l'EARL et M. C... d'avoir assigné en paiement non seulement les consorts T..., mais aussi le GAEC du Grand Meix, dont elle continue à solliciter la condamnation. Au demeurant, à suivre cette argumentation, la vente litigieuse n'aurait elle-même pas pu intervenir, puisqu'elle est datée du 20 juillet 2007, soit plus d'un an et demi après l'expiration de la durée de vie du GAEC.

Il doit en être conclu que la durée de la société a manifestement été prolongée, fut-ce de manière implicite.

Au demeurant, et en tout état de cause, la fin de vie d'une personne morale implique nécessairement une phase de liquidation, pour les besoins de laquelle la personnalité morale de l'entité subsiste.
Il en résulte que la personne morale pouvant être actionnée, les demandes sont en l'état irrecevables à l'encontre de MM H... et U... T.... La décision entreprise sera infirmée en ce sens.

Ces irrecevabilités rendent sans objet l'argumentation de l'EARL de la Courtavaux et de M. C... consistant à soutenir que la décision déférée serait entachée d'une erreur matérielle en ce qu'elle aurait dû condamner in solidum le GAEC du Grand Meix et les consorts T... à son profit » (arrêt, p. 8, al. 6 à 12) ;

1°) ALORS QU'en l'absence de toute prorogation expresse, décidée dans les formes légales ou statutaires, un groupement agricole d'exploitation en commun est dissous de plein droit par la survenance du terme ; qu'en l'espèce, il était constant que le terme du Gaec avait été fixé au 30 décembre 2005 et qu'aucune décision expresse de prorogation n'avait été prise par les associés ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de l'Earl de la Courtavaux et de M. C... à l'encontre des associés du Gaec du Grand Meix, que le Gaec n'avait pas été dissous de plein droit par l'arrivée du terme, une vente des biens du Gaec étant intervenue entre les parties le 20 juillet 2007, soit plus d'un an après l'expiration de la durée de vie du Gaec de sorte que sa durée aurait manifestement été prolongée, fût-ce de manière implicite, sans constater qu'une décision expresse de prorogation avait été prise dans les formes légales ou statutaires, la cour d'appel a violé les articles 1844-6 et 1844-7 du code civil ;

2°) ALORS QUE la dissolution d'une société entraîne sa liquidation ; que lorsque les associés d'une société civile l'ont laissée se dissoudre par l'arrivée du terme et ne se sont pas préoccupés de procéder à sa liquidation en bonne et due forme, il leur incombe, afin de pouvoir opposer aux créanciers sociaux la subsidiarité de leurs engagements, de prouver la solvabilité de la société ; qu'en l'espèce, l'Earl de la Courtavaux et M. C... faisaient valoir que MM. U... et H... T..., pour s'opposer à leur condamnation, devraient démontrer que le Gaec détenait encore des fonds pour les désintéresser ; qu'en se bornant à retenir, pour statuer comme elle l'a fait, que la fin de vie d'une personne morale implique nécessairement une phase de liquidation pour les besoins de laquelle la personnalité morale de l'entité subsiste, quand il appartenait aux associés du Gaec de démontrer qu'ils n'avaient pas liquidé la société et qu'elle était encore solvable, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1844-8 du code civil ensemble l'article 1858 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré irrecevable la demande de garantie formée par l'Earl de la Courtavaux et M. C... à l'encontre de la SCP [...], de la SCP [...] et de la SCP [...] ;

AUX MOTIFS QUE

« 2° Sur la garantie sollicitée par l'EARL de la Courtavaux

L'EARL de Courtavaux sollicite la condamnation des SCP de notaires, in solidum avec le GAEC du Grand Meix, à lui payer les sommes mises à la charge de celui-ci, au motif qu'elles avaient commis des manquements ayant généré pour elle un préjudice indemnisable consistant dans le versement de sommes dont elle n'était pas redevable.

Les sociétés notariales soulèvent l'irrecevabilité de cette demande, au motif qu'elle est formée pour la première fois à hauteur d'appel, ce à quoi l'EARL réplique que sa prétention n'est pas nouvelle, pour avoir déjà été formulée en première instance.

Dans le dernier état des demandes formées devant le tribunal de grande instance, l'EARL de la Courtavaux a sollicité qu'il soit dit que les SCP de notaires "seront tenus de garantir les consorts T... et le GAEC du Grand Meix de toute condamnation pouvant intervenir à leur encontre, dans le cadre de la procédure engagée par M. A... J... C... et l'EARL de la Courtavaux".

Force est de constater que cette prétention tendait pour l'EARL de la Courtavaux à obtenir la garantie des notaires non pas à son profit, comme elle le réclame devant la cour, mais à celui du GAEC du Grand Meix et des consorts T..., demande qu'elle n'avait au demeurant pas qualité pour former, dès lors que nul ne plaide par procureur.

La demande formée à hauteur d'appel par l'EARL de la Courtavaux n'avait donc pas été soumise à la juridiction de première instance, et elle n'était pas virtuellement comprise dans les prétentions formées devant celle-ci.

Il s'agit donc d'une demande nouvelle qui est irrecevable par application de l'article 564 du code de procédure civile. » (arrêt, p. 11, in fine, à p. 12, al. 5).

ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent ; qu'en jugeant nouvelle, et partant irrecevable, la demande formée par l'Earl de la Courtavaux et M. C... en cause d'appel de voir condamner les sociétés notariales à réparer leur préjudice du fait du manquement au devoir de conseil du notaire, quand elle tendait aux mêmes fins que celle présentée en première instance de voir ces sociétés condamnées, pour manquement à leur devoir de conseil, à garantir les consorts T... et le Gaec du Grand Meix de toute condamnation pouvant intervenir à leur encontre au profit de l'Earl de la Courtavaux et de M. C..., ces deux demandes tendant à voir la responsabilité des sociétés notariales engagée pour manquement au devoir de conseil afin que l'Earl de la Courtavaux et M. C... obtiennent réparation de leur préjudice, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-26044;18-26113
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 16 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 sep. 2020, pourvoi n°18-26044;18-26113


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26044
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