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30/09/2020 | FRANCE | N°18-18239;18-18358

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 septembre 2020, 18-18239 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 487 F-D

Pourvois n°
X 18-18.239
B 18-18.358 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

I - M. N... J..

., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 18-18.239 contre un arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), da...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 487 F-D

Pourvois n°
X 18-18.239
B 18-18.358 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

I - M. N... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 18-18.239 contre un arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. M... T... I... V... , domicilié [...] ,

2°/ à la société Outsourcin finance - Osif, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Afer, société anonyme, dont le siège est [...] ,

4°/ à M. A... K..., domicilié [...] ,

5°/ à M. U... L..., domicilié [...] ,

6°/ à Mme F... R..., domiciliée [...] ,

7°/ à Mme P... Q..., domiciliée [...] ,

8°/ à M. S... D..., domicilié [...] ,

9°/ à M. S... C..., domicilié [...] ,

10°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

II - M. A... K..., a formé le pourvoi n° B 18-18.358 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. M... T... I... V... ,

2°/ à la société Outsourcin finance, société à responsabilité limitée,

3°/ à la société Afer, société par actions simplifiée,

4°/ à M. U... L...,

5°/ à M. N... J...,

6°/ à Mme F... R...,

7°/ à Mme P... Q...,

8°/ à M. S... D...,

9°/ à M. S... C...,

défendeurs à la cassation.

MM. L..., D..., C... et Mmes R... et Q... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi n° X 18-18.239 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs aux pourvois principal et incident n° B 18-18.358 invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. J..., de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. T... I... V... et des sociétés Outsourcin finance-Osif et Afer, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de MM. K..., L..., D..., C... et de Mmes R... et Q..., et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. Il y a lieu de joindre les pourvois n° X 18-18.239 et B 18-18.358, qui attaquent le même arrêt.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 2018), MM. K..., L..., D..., C... et J..., ainsi que Mmes R... et Q... (les cédants), ont, par deux actes des 10 novembre et 7 décembre 2011, cédé à la société d'expertise comptable Outsourcin finance - Osif (la société Osif), ayant pour gérant et principal associé M. T... I... V... , l'intégralité des deux mille cinq cents actions qui composaient le capital de la société anonyme Afer, exerçant l'activité d'expertise comptable.

3. Estimant avoir été victimes d'une erreur sur les qualités substantielles des biens cédés, les sociétés Osif et Afer et M. T... I... V... ont assigné les cédants en annulation des actes de cession.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° X 18-18.239

Enoncé du moyen

4. M. J... fait grief à l'arrêt de le condamner solidairement avec MM. K..., L..., D... et C... et Mmes R... et Q... à payer à M. T... I... V... , à la société Osif et à la société Afer la somme totale de 1 515 100 euros alors « que le registre d'audience porte, pour chaque audience, le nom des juges ; qu'il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer ; qu'en l'espèce, si l'arrêt énonce que l'affaire a été débattue devant la cour composée de M. B..., de Mme G... et de Mme E..., qui en ont délibéré, cette mention est entachée de faux, seul M. B... ayant assisté aux débats comme cela ressort du registre d'audience, sans qu'il soit mentionné et prouvé, ni par le registre d'audience, ni par l'arrêt, qu'il a été fait application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile ; que l'arrêt attaqué a dès lors été rendu en violation des articles 447, 458 et 786 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La mention figurant sur le registre d'audience, selon laquelle la cour d'appel a entendu « M. B... en son rapport » ne tend qu'à démontrer qu'un rapport a été fait par ce magistrat à l'audience, circonstance mentionnée par l'arrêt qui indique qu'« un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile » et ne suffit pas à rendre vraisemblable le fait, allégué, que le président aurait siégé seul à l'audience au cours de laquelle l'affaire a été débattue.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° X 18-18.239 et sur les moyens uniques, pris en leur deuxième branche, des pourvois principal et incident n° B 18-18.358, rédigés en termes similaires, réunis

7. Les cédants font grief à l'arrêt d'annuler les actes de cession et de les condamner à payer à M. T... I... V... , à la société Osif et à la société Afer la somme totale de 1 515 100 euros alors « que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ; qu'en affirmant que la situation irrégulière de la société Afer au regard de sa capacité à exercer l'activité d'expertise comptable avait trait à la qualité substantielle de la chose cédée, sans rechercher si, comme cela était soutenu, la société Afer n'avait pas toujours exercé son activité sans être inquiétée avant la cession et si la cession n'avait pas eu pour effet de régulariser la situation de la société, de sorte que l'irrégularité dénoncée n'avait aucunement empêché la société de poursuivre l'activité économique constituant son objet social, ce qui excluait la qualification d'erreur sur la substance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
8. Pour décider que le consentement de la société Osif a été vicié par une erreur sur les qualités substantielles de la chose, annuler les actes de cession et condamner, en conséquence, les cédants à lui restituer le montant du prix de vente, l'arrêt retient qu'il résulte des éléments du dossier que la société Afer ne respectait les dispositions régissant l'exercice, par des personnes morales, de l'activité d'expertise comptable ni sur la répartition de son capital, ni sur la qualité de son dirigeant, M. K..., associé majoritaire, lequel n'était pas expert-comptable, et en déduit que cette société ne pouvait, dans ces conditions, exercer l'activité d'expertise comptable.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Afer n'avait pas toujours exercé son activité sans être inquiétée avant la cession et si la cession n'avait pas eu pour effet de régulariser la situation de la société, de sorte que l'irrégularité dénoncée n'avait pas empêché la société cédée de poursuivre l'activité économique constituant son objet social, excluant ainsi la qualification d'erreur sur la substance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. T... I... V... , la société Outsourcin finance - Osif et la société Afer aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. T... I... V... , la société Outsourcin finance - Osif et la société Afer et les condamne à payer à M. J..., la somme globale de 3 000 euros, à M. K..., la somme globale de 3 000 euros et à M. L..., M. D..., M. C..., Mme R... et Mme Q... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° X 18-18.239 par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR condamné solidairement M. A... K..., M. U... L..., M. N... J..., M. S... D..., M. S... H... C..., Mme F... R... et Mme P... Q... à payer à M. T... I... V... , à la société Osif et à la société Afer la somme totale de 1 515 100 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'arrêt et d'AVOIR condamné in solidum M. A... K..., M. U... L..., M. N... J..., M. S... D..., M. S... H... C..., Mme F... R... et Mme P... Q... à payer à M. T... I... V... , à la société Osif et à la société Afer à chacun la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX ENONCIATIONS QUE l'affaire a été débattue le 26 octobre 2016, en audience publique, devant la cour composée de : M. François B..., Président de chambre, Mme Michèle G..., Présidente, Mme Christine E..., Conseillère, qui en ont délibéré,

ALORS QUE le registre d'audience porte, pour chaque audience, le nom des juges ; qu'il appartient aux juges devant laquelle l'affaire a été débattue d'en délibérer ; qu'en l'espèce, si l'arrêt énonce que l'affaire a été débattue devant la cour composée de M. B..., de Mme G... et de Mme E..., qui en ont délibéré, cette mention est entachée de faux, seul M. B... ayant assisté aux débats comme cela ressort du registre d'audience, sans qu'il soit mentionné et prouvé, ni par le registre d'audience, ni par l'arrêt, qu'il a été fait application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile ; que l'arrêt attaqué a dès lors été rendu en violation des articles 447, 458 et 786 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris, d'AVOIR condamné solidairement M. A... K..., M. U... L..., M. N... J..., M. S... D..., M. S... H... C..., Mme F... R... et Mme P... Q... à payer à M. T... I... V... , à la société Osif et à la société Afer la somme totale de 1 515 100 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'arrêt et d'AVOIR condamné in solidum M. A... K..., M. U... L..., M. N... J..., M. S... D..., M. S... H... C..., Mme F... R... et Mme P... Q... à payer à M. T... I... V... , à la société Osif et à la société Afer à chacun la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE les appelants fondent leur demande de nullité de la cession des actions de la société Afer notamment sur le vice du consentement ; que l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ; que l'acte de cession comporte, en préambule, la mention : « Les cédants déclarent et garantissent que la société anonyme dont les actions font l'objet de la présente cession présente les caractéristiques suivantes : la société anonyme 'Afer' (Audit Finance Expertise Révision) a été régulièrement constituée, conformément à la réglementation en vigueur. Les actifs qu'elle détient ont été régulièrement apportés, créés ou achetés. Elle exerce ses activités conformément à la loi soit l'activité d'expertise comptable et conseils aux entreprises et est régulièrement immatriculée au RCS de Bobigny sous le n°352 463 665. Les statuts complets et à jour à la date de signature des présentes sont également annexés. La société exploite des activités, conformes à son objet social » ; que les cédants ont, par cette mention, affirmé que la société Afer exerçait régulièrement l'activité d'expertise comptable ; que l'article 7 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, dans sa rédaction issue de l'article 22 de la loi n° 2010- 853 du 23 juillet 2010 applicable aux faits de l'espèce, dispose : « I - Les experts - comptables sont admis à constituer, pour exercer leur profession, des entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Elles doivent être inscrites au tableau de l'ordre et satisfaire aux conditions suivantes : 1° les experts-comptables doivent, directement ou indirectement par une société inscrite à l'ordre, détenir plus de la moitié du capital et plus des deux tiers des droits de vote ; 2° aucune personne ou groupement d'intérêts, extérieur à l'ordre, ne doit détenir, directement ou par personne interposée, une partie du capital ou des droits de vote de nature à mettre en péril l'exercice de la profession, l'indépendance des associés experts-comptables ou le respect par ces derniers des règles inhérentes à leur statut et à leur déontologie ; 3° (
) ; 4° les gérants, le président du conseil d'administration ou les membres du directoire doivent être des experts-comptables, membres de la société » ; qu'il s'en déduit que, pour qu'une société d'expertise comptable puisse régulièrement exercer son activité : - plus de la moitié du capital d'une société commerciale d'expertise comptable et plus des deux tiers des droits de vote doivent être détenus par des experts comptables, - les dirigeants doivent être des experts-comptables, membres de la société ; qu'il est constant qu'en 2009, 2010 et 2011, Monsieur K..., dont il n'est pas contesté qu'il n'a, à aucun moment, eu la qualité d'expert-comptable, détenait : - pour les années 2009 et 2010, 1950 actions de la société Afer, représentant 78 % du capital social (pièce Osif n°23), - en 2011, 2174 actions, soit 87 % du capital social, aux termes de l'acte de cession d'actions conclu le 7 décembre 2011 entre, d'une part, Messieurs U... L..., N... J... et A... K..., cédants et, d'autre part, la société Osif, cessionnaire (pièce Osif n°6-1) ; qu'il résulte, par ailleurs, des pièces versées aux débats que Monsieur K..., directeur administratif et financier de la société Afer, signait les lettres de mission (pièce n°105) - lettre que seul un expert-comptable ou un détenteur de la signature sociale peut signer dès lors qu'elle formalise la relation contractuelle entre le professionnel de l'expertise comptable et son client - gérait les relations avec les clients (pièce n°80 à 82), signait les lettres notifiant les augmentations de salaires (pièce n°32) ; qu'il s'en déduit que s'est immiscé dans les fonctions déterminantes pour la direction générale de l'entreprise, impliquant une participation continue à cette direction et un contrôle effectif et constant de la marche de la société en cause, tâches excédant celles qui lui incombaient au titre de la seule direction administrative et financière d'Afer ; que Monsieur K... doit, dans ces conditions, être regardé comme exerçant les pouvoirs d'un dirigeant de fait de la société Afer ; qu'il résulte de ces éléments que la société Afer ne respectait les dispositions régissant l'exercice, par des personnes morales, de l'expertise comptable ni sur la répartition de son capital, ni sur la qualité de son dirigeant ; que la société Afer ne pouvait, dans ces conditions, exercer l'activité d'expertise comptable ; qu'il n'est, par ailleurs, pas soutenu qu'une quelconque initiative aurait été prise à l'endroit de l'ordre des experts comptables de Paris Ile de France pour procéder à la régularisation de la situation ; que la dissimulation, par les cédants, de la situation irrégulière de la société Afer au regard de sa capacité à exercer l'activité de l'expertise comptable - élément ayant trait à la qualité substantielle de la chose cédé - a provoqué une erreur déterminante du consentement à l'acquisition des actions représentant le capital de cette société ; que cet élément justifie l'annulation des actes de cession des actions de la société Afer ; que la cour, infirmant le jugement entrepris, prononcera cette nullité ; que, par suite de cette annulation, les appelants sont fondés à solliciter la condamnation des intimés solidairement à rembourser aux appelants le prix de vente des actions de la société Afer, soit la somme totale de 1 515 100 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du présent arrêt ; que les appelants seront déboutés de leur demande de condamnation à astreinte, le préjudice causé par le retard apporté à l'exécution d'une condamnation étant réparé, conformément à l'article 1153 ancien du code civil, par l'application des intérêts moratoires,

1- ALORS QUE l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ; qu'en affirmant que la situation irrégulière de la société Afer au regard de sa capacité à exercer l'activité d'expertise comptable avait trait à la qualité substantielle de la chose cédée, sans rechercher si, comme cela était soutenu, la société Afer n'avait pas toujours exercé son activité sans être inquiétée avant la cession et si la cession n'avait pas eu pour effet de régulariser la situation de la société, de sorte que l'irrégularité dénoncée n'avait aucunement empêché la société de poursuivre l'activité économique constituant son objet social, ce qui excluait la qualification d'erreur sur la substance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

2- ALORS QUE l'erreur, simple ou provoquée, suppose que son auteur se soit inexactement représenté la réalité ; qu'en stigmatisant la prétendue dissimulation, par les cédants, de la situation irrégulière de la société Afer au regard de sa capacité à exercer l'activité d'expertise comptable, sans rechercher si, comme cela était soutenu, le cessionnaire n'avait pas eu une parfaite connaissance de la répartition du capital social antérieurement à la cession, majoritairement détenu par M. K..., du rôle joué par M. K... dans l'administration de la société, et du fait que M. K... n'avait pas la qualité d'expert-comptable, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé, autrement que par simple affirmation non étayée, que le cessionnaire ignorait l'irrégularité dénoncée au jour de la cession, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

3- ALORS, en tout état de cause, QUE le juge qui infirme un jugement doit réfuter les motifs de ce jugement dont il est demandé confirmation ; qu'en l'espèce, le jugement, dont la confirmation était demandée, avait souligné le caractère inexcusable de l'erreur invoquée, le cessionnaire ayant lui-même la qualité d'expert-comptable et ayant eu toute latitude pour vérifier que la législation était respectée et pour vérifier, en particulier, la qualité de M. K... ; qu'en annulant la cession sur le fondement de l'erreur sans réfuter ces motifs du jugement ayant relevé le caractère inexcusable de l'erreur invoquée par le cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

4- ALORS, à tout le moins, QU'en cas d'annulation d'un contrat, le juge doit ordonner les restitutions réciproques, permettant de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient au jour du contrat annulé ; qu'en se bornant à condamner les cédants à restituer le prix de cession, sans condamner parallèlement le cessionnaire à restituer soit les parts sociales de la société cédée, si cette société était dans une situation comparable à celle qui était la sienne le jour de la cession, ce qui était contesté, soit la valeur de ces parts au jour de l'acte annulé, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement M. A... K..., M. U... L..., M. N... J..., M. S... D..., M. S... H... C..., Mme F... R... et Mme P... Q... à payer à M. T... I... V... , à la société Osif et à la société Afer la somme totale de 1 515 100 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'arrêt et d'AVOIR condamné in solidum M. A... K..., M. U... L..., M. N... J..., M. S... D..., M. S... H... C..., Mme F... R... et Mme P... Q... à payer à M. T... I... V... , à la société Osif et à la société Afer à chacun la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE par suite de cette annulation, les appelants sont fondés à solliciter la condamnation des intimés solidairement à rembourser aux appelants le prix de vente des actions de la société Afer, soit la somme totale de 1 515 100 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du présent arrêt,

1- ALORS QUE la solidarité ne se présume pas et ne peut résulter que de la loi, d'une stipulation expresse ou d'une présomption applicable en matière commerciale ; qu'en condamnant M. J..., qui n'avait perçu que la somme de 32 000 € correspondant au prix de cession de ses 50 actions, à restituer solidairement avec les autres cédants la somme de 1 515 100 €, correspondant au prix de cession de la totalité des actions de la société, sans constater qu'une telle solidarité résultait de l'existence d'une obligation légale, d'une stipulation contractuelle ou d'une présomption applicable en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1202 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

2- ALORS, en tout état de cause, QUE la solidarité ne peut avoir lieu que lorsque les débiteurs sont tenus de la même dette ; qu'en condamnant M. J..., qui n'avait perçu que la somme de 32 000 € correspondant au prix de cession de ses 50 actions, à restituer solidairement avec les autres cédants la somme de 1 515 100 €, correspondant au prix de cession de la totalité des actions de la société, sans caractériser que tous les cédants étaient tenus de la même dette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1202 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen identique produit au pourvoi principal n° B 18-18.358 par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils pour M. K..., et au pourvoi incident pour MM. L..., D..., C... et Mmes R... et Q...

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité des actes de cession d'actions de la société AFER en date des 10 novembre et 7 décembre 2011, et d'avoir condamné solidairement Messieurs K..., L..., J..., D... et C..., et Mesdames R... épouse K... et Q... à payer à Monsieur T... I... V..., à la société OUTSOURCIN FINANCE et à la société AFER la somme totale de 1.515.100 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'arrêt ;

Aux motifs que « les appelants fondent leur demande de nullité de la cession des actions de la société AFER notamment sur le vice du consentement ;

Considérant que l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ;

Considérant que l'acte de cession comporte, en préambule, la mention : « Les cédants déclarent et garantissent que la société anonyme dont les actions font l'objet de la présente cession présente les caractéristiques suivantes : la société anonyme "AFER" (Audit Finance Expertise Révision) a été régulièrement constituée, conformément à la réglementation en vigueur. Les actifs qu'elle détient ont été régulièrement apportés, créés ou achetés. Elle exerce ses activités conformément à la loi soit l'activité d'expertise comptable et conseils aux entreprises et est régulièrement immatriculée au RCS de Bobigny sous le n°352 463 665. Les statuts complets et à jour à la date de signature des présentes sont également annexés. La société exploite des activités, conformes à son objet social. (..)" ; que les cédants ont, par cette mention, affirmé que la société AFER exerçait régulièrement l'activité d'expertise comptable ;

Considérant que l'article 7 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, dans sa rédaction issue de l'article 22 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 applicable aux faits de l'espèce, dispose : « I - Les experts - comptables sont admis à constituer, pour exercer leur profession, des entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Elles doivent être inscrites au tableau de l'ordre et satisfaire aux conditions suivantes :
1° les experts-comptables doivent, directement ou indirectement par une société inscrite à l'ordre, détenir plus de la moitié du capital et plus des deux tiers des droits de vote ;
2° aucune personne ou groupement d'intérêts, extérieur à l'ordre, ne doit détenir, directement ou par personne interposée, une partie du capital ou des droits de vote de nature à mettre en péril l'exercice de la profession, l'indépendance des associés experts-comptables ou le respect par ces derniers des règles inhérentes à leur statut et à leur déontologie ;
3° (...)
4° les gérants, le président du conseil d'administration ou les membres du directoire doivent être des experts-comptables, membres de la société." ;

Qu'il s'en déduit que, pour qu'une société d'expertise comptable puisse régulièrement exercer son activité :
- plus de la moitié du capital d'une société commerciale d'expertise - comptable et plus des deux tiers des droits de vote doivent être détenus par des experts - comptables ;
- les dirigeants doivent être des experts-comptables, membres de la société ;

Considérant qu'il est constant qu'en 2009, 2010 et 2011, Monsieur K..., dont il n'est pas contesté qu'il n'a, à aucun moment, eu la qualité d'expert comptable, détenait :
- pour les années 2009 et 2010, 1950 actions de la société AFER, représentant 78 % du capital social (pièce Osif n°23) ;
- en 2011, 2174 actions, soit 87 % du capital social, aux termes de l'acte de cession d'actions conclu le 7 décembre 2011 entre, d'une part, Messieurs U... L..., N... J... et A... K..., cédants et, d'autre part, la société Osif, cessionnaire (pièce Osif n°6-1) ;

Qu'il résulte, par ailleurs, des pièces versées aux débats que Monsieur K..., directeur administratif et financier de la société AFER, signait les lettres de mission (pièce n°105) - lettre que seul un expert-comptable ou un détenteur de la signature sociale peut signer dès lors qu'elle formalise la relation contractuelle entre le professionnel de l'expertise comptable et son client - gérait les relations avec les clients (pièce n°80 à 82), signait les lettres notifiant les augmentations de salaires (pièce n°32) ; qu'il s'en déduit que s'est immicé dans les fonctions déterminantes pour la direction générale de l'entreprise, impliquant une participation continue à cette direction et un contrôle effectif et constant de la marche de la société en cause, tâches excédant celles qui lui incombaient au titre de la seule direction administrative et financière d'AFER ; que Monsieur K... doit, dans ces conditions, être regardé comme exerçant les pouvoirs d'un dirigeant de fait de la société AFER ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société AFER ne respectait les dispositions régissant l'exercice, par des personnes morales, de l'expertise comptable ni sur la répartition de son capital, ni sur la qualité de son dirigeant ; que la société AFER ne pouvait, dans ces conditions, exercer l'activité d'expertise comptable ; qu'il n'est, par ailleurs, pas soutenu qu'une quelconque initiative aurait été prise à l'endroit de l'ordre des experts - comptables de Paris Ile de France pour procéder à la régularisation de la situation ;

Considérant que la dissimulation, par les cédants, de la situation irrégulière de la société AFER au regard de sa capacité à exercer l'activité de l'expertise comptable élément ayant trait à la qualité substentielle de la chose cédé - a provoqué une erreur déterminante du consentement à l'acquisition des actions représentant le capital de cette société ; que cet élément justifie l'annulation des actes de cession des actions de la société AFER ; que la cour, infirmant le jugement entrepris, prononcera cette nullité ;

Considérant que, par suite de cette annulation, les appelants sont fondés à solliciter la condamnation des intimés solidairement à rembourser aux appelants le prix de vente des actions de la société AFER, soit la somme totale de 1.515.100 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du présent arrêt ; que les appelants sera déboutés de leur demande de condamnation à astreinte, le préjudice causé par le retard apporté à l'exécution d'une condamnation étant réparé, conformément à l'article 1153 ancien du code civil, par l'application des intérêts moratoires ;

Alors que, d'une part, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet, et qu'elle a été déterminante du consentement de la partie qui invoque la nullité ; qu'en relevant que Monsieur K..., associé majoritaire de la société AFER, n'avait pas la qualité d'expertcomptable, ce qui n'avait pas trait aux qualités substantielles des parts sociales cédées, pour juger que le consentement des acquéreurs avait été vicié, la cour d'appel a violé l'article 1110 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce ;

Alors que, d'autre part, en relevant que Monsieur K... n'avait pas la qualité d'expert-comptable, pour prononcer la nullité de la cession litigieuse, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société cédée pouvait réaliser l'activité d'expert-comptable constituant son objet social, de sorte que l'erreur sur la qualité de Monsieur K... n'avait pu être déterminante du consentement des cessionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce ;

Alors que, de troisième part, qu'une erreur sur les qualités substantielles ne peut être commise qu'en l'absence d'information parfaite sur ces qualités ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les cessionnaires avaient eu connaissance de tous les documents juridiques, sociaux et fiscaux leur permettant d'être parfaitement renseignés sur la situation exacte de chacun des actionnaires et leurs qualités respectives, pour annuler la cession des parts sociales de la société AFER, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-18239;18-18358
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 sep. 2020, pourvoi n°18-18239;18-18358


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.18239
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