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30/09/2020 | FRANCE | N°17-18915

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 septembre 2020, 17-18915


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 492 F-D

Pourvoi n° M 17-18.915

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société Brasserie de Tahiti, société ano

nyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 17-18.915 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2017 par la cour d'appel de Papeete (chambre civ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 492 F-D

Pourvoi n° M 17-18.915

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

La société Brasserie de Tahiti, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 17-18.915 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2017 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Polynésie française, domicilié [...] ,

2°/ à la direction régionale des douanes et des droits indirects de la Polynésie française, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Brasserie de Tahiti, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes et des droits indirects de la Polynésie française, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la Polynésie française, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 16 mars 2017), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 mai 2015, pourvoi n° 13-13.737), l'administration des douanes, ayant constaté, à la suite d'un contrôle a posteriori, que la société Brasserie de Tahiti avait omis de déclarer les quantités de bière vendues à des transporteurs maritimes et aériens au régime des droits et taxes intérieurs institués par la Polynésie française, dus à raison de la mise à la consommation de produits locaux, a dressé, le 11 janvier 2008, un procès-verbal de constat et de notification d'infractions qu'elle a notifié à la société Brasserie de Tahiti par une lettre du 22 avril 2008, à laquelle était joint un état liquidatif des droits réclamés.

2. La société Brasserie de Tahiti a assigné l'administration des douanes en annulation de ce procès-verbal et de la liquidation des droits réclamés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Brasserie de Tahiti fait grief à l'arrêt de rejeter ces demandes et de la condamner à s'acquitter, auprès de la direction régionale des douanes et des droits indirects de Polynésie française, de la somme de 70 337 143 francs CFP au titre de la liquidation du 22 avril 2008 alors :

« 1°/ que l'administration des douanes ne peut procéder à la liquidation de droits et taxes sur la base d'un procès-verbal de constat d'infraction et réclamer paiement de ces droits et taxes sans avoir préalablement notifié ledit procès-verbal à la personne intéressée, en l'invitant à présenter des observations ; que l'irrégularité résultant de l'absence de notification avant mise en recouvrement des droits entraîne la nullité de la procédure, sans que l'intéressé ait à démontrer que l'irrégularité lui a causé un grief ; qu'en l'espèce, le procès-verbal du 11 janvier 2008 n'a été notifié à la société Brasserie de Tahiti que le 22 avril 2008 ; qu'en jugeant que la liquidation des droits dus en conséquence de ce procès-verbal était régulière, aux motifs que la société n'aurait pas établi le grief que lui cause l'irrégularité invoquée, cependant que la démonstration d'un grief n'était pas nécessaire, la cour d'appel a méconnu le principe des droits de la défense ;

2°/ qu'en jugeant que la liquidation des droits dus en conséquence du procès-verbal du 11 janvier 2008 était régulière, sans rechercher si la société Brasserie de Tahiti avait été mise en mesure de présenter des observations sur les droits correspondant au procès-verbal du 11 janvier 2008 avant que le paiement ne lui en soit réclamé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe des droits de la défense. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir, par motifs propres, constaté que la société Brasserie de Tahiti avait été invitée à assister à l'établissement du procès-verbal de constat et de notification d'infractions dans un délai suffisant pour lui permettre d'exercer utilement ses droits et, par motifs adoptés, relevé qu'elle ne se fondait sur la violation d'aucune disposition légale pour soutenir la nullité de la procédure de liquidation des droits, c'est sans méconnaître le principe des droits de la défense que la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher, en l'absence de toute mise en recouvrement des droits, si le redevable s'était vu notifier le procès-verbal d'infraction avant que l'administration des douanes lui en réclame le paiement, a retenu que la procédure de liquidation des droits était régulière.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société Brasserie de Tahiti fait grief à l'arrêt de la condamner à s'acquitter, auprès de la direction régionale des douanes et des droits indirects de Polynésie française, de la somme de 70 337 143 francs CFP au titre de la liquidation du 22 avril 2008 alors :

« 1°/ que le droit intérieur de consommation prévu par l'article 193 du code des douanes de la Polynésie française ne s'applique qu'aux boissons commercialisées localement ; qu'en jugeant que les produits destinés à l'avitaillement des navires et aéronefs ou à des magasins d'entrepôt privés devaient être assujettis au droit intérieur de consommation dans la mesure, d'une part, où ces modes de commercialisation ne pouvaient être assimilés à des exportations, d'autre part, où les exportations n'étaient pas exonérées, sans rechercher si les produits ayant donné lieu aux taxes en litige pouvaient être regardés comme ayant été commercialisés localement, cependant que seul ce critère devait être pris en compte, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ;

2°/ que le droit intérieur de consommation prévu par l'article 193 du code des douanes de la Polynésie française ne s'applique qu'aux boissons commercialisées localement ; qu'en jugeant que les produits destinés à l'avitaillement des navires et aéronefs ou à l'exportation étaient assujettis à ce droit, dans la mesure où la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 n'aurait pas instauré d'exonération pour les produits destinés à l'exportation, cependant qu'en prévoyant qu'entrent seuls dans l'assiette du droit intérieur de consommation les produits commercialisés localement, le texte a nécessairement prévu une exonération pour les produits exportés, la cour d'appel a violé les articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ;

3°/ que les produits vendus à l'avitaillement des aéronefs et navires doivent être considérés comme ayant été exportés pour l'application des dispositions des articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ;

4°/ qu'en se fondant, pour juger que les droits intérieurs de consommation en litige étaient dus, sur le fait que leur fait générateur et leur exigibilité seraient constitués par la commercialisation à la sortie de l'usine, quelle que soit la destination des produits, cependant que les droits n'étaient dus que pour les produits commercialisés localement, quel que soit le fait générateur de l'imposition, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ;

5°/ que la bière fabriquée localement et destinée à l'exportation est exonérée du droit spécifique spécial de consommation de bière prévu par la délibération n° 93-62 du 11 juin 1993 ; que l'avitaillement des aéronefs et des navires de croisière doit, pour l'application de ce texte, être assimilé à l'exportation, quand bien même, s'agissant des navires de croisière, ils se borneraient à naviguer dans les eaux territoriales de la Polynésie française ; qu'en jugeant que l'avitaillement des navires et aéronefs ou la vente de bière à des opérateurs de duty free ne pouvaient être assimilés à l'exportation et que la société Brasserie de Tahiti était redevable du droit spécifique spécial de consommation de bière à raison de la bière fournie aux aéronefs et navires de croisière ou de la bière vendue à des opérateurs de duty free, la cour d'appel a violé l'article 2 de la délibération n° 93-62 du 11 juin 1993 ;

6°/ que la bière fabriquée localement et destinée à l'exportation est exonérée de la taxe de développement du sport créée par l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 AT du 24 janvier 1992 ; que l'avitaillement des aéronefs et des navires de croisière doit, pour l'application de ce texte, être assimilé à l'exportation, alors même, s'agissant des navires de croisière, qu'ils se borneraient à naviguer dans les eaux territoriales de la Polynésie française ; qu'en jugeant que l'avitaillement des navires et aéronefs ou la vente de bière à des opérateurs de duty free ne pouvaient être assimilés à l'exportation pour en déduire que la société Brasserie de Tahiti était redevable de la taxe de développement du sport à raison de la bière fournie aux aéronefs et navires de croisière ou de la bière vendue à des opérateurs de duty free, la cour d'appel a violé l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 AT du 24 janvier 1992 ;

7°/ que l'exonération prévue par l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 AT du 24 janvier 1992 s'applique à toute bière exportée ou, par assimilation, utilisée pour l'avitaillement des aéronefs et des navires de croisière ou vendue à des opérateurs de duty free, peu important qu'elle ait été fabriquée en vue de l'exportation ; qu'en relevant, pour juger que la bière fournie aux compagnies de navigation ou aérienne ou aux opérateurs de duty free ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue en faveur de la bière exportée par l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié, que cette exonération ne s'applique qu'à la bière produite en vue de sa seule exportation et que la société Brasserie de Tahiti ne justifiait pas que les quantités de bière en cause avaient été produites en vue de leur seule exportation, cependant que seule devait être prise en compte la destination effective de la bière, la cour d'appel a violé l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 AT du 24 janvier 1992. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, après avoir rappelé qu'aux termes de l'article 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française, le fait générateur du droit intérieur de consommation prévu à l'article 193 du code des douanes de la Polynésie française est la commercialisation, à la sortie de l'usine, des produits fabriqués localement, puis énoncé, par motifs propres et adoptés, qu'aucune exonération à raison de la destination de ces produits n'a été instaurée, la cour d'appel a exactement déduit que les produits litigieux livrés à des navires de croisière, à des aéronefs ou à des magasins d'entrepôt privés étaient assujettis au droit intérieur de consommation.

8. En second lieu, après avoir rappelé, s'agissant du droit spécifique spécial de consommation sur la bière, que l'article 2 de la délibération n° 93-62 du 11 juin 1993 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française prévoit que la bière fabriquée localement et destinée à l'exportation n'entre pas dans l'assiette de ce droit, et que la même exonération est prévue par l'article 3 de la délibération n° 84-1035 du 6 décembre 1984 de cette assemblée, tel que modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 du 24 janvier 1992, s'agissant de la taxe pour le développement du sport, l'arrêt relève qu'il n'est pas justifié que les quantités de bière litigieuses aient été fabriquées en vue de leur exportation.

9. Il retient ensuite, par motifs propres et adoptés, que l'avitaillement des navires et aéronefs n'est pas une opération d'exportation, en ce qu'il s'effectue sur le territoire sans tenir compte de la destination de ces moyens de transport.

10. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement retenu que les quantités de bière vendues à des transporteurs maritimes et aériens n'entraient pas dans le champ de l'exonération prévue.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Brasserie de Tahiti aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la direction régionale des douanes et droits indirects de la Polynésie française et à la Polynésie française, chacun, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Brasserie de Tahiti

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société BRASSERIE DE TAHITI de sa demande d'annulation du procès-verbal du 11 janvier 2008 ainsi que de la liquidation des droits correspondants et de l'avoir, en conséquence, condamnée à s'acquitter auprès de la direction régionale des douanes et des droits indirects de Polynésie française de la somme de 70.337.143 F CFP au titre de la liquidation du 22 avril 2008 ;

AUX MOTIFS QUE, Sur la régularité de la procédure de liquidation des droits, au courrier du 22 avril 2008, par lequel l'administration des douanes a communiqué le procès-verbal de notification d'infraction du 11 janvier 2008 est annexé un état mentionnant le montant des droits et taxes DSSCB, CRU, TDS et TSAT de 70 725 302 FCP correspondant au montant arrêté au procès-verbal du 11 janvier 2008 ; que les droits et taxes éludés concernent des déclarations comprises entre le 28 décembre 2004 et le 5 septembre 2007 ; que la société Brasserie de Tahiti est donc mal fondée à soutenir que l'administration des douanes a émis un état liquidatif à des infractions non constatées par le procès-verbal du 11 janvier 2008, qui mentionne, année par année, des sommes identiques à celles de l'état liquidatif entre 2004 et 2007 ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE, concernant la nullité de la procédure de liquidation : la BRASSERIE DE TAHITI invoque la nullité de toute la procédure mise en place par le service des douanes, sans pour autant se fonder sur la violation des dispositions d'un quelconque texte légal ; qu'en outre, il lui appartient de prouver le grief que lui cause l'irrégularité invoquée ; qu'en l'espèce, le procès-verbal exposant le détail des infractions reprochées et des sommes sollicitées au titre de ces infractions a été notifié au président du conseil d'administration de la SA BRASSERIE DE TAHITI (
) ; qu'en tout état de cause, la demanderesse était parfaitement informée de l'existence de la procédure et de l'état liquidatif la concernant, puisqu'elle a assigné le service des douanes afin de faire annuler cette procédure, devant la présente juridiction ; que, dans ces conditions, il lui suffisait de se rapprocher du service des douanes pour obtenir le procès-verbal lequel expose le détail des infractions reprochées et des sommes sollicitées ;

1°) ALORS QUE l'administration des douanes ne peut procéder à la liquidation de droits et taxes sur la base d'un procès-verbal de constat d'infraction et réclamer paiement de ces droits et taxes sans avoir préalablement notifié ledit procès-verbal à la personne intéressée, en l'invitant à présenter des observations ; que l'irrégularité résultant de l'absence de notification avant mise en recouvrement des droits entraîne la nullité de la procédure, sans que l'intéressé ait à démontrer que l'irrégularité lui a causé un grief ; qu'en l'espèce, le procès-verbal du 11 janvier 2008 n'a été notifié à la société Brasserie de Tahiti que le 22 avril 2008 ; qu'en jugeant que la liquidation des droits dus en conséquence de ce procès-verbal était régulière, aux motifs que la société n'aurait pas établi le grief que lui cause l'irrégularité invoquée, cependant que la démonstration d'un grief n'était pas nécessaire, la cour d'appel a méconnu le principe des droits de la défense ;

2°) ALORS QU'en jugeant que la liquidation des droits dus en conséquence du procès-verbal du 11 janvier 2008 était régulière, sans rechercher si la société Brasserie de Tahiti avait été mise en mesure de présenter des observations sur les droits correspondant au procès-verbal du 11 janvier 2008 avant que le paiement ne lui en soit réclamé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe des droits de la défense.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société BRASSERIE DE TAHITI à s'acquitter auprès de la direction régionale des douanes et des droits indirects de Polynésie française de la somme de 70.337.143 F CFP au titre de la liquidation du 22 avril 2008 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la taxe de solidarité sur les alcools et tabacs (TSAT), cette taxe a été créée par la loi du pays n° 2005-13 du 12 avril 2006 ; qu'elle s'applique aux boissons et liquides répertoriés comme étant alcooliques dans le tarif des douanes, qui sont importés en Polynésie française ou fabriqués localement ; que, pour ces derniers, le fait générateur et l'exigibilité sont constitués par la commercialisation des produits à la sortie de l'entreprise de production ou de fabrication ; que le producteur ou le fabricant local est tenu de déclarer les produits imposables fabriqués et commercialisés au cours du mois précédent, au plus tard le cinq du mois suivant, par le dépôt d'une déclaration en douane ICRU établie par le système de dédouanement informatisé Sofix ; que toute mesure d'exonération de la taxe TSAT doit faire l'objet d'une disposition expresse de l'assemblée de la Polynésie française (art. 1er, 2, 5 et 6) (
) ; que le premier juge a exactement retenu que le fait générateur et l'exigibilité de cette taxe étaient constitués par la commercialisation des produits à la sortie de l'entreprise de production ou de fabrication, sans distinction selon la destination effective du produit ; que la commercialisation est en effet réalisée par la mise en vente d'un produit ou d'une marchandise ; que, qu'elle soit destinée à l'avitaillement de navires ou d'aéronefs, ou à l'expédition vers des marchés extérieurs, la production de bière de la BRASSERIE DE TAHITI entre dans ce cadre, dès lors qu'elle a été vendue d'une manière quelconque, y compris dans le cadre de contrats de fourniture ; que le premier juge a également exactement retenu que le législateur n'avait pas prévu que les produits soumis à la TSAT soient exonérés du paiement de celle-ci en cas d'exportation, comme c'est le cas pour d'autres taxes ; que, contrairement à ce que soutient la BRASSERIE DE TAHITI, les dispositions de l'article 161 du code des douanes de la Polynésie française ne constituent pas l'exonération expresse requise par l'article 6 de la loi du pays du 12 avril 2006 ; que l'exemption prévue pour l'avitaillement des navires (mais non des aéronefs) a en effet pour objet les droits et taxes de sortie ; que ceux-ci ne sont perçus que sur les marchandises exportées (CDPF, art. 191) ; que, par contre, la TSAT s'applique à tout produit fabriqué localement à titre lucratif (LP 2005-13, art. 3) ; que la question du changement de position de l'administration qu'invoque l'appelante sera examinée plus avant ; que, sur le droit spécifique spécial pour la consommation de bière (DSSCB), ce droit a été créé par l'article 2 de la délibération n° 93-62 AT du 11 juin 1993 ; qu'il a pour assiette la bière importée ou fabriquée localement ; qu'une exonération est prévue pour la production destinée à l'exportation (
) ; que, ainsi que l'a relevé le premier juge, l'exportation consiste en la sortie du territoire national de toute marchandise ou denrée ; que l'avitaillement des navires et des aéronefs n'est pas une exportation, car il s'effectue sur le territoire et sans égard à la destination de ces moyens de transport ; que la déclaration globale, comme exportations, des fournitures aux navires et aéronefs que pratiquait la BRASSERIE DE TAHITI ne permettait pas d'identifier les quantités affectées à ces différents moyens de transport ni leur destination réelle ; que les paquebots de croisière pouvaient ne pas quitter les eaux territoriales de la Polynésie française durant leur navigation ; que les produits vendus en duty free pouvaient être consommés sur place ; que, sur la taxe de développement du sport (TDS), cette taxe a été créée par l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 At du 24 janvier 1992 ; qu'elle a pour assiette les quantités de bière importée et de bière fabriquée localement pour la consommation dans le territoire, à l'exception des quantités de bière fabriquée localement destinée à l'exportation ; que, comme il a été dit, une livraison effectuée sur un navire de croisière ou à une compagnie aérienne ou à une boutique duty free n'équivaut pas à une exportation ; que, d'autre part, il résulte des dispositions claires précitées que l'exonération de la TDS ne s'applique qu'à la fabrication locale qui est destinée à l'exportation ; qu'en l'espèce, la BRASSERIE DE TAHITI déclarait sa production courant soit au titre du marché intérieur, soit au titre de l'exportation en fonction du client qu'elle fournissait, compagnie de navigation ou aérienne ou opérateur de duty free ; que l'appelante ne justifiant pas que les quantités de bière en cause aient été fabriquées en seule vue de leur exportation, ce moyen sera également rejeté ; que, sur le droit intérieur de consommation (CRU) : il est perçu sur les boissons fermentées, les boissons alcooliques, les alcools, les liqueurs, la parfumerie alcoolique et les tabacs qui sont fabriqués en Polynésie française (CDPF, art. 193) ; que l'article 8 de la délibération n° 2003-183 APF du 6 décembre 2003 dispose que le fait générateur de la mise à la consommation est la commercialisation des produits à la sortie de l'usine ; que le producteur ou le fabricant est tenu de déclarer auprès de l'administration des douanes et au plus tard le cinq de chaque mois les quantités de produits fabriqués et commercialisés localement au cours du mois précédent, par dépôt d'une déclaration en douane ICRU établie par le système Sofix au moyen du DAUP (
) ; que, pour les motifs exposés précédemment en ce qui concerne la taxe de solidarité sur les alcools et les tabacs, la cour retient, ainsi que l'a fait le premier juge, que les livraisons à des navires de croisière ou à des aéronefs ou à des magasins d'entrepôt privés sont bien assujetties au CRU, car le fait générateur de celui-ci est la mise à la consommation, définie comme étant la commercialisation, c'est-à-dire la mise en vente, des produits à la sortie de l'usine, et ce quelle que soit leur destination, marché intérieur ou exportation ; que les avitaillements ne donnent lieu qu'à exemption des droits et taxes de sortie, ce que n'est pas la CRU ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE, concernant le droit spécifique de consommation de bière et la taxe pour le développement du sport, aux termes de la délibération n° 93-62 du 11 juin 1993 et de la délibération n° 84-1035 du 6 décembre 1984, sont légalement exonérées de ces taxes : - la bière destinée à l'exportation ou la réexportation, concernant le droit spécifique spécial de consommation de bière ; - la bière fabriquée localement destinée à l'exportation concernant la taxe pour le développement du sport ; que l'exportation est l'action de vendre à l'étranger une partie de la production de biens ou de services d'un ensemble économique, pays ou région et qu'il s'agit d'un terme miroir de celui d'importation ; qu'ainsi, l'avitaillement des navires ou des aéronefs qui se définit comme les provisions, carburants et fournitures diverses destinées au fonctionnement des moyens de transport aériens et maritimes ainsi qu'à l'alimentation et au confort de leurs passagers et équipages, ne correspond pas à cette définition ; qu'en outre, certains produits que la BRASSERIE DE TAHITI souhaite voir exonérer au titre de l'exportation ont été livrés à des navires n'effectuant des croisières qu'au sein des eaux intérieures de la Polynésie française ; que toute dérogation à la règle générale doit être interprétée de manière stricte au nom du principe de sécurité juridique ; qu'ainsi, la livraison de bière destinée à l'avitaillement des aéronefs ou des navires n'entre pas dans le champ d'application de l'exonération prévue aux articles 2 de la délibération n° 93-62 du 11 juin 1993 et 3 de la délibération n° 84-1035 du 6 décembre 1984 ; que, contrairement aux textes régissant le droit spécifique spécial de consommation de bière et la taxe pour le développement du sport, la « loi du pays » numéro 2005-13 du 12 avril 2006 et la délibération numéro 2003-183 du 6 décembre 2003 n'ont pas instauré pour le droit intérieur de consommation et la taxe sur les alcools et le tabac, d'exonération concernant les produits destinés à l'exportation, alors même que ces textes ont prévu d'autres exonérations spécifiques concernant ces deux taxes ; qu'il convient d'en déduire que si le législateur n'a pas prévu expressément cette exonération comme il l'a fait pour le droit spécifique spécial de consommation de bière et la taxe pour le développement du sport, c'est qu'il n'entendait pas exonérer les produits destinés à l'exportation, du droit intérieur de consommation et de la taxe sur les alcools et le tabac ; qu'en outre, le fait générateur et l'exigibilité de ces taxes sont constitués par la commercialisation des produits à la sortie de l'entreprise de production ou de fabrication pour la taxe sur les alcools et le tabac et par la commercialisation à la sortie de l'usine pour le droit intérieur de consommation, sans distinction de la destination effective du produit, de sorte que ces taxes sont dues par toute personne qui exerce une activité de production de boisson alcoolique sur le territoire de la Polynésie française ; qu'en tout état de cause, il résulte de ce qui précède que l'avitaillement des aéronefs ou navires ne correspond pas à une opération d'exportation ; qu'il doit en être conclu que les douanes qui ont interprété strictement les textes légaux n'ont commis aucune erreur d'appréciation ;

1°) ALORS QUE le droit intérieur de consommation prévu par l'article 193 du code des douanes de la Polynésie française ne s'applique qu'aux boissons commercialisées localement ; qu'en jugeant que les produits destinés à l'avitaillement des navires et aéronefs ou à des magasins d'entrepôt privés devaient être assujettis au droit intérieur de consommation dans la mesure, d'une part, où ces modes de commercialisation ne pouvaient être assimilés à des exportations, d'autre part, où les exportations n'étaient pas exonérées, sans rechercher si les produits ayant donné lieu aux taxes en litige pouvaient être regardés comme ayant commercialisés localement, cependant que seul ce critère devait être pris en compte, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, le droit intérieur de consommation prévu par l'article 193 du code des douanes de la Polynésie française ne s'applique qu'aux boissons commercialisées localement ; qu'en jugeant que les produits destinés à l'avitaillement des navires et aéronefs ou à l'exportation étaient assujettis à ce droit, dans la mesure où la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 n'aurait pas instauré d'exonération pour les produits destinés à l'exportation, cependant qu'en prévoyant qu'entrent seuls dans l'assiette du droit intérieur de consommation les produits commercialisés localement, le texte a nécessairement prévu une exonération pour les produits exportés, la cour d'appel a violé les articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ;

3°) ALORS QUE les produits vendus à l'avitaillement des aéronefs et navires doivent être considérés comme ayant été exportés pour l'application des dispositions des articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ;

4°) ALORS QUE en se fondant, pour juger que les droits intérieurs de consommation en litige étaient dus, sur le fait que leur fait générateur et leur exigibilité seraient constitués par la commercialisation à la sortie de l'usine, quelle que soit la destination des produits, cependant que les droits n'étaient dus que pour les produits commercialisés localement, quel que soit le fait générateur de l'imposition, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 193 du code des douanes de la Polynésie française et 8 de la délibération n° 2003-183 du 6 décembre 2003 ;

5°) ALORS QUE la bière fabriquée localement et destinée à l'exportation est exonérée du droit spécifique spécial de consommation de bière prévu par la délibération n° 93-62 du 11 juin 1993 ; que l'avitaillement des aéronefs et des navires de croisière doit, pour l'application de ce texte, être assimilé à l'exportation, quand bien même, s'agissant des navires de croisière, ils se borneraient à naviguer dans les eaux territoriales de la Polynésie française ; qu'en jugeant que l'avitaillement des navires et aéronefs ou la vente de bière à des opérateurs de duty free ne pouvaient être assimilés à l'exportation et que la société BRASSERIE DE TAHITI était redevable du droit spécifique spécial de consommation de bière à raison de la bière fournie aux aéronefs et navires de croisière ou de la bière vendue à des opérateurs de duty free, la cour d'appel a violé l'article 2 de la délibération n° 93-62 du 11 juin 1993 ;

6°) ALORS QUE la bière fabriquée localement et destinée à l'exportation est exonérée de la taxe de développement du sport créée par l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 AT du 24 janvier 1992 ; que l'avitaillement des aéronefs et des navires de croisière doit, pour l'application de ce texte, être assimilé à l'exportation, alors même, s'agissant des navires de croisière, qu'ils se borneraient à naviguer dans les eaux territoriales de la Polynésie française ; qu'en jugeant que l'avitaillement des navires et aéronefs ou la vente de bière à des opérateurs de duty free ne pouvaient être assimilés à l'exportation pour en déduire que la société BRASSERIE DE TAHITI était redevable de la taxe de développement du sport à raison de la bière fournie aux aéronefs et navires de croisière ou de la bière vendue à des opérateurs de duty free, la cour d'appel a violé l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 AT du 24 janvier 1992 ;

7°) ALORS QUE l'exonération prévue par l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 AT du 24 janvier 1992 s'applique à toute bière exportée ou, par assimilation, utilisée pour l'avitaillement des aéronefs et des navires de croisière ou vendue à des opérateurs de duty free, peu important qu'elle ait été fabriquée en vue de l'exportation ; qu'en relevant, pour juger que la bière fournie aux compagnies de navigation ou aérienne ou aux opérateurs de duty free ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue en faveur de la bière exportée par l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié, que cette exonération ne s'applique qu'à la bière produite en vue de sa seule exportation et que la société BRASSERIE DE TAHITI ne justifiait pas que les quantités de bière en cause avaient été produites en vue de leur seule exportation, cependant que seule devait être prise en compte la destination effective de la bière, la cour d'appel a violé l'article 3 de la délibération n° 84-1035 AT du 6 décembre 1984 modifié par l'article 4 de la délibération n° 92-6 AT du 24 janvier 1992.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-18915
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 16 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 sep. 2020, pourvoi n°17-18915


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Colin-Stoclet, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.18915
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