LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 septembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 906 F-D
Pourvoi n° W 19-20.749
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
M. H... N..., domicilié chez M. P... I..., [...] , a formé le pourvoi n° W 19-20.749 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. N..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 24 mai 2019), M. N..., blessé par balle au visage par M. X..., a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une demande de réparation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. N... fait grief à l'arrêt de dire qu'il a commis une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage et de réduire à 30 % son droit à indemnisation, alors « que la faute de la victime ne peut réduire son droit à indemnisation en l'absence de lien de causalité direct et certain entre cette faute et le dommage qu'elle a subi par suite des violences volontaires exercées sur elle ; qu'en ayant considéré que l'éventuelle tentative d'effraction de véhicules venait limiter le droit à indemnisation de M. N..., cependant que M. X..., dont l'existence n'était pas menacée par M. N..., l'avait poursuivi sur cinquante mètres et avait tiré sur son visage à bout portant à travers la vitre d'un véhicule à bord duquel il avait pris place pour fuir son agresseur, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt retient qu'il ressort des pièces de la procédure pénale que dans la nuit du 20 au 21 mars 2012, vers 4 heures, M. X..., réveillé par les aboiements de son chien, a entendu des bruits, s'est levé et a pris une arme, pensant que quelqu'un tentait de voler des pièces du véhicule de son frère, garé devant son domicile, comme cela était survenu dans les jours précédents, qu'il a constaté la présence d'un homme à proximité de ses véhicules et s'est lancé à sa poursuite, que l'individu est monté dans un véhicule qu'il a tenté de faire démarrer, que M. X... s'en est approché et que, pensant voir le conducteur faire un geste menaçant, il lui a tiré dessus au travers de la vitre conducteur, le blessant au visage.
5. L'arrêt relève qu'il est établi que M. N... était en train de commettre un vol lorsqu'il a été victime de violences et que M. N..., coutumier du fait, eu égard aux pièces mécaniques et outils retrouvés dans l'habitacle de son véhicule, a commis une faute en se rendant de nuit, à 4 heures du matin, pour tenter de voler des pièces du véhicule du frère de M. X... et a directement concouru, en se mettant en danger, à la réalisation de son dommage, provoquant ainsi la réaction violente de M. X....
6. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la faute de la victime avait concouru, au moins pour partie, à la réalisation de son dommage, et décider qu'elle justifiait la réduction de son droit à indemnisation dans une proportion qu'elle a souverainement fixée.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. N...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que M. N... avait commis une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage et réduit à 30 % son droit à indemnisation ;
Aux motifs qu'il ressortait des pièces de la procédure que dans la nuit du 20 au 21 mars 2012, vers quatre heures, M. X..., réveillé par les aboiements de son chien, entendait des bruits de bricolage, se levait, s'armait d'une arme à feu, pensait que quelqu'un essayait de voler des pièces du véhicule de son frère garé devant son domicile, constatait la présence d'un homme à proximité des véhicules qui avait pris la fuite ; que s'étant lancé à sa poursuite, après une cinquantaine de mètres, l'individu montait dans un véhicule qu'il tentait de faire démarrer ; que s'en étant approché et pensant voir le conducteur faire un geste menaçant, il lui tirait dessus au travers de la vitre, le blessant au visage ; que le conducteur blessé avait à nouveau tenté de quitter les lieux en fracturant un véhicule Toyota appartenant à Mme M..., garé devant le sien ; que M. X... avait reconnu les faits et déclaré que M. N... lui avait demandé de ne pas appeler les secours ; qu'il résultait des investigations menées au cours de l'enquête que les véhicules du frère de M. X... et de Mme M... présentaient tous deux des traces d'effraction et de démontage de certaines pièces, celui de Mme M... présentant à l'intérieur comme à l'extérieur des traces de sang confirmant que M. N... avait tenté de le voler après avoir été blessé ; que de nombreux outils, principalement ciseaux, tournevis, pinces, clés plates et anglaises avaient été retrouvés dans l'habitacle du véhicule de M. N..., ainsi que des pièces mécaniques ; que M. N... avait des antécédents judiciaires pour vols et était recherché au moment des faits pour des vols de pièces automobiles commis dans des circonstances similaires ; qu'il était ainsi établi que M. N... était en train de commettre un vol lorsqu'il avait été victime de violences ; qu'il apparaissait donc que M. N..., coutumier du fait, eu égard aux pièces mécaniques et outils retrouvés dans l'habitacle de son véhicule, avait commis une faute en se rendant, de nuit, pour tenter de voler des pièces du véhicule du frère de M. X... qui avait directement concouru à la réalisation du dommage, provoquant la réaction violente de M. X... ; qu'il convenait de réduire à 30 % son droit à indemnisation ;
Alors que la faute de la victime ne peut réduire son droit à indemnisation en l'absence de lien de causalité direct et certain entre cette faute et le dommage qu'elle a subi par suite des violences volontaires exercées sur elle ; qu'en ayant considéré que l'éventuelle tentative d'effraction de véhicules venait limiter le droit à indemnisation de M. N..., cependant que M. X..., dont l'existence n'était pas menacée par M. N..., l'avait poursuivi sur cinquante mètres et avait tiré sur son visage à bout portant à travers la vitre d'un véhicule à bord duquel il avait pris place pour fuir son agresseur, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement qui avait alloué la somme de 8 077,50 euros à M. N... au titre de frais divers incluant la tierce personne avant la consolidation ;
Aux motifs que l'expert judiciaire avait retenu un besoin d'aide par une tierce personne d'une heure par jour après consolidation, pour la communication en vue de démarches administratives et de recherches d'emploi ; que retenant aussi ce besoin du 2 avril au 15 août 2012 et du 23 août 2012 au 21 mars 2015, soit un total de 1 077 jours, le premier juge avait évalué l'indemnité sur une base de 15 euros l'heure ; qu'il était certain qu'avant la consolidation de ses blessures, M. N... n'avait pas de besoin en matière de tierce personne pour la communication puisqu'il n'avait aucune démarche à accomplir ; qu'en conséquence, il convenait de le débouter de cette demande ;
Alors que l'assistance par tierce personne pour la communication avec autrui n'est pas subordonnée à la preuve de démarches en vue de retrouver un emploi ; qu'en infirmant le jugement ayant alloué une indemnité à ce titre pour la période du 2 avril 2012 et au 21 mars 2015 en raison du fait que M. N... n'aurait eu aucune démarche à accomplir avant la consolidation, cependant que l'expert avait fixé ce poste de préjudice pour la « communication, déplacement, contacts administratifs, recherche d'emploi », si bien que ce besoin n'était pas limité à des démarches administratives mais s'étendait à tous les besoins de la vie courante, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime.