LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 septembre 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 675 F-D
Pourvoi n° M 19-18.992
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020
La société Stone Design, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 19-18.992 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société des 4 Feuilles, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société Stone Design, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société des 4 Feuilles, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 mai 2019), la société Stone Design, locataire de locaux commerciaux appartenant à la société civile immobilière (SCI) des 4 Feuilles, a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er avril 2015, puis a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé à 43 950 euros et en remboursement d'une certaine somme versée au titre des loyers et du dépôt de garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
3. La société Stone Design fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution d'un trop-perçu au titre du dépôt de garantie, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et s'expliquer sur tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en cause d'appel, la société Stone Design a versé aux débats en pièce 11 les justificatifs de paiement du dépôt de garantie ; que la cour d'appel, qui a rejeté la demande en restitution du dépôt de garantie aux motifs que les parties n'apportaient aucun élément en appel de nature à modifier l'appréciation concrète du premier juge sans examiner les nouveaux éléments de preuve versés aux débats par l'exposante, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
4. Il résulte de ce texte que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions.
5. Pour rejeter la demande de la société Stone Design en restitution d'une certaine somme au titre du dépôt de garantie, l'arrêt retient que c'est par de justes motifs adoptés que la décision entreprise a rejeté la demande et fait droit à la demande reconventionnelle de la SCI des 4 Feuilles au titre du reliquat du dépôt de garantie non versé et que les parties n'apportent aucun élément en appel de nature à modifier l'appréciation concrète du premier juge.
6. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur les nouveaux éléments de preuve produits en appel par la société Stone design et notamment sur la pièce n° 11 intitulée « justificatifs de paiement du dépôt de garantie par Stone design », la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Stone Design en restitution d'une certaine somme au titre du dépôt de garantie et la condamne à payer une somme de 3491,16 euros TTC à titre de complément de dépôt de garantie, l'arrêt rendu le 14 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la SCI des 4 Feuilles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI des 4 Feuilles et la condamne à payer à la société Stone Design la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société Stone design
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2015 à la somme annuelle en principal de 51.637,20 € hors charges et hors taxes
Aux motifs que le tribunal a suivi l'évaluation de l'expert sur la valeur locative des locaux bâtis soit 1700,5 m² pondérée à 1480 m², évalué à 27,71 € hors taxes et hors charges par m² soit 41.010,80 € de loyer annuel, il y a ajouté un loyer de 10.625,20 € pour les locaux non bâtis au regard de l'activité de la SARL Stone Design tailleur de pierre considérant que l'expert a omis de valoriser la superficie de 3834,43 m² du terrain non bâti, il a donc fixé le loyer à la somme de 51.637,20 € ; la SARL Stone Design conteste cette appréciation relative au loyer pour le terrain non bâti qu'elle estime être une erreur du juge et fait valoir qu'elle a demandé à l'expert dans un dire de préciser si sa méthode d'évaluation avait tenu compte du terrain, ce à quoi il a répondu par l'affirmative par mail du 28 avril 2018 ; la SCI des 4 Feuilles reproche à l'expert de n'avoir pas pris en compte la destination très spécifique de l'ensemble immobilier et avoir retenu que des locaux même construits pour l'activité de taille de pierre sont réutilisables pour une autre activité et a fondé donc son évaluation sur la comparaison des prix pratiqués dans le voisinage sans retenir une valeur spécifique pour le terrain et sans tenir compte des travaux considérables effectués par le bailleur pour l'aménagement des locaux pour leur usage spécifique alors que sa comparaison porte sur des locaux industriels nus et vides ; le juge a fait une exacte appréciation en attribuant une valeur pondérée alors qu'il le mentionne comme accessoire indispensable ; or compte-tenu de l'activité particulière de la SARL Stone Design il est indéniable que le terrain non bâti est important et indispensable à l'activité pour le stockage et la manutention des blocs de pierre ; en effet le terrain est utilisé par la SARL non seulement comme dégagement et circulation entre les bâtiments mais réellement pour l'exercice de son activité qui ne pourrait pas se concevoir dans les mêmes conditions en l'absence de terrain non bâti ; bien que l'expert affirme dans un mail adressé sur demande de la SARL Stone Design près d'un an après le dépôt du rapport avoir tenu compte du non bâti pour évaluer le bâti, ceci ne ressort pas de façon explicite ni dans sa méthode ni dans son calcul ; la spécificité de l'activité de la locataire et la grande surface non bâtie dont elle dispose à cette fin doit être prise en compte de façon spécifique d'autant que l'évaluation du loyer se fait au regard de la totalité de la surface louée et non de la seule surface exploitable ni même la seule surface bâtie, la pondération des surfaces selon leur utilisation venant corriger et affiner l'évaluation du loyer des m² loués ; pour le surplus, c'est pas référence expresse aux motifs adoptés de la décision entreprise que la cour retiendra l'évaluation du loyer de la surface bâtie au montant de 27,71 € le m² soit 41.010 € de loyer annuel, faite par l'expert selon une méthode de comparaison avec les prix pratiqués dans le voisinage excluant toute notion de monovalence pour les locaux loués et en y ajoutant comme l'a fait le premier juge une somme supplémentaire de 10.625,20 € pour la surface non bâtie pleinement utilisée pour l'activité spécifique ; la décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a fixé le loyer renouvelé à la somme totale annuelle de 51.637,20 €, les deux parties étant déboutées de leurs prétentions contraires ;
1-Alors que les juges ont l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause; qu'en pages 22 le rapport d'expertise mentionne que pour déterminer la valeur locative l'expert a utilisé la méthode d'évaluation par comparaison au m² pondéré consistant à déterminer à partir de la surface brute du bien loué, la surface pondérée, puis de multiplier cette valeur par le prix au m² déterminé ci-avant par l'expert ; que page 21, l'expert a indiqué qu'il avait déterminé la valeur de base à retenir en pondérant les valeur appliquées ou proposées pour tenir compte des caractéristiques propres des biens et des références suivantes : référence 2 : entrepôt de 700 m² avec terrain ; référence 3- entrepôt d'une surface de 490 m² sur un terrain clos de 10.000 m² ; référence 5 local d'activité d'une surface de 1400 m² sur zone disposant d'un vaste parking ; qu'ainsi il a pris en considération l'ensemble formé par le bâti et le non bâti pour calculer la valeur unique au m², ce dont il résultait qu'il a tenu compte des terrains pour évaluer la valeur locative du bien loué selon la méthode d'évaluation par comparaison au m² pondéré ; que la cour d'appel qui a retenu que l'expert avait procédé à l'évaluation des locaux bâtis, mais qu'il n'avait pas évalué le terrain en surface pondérée a dénaturé le rapport d'expertise de Monsieur Y... et violé le principe sus-énoncé
2-Alors que le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative ; que la valeur locative peut être calculée en s'attachant à la valeur des seules constructions mais en tenant compte de l'exploitation que l'ensemble formé par les constructions et le terrain permet de développer ; qu'il résulte du rapport d'expertise (p. 21 et 22 ) que pour déterminer la valeur locative l'expert a utilisé la méthode d'évaluation par comparaison au m² pondéré consistant à calculer une surface pondérée totale de l'ensemble bâti à laquelle est appliquée une valeur unique au m² ; que l'expert a calculé la valeur unique au m² par comparaison aux prix couramment pratiqués dans le voisinage, en fonction de la superficie des terrains bâtis mais en prenant en considération l'ensemble formé avec les terrains non bâtis selon les références suivantes : (- référence 2 : entrepôt de 700 m² avec terrain ; référence 3- entrepôt d'une surface de 490 m² sur un terrain clos de 10.000 m² ; référence 5 local d'activité d'une surface de 1400 m² sur zone disposant d'un vaste parking ) ; que la Cour d'appel qui a énoncé que l'expert avait procédé à l'évaluation des locaux bâtis, mais qu'il n'avait pas évalué en surface pondérée le terrain, de sorte qu'il convenait d'ajouter au prix du loyer calculé par l'expert, un loyer pour la surface non bâtie du bien loué, a fixé la valeur locative en tenant compte deux fois de la partie non bâtie du bien loué en violation de l'article L. 145-33 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Stone Design de sa demande de restitution du trop-perçu de dépôt de garantie
Aux motifs propres que le premier juge sera totalement approuvé en ce qu'il a calculé les restitutions dures par la bailleresse à la locataire sur la base du loyer ainsi défini et en fonction des sommes versées dûment justifiées par les pièces produits, la cour se référant expressément aux motifs adoptés sur ce point ; c'est également par de justes motifs adoptés que la décision entreprise a rejeté la demande de restitution de la SARL Stone Design au titre du dépôt de garantie et a fait droit à la demande reconventionnelle de la SCI des 4 euilles au titre du reliquat du dépôt de garantie non versé ; les parties n'apportent aucun élément en appel de nature à modifier l'appréciation concrète du premier juge ;
Et aux motifs adoptés que la demanderesse soutient avoir réglé un dépôt de garantie de 18.984,48 € TTC mais ne l'établit pas ; au contraire, l'avenant du 2 juillet 2007 précise que celui-ci a été portée à 12.000 € ; sa demande de restitution à ce titre doit en conséquence être rejetée au profit de l'accueil de la demande reconventionnelle, du moins en son principe et à concurrence de 3491,16 € TTC
Alors que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et s'expliquer sur tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en cause d'appel, la société Stone Design a versé aux débats en pièce 11 les justificatifs de paiement du dépôt de garantie ; que la Cour d'appel qui a rejeté la demande en restitution du dépôt de garantie aux motifs que les parties n'apportaient aucun élément en appel de nature à modifier l'appréciation concrète du premier juge sans examiner les nouveaux éléments de preuve versés aux débats par l'exposante a violé l'article 455 du code de procédure civile.