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24/09/2020 | FRANCE | N°19-15816

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 septembre 2020, 19-15816


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 septembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 817 F-D

Pourvoi n° J 19-15.816

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020

Mme J... I..., épouse E..., domiciliée [...] , a formé le

pourvoi n° J 19-15.816 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale), dans le litige l'op...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 septembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 817 F-D

Pourvoi n° J 19-15.816

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020

Mme J... I..., épouse E..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° J 19-15.816 contre l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale), dans le litige l'opposant à la caisse de Mutualité sociale agricole de Picardie, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme I..., de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse de Mutualité agricole de Picardie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 février 2019), la caisse de Mutualité sociale agricole de Picardie ayant refusé de reconnaître le caractère professionnel du syndrome dépressif réactionnel sévère présenté par Mme I..., celle-ci a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. Mme I... fait grief à l'arrêt de l'arrêt de ne pas indiquer la composition de la cour lors du délibéré, alors « que les jugements qui ne mentionnent pas le nom des juges sont nuls ; que le vice ne peut être réparé, l'inobservation des prescriptions légales résultant de la décision elle-même ; que l'arrêt attaqué mentionne au titre de la composition de la cour lors du délibéré : « Mme H... L... en a rendu compte à la formation de la 2e chambre, protection sociale de la cour, composée en outre de et , conseillers, qui a délibéré conformément à la loi » ; que les noms des magistrats ayant participé à ce délibéré n'étant pas mentionnés dans l'arrêt, il est nul en application des articles 454, 458 et 459 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 454, 458 et 459 du code de procédure civile :

3. En vertu de ces textes, les décisions de justice qui ne mentionnent pas le nom des juges sont nulles. Le vice ne peut être réparé, l'inobservation des prescriptions légales résultant de la décision elle-même.

4. L'arrêt attaqué indique que les débats ont eu lieu devant le président, rapporteur, lequel a entendu sans opposition de leur part les avocats des parties et en a rendu compte à la formation de la 2e chambre, protection sociale, de la cour, « composée en outre de et, conseillers, qui en a délibéré conformément à la loi. »

5. Il ressort de ces énonciations, qui ne peuvent être couvertes par une simple lettre d'un greffier, lequel n'assiste pas au délibéré, que la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés.

6. L'arrêt est, dès lors, nul.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne la caisse de Mutualité sociale agricole de Picardie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président et M. Prétot, conseiller doyen, en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en l'audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme I....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué de ne pas indiquer la composition de la cour lors du délibéré ;

alors que les jugements qui ne mentionnent pas le nom des juges sont nuls ; que le vice ne peut être réparé, l'inobservation des prescriptions légales résultant de la décision elle-même ; que l'arrêt attaqué mentionne au titre de la composition de la cour lors du délibéré : « Mme H... L... en a rendu compte à la formation de la 2e chambre, Protection sociale de la cour, composée en outre de et , conseillers, qui a délibéré conformément à la loi » ; que les noms des magistrats ayant participé à ce délibéré n'étant pas mentionnés dans l'arrêt, il est nul en application des articles 454, 458 et 459 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme I... tendant à voir reconnaître sa maladie comme relevant de la législation des maladies professionnelles ;

Aux motifs propres que, employée polyvalente au sein de la SAS « Champagne A... E... » dirigée par son époux, Mme I... épouse E... a présenté un état dépressif sévère réactionnel occasionnant un arrêt maladie à compter du 13 juillet 2007 ; qu'elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon, en reconnaissance de maladie professionnelle, après rejet de son recours le 10 mai 2011 par la commission de recours amiable de la Mutualité Sociale Agricole ; que par jugement rendu le 6 mars 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon a renvoyé le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Champagne-Ardenne pour avis motivé ; que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles par avis du 6 septembre 2012, a relevé qu'il existait entre la requérante et son époux une discorde conjugale manifeste, de sorte qu'il ne pouvait être établi de lien direct et essentiel entre la pathologie invoquée et le travail effectué ; que par jugement rendu le quatre décembre 2012 [en réalité, 4 juin 2013], dont appel, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon a débouté Mme I... de ses demandes, au motif que la pathologie dont souffrait Mme I... épouse E... ne pouvait être imputée prioritairement à sa vie professionnelle ; que c'est dans ces circonstances que la cour, saisie de l'appel relevé à l'encontre du jugement précité, a renvoyé le dossier devant le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Rouen-Normandie, lequel a estimé que le caractère essentiel du lien entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle de Mme I... épouse E... ne pouvait être retenu ; qu'aux termes de ses écritures visant à l'infirmation du jugement déféré, Mme I... soutient que le texte des articles L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige n'exige pas que la maladie ait pour cause exclusive le travail habituel de la victime, qu'il suffit qu'il puisse exister un lien de causalité direct entre le travail et la maladie, et que la maladie trouve en tout ou partie sa cause dans l'exercice professionnel de la victime ; qu'elle précise qu'une procédure de divorce très contentieuse entre les époux l'oppose à M. E..., que celui-ci a été reconnu coupable de dénonciation calomnieuse à son encontre suivant arrêt rendu le 14 novembre 2016 par la cour d'appel d'Amiens, et que cette procédure démontre que M. E... a sciemment utilisé sa qualité de président de la SAS « Champagne A... E... », et de supérieur hiérarchique, pour lui faire subir dans le cadre de son travail un harcèlement moral à l'origine de la maladie professionnelle dont la reconnaissance est demandée ; qu'elle observe qu'il serait choquant de considérer que le lien matrimonial existant entre la salariée et son employeur serait exclusif de toute maladie professionnelle ; que la MSA de Picardie conclut à la confirmation du jugement déféré ayant débouté Mme I... de la demande de prise en charge de la pathologie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'elle indique qu'en vertu de l'article L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, la maladie doit être essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime pour être reconnue d'origine professionnelle, et que d'autres causes à l'origine de la maladie constituent un obstacle à cette reconnaissance ; qu'elle fait valoir que le CRRMP de Rouen-Normandie a rendu un avis similaire à celui des CRRMP de Nord Picardie du 26 janvier 2011, et de Nancy-Nord est du 27 juin 2012, et que le caractère essentiellement professionnel ne peut être retenu dans la pathologie de Mme I... ; qu'aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : «
est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé

la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles
» ; que si l'exigence d'un lien direct et essentiel avec l'activité professionnelle n'exclut pas nécessairement l'incidence de facteurs autres que professionnels, il est toutefois nécessaire que les facteurs professionnels constituent un élément déterminant dans l'apparition de la maladie ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Mme I... présente un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % ; qu'en revanche, s'agissant du lien direct et essentiel avec l'activité professionnelle visé à l'article précité, force est de constater que ce lien n'est pas établi ; qu'en effet, le CRRMP de Rouen Normandie, dans le même sens que les précédents CRRMP désignés, a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme I... en ces termes : «
Après avoir pris connaissance de l'ensemble des éléments du dossier, le CRRMP constate, à partir de 2004, une dégradation des conditions de travail et des relations avec l'employeur de Madame E... ; cependant, il existe dans ce dossier une intrication entre la situation professionnelle et la vie personnelle de Madame E..., dont l'employeur était également l'époux. Pour ces raisons, le caractère essentiel du lien entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle de Madame E... ne peut être retenu » ; qu'en considération de ces éléments, qui ne sont pas utilement remis en cause par les pièces versées par Mme I..., la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ses demandes visant à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée ; et aux motifs réputés adoptés que, selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale «
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1 » ; que selon l'article R. 461-8 du code de procédure civile (sic), le taux d'incapacité mentionné au quatrième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 % ; qu'ainsi, à la différence du cas de la maladie professionnelle répertoriée dans un tableau, mais qui ne remplit pas toutes les conditions administratives figurant dans celui-ci (délai de prise en charge, durée d'exposition, liste des travaux), une maladie hors tableau ne peut être reconnue comme maladie professionnelle que si elle est essentiellement et directement causée par le travail ; que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles saisi par le tribunal a considéré, le 6 septembre 2012, après avoir rappelé que Mme E..., employée polyvalente dans une exploitation agricole dirigée par son époux, avait rédigé le 13 juillet 2010 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre de l'alinéa 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale (troubles dépressifs sévères), appuyée par un certificat médical initial du 28 juin 2010, que : « La lecture des documents présents au dossier permet d'apprendre qu'il existe une discorde conjugale manifeste, de sorte qu'il est impossible de faire la part de ce qui revient à la vie privée et au contexte professionnel. Il ne peut être établi de lien direct et essentiel entre la pathologie invoquée et le travail effectué » ; que si Mme E... présente bien un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 %, en revanche, la MSA lui refuse la prise en charge au titre de la législation professionnelle à défaut de lien direct et essentiel entre sa pathologie et son activité professionnelle ; qu'au soutien de sa demande, Mme E... expose qu'il ne peut être retenu, sans se contredire, qu'il est impossible de faire la part du professionnel et du privé et qu'il y aurait une absence de rapport de causalité entre la maladie et l'exercice professionnel ; qu'elle ajoute que le texte n'exige pas que la maladie ait pour cause exclusive le travail habituel de la victime, mais il suffit qu'il puisse exister un lien de causalité direct entre ledit travail et la maladie, l'existence de ce lien n'étant d'ailleurs pas contestée en l'espèce ; que Mme E... précise qu'elle a débuté son activité au sein de la société Champagne A... E... de son époux dès l'année 1996, n'ayant toutefois été déclarée officiellement que depuis l'année 2002, et qu'elle a consacré l'essentiel de son temps à son travail tandis que son époux résidait au Cameroun au minimum 6 mois dans l'année, étant par ailleurs propriétaire d'une société de chasse ; qu'au titre des faits qui ont concouru à sa maladie, elle évoque notamment la soustraction de son véhicule de fonction pour l'empêcher d'aller travailler, l'instrumentalisation de la justice au travers du dépôt de plainte de son époux pour abus de confiance, procédure achevée par un réquisitoire définitif de non-lieu ; qu'elle précise qu'elle se trouve en arrêt de maladie sans discontinuité depuis le 13 juillet 2007 pour un syndrome dépressif réactionnel ayant pour cause le harcèlement moral que lui a fait subir M. E..., principalement en sa qualité d'employeur ; qu'elle se réfère aux conclusions du Dr B..., expert désigné par la MSA et aux certificats de son psychiatre, pour affirmer que la cause professionnelle de sa maladie ne peut ni être exclue ni minimisée et que les facteurs privés n'en sont pas la cause privilégiée ; que Mme E... évoque encore les pressions psychologiques répétées allant jusqu'à la maltraitance managériale commise par son époux, dans le cadre du travail ; qu'en premier lieu, il convient d'observer que les imprimés réservés aux avis des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles prévoient deux cases offrant deux choix au comité : « existence » ou « absence de rapport de causalité établi entre la maladie soumise à instruction et les expositions incriminées » ; qu'en cochant la deuxième case, le comité ne fait que répondre par la négative à la question de l'existence du lien exigé par le texte susvisé, la motivation précisée ensuite dans son avis permettant de comprendre les raisons l'ayant conduit à retenir l'absence de causalité ; qu'en l'espèce, l'impossibilité de déterminer, compte tenu de leur étroite imbrication, le rôle respectif des événements de la vie privée et de la vie professionnelle dans la survenance de la maladie a conduit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles à conclure à l'absence de lien de causalité au sens du texte, savoir, un lien direct et essentiel ; qu'il n'existe donc pas de contradiction dans les motifs de l'avis critiqué ; que le dossier particulièrement documenté fourni par la demanderesse permet de prendre la mesure du conflit qui existe depuis plusieurs années entre elle-même et son époux, qui fut également son employeur ; qu'il ressort en filigrane des griefs originaires articulés à l'encontre de M. E... que la demanderesse n'a pas supporté, alors qu'elle s'investissait dans le développement de l'activité de la société de champagne de son époux, au sein de laquelle elle a été officiellement employée à compter de 2002, que ce dernier consacre la moitié de son temps à son activité de chasse en Afrique ; que la situation du couple s'est alors dégradée et l'on puise dans les certificats médicaux produits aux débats les éléments permettant de comprendre l'évolution de la situation ; que les certificats médicaux de prolongation visent tous un « état de stress post-traumatique » et un « état dépressif réactionnel » et ne renseignent donc pas sur l'origine de la maladie ; que les certificats médicaux établis par le médecin psychiatre renseignent certes sur l'état de sa patiente et les causes de la maladie, mais évoluent au fil du temps, comme pour mieux s'adapter aux besoins des diverses procédures existant entre les époux (plaintes, procédure de divorce, procédure prud'homale, présente procédure) ; qu'ainsi, le certificat du Dr S... du 16 mai 2011 (comme celui du 2 décembre 2010) évoque le suivi de Mme E... depuis le 22 avril 2008 « suite à des troubles dépressifs sévères à type réactionnels évoluant depuis plusieurs années, dans le cadre d'un état de stress post-traumatique provoqué par des conflits liés à son activité professionnelle » ; que quelques lignes plus loin, le psychiatre indique que « sa symptomatologie s'est encore aggravée ce dernier temps compte tenu du conflit toujours d'actualité, qui l'oppose à son employeur » ; qu'ainsi, même si la description de la pathologie de Mme E... n'est pas remise en doute, ce certificat est réellement rédigé de façon à orienter cette maladie vers une origine purement professionnelle ; que ce d'autant qu'un certificat du même psychiatre daté du 24 juin 2011, rappelle également le suivi de Mme E... « suite à des troubles dépressifs sévères à type réactionnels évoluant depuis plusieurs années, dans le cadre d'un état de stress post-traumatique provoqué par des conflits liés à son activité professionnelle
» avec cette précision cette fois, et non contenue dans le certificat du mois précédent «
et à sa vie conjugale, marquée par de multiples agressions verbales et physiques de la part de son conjoint qui était en même temps son employeur » ; que ce certificat oriente davantage la pathologie de Mme E... vers la sphère privée ; que ce certificat permet également d'identifier la nature des événements traumatiques vécus par Mme E... : « Suite à l'audition du 21 juin 2011 auprès du Juge d'instruction du TGI de Laon, lors de laquelle elle a dû revenir sur le détail des souvenirs traumatiques liés aux maltraitances physiques et psychiques, telles les coups et blessures ainsi que les sévices sexuels subis et constatés lors des multiples certificats médicaux établis par plusieurs collèges attestant des éléments cliniques retrouvés » ; qu'alors que dans le cadre de la présente procédure Mme E... met davantage en avant des faits de harcèlement psychologique (privation d'un véhicule pour se rendre à son travail, expulsion de ses chevaux, utilisation du personnel de la société pour la dévaloriser, etc.), force est de constater que les événements traumatiques qui se trouvent, selon son propre psychiatre, à l'origine de sa pathologie, sont ceux qu'elle a dû revivre pendant l'information judiciaire et qui se sont déroulés dans la sphère privée ; que le certificat médical du Dr S... du 15 novembre 2011 ne relate plus le suivi de Mme E... qu'en ces termes « suite à des troubles dépressifs sévères à type réactionnels évoluant depuis quelques années, dans le cadre d'un état de stress post-traumatique » sans plus évoquer leur origine professionnelle ou conjugale ; qu'il y est précisé : « L'état psychique et comportemental de Mme E... est toujours bien perturbé suite aux multiples agressions physiques et/ou psychologiques subies depuis le début du conflit », conflit dont la nature n'est pas davantage précisée ; qu'en revanche, quelques jours avant que ne soit évoquée l'affaire devant la présente juridiction après l'avis du second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, soit le 4 décembre 2012, le certificat médical du Dr S... du 28 novembre 2012 est rédigé dans les mêmes termes, mais précise : « L'état psychique et comportemental de Mme E... est toujours bien perturbé suite aux multiples agressions physiques et/ou psychologiques subies depuis le début du conflit qui l'oppose à son employeur » ; que force est donc de constater que la rédaction des certificats médicaux émanant du psychiatre de Mme E... varie en fonction des nécessités de la procédure rendant impossible, comme l'a justement relevé le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la distinction des événements traumatiques liés à la vie conjugale de ceux liés à la vie professionnelle ; et que l'analyse des éléments produits par Mme E... conduit en toute hypothèse à considérer que l'origine de la dépression de la demanderesse se situe naturellement dans le cadre de sa vie conjugale puisqu'elle ne supportait pas les absences de son époux pendant qu'elle s'occupait de la société de celui-ci ; qu'ensuite, les difficultés privées et professionnelles se sont trouvées tellement imbriquées qu'il n'est pas davantage établi que la maladie professionnelle fut essentiellement causée par le travail habituel de la victime ; que si l'état dépressif de Mme E... est lié aussi bien au harcèlement et à la maltraitance qu'elle justifie au demeurant avoir vécus dans le cadre de sa vie professionnelle qu'aux violences, quelles qu'elles furent, subies dans le cadre de sa vie conjugale, il n'est pas permis, sans violer le texte susvisé, de se contenter d'une participation égale ou confuse des deux facteurs ; que d'ailleurs, le rapport du Dr B... auquel se réfère Mme E... est très clair à ce sujet : « Le travail de Mme E... a joué un rôle dans la genèse des troubles dépressifs réactionnels. Aux dires de Mme E..., mais également de tous les courriers médicaux et les attestations fournis, il est évident que le syndrome dépressif trouve son origine dans les difficultés relationnelles avec son époux, qui est aussi son employeur. La vie personnelle et la vie professionnelle sont totalement imbriquées puisque Mme E... travaillait pour son époux, initialement non déclarées et vivait également sur son lieu de travail » ; que Mme E... soutient que, si sans être l'épouse du président de la société, elle avait subi les mêmes conditions de harcèlement sur son lieu de travail, de mépris et d'humiliation
; que la MSA n'aurait pas manqué de reconnaître la maladie professionnelle subie par la salariée ; mais que certes c'est précisément son statut d'épouse, et la nature également des événements traumatiques, qui rendent impossible la détermination du caractère essentiel du lien de causalité devant, selon la loi, exister entre la pathologie et le travail ; car, si en l'espèce le lien de causalité est établi, c'est bien la prédominance des facteurs professionnels qui fait défaut ; que même si l'exigence d'un lien direct et essentiel avec le métier exercé n'exclut pas nécessairement l'incidence d'autres facteurs que professionnels, il est cependant nécessaire que les facteurs professionnels constituent l'élément perturbateur déterminant et prépondérant dans l'apparition de la maladie ; et que le fait que Mme E... n'ait jamais souffert auparavant de troubles dépressifs ne crée pas ce lien maladie/travail, mais corrobore simplement l'apparition de sa pathologie avec la dégradation de sa vie de couple, pathologie qu'elle ne parvient pas à imputer prioritairement à sa vie professionnelle ; qu'il convient dans ce contexte de confirmer la décision de la commission de recours amiable de la MSA du 10 mai 2011 et de débouter Mme E... de l'ensemble de ses demandes ;

alors que peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée, non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime ; que les différents comités de reconnaissance de maladies professionnelles ayant constaté la dégradation des conditions de travail en raison du comportement de l'employeur, en refusant la prise en charge d'un syndrome dépressif aux motifs inopérants que l'employeur était par ailleurs l'époux de l'assurée, la cour d'appel a violé l'article L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-15816
Date de la décision : 24/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 28 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 sep. 2020, pourvoi n°19-15816


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15816
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