La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2020 | FRANCE | N°19-20952

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 septembre 2020, 19-20952


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 626 F-D

Pourvoi n° S 19-20.952

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

M. J... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-20.

952 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Limoges (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme S... R..., ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 septembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 626 F-D

Pourvoi n° S 19-20.952

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2020

M. J... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-20.952 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Limoges (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme S... R..., domiciliée [...] ,

2°/ à la société LV cheminée, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de M. T..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme R..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société LV cheminée, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges,11 avril 2019), M. T..., se plaignant de nuisances provoquées par la cheminée d'une maison voisine, a, après expertise, assigné Mme R..., propriétaire de cette maison, et la société LV cheminée à laquelle celle-ci avait confié des travaux d'installation d'un insert, en sollicitant la remise aux normes de la cheminée et l'indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir ordonner la mise en conformité de la cheminée, alors « que dans ses conclusions d'appel, M. T... faisait valoir que les travaux réalisés par Mme R... sur la cheminée de son immeuble en 2009 devaient nécessairement respecter les normes en vigueur à cette date, et notamment les prescriptions de la norme DTU 24.2 édictées en 2006, selon laquelle, avant tout raccordement d'un insert sur un conduit de fumée existant, il devait être procédé à la vérification de la compatibilité du conduit avec son utilisation ; qu'en considérant que Mme R... ne pouvait se voir opposer aucune norme technique, au motif que la non-conformité initiale de l'installation était le fait de travaux d'agrandissement réalisés par M. T... en 1988, sans répondre aux conclusions d'appel susvisées faisant valoir que, malgré les travaux réalisés par M. T... en 1988, Mme R... devait respecter les normes en vigueur à la date des travaux réalisés en 2009, et donc la norme DTU 24.2 adoptée en 2006, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. Ayant retenu que le lien de causalité entre le fonctionnement de la cheminée et les nuisances alléguées n'était pas établi, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions relatives à une éventuelle non-conformité de la cheminée à la réglementation que ses constatations rendaient inopérantes.

4. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors :
« 1°/ que dans ses conclusions d'appel, M. T... faisait valoir que l'expert n'avait pas fait procéder à l'analyse des particules retrouvées sur son fonds et qu'il n'avait pas jugé utile de mettre la cheminée en action lors de son expertise, ce qui privait celle-ci de toute pertinence ; qu'en laissant sans réponse ces écritures pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le principe selon lequel "nul ne peut se constituer de preuve à soi-même" n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en écartant a priori les photographies et les dessins produits aux débats par M. T..., afin de rapporter la preuve de l'origine des désordres qu'il subissait, au motif adopté que "ces éléments ne constituent que des preuves faites à soi-même dont il convient de ne pas tenir compte", la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a constaté qu'il résultait du rapport de l'expert judiciaire que les vents dominants emportaient les fumées de cheminée dans la direction opposée de l'habitation de M. T..., que les salissures en façades, pignons et terrasse de l'immeuble de celui-ci étaient dues à la pollution urbaine et à des mousses et lichens, que les désordres affectant le sol de la terrasse trouvaient leur origine dans des remontées de calcite au droit des joints des dalles, les coulées noirâtres étant dues à la migration de l'eau sous les dalles carrelées, et que M. T... se plaignait de nuisances y compris en été alors que la cheminée ne fonctionnait pas.

7. En l'état de ces constatations, elle n'était pas tenue d'examiner les photographies et dessins produits par M. T... et destinés, selon lui, à illustrer la configuration des lieux et la distance séparant la cheminée de son immeuble, dès lors que celles-ci n'étaient pas contestées.

8. Elle a apprécié souverainement la valeur et de la portée du rapport d'expertise judiciaire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

9. Elle a ainsi pu retenir que le lien de causalité entre le fonctionnement de la cheminée et les nuisances alléguées n'était pas établi et rejeter, en conséquence, les demandes indemnitaires de M. T....

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. T... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. T....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. T... de sa demande tendant à ce que Mme R... soit condamnée sous astreinte à mettre en conformité la cheminée de son immeuble aux normes NF DTU 24.1 et 24.2 et à l'arrêté du 22 octobre 1969 ;

AUX MOTIFS QUE l'expert judiciaire a constaté que la cheminée de l'habitation de Mme R... respectait, avant 1988, la norme NF DTU 24-1 qui impose une distance d'au moins huit mètres entre une cheminée et l'habitation voisine; que c'est à la suite des travaux d'agrandissement de sa propre maison, exécutés par M. T... en 1988, que les extensions ainsi réalisées se sont trouvées à moins de huit mètres de la cheminée de Mme R... (rapport d'expertise p. 8 et 9) ; que la non-conformité au DTU est donc le fait, non pas de Mme R... mais de M. T... lui-même et qu'elle existait déjà lorsque Mme R... a fait installer son insert en 2009 (arrêt attaqué p. 3);

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (notifiées le 12 avril 2018, p. 7 al. 4 à 8), M. T... faisait valoir que les travaux réalisés par Mme R... sur la cheminée de son immeuble en 2009 devaient nécessairement respecter les normes en vigueur à cette date, et notamment les prescriptions de la norme DTU 24.2 édictées en 2006, selon laquelle, avant tout raccordement d'un insert sur un conduit de fumée existant, il devait être procédé à la vérification de la compatibilité du conduit avec son utilisation ; qu'en considérant que Mme R... ne pouvait se voir opposer aucune norme technique, au motif que la non-conformité initiale de l'installation était le fait de travaux d'agrandissement réalisés par M. T... en 1988, sans répondre aux conclusions d'appel susvisées faisant valoir que, malgré les travaux réalisés par M. T... en 1988, Mme R... devait respecter les normes en vigueur à la date des travaux réalisés en 2009, et donc la norme DTU 24.2 adoptée en 2006, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. T... de sa demande tendant à la condamnation solidaire de Mme R... et de la société LV Cheminée à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'expert judiciaire, après avoir procédé à un examen complet et précis des données techniques du litige, a retenu que les nuisances dont se plaint M. T... ne pouvaient avoir leur origine dans le fonctionnement de la cheminée de Mme R... ; qu'à cet égard, l'expert a relevé (rapport d'expertise p. 9 et 10) : - que les vents dominants emportaient les fumées de la cheminée à l'opposé de l'habitation de M. T..., - que les salissures en façades, pignons et terrasse de l'immeuble de M. T... étaient dues à la pollution urbaine et à des mousses et lichens agglutinés sur les parties exposées, - que le désordre affectant le sol de la terrasse trouvait son origine dans des remontées de calcite au droit des joints des dalles, - que les coulées noirâtres étaient dues à la migration de l'eau sous les dalles carrelées, - que le phénomène de salissure ou d'apparition de mousse était aggravé par l'absence de débords de toiture ainsi que par la présence proche de nombreux végétaux ; que M. T... se plaint de nuisances y compris en été, alors même que la cheminée n'est pas utilisée (rapport d'expertise p. 8), ce qui vient confirmer l'absence de lien de causalité entre ces nuisances et le fonctionnement de la cheminée (arrêt attaqué p. 3) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. T... tente de combattre les conclusions défavorables de l'expert en produisant des photographies ainsi que des dessins ; néanmoins, ces éléments ne constituent que des preuves faites à soi-même dont il convient de ne pas tenir compte. M. T... avait d'ailleurs déjà produit l'essentiel de ces documents à l'expert qui ne les pas jugés pertinents. Enfin, M. T... communique un projet de courrier à l'attention de son voisin sis [...] (adresse de Mme R...), aux termes duquel il reconnaît lui-même que « même pendant les mois d'été où le chauffage est généralement à l'arrêt, cette odeur de fumée continuait à pénétrer et se propageait par bouffées dans les pièces ». Cette simple phrase réduit à néant l'argumentation de M. T... puisqu'il admet de son propre chef que les nuisances ne sont pas liées au fonctionnement de la cheminée de Mme R... (jugement p. 6) ;

ALORS, d'une part, QUE dans ses conclusions d'appel (notifiées le 12 avril 2018, p. 6), M. T... faisait valoir que l'expert n'avait pas fait procéder à l'analyse des particules retrouvées sur son fonds et qu'il n'avait pas jugé utile de mettre la cheminée en action lors de son expertise, ce qui privait celle-ci de toute pertinence ; qu'en laissant sans réponse ces écritures pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE le principe selon lequel « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » n'est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en écartant a priori les photographies et les dessins produits aux débats par M. T..., afin de rapporter la preuve de l'origine des désordres qu'il subissait, au motif adopté que « ces éléments ne constituent que des preuves faites à soi-même dont il convient de ne pas tenir compte » (jugement, p. 6 al. 1er), la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-20952
Date de la décision : 23/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 11 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 sep. 2020, pourvoi n°19-20952


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.20952
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award